Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
1C 617/2012
Arrêt du 3 mai 2013
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
Merkli et Karlen.
Greffière: Mme Mabillard.
Participants à la procédure
A.________,
B.________,
C.________ SA,
toutes les trois représentées par Me Mark Barokas, avocat,
recourantes,
contre
ASLOCA, Association genevoise de défense des locataires, représentée par Me Christian Dandrès, avocat,
intimée,
Département de l'urbanisme du canton de Genève.
Objet
Aliénation d'appartements loués,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, du 30 octobre 2012.
Faits:
A.
En 1988, A.________, B.________ et C.________ SA ont acquis en copropriété, à raison respectivement de ¼, ¼ et ½, les parcelles 1'741 et 1'742 de la commune de Genève-Eaux-Vives. Sur ces bien-fonds est érigé principalement un bâtiment d'habitation comportant plusieurs logements, à l'adresse route xxx.
C.________ SA a pour actionnaires B.________ et son frère, D.________, qui est également l'administrateur de cette société.
B.
Le 31 janvier 1990, le département cantonal de l'aménagement, de l'équipement et du logement, devenu depuis lors le département des constructions et des technologies de l'information, puis le département de l'urbanisme (ci-après : le département), a accordé une autorisation de construire DD 84'408/2, autorisant les copropriétaires à transformer le bâtiment par une surélévation et par l'aménagement des combles en créant six appartements nouveaux, des garages et des locaux commerciaux.
La transformation de l'immeuble conformément à l'autorisation précitée ayant été bloquée par la survenance de problèmes de statique de l'immeuble, le département a délivré aux copropriétaires, le 14 décembre 1998, une autorisation de construire DD 84'408/5, complémentaire à la précédente. Le nombre d'appartements nouveaux construits en attique était réduit à trois et le nombre total des appartements dans le bâtiment passait à 23. Il était notamment prévu que les trois logements créés en attique par la surélévation étaient destinés soit à la location soit à la vente, sans restriction quant aux loyers ou aux prix, et que les vingt appartements existants étaient également destinés soit à la location soit à la vente, sous réserve des huit appartements occupés, mis au bénéfice de baux dont la prochaine échéance était fixée au 30 juin 2010.
C.
Par actes authentiques des 26 août et 9 octobre 2009, A.________, B.________ et C.________ SA ont réuni les parcelles 1'741 et 1'742 en une parcelle 3'303 et ont soumis celle-ci au régime de la propriété par étages (PPE), en créant des parts de copropriété par étages au nom des trois copropriétaires, à concurrence de leurs droits respectifs. Ceux-là étaient désormais, à concurrence respective de ¼, ¼ et ½, copropriétaires pour 1000/1000èmes de la parcelle 3'303.
Le 3 novembre 2009, les copropriétaires ont adressé au département une requête en autorisation d'aliéner, fondée sur la loi cantonale du 25 janvier 1996 sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (ci-après: la LDTR). Ils désiraient liquider le régime de copropriété existant entre eux et attribuer à titre de partage les unités d'étages immatriculées au registre foncier.
Dans le dossier déposé figurait un projet d'acte de partage-attribution par lequel les unités d'étages immatriculées au feuillet 3'303, qui constituaient les parts de copropriété par étages, le droit d'usage de places de stationnement et de box du garage souterrain, étaient réparties et attribuées en pleine propriété entre les différents copropriétaires, dans une proportion respectant celle de leurs droits de copropriété. L'opération ne donnait lieu au versement d'aucune soulte.
B.________ recevait notamment les lots nos 4.02, 4.04, 5.03, 5.04, 7.02, et 8.04-9.04, correspondant aux appartements liés aux unités d'étages 110, 112, 115, 116, 122, et 128 du feuillet 3303.
A.________ recevait notamment les lots nos 3.01, 3.03, 3.04, 6.01, 7.03 et 8.02-9.02, correspondant aux appartements liés aux unités d'étages 105, 107, 108, 117, 123, et 126 du feuillet 3'303.
C.________ SA recevait notamment les lots nos 3.02, 4.01, 4.03, 6.01, 6.03, 6.04, 7.01, 7.04 et 8.01-9.01, correspondant aux appartements liés aux unités d'étages 106, 109, 111, 117, 119, 120, 121, 124 et 125 du feuillet 3'303.
Selon un état locatif au 31 octobre 2009, tous les appartements précités, sauf un qui était annoncé vacant, étaient loués. Selon ce document, le lot n° 8.04-9.04 constituait un appartement de 11,5 pièces et les lots nos 3.01, 8.01-9.01 et 8.02-9.02 des appartements de 8,5 pièces.
D.
Par arrêté du 26 mai 2010, le département a autorisé le partage-attribution en question qui portait sur la délivrance de 23 autorisations d'aliéner. Il était notamment mentionné que les droits et obligations découlant des contrats de bail en cours et conclus au bénéfice de divers locataires seraient repris par les attributaires et que l'autorisation ne saurait être invoquée ultérieurement pour justifier une aliénation individualisée des vingt-trois appartements en application de l'art. 39 al. 4 let. d LDTR.
L'ASLOCA a recouru contre cette autorisation auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après: le TAPI), qui, après avoir procédé à l'audition des parties, a rejeté le recours le 2 novembre 2011.
Par arrêt du 30 octobre 2012, la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) a admis le recours de l'ASLOCA contre le jugement précité du TAPI. Elle a considéré en substance que le partage-attribution conduisait à une diminution de la protection du parc locatif en accentuant le risque que, par une vente ultérieure, l'un ou l'autre des appartements perde son affectation locative.
E.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________, B.________ et C.________ SA demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour de justice du 30 octobre 2012 et de confirmer l'arrêté du département du 26 mai 2010 ainsi que le jugement du TAPI du 2 novembre 2011. Subsidiairement, elles concluent au renvoi de la cause à la Cour de justice pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Les recourantes reprochent pour l'essentiel à la cour cantonale d'avoir appliqué arbitrairement le droit cantonal et d'avoir violé les principes de l'égalité, de la proportionnalité, de la garantie de la propriété, de la primauté du droit fédéral et de la bonne foi.
La Cour de justice s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Le département propose l'admission du recours et l'ASLOCA conclut à son rejet. Dans leur réplique, les recourantes ont indiqué persister dans leurs conclusions.
Considérant en droit:
1.
Dirigé contre une décision rendue en dernière instance cantonale dans le domaine du droit public des constructions, le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public conformément aux art. 82 ss
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 82 Principe - Le Tribunal fédéral connaît des recours: |
|
a | contre les décisions rendues dans des causes de droit public; |
b | contre les actes normatifs cantonaux; |
c | qui concernent le droit de vote des citoyens ainsi que les élections et votations populaires. |
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 83 Exceptions - Le recours est irrecevable contre: |
|
a | les décisions concernant la sûreté intérieure ou extérieure du pays, la neutralité, la protection diplomatique et les autres affaires relevant des relations extérieures, à moins que le droit international ne confère un droit à ce que la cause soit58 jugée par un tribunal; |
b | les décisions relatives à la naturalisation ordinaire; |
c | les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent: |
c1 | l'entrée en Suisse, |
c2 | une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit, |
c3 | l'admission provisoire, |
c4 | l'expulsion fondée sur l'art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi, |
c5 | les dérogations aux conditions d'admission, |
c6 | la prolongation d'une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d'emploi du titulaire d'une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation; |
d | les décisions en matière d'asile qui ont été rendues: |
d1 | par le Tribunal administratif fédéral, sauf celles qui concernent des personnes visées par une demande d'extradition déposée par l'État dont ces personnes cherchent à se protéger, |
d2 | par une autorité cantonale précédente et dont l'objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit; |
e | les décisions relatives au refus d'autoriser la poursuite pénale de membres d'autorités ou du personnel de la Confédération; |
f | les décisions en matière de marchés publics: |
fbis | les décisions du Tribunal administratif fédéral concernant les décisions visées à l'art. 32i de la loi fédérale du 20 mars 2009 sur le transport de voyageurs65; |
f1 | si elles ne soulèvent pas de question juridique de principe; sont réservés les recours concernant des marchés du Tribunal administratif fédéral, du Tribunal pénal fédéral, du Tribunal fédéral des brevets, du Ministère public de la Confédération et des autorités judiciaires supérieures des cantons, ou |
f2 | si la valeur estimée du marché à adjuger est inférieure à la valeur seuil déterminante visée à l'art. 52, al. 1, et fixée à l'annexe 4, ch. 2, de la loi fédérale du 21 juin 2019 sur les marchés publics63; |
g | les décisions en matière de rapports de travail de droit public qui concernent une contestation non pécuniaire, sauf si elles touchent à la question de l'égalité des sexes; |
h | les décisions en matière d'entraide administrative internationale, à l'exception de l'assistance administrative en matière fiscale; |
i | les décisions en matière de service militaire, de service civil ou de service de protection civile; |
j | les décisions en matière d'approvisionnement économique du pays qui sont prises en cas de pénurie grave; |
k | les décisions en matière de subventions auxquelles la législation ne donne pas droit; |
l | les décisions en matière de perception de droits de douane fondée sur le classement tarifaire ou le poids des marchandises; |
m | les décisions sur l'octroi d'un sursis de paiement ou sur la remise de contributions; en dérogation à ce principe, le recours contre les décisions sur la remise de l'impôt fédéral direct ou de l'impôt cantonal ou communal sur le revenu et sur le bénéfice est recevable, lorsqu'une question juridique de principe se pose ou qu'il s'agit d'un cas particulièrement important pour d'autres motifs; |
n | les décisions en matière d'énergie nucléaire qui concernent: |
n1 | l'exigence d'un permis d'exécution ou la modification d'une autorisation ou d'une décision, |
n2 | l'approbation d'un plan de provision pour les coûts d'évacuation encourus avant la désaffection d'une installation nucléaire, |
n3 | les permis d'exécution; |
o | les décisions en matière de circulation routière qui concernent la réception par type de véhicules; |
p | les décisions du Tribunal administratif fédéral en matière de télécommunications, de radio et de télévision et en matière postale qui concernent:70 |
p1 | une concession ayant fait l'objet d'un appel d'offres public, |
p2 | un litige découlant de l'art. 11a de la loi du 30 avril 1997 sur les télécommunications71; |
p3 | un litige au sens de l'art. 8 de la loi du 17 décembre 2010 sur la poste73; |
q | les décisions en matière de médecine de transplantation qui concernent: |
q1 | l'inscription sur la liste d'attente, |
q2 | l'attribution d'organes; |
r | les décisions en matière d'assurance-maladie qui ont été rendues par le Tribunal administratif fédéral sur la base de l'art. 3474 de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF)75; |
s | les décisions en matière d'agriculture qui concernent: |
s1 | ... |
s2 | la délimitation de zones dans le cadre du cadastre de production; |
t | les décisions sur le résultat d'examens ou d'autres évaluations des capacités, notamment en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d'exercice d'une profession; |
u | les décisions relatives aux offres publiques d'acquisition (art. 125 à 141 de la loi du 19 juin 2015 sur l'infrastructure des marchés financiers79); |
v | les décisions du Tribunal administratif fédéral en cas de divergences d'opinion entre des autorités en matière d'entraide judiciaire ou d'assistance administrative au niveau national; |
w | les décisions en matière de droit de l'électricité qui concernent l'approbation des plans des installations électriques à courant fort et à courant faible et l'expropriation de droits nécessaires à la construction ou à l'exploitation de telles installations, si elles ne soulèvent pas de question juridique de principe. |
x | les décisions en matière d'octroi de contributions de solidarité au sens de la loi fédérale du 30 septembre 2016 sur les mesures de coercition à des fins d'assistance et les placements extrafamiliaux antérieurs à 198183, sauf si la contestation soulève une question juridique de principe ou qu'il s'agit d'un cas particulièrement important pour d'autres motifs; |
y | les décisions prises par le Tribunal administratif fédéral dans des procédures amiables visant à éviter une imposition non conforme à une convention internationale applicable dans le domaine fiscal; |
z | les décisions citées à l'art. 71c, al. 1, let. b, de la loi du 30 septembre 2016 sur l'énergie86 concernant les autorisations de construire et les autorisations relevant de la compétence des cantons destinées aux installations éoliennes d'intérêt national qui y sont nécessairement liées, sauf si la contestation soulève une question juridique de principe. |
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 89 Qualité pour recourir - 1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque: |
|
1 | A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque: |
a | a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire; |
b | est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué, et |
c | a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification. |
2 | Ont aussi qualité pour recourir: |
a | la Chancellerie fédérale, les départements fédéraux ou, pour autant que le droit fédéral le prévoie, les unités qui leur sont subordonnées, si l'acte attaqué est susceptible de violer la législation fédérale dans leur domaine d'attributions; |
b | l'organe compétent de l'Assemblée fédérale en matière de rapports de travail du personnel de la Confédération; |
c | les communes et les autres collectivités de droit public qui invoquent la violation de garanties qui leur sont reconnues par la constitution cantonale ou la Constitution fédérale; |
d | les personnes, organisations et autorités auxquelles une autre loi fédérale accorde un droit de recours. |
3 | En matière de droits politiques (art. 82, let. c), quiconque a le droit de vote dans l'affaire en cause a qualité pour recourir. |
2.
Les recourantes se plaignent notamment d'une violation arbitraire du droit cantonal.
2.1 Appelé à revoir l'interprétation d'une norme cantonale sous l'angle restreint de l'arbitraire, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En revanche, si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution - même préférable - paraît possible (ATF 137 I 1 consid. 2.4 p. 5; 136 III 552 consid. 4.2 p. 560). Dans ce contexte, le recourant est soumis aux exigences accrues de motivation de l'art. 106 al. 2
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 106 Application du droit - 1 Le Tribunal fédéral applique le droit d'office. |
|
1 | Le Tribunal fédéral applique le droit d'office. |
2 | Il n'examine la violation de droits fondamentaux ainsi que celle de dispositions de droit cantonal et intercantonal que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant. |
En outre, pour qu'une décision soit annulée au titre de l'arbitraire, il ne suffit pas qu'elle se fonde sur une motivation insoutenable; encore faut-il qu'elle apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 136 III 552 consid. 4.2 p. 560).
2.2 La LDTR a pour but la préservation de l'habitat et des conditions de vie existants, en prévoyant notamment des restrictions quant à l'aliénation des appartements destinés à la location (art. 1 al. 2 let. c LDTR). Ces mesures figurent à l'art. 39 de la loi, dont la teneur est la suivante:
Art. 39 Aliénation
1 L'aliénation, sous quelque forme que ce soit (notamment cession de droits de copropriété d'étages ou de parties d'étages, d'actions, de parts sociales), d'un appartement à usage d'habitation, jusqu'alors offert en location, est soumise à autorisation dans la mesure où l'appartement entre, à raison de son loyer ou de son type, dans une catégorie de logements où sévit la pénurie.
Motifs de refus
2 Le département refuse l'autorisation lorsqu'un motif prépondérant d'intérêt public ou d'intérêt général s'y oppose. L'intérêt public et l'intérêt général résident dans le maintien, en période de pénurie de logements, de l'affectation locative des appartements loués.
Exception
3 [...]
Motifs d'autorisation
4 Le département autorise l'aliénation d'un appartement si celui-ci:
a) a été dès sa construction soumis au régime de la propriété par étages ou à une forme de propriété analogue;
b) était, le 30 mars 1985, soumis au régime de la propriété par étages ou à une forme de propriété analogue et qu'il avait déjà été cédé de manière individualisée;
c) n'a jamais été loué;
d) a fait une fois au moins l'objet d'une autorisation d'aliéner en vertu de la présente loi.
L'autorisation ne porte que sur un appartement à la fois. Une autorisation de vente en bloc peut toutefois être accordée en cas de mise en vente simultanée, pour des motifs d'assainissement financier, de plusieurs appartements à usage d'habitation ayant été mis en propriété par étages et jusqu'alors offerts en location, avec pour condition que l'acquéreur ne peut les revendre que sous la même forme, sous réserve d'une autorisation individualisée au sens du présent alinéa.
Relogement du locataire
5 Au cas où l'autorisation est délivrée, celle-ci peut être soumise à certaines conditions concernant le relogement du locataire.
L'art. 13 du règlement d'application de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation du 29 avril 1996 (RDTR) précise encore que:
Art. 13 Pesée des intérêts
1 Dans le cadre de l'examen de la requête en autorisation, le département procède à la pesée des intérêts publics et privés en présence.
Acquisition par le locataire en place
2 [...]
Intérêt privé prépondérant
3 L'intérêt privé est présumé l'emporter sur l'intérêt public lorsque le propriétaire doit vendre l'appartement pour l'un des motifs suivants:
a) nécessité de liquider un régime matrimonial ou une succession;
b) nécessité de satisfaire aux exigences d'un plan de désendettement;
c) prise d'un nouveau domicile en dehors du canton.
2.3 Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de considérer que l'intérêt public poursuivi par la LDTR, qui tend à préserver l'habitat et les conditions de vie existants, en restreignant notamment le changement d'affectation des maisons d'habitation (art. 1 al. 1 et 2 let. a LDTR), procède d'un intérêt public important (ATF 128 I 206 consid. 5.2.4 p. 211 s.; 113 Ia 126 consid. 7a p. 134; 111 Ia 23 consid. 3a p. 26 et les arrêts cités). Par ailleurs, la réglementation mise en place par la LDTR est en soi conforme au droit fédéral et à la garantie de la propriété, y compris dans la mesure où elle prévoit un contrôle des loyers après transformations (cf. ATF 116 Ia 401 consid. 9 p. 414); de même, le refus de l'autorisation de vendre un appartement loué lorsqu'un motif prépondérant d'intérêt public ou d'intérêt général s'y oppose n'est pas une atteinte disproportionnée à la garantie de la propriété, pourvu que l'autorité administrative effectue une pesée des intérêts en présence et évalue l'importance du motif de refus au regard des intérêts privés en jeu (ATF 113 Ia 126 consid. 7b/aa p. 137).
3.
Selon les recourantes, la Cour de justice aurait appliqué arbitrairement l'art. 39 al. 4 let. d LDTR. Le tribunal aurait dû appliquer cette disposition puisqu'elles avaient obtenu une autorisation d'aliéner en 1998 (autorisation DD 84'408/5).
La Cour de justice a considéré que l'autorisation de 1998 était une autorisation de construire, destinée à déployer ses effets au regard de l'état de fait qui prévalait à la date de la décision. Selon cette autorisation, les copropriétaires étaient autorisés à terminer les travaux entrepris suivant les plans modifiés, puis à revendre ou à louer les appartements rénovés ou nouvellement construits, le statut des locataires en place étant protégé. Après exécution des opérations que l'autorisation précitée permettait, celle-là cessait de déployer ses effets. Or, à l'issue des travaux, les copropriétaires avaient opté pour la mise en location des vingt-trois appartements et leur immeuble a pris le statut d'"immeuble d'habitation affecté à la location" au sens de l'art. 39 al. 1 LDTR, soumis aux restrictions d'aliénation instaurée par cette disposition.
Les recourantes se contentent d'affirmer que l'autorisation d'aliéner à laquelle fait référence l'art. 39 al. 4 let. d LDTR doit simplement avoir été obtenue une fois par les propriétaires, sans forcément avoir été utilisée. Elles n'expliquent toutefois pas en quoi le raisonnement précité de la Cour de justice serait arbitraire, ce qui n'est manifestement pas le cas. Il apparaît en effet qu'aucun appartement situé dans l'immeuble litigieux n'a été vendu à la faveur de l'autorisation de 1998, si bien que l'art. 39 al. 4 let. d LDTR ne trouve pas application dans le cas d'espèce. Ce premier grief doit être écarté.
4.
Les recourantes soutiennent ensuite que les juges cantonaux auraient violé les principes de l'égalité, de la garantie propriété et de la proportionnalité en procédant à une pesée des intérêts arbitraire.
4.1 Une décision viole le principe de l'égalité lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. Les situations comparées ne doivent pas nécessairement être identiques en tous points, mais leur similitude doit être établie en ce qui concerne les éléments de fait pertinents pour la décision à prendre (ATF 129 I 113 consid. 5.1 p. 125; 125 I 1 consid. 2b/aa p. 4; 123 I 1 consid. 6a p. 7 et la jurisprudence citée).
4.2 En l'espèce, la Cour de justice a relevé que le partage-attribution litigieux avait pour effet principal d'attribuer à l'une ou l'autre des trois recourantes les droits exclusifs sur l'un ou l'autre des vingt-trois appartements, droits dont jusque-là elles étaient copropriétaires à concurrence d'un certain pourcentage. Certes, cette opération ne faisait intervenir aucune cession à un tiers. Elle respectait la proportion des droits de copropriété et les vingt-trois appartements restaient affectés à la location. Toutefois, après qu'en 2009 les copropriétaires avaient soumis l'immeuble au régime de la PPE, le partage-attribution entre celles-ci de droits de copropriété portant jusque-là sur l'ensemble d'un immeuble affecté à la location, conduisait à une diminution de la protection du parc locatif conférée par la LDTR, en accentuant le risque que, par une vente ultérieure, l'un ou l'autre des appartements perde son affectation locative. Cet élément était d'importance dans la pesée des intérêts et n'était pas contrebalancé par le fait que le partage-attribution conduirait, malgré la répartition, au maintien de lots d'appartements gardant une certaine importance (deux fois six et une fois onze). Dans ces circonstances, le
département n'aurait pas dû autoriser le partage-attribution qui lui était soumis, dès lors qu'il était contraire à l'art. 39 al. 1 LDTR.
4.3 Les recourantes estiment que l'intérêt public n'est pas mis en péril par l'opération litigieuse. Une éventuelle vente ultérieure serait en effet de toute façon soumise à une nouvelle demande d'autorisation d'aliéner, qui ouvrirait une voie de droit aux tiers pour faire valoir leurs objections. Ensuite, selon la jurisprudence cantonale, les ventes en bloc devaient être préférées aux ventes par unités séparées et, dans le cas particulier, le risque de perte d'affectation locative était abstrait puisque les droits et obligations découlant des contrats de bail en cours étaient repris par les attributaires. La Cour de justice se référait par ailleurs à tort aux arrêts du Tribunal fédéral du 14 juillet 2011 (arrêts 1C 137/2011, 1C 139/2011, 1C 141/2011 et 1C 143/2011), où les éléments suivants avaient pesé dans la pondération des intérêts: but commercial de la société recourante, courte durée de la détention de l'immeuble, petite taille des lots, vente à des tiers. En l'occurrence, les recourantes souhaitaient préparer leur succession, possédaient leur immeuble depuis près d'un quart de siècle et les lots comprenaient entre six et onze appartements chacun; on ne saurait dès lors leur imputer une intention spéculative.
Les recourantes se plaignent également d'une inégalité de traitement. Elles invoquent un arrêt de la Cour de justice du 31 juillet 2012 (ATA/490/2012) où, dans une situation identique, les juges cantonaux étaient parvenus à un résultat inverse. Il ressort de cet arrêt que les vendeurs avaient souhaité l'aliénation querellée pour anticiper un partage successoral. Selon la Cour de justice, une vente en bloc étant possible au regard de l'art. 39 LDTR et de la jurisprudence, le département pouvait, au vu des considérations du cas d'espèce, admettre qu'une aliénation de ce type ne contrevenait pas au but de la LDTR de protection du marché locatif. L'intérêt public n'était menacé d'aucune manière, puisqu'aucune autorisation d'aliéner individuellement les appartements de l'immeuble n'avait été délivrée, que les vendeurs s'étaient engagés à reprendre les droits et obligations résultant des baux en cours et que les copropriétaires n'avaient pas cherché (à) ou souhaité vendre les appartements de l'immeuble. De plus, les intéressés possédant ce bien immobilier depuis plus d'une décennie, leurs intentions "spéculatives" n'étaient ainsi pas prouvées. En faisant primer l'intérêt privé des intimés, le département n'avait ainsi pas mésusé de son
large pouvoir d'appréciation, découlant de l'art. 13 al. 1 RDTR.
4.4 Avec les recourantes, on doit effectivement admettre que, de manière identique aux vendeurs dans la procédure ATA/490/2012, l'opération de partage-attribution litigieuse avait pour but d'anticiper les problématiques découlant de la succession, et non de mettre en oeuvre une opération spéculative. Ce fait a été établi et pris en compte par le TAPI dans son jugement du 2 novembre 2011, alors que la Cour de justice l'a ignoré dans sa pesée des intérêts. Or, il apparaît qu'en annulant le partage-attribution des recourantes, peu de temps après avoir confirmé la même opération dans l'affaire ATA/490/2012, la cour cantonale a traité de manière différente deux situations similaires, sans qu'on n'en puisse discerner les raisons objectives : il ressort du dossier que les recourantes ont acquis l'immeuble en 1988, qu'elles l'ont soumis au régime de la PPE en 2009 et ont requis une autorisation d'aliéner pour pouvoir procéder par anticipation à une sorte de partage successoral, que les lots convenus comprennent entre six et onze appartements et qu'elles n'ont pas l'intention d'aliéner ces appartements offerts à la location. Dans ces conditions, il est difficile de saisir pourquoi la Cour de justice a considéré que cette opération de
partage-attribution était contraire à l'art. 39 al. 1 LDTR alors que, dans l'affaire ATA/490/2012, elle a estimé qu'une aliénation de ce type ne contrevenait pas au but de la LDTR de protection du marché locatif.
Au vu de ces éléments, la pesée des intérêts effectuée par la Cour de justice, qui omet de prendre en compte le motif invoqué par les recourantes pour individualiser leurs parts de PPE, est insoutenable et aboutit à un résultat arbitraire, puisqu'elle consacre une inégalité de traitement. La motivation de l'arrêt attaqué ne peut dès lors être suivie et il sied au contraire de considérer, avec le TAPI, que l'intérêt public visé par la LDTR n'est pas réellement remis en cause par l'autorisation litigieuse et que l'intérêt privé des recourantes doit l'emporter.
5.
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être admis, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs des recourantes. L'arrêt attaqué est annulé et l'arrêté du département du 26 mai 2010 est confirmé. L'affaire est renvoyée à la Cour de justice pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale (art. 67
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 67 Frais de la procédure antérieure - Si le Tribunal fédéral modifie la décision attaquée, il peut répartir autrement les frais de la procédure antérieure. |
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 68 Dépens - 1 Le Tribunal fédéral décide, dans son arrêt, si et dans quelle mesure les frais de la partie qui obtient gain de cause sont supportés par celle qui succombe. |
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1 | Le Tribunal fédéral décide, dans son arrêt, si et dans quelle mesure les frais de la partie qui obtient gain de cause sont supportés par celle qui succombe. |
2 | En règle générale, la partie qui succombe est tenue de rembourser à la partie qui a obtenu gain de cause, selon le tarif du Tribunal fédéral, tous les frais nécessaires causés par le litige. |
3 | En règle générale, aucuns dépens ne sont alloués à la Confédération, aux cantons, aux communes ou aux organisations chargées de tâches de droit public lorsqu'ils obtiennent gain de cause dans l'exercice de leurs attributions officielles. |
4 | L'art. 66, al. 3 et 5, est applicable par analogie. |
5 | Le Tribunal fédéral confirme, annule ou modifie, selon le sort de la cause, la décision de l'autorité précédente sur les dépens. Il peut fixer lui-même les dépens d'après le tarif fédéral ou cantonal applicable ou laisser à l'autorité précédente le soin de les fixer. |
Les frais judiciaires sont mis à la charge de l'intimée qui succombe (art. 66 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 66 Recouvrement des frais judiciaires - 1 En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties. |
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1 | En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties. |
2 | Si une affaire est liquidée par un désistement ou une transaction, les frais judiciaires peuvent être réduits ou remis. |
3 | Les frais causés inutilement sont supportés par celui qui les a engendrés. |
4 | En règle générale, la Confédération, les cantons, les communes et les organisations chargées de tâches de droit public ne peuvent se voir imposer de frais judiciaires s'ils s'adressent au Tribunal fédéral dans l'exercice de leurs attributions officielles sans que leur intérêt patrimonial soit en cause ou si leurs décisions font l'objet d'un recours. |
5 | Sauf disposition contraire, les frais judiciaires mis conjointement à la charge de plusieurs personnes sont supportés par elles à parts égales et solidairement. |
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 68 Dépens - 1 Le Tribunal fédéral décide, dans son arrêt, si et dans quelle mesure les frais de la partie qui obtient gain de cause sont supportés par celle qui succombe. |
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1 | Le Tribunal fédéral décide, dans son arrêt, si et dans quelle mesure les frais de la partie qui obtient gain de cause sont supportés par celle qui succombe. |
2 | En règle générale, la partie qui succombe est tenue de rembourser à la partie qui a obtenu gain de cause, selon le tarif du Tribunal fédéral, tous les frais nécessaires causés par le litige. |
3 | En règle générale, aucuns dépens ne sont alloués à la Confédération, aux cantons, aux communes ou aux organisations chargées de tâches de droit public lorsqu'ils obtiennent gain de cause dans l'exercice de leurs attributions officielles. |
4 | L'art. 66, al. 3 et 5, est applicable par analogie. |
5 | Le Tribunal fédéral confirme, annule ou modifie, selon le sort de la cause, la décision de l'autorité précédente sur les dépens. Il peut fixer lui-même les dépens d'après le tarif fédéral ou cantonal applicable ou laisser à l'autorité précédente le soin de les fixer. |
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé et l'arrêté du département du 26 mai 2010 est confirmé.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée.
3.
L'intimée versera aux recourantes une indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens.
4.
La cause est renvoyée à la Cour de justice pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative.
Lausanne, le 3 mai 2013
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Fonjallaz
La Greffière: Mabillard