Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
6B 1023/2010
Arrêt du 3 mars 2011
Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges Favre, Président,
Mathys et Jacquemoud-Rossari.
Greffier: M. Rieben.
Participants à la procédure
X.________, représentée par Me Gonzague Vouilloz, avocat,
recourante,
contre
1. Ministère public du canton du Valais, case postale 2282, 1950 Sion 2,
2. Y.________, représentée par Me Edmond de Braun, avocat,
3. Z.________, représenté par Me André-François Derivaz, avocat,
intimés.
Objet
Homicide par négligence,
recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour pénale II, du 25 octobre 2010.
Faits:
A.
Par jugement du 17 juin 2009, le Tribunal de Martigny et Saint-Maurice a reconnu X.________ coupable d'homicide par négligence et l'a condamnée à la peine de 40 heures de travail d'intérêt général, avec sursis et délai d'épreuve de 2 ans. Il a en outre été donné acte aux parties civiles de la réserve de leurs prétentions.
B.
La Cour pénale II du Tribunal cantonal valaisan a rejeté par arrêt du 25 octobre 2010 l'appel dont la condamnée l'avait saisie. Cet arrêt repose, en résumé, sur l'état de fait suivant.
B.a Le 11 avril 2007, vers 22h30, X.________ circulait au volant de sa voiture sur la route cantonale reliant Martigny à Saxon. Après avoir dépassé un panneau de signalisation indiquant le début d'une limitation de vitesse à 60 km/h, elle a aperçu un piéton, A.________, qui cheminait sur sa voie de circulation, en sens inverse, à environ un mètre ou un mètre et demi de la ligne de sécurité. Malgré un freinage d'urgence, l'automobiliste l'a heurté avec l'avant gauche de son véhicule. Le piéton est décédé peu après, sur le lieu de l'accident, des suites de ses blessures. La victime avait passé la soirée dans un café et présentait un taux d'alcoolémie de 2,27o/oo. Il avait pour habitude, au sortir de cet établissement, de traverser la route pour regagner le camping B.________.
B.b A l'endroit de l'accident, la route, rectiligne, est dépourvue d'éclairage artificiel. X.________ circulait avec ses feux de croisement à une vitesse d'environ 60 km/h. A cette allure, une distance de 43 mètres lui était nécessaire pour immobiliser son véhicule, alors que la distance à laquelle le piéton était perceptible se situait entre 28 et 33 mètres. Pour pouvoir s'arrêter sur la distance de visibilité, X.________ aurait dû circuler à une vitesse maximale de 47 à 48 km/h.
C.
X.________ interjette un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal. Elle conclut principalement à son acquittement du chef d'accusation d'homicide par négligence et, à titre subsidiaire, au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants.
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.
Considérant en droit:
1.
L'art. 117
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 117 - Quiconque, par négligence, cause la mort d'une personne est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. |
Seuls sont discutés en l'espèce le rapport de causalité et son éventuelle interruption en raison du comportement du piéton. La recourante ne conteste en revanche pas, à juste titre, la décision cantonale en tant qu'elle a retenu qu'elle avait violé son devoir de prudence en circulant à une allure qui ne lui permettait pas de s'arrêter sur la distance à laquelle portait sa visibilité. En effet, selon la jurisprudence, celui qui circule de nuit avec des feux de croisement doit adapter sa vitesse de manière à pouvoir s'arrêter sur la distance éclairée par le feu la plus courte (cf. ATF 126 IV 91 consid. 4a/cc p. 93; 100 IV 279 consid. 2b p. 282). Il s'ensuit que les autorités cantonales ont jugé à bon escient que la recourante avait enfreint la règle de l'art. 32 al. 1
SR 741.01 Loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière (LCR) LCR Art. 32 - 1 La vitesse doit toujours être adaptée aux circonstances, notamment aux particularités du véhicule et du chargement, ainsi qu'aux conditions de la route, de la circulation et de la visibilité. Aux endroits où son véhicule pourrait gêner la circulation, le conducteur est tenu de circuler lentement et, s'il le faut, de s'arrêter, notamment aux endroits où la visibilité n'est pas bonne, aux intersections qu'il ne peut embrasser du regard, ainsi qu'aux passages à niveau. |
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1 | La vitesse doit toujours être adaptée aux circonstances, notamment aux particularités du véhicule et du chargement, ainsi qu'aux conditions de la route, de la circulation et de la visibilité. Aux endroits où son véhicule pourrait gêner la circulation, le conducteur est tenu de circuler lentement et, s'il le faut, de s'arrêter, notamment aux endroits où la visibilité n'est pas bonne, aux intersections qu'il ne peut embrasser du regard, ainsi qu'aux passages à niveau. |
2 | Le Conseil fédéral limitera la vitesse des véhicules automobiles sur toutes les routes.118 |
3 | L'autorité compétente ne peut abaisser ou augmenter la vitesse maximale fixée par le Conseil fédéral sur certains tronçons de route qu'après expertise. Le Conseil fédéral peut prévoir des exceptions.119 |
4 | ...120 |
5 | ...121 |
2.
La recourante invoque en premier lieu l'absence de rapport de causalité adéquate entre sa négligence et la mort du piéton. En effet, son comportement - à savoir circuler de nuit avec ses feux de croisement, à 60 km/h, sur une route qu'elle connaît bien, dans une zone qui n'est pas habitée et où il est inhabituel que des piétons longent ou traversent la route - n'était objectivement pas propre à causer un décès. L'autorité cantonale avait par ailleurs confondu les notions de causalité naturelle et adéquate.
2.1 Un comportement est la cause naturelle d'un résultat s'il en constitue l'une des conditions sine qua non, c'est-à-dire si, sans lui, le résultat ne se serait pas produit (ATF 133 IV 158 consid. 6.1 p. 167; 125 IV 195 consid. 2b p. 197). La constatation du rapport de causalité naturelle relève du fait. Il y a toutefois violation du droit fédéral si l'autorité cantonale méconnaît le concept même de causalité naturelle (ATF 122 IV 17 consid. 2c/aa p. 23 et les arrêts cités). Lorsque la causalité naturelle est établie, ce que la recourante ne conteste pas en l'espèce, il faut encore rechercher si le comportement incriminé est la cause adéquate du résultat. Tel est le cas lorsque, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le comportement était propre à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit; il s'agit là d'une question de droit que la cour de céans revoit librement (ATF 133 IV 158 consid. 6.1 p. 168; 131 IV 145 consid. 5.1 p. 147). La causalité adéquate sera admise même si le comportement de l'auteur n'est pas la cause directe ou unique du résultat. Peu importe que le résultat soit dû à d'autres causes, notamment à l'état de la victime, à son comportement ou à celui de tiers (ATF 131 IV 145
consid. 5.2 p. 148 et l'auteur cité). La causalité adéquate suppose une prévisibilité objective. Il faut se demander si un tiers observateur neutre, voyant l'auteur agir dans les circonstances où il agit, pourrait prédire que le comportement considéré aura très vraisemblablement les conséquences qu'il a effectivement eues, quand bien même il ne pourrait prévoir le déroulement de la chaîne causale dans ses moindres détails. L'acte doit être propre, selon une appréciation objective, à entraîner un tel résultat ou à en favoriser l'avènement, de telle sorte que la raison conduit naturellement à imputer le résultat à la commission de l'acte (ATF 131 IV 145 consid. 5.1 p. 147 s.).
Selon l'art. 4 al. 1
SR 741.11 Ordonnance du 13 novembre 1962 sur les règles de la circulation routière (OCR) OCR Art. 4 Adaptation de la vitesse - (art. 32, al. 1, LCR) |
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1 | Le conducteur ne doit pas circuler à une vitesse qui l'empêcherait de s'arrêter sur la distance à laquelle porte sa visibilité; lorsque le croisement est malaisé, il doit pouvoir s'arrêter sur la moitié de cette distance. |
2 | et 3 ...45 |
4 | ...46 |
5 | Il est tenu de ne pas diminuer la fluidité du trafic en circulant, sans raison impérieuse, à une allure trop réduite. |
2.2 Tout d'abord, en alléguant qu'elle se trouvait dans une zone qui n'est pas habitée et où il est inhabituel que des piétons longent ou traversent la route, la recourante s'écarte de manière inadmissible des constatations de fait cantonales, qu'elle n'a pas contestées et qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 105 Faits déterminants - 1 Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente. |
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1 | Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente. |
2 | Il peut rectifier ou compléter d'office les constatations de l'autorité précédente si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95. |
3 | Lorsque la décision qui fait l'objet d'un recours concerne l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents ou de l'assurance militaire, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par l'autorité précédente.99 |
3.
La recourante fait également valoir que si la causalité adéquate devait être admise, elle devrait être exclue en raison du comportement du piéton qui ne marchait pas au bord de la route, en violation de l'art. 49 al. 1
SR 741.01 Loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière (LCR) LCR Art. 49 - 1 Les piétons utiliseront le trottoir. À défaut de trottoir, ils longeront le bord de la chaussée et, si des dangers particuliers l'exigent, ils circuleront à la file. À moins que des circonstances spéciales ne s'y opposent, ils se tiendront sur le bord gauche de la chaussée, notamment de nuit à l'extérieur des localités. |
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1 | Les piétons utiliseront le trottoir. À défaut de trottoir, ils longeront le bord de la chaussée et, si des dangers particuliers l'exigent, ils circuleront à la file. À moins que des circonstances spéciales ne s'y opposent, ils se tiendront sur le bord gauche de la chaussée, notamment de nuit à l'extérieur des localités. |
2 | Les piétons traverseront la chaussée avec prudence et par le plus court chemin en empruntant, où cela est possible, un passage pour piétons. Ils bénéficient de la priorité sur de tels passages, mais ne doivent pas s'y lancer à l'improviste.131 |
3.1 La causalité adéquate peut être exclue si une autre cause concomitante, par exemple une force naturelle, le comportement de la victime ou d'un tiers, constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l'on ne pouvait s'y attendre. L'imprévisibilité d'un acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le rapport de causalité adéquate. Il faut encore que cet acte ait une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant à l'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l'amener et notamment le comportement de l'auteur (ATF 134 IV 255 consid. 4.4.2 p. 265 s.; 133 IV 158 consid. 6.1 p. 168; 131 IV 145 consid. 5.2 p. 148).
3.2 Il importe peu que, comme la recourante le soutient, le piéton ne se soit pas conformé à l'art. 49 al. 1
SR 741.01 Loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière (LCR) LCR Art. 49 - 1 Les piétons utiliseront le trottoir. À défaut de trottoir, ils longeront le bord de la chaussée et, si des dangers particuliers l'exigent, ils circuleront à la file. À moins que des circonstances spéciales ne s'y opposent, ils se tiendront sur le bord gauche de la chaussée, notamment de nuit à l'extérieur des localités. |
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1 | Les piétons utiliseront le trottoir. À défaut de trottoir, ils longeront le bord de la chaussée et, si des dangers particuliers l'exigent, ils circuleront à la file. À moins que des circonstances spéciales ne s'y opposent, ils se tiendront sur le bord gauche de la chaussée, notamment de nuit à l'extérieur des localités. |
2 | Les piétons traverseront la chaussée avec prudence et par le plus court chemin en empruntant, où cela est possible, un passage pour piétons. Ils bénéficient de la priorité sur de tels passages, mais ne doivent pas s'y lancer à l'improviste.131 |
SR 741.11 Ordonnance du 13 novembre 1962 sur les règles de la circulation routière (OCR) OCR Art. 47 Traversée de la chaussée - (art. 49, al. 2, LCR) |
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1 | Les piétons s'engageront avec circonspection sur la chaussée, notamment s'ils se trouvent près d'une voiture à l'arrêt, et traverseront la route sans s'attarder. Ils utiliseront les passages pour piétons183 ainsi que les passages aménagés au-dessus ou au-dessous de la chaussée qui se trouvent à une distance de moins de 50 m. |
2 | Sur les passages pour piétons où le trafic n'est pas réglé, les piétons ont la priorité, sauf à l'égard des tramways et des chemins de fer routiers. Ils ne peuvent toutefois user du droit de priorité lorsque le véhicule est déjà si près du passage qu'il ne lui serait plus possible de s'arrêter à temps.184 |
3 | Sur les passages pour piétons où le trafic n'est pas réglé et qu'un refuge coupe en deux tronçons, chacun d'eux est considéré comme un passage indépendant.185 |
4 | ...186 |
5 | Hors des passages pour piétons, les piétons accorderont la priorité aux véhicules. |
6 | ...187 |
Au demeurant, la recourante circulait sur une route cantonale où la limitation de vitesse avait été réduite à 60 km/h, signe notamment qu'un danger pouvait survenir (cf. art. 108 al. 2 let. a de l'ordonnance du 5 septembre 1979 sur la signalisation routière; OSR - RS 741.21). Elle circulait par ailleurs à proximité de lieux publics soit, d'une part, un café, duquel la victime était sortie, et, d'autre part, un camping, dans lequel elle se rendait. La présence, à cet endroit, d'un piéton au milieu de la route n'apparait donc pas exceptionnelle au point de reléguer à l'arrière-plan le rôle causal joué par la faute de la recourante.
Enfin, la recourante se réfère à l'arrêt du Tribunal fédéral 6S.287/2004, qui a admis une rupture du lien de causalité adéquate entre la conduite d'un automobiliste et l'accident survenu en raison du comportement imprévisible et gravement imprudent de la victime qui s'était soudainement élancée sur la chaussée au moment où la voiture arrivait (consid. 2.5). Dans la mesure où il a été retenu en l'espèce que le piéton n'avait pas bondi devant la voiture, mais cheminait sur la voie de circulation de l'intimée, constatation de fait que la recourante n'a pas critiquée, les circonstances du présent cas différent sur un point essentiel de celles de l'arrêt invoqué. La recourante ne peut donc rien en déduire.
En définitive, il ne peut donc être reproché à l'autorité précédente de ne pas avoir considéré que le fait que le piéton cheminait sur la voie de circulation empruntée par la recourante était de nature à interrompre le rapport de causalité. Partant, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral.
4.
Au vu de ce qui précède, le recours, mal fondé, doit être rejeté. La recourante, qui succombe, supporte les frais de justice (art. 66 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 66 Recouvrement des frais judiciaires - 1 En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties. |
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1 | En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties. |
2 | Si une affaire est liquidée par un désistement ou une transaction, les frais judiciaires peuvent être réduits ou remis. |
3 | Les frais causés inutilement sont supportés par celui qui les a engendrés. |
4 | En règle générale, la Confédération, les cantons, les communes et les organisations chargées de tâches de droit public ne peuvent se voir imposer de frais judiciaires s'ils s'adressent au Tribunal fédéral dans l'exercice de leurs attributions officielles sans que leur intérêt patrimonial soit en cause ou si leurs décisions font l'objet d'un recours. |
5 | Sauf disposition contraire, les frais judiciaires mis conjointement à la charge de plusieurs personnes sont supportés par elles à parts égales et solidairement. |
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 francs, sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour pénale II.
Lausanne, le 3 mars 2011
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:
Favre Rieben