BGE 72 II 58
13. Arrêt de la IIe Cour civile du 31 Janvier 1946 dans la cause «La Zurich»
contre Alice Stucky et ses enfants.
Regeste:
Contrat d'assurance collective. Effet de l'accord des parties contractantes
sur l'interprétation du contrat quant aux droits des bénéficiaires.
Interprétation des mots a accidents de course dans le contrat conclu par le
Club alpin suisse en faveur de ses membres.
Kollektive Unfallversicherung. Wirkungen einer Einigung der Vertragsparteien
über die Rechte der Begünstigten. Auslegung des Begriffes «Tourenunfall» in
der vom Schweizerischen Alpenklub zugunsten seiner Mitglieder abgeschlossenen
Unfallversicherung. Art. 112 OR, 33 und 87 VVG.
Contratto d'assicurazione collettiva. Effetti dell'accordo delle parti
contraenti sull'interpretazione del contratto quanto ai diritti dei
beneficiari. Interpretazione delle parole «accidents de course» nel contratto
concluso dal Club alpino svizzero a favore dei suoi membri.
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A. - Auguste Stucky, garagiste à Fribourg, partit le 2 octobre 1942 avec
quelques camarades pour la région du Petit Mont dans l'intention d'y chasser
le chamois. Le lendemain, après avoir passé la nuit dans un chalet, le groupe
se dirigea du côté de la Wandfluh. A un certain moment les chasseurs se
séparèrent pour aller occuper leurs postes. Stucky se trouvait à l'endroit le
plus élevé. Vers midi il fit signe à ses compagnons de retourner au chalet et
tandis qu'il s'apprêtait à les rejoindre, une pierre détachée d'un rocher vint
le frapper à la jambe. Il perdit l'équilibre et fut précipité dans un pierrier
où on le releva inanimé.
Stucky était depuis plus de vingt ans membre du Club alpin suisse (C.A.S.) et
il était en cette qualité au bénéfice d'une assurance collective contre les
accidents, en vertu d'un contrat passé le 27 décembre 1935/9 janvier 1936
entre le C.A.S. et trois compagnies d'assurance dont «La Zurich», celle-ci
étant chargée du règlement des sinistres.
Aux termes de l'art. 1er du contrat d'assurance, les compagnies «assurent en
commun et dans des proportions à convenir entre elles, les membres du C.A.S.
contre les accidents de course». L'art. 6 al. 1 intitulé: «Etendue de
l'assurance. a) Risques couverts» est ainsi conçu: «L'assurance contre les
accidents de course (en allemand: «Tourenunfälle») est valable dès le moment
où l'assuré quitte le lieu de son domicile ou de son séjour pour entreprendre
une excursion à pied ou en ski jusqu'au moment où il arrive au lieu de son
domicile ou de son séjour. Elle s'étend à tous les accidents qui se produisent
au cours et en rapport avec des excursions ou des ascensions quelconques,
ainsi qu'avec des exercices d'alpinisme ou des semaines clubistiques, y
compris les séjours dans les cabanes du club, dans les chalets et dans
d'autres refuges alpins».
L'art. 7, intitulé: «b) Risques exclus» énumère diverses circonstances dans
lesquelles l'accident n'est pas couvert et Prévoit que tel est le cas
notamment des accidents «qui
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se produisent à l'occasion de courses et voyages entrepris pour l'exercice
d'une profession».
Se prévalant de ce contrat, Dame Alice Stucky, la veuve du prénommé, a réclamé
à «La Zurich» le payement de l'indemnité prévue. «La Zurich» a repoussé cette
prétention en répondant ce qui suit: «L'assurance collective du C.A.S. ne
couvre que des accidents survenant au cours d'excursions entreprises dans le
seul but de faire une course de montagne. Elle ne s'étend ainsi pas aux
accidents qui se produisent à l'occasion d'excursions au cours desquelles les
membres du C.A.S. se livrent à la chasse, vu que, dans cette éventualité,
c'est cette dernière activité et non pas l'excursion en elle-même qui
constitue le but de la course».
B. - Le 7 juin 1943, Dame Stucky et ses trois enfants ont ouvert action contre
«La Zurich». Ils ont conclu à ce que la défenderesse fût condamnée à leur
payer la somme de 8000 fr. avec intérêt à 5% du 3 octobre 1942. D'après les
demandeurs, l'accident présentait les caractères du risque assuré. Dans le
langage courant, dont le sens doit servir à interpréter les clauses d'un
contrat d'assurance, il n'était pas douteux soutenaient-ils que l'accident
dont Stucky avait été victime était un accident de montagne; il ne viendrait à
l'idée de personne de dire qu'il était mort d'un accident de chasse. Un
alpiniste qui s'en va chasser le chamois vise un double but: la poursuite du
gibier et la recherche des joies de la montagne. D'après l'art. 33 de la loi
sur le contrat d'assurance, c'était à l'assureur à prouver que l'événement
était exclu de l'assurance. Or l'art. 7 du contrat, s'il exclut certains
risques, n'exclut pas celui d'un accident survenu au cours d'une partie de
chasse à la montagne.
La défenderesse a conclu au déboutement, avec dépens, en reprenant son
argumentation, à l'appui de laquelle elle a invoqué le témoignage d'un des
négociateurs du contrat litigieux ainsi que de deux anciens membres du Comité
central du C.A.S. qui ont effectivement déclaré qu'il
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n'avait pas été dans l'intention de ce dernier d'assurer les membres de
l'association contre les conséquences d'accidents survenus au cours d'une
partie de chasse.
C. - Par jugement du 1er mars 1945, le Tribunal de la Sarine a débouté les
demandeurs de leurs conclusions et les a condamnés aux frais.
Sur appel des demandeurs, la Cour d'appel de l'Etat de Fribourg, par arrêt du
22 octobre 1945, a réformé ce jugement et condamné «La Zurich» à payer aux
demandeurs la somme de 8000 fr. (montant de l'indemnité fixée par le contrat
pour le cas de mort) avec intérêt à 5% dès le 20 novembre 1942, et mis tous
les frais à la charge de la défenderesse.
«La Zurich» a recouru en réforme en reprenant ses conclusions libératoires
avec dépens.
Les demandeurs ont conclu au rejet du recours et à la confirmation de l'arrêt
attaqué.
Considérant en droit:
Le contrat passé le 27 décembre 1935/9 janvier 1936 entre le C.A.S. et les
compagnies d'assurance sus-désignées est un contrat d'assurance collective qui
présente tous les caractères d'une stipulation pour autrui. Selon les art. 112
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SR 220 Erste Abteilung: Allgemeine Bestimmungen Erster Titel: Die Entstehung der Obligationen Erster Abschnitt: Die Entstehung durch Vertrag OR Art. 112 - 1 Hat sich jemand, der auf eigenen Namen handelt, eine Leistung an einen Dritten zu dessen Gunsten versprechen lassen, so ist er berechtigt, zu fordern, dass an den Dritten geleistet werde. |
|
1 | Hat sich jemand, der auf eigenen Namen handelt, eine Leistung an einen Dritten zu dessen Gunsten versprechen lassen, so ist er berechtigt, zu fordern, dass an den Dritten geleistet werde. |
2 | Der Dritte oder sein Rechtsnachfolger kann selbständig die Erfüllung fordern, wenn es die Willensmeinung der beiden andern war, oder wenn es der Übung entspricht. |
3 | In diesem Falle kann der Gläubiger den Schuldner nicht mehr entbinden, sobald der Dritte dem letzteren erklärt hat, von seinem Rechte Gebrauch machen zu wollen. |
leur qualité de bénéficiaires (ou à leurs ayants cause), sitôt l'accident
survenu, un droit propre à l'indemnité promise, encore qu'il n'existe qu'en
vertu du contrat et que son étendue en soit fixée par lui. Hormis le cas - non
réalisé d'ailleurs en l'espèce - où le contrat réserverait à l'assuré ou à ses
ayants cause le droit de réclamer le payement de l'indemnité, ces derniers ne
sauraient donc, en principe, y prétendre qu'autant que le preneur d'assurance
pourrait également le faire lui-même. En l'espèce le preneur d'assurance,
c'est-à-dire le C.A.S., loin d'avoir exigé de la défenderesse le payement de
la somme assurée en faveur des demandeurs ou même d'appuyer leur réclamation,
a immédiatement convenu
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qu'il n'était pas plus dans ses intentions que dans celles des compagnies de
couvrir les risques d'accidents du genre de celui dont Stucky a été la
victime. Cet accord ne suffirait pas, il est vrai, pour débouter purement et
simplement les demandeurs de leurs conclusions, car il ne saurait appartenir
au preneur d'assurance de priver arbitrairement l'assuré ou ses ayants cause
d'un droit qui découlerait normalement du contrat. Mais il faut bien convenir
que l'interprétation que les parties contractantes donnent de l'expression
«accidents de course» («Tourenunfälle»), non seulement correspond au sens
habituel de ces mots, mais trouverait déjà sa confirmation dans les statuts du
C.A.S., car d'après l'art. 2 de ces statuts, l'assurance contre les accidents
n'a été expressément prévue que comme un des «moyens» par lesquels le C.A.S.
cherche à atteindre son but, lequel est «de faciliter les courses de montagne,
d'élargir la connaissance des Alpes suisses, de contribuer à la sauvegarde de
leurs beautés et, par là, d'éveiller et de fortifier l'amour de la patrie», et
comme on ne saurait évidemment prétendre que la chasse soit une activité que
le C.A.S. ait pu se proposer d'encourager ou d'entretenir chez ses membres, on
ne voit en réalité pas l'intérêt ni même la raison qu'il aurait pu avoir à les
assurer également contre les accidents survenus au cours d'une partie de
chasse.
C'est en vain, d'autre part, que les intimés ont cru pouvoir arguer de ce que
l'art. 7 du contrat d'assurance ne mentionne pas les accidents survenus au
cours d'une partie de chasse parmi ceux que le contrat exclut formellement de
l'assurance, pour prétendre qu'en vertu de l'art. 33
SR 221.229.1 Bundesgesetz vom 2. April 1908 über den Versicherungsvertrag (Versicherungsvertragsgesetz, VVG) - Versicherungsvertragsgesetz VVG Art. 33 - Soweit dieses Gesetz nicht anders bestimmt, haftet das Versicherungsunternehmen für alle Ereignisse, welche die Merkmale der Gefahr, gegen deren Folgen Versicherung genommen wurde, an sich tragen, es sei denn, dass der Vertrag einzelne Ereignisse in bestimmter, unzweideutiger Fassung von der Versicherung ausschliesst. |
s'interpréter en ce sens qu'il les couvrirait implicitement. Du moment que les
parties contractantes étaient d'accord sur la signification qui devait être
donnée aux mots «accidents de course» et les entendaient toutes les deux en ce
sens en tout cas qu'ils ne s'appliquaient pas aux accidents qui pouvaient
atteindre un membre du club au cours d'une partie de chasse, il est clair
qu'il ne leur
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était pas nécessaire de les exclure par une disposition expresse. L'art. 33 ne
saurait donc, pour cette raison déjà, être invoqué en l'espèce. Mais il ne
serait pas davantage applicable si les parties contractantes étaient en
désaccord sur ce point. C'est à tort en effet que les intimés prétendent que
l'accident dont leur auteur a été victime présente le caractère du risque
contre les conséquences duquel l'assurance a été conclue. Tel pourrait être le
cas à la rigueur, si les parties contractantes s'étaient contentées de parler
d'accidents de montagne, car il est de fait qu'en soi l'accident dont Stucky a
été victime ne saurait être considéré comme un accident de chasse, au sens
propre de l'expression; il a été dû à une chute de pierres qui aurait pu tout
aussi bien atteindre un membre du club faisant une promenade ou une ascension
dans la montagne. Mais l'art. 1er du contrat, tout comme l'art. 2 des statuts,
en exécution duquel l'assurance a été conclue, n'emploie précisément pas cette
expression; l'un et l'autre se servent au contraire des mots «accidents de
course» qui marquent bien le caractère particulier de l'accident envisagé par
les parties et qui - comme l'indique également l'art. 6 du contrat et selon le
sens usuel de ces termes - doit s'entendre uniquement de l'accident auquel
peut être exposé le membre du club alpin qui a quitté son domicile, non pas,
comme Stucky, dans l'intention de poursuivre des animaux pour les prendre ou
les tuer, mais à seules fins de parcourir le pays en promeneur ou en
excursionniste.
Le Tribunal fédéral prononce:
I. - Le recours est admis et l'arrêt attaqué réformé en ce sens que les
conclusions des demandeurs sont rejetées.