S. 343 / Nr. 77 Obligationenrecht (f)

BGE 61 II 343

77. Arrêt de. la Ire Section civile de 3 décembre. 1935 dans la cause Maxa
S.A. et cons. contre Kaiser et Cie S.A.

Regeste:
La critique objective et exacte des procédés ou des produits d'un concurrent
ne constitue pas un acte de concurrence déloyale.
N'est pas illicite la vente des produits d'un concurrent à des prix inférieurs
à ceux imposés lorsqu'il s'agit d'une mesure de rétorsion à un acte analogue
de ce concurrent.

Résumé des faits:
La maison Kaiser et Cie S. A. avait acquis en 1930 la représentation générale
pour la Suisse des appareils de radio de l'American Bosch Magneto Corp. et de
l'United States Radio and Television CorP.

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Le 29 novembre 1930 la maison Maxa, qui conjointement avec la S. A. Grebler
frères vendait à Genève des appareils Philips et Telefunken, fit paraître dans
la Tribune de Genève une annonce de grandes dimensions dans laquelle elle
déconseillait au public l'achat d'appareils américains et italiens, ceux-ci
étant «incomplets» parce qu'ils ne pouvaient pas capter les ondes longues.
Le représentant genevois de Kaiser et Cie répondit par une annonce, également
de grandes dimensions dans laquelle il réfutait ces critiques et offrait en
outre en vente quelques appareils Telefunken (marque dont Maxa S. A. avait
l'exclusivité à Genève) à des prix inférieurs à ceux fixés pour la vente au
public.
Le 17 décembre 1930, Maxa S. A. et Grebler frères répétèrent dans une nouvelle
annonce leur «mise en garde» contre les appareils américains et italiens
qu'ils déclaraient incomplets et démodés. En outre ils exposèrent et offrirent
en vente dans leurs vitrines des appareils «Apex» et «American Bosch», à des
prix inférieurs à ceux imposés.
Kaiser et Cie S. A. assignèrent Maxa S. A., Grebler frères et Albert Grebler
en paiement de 30000 fr. de dommages-intérêts pour les actes de concurrence
déloyale commis à leur égard.
Statuant le 12 juillet 1935, la Cour de justice civile de Genève a admis la
demande à concurrence de 5000 fr.
Les défendeurs ont recouru en réforme au Tribunal fédéral en concluant à
libération.
Considérant en droit:
1.- ...
2.- La question de savoir si les recourants ont commis à l'égard de l'intimée
des actes de concurrence déloyale interdits par l'art. 48
SR 220 Erste Abteilung: Allgemeine Bestimmungen Erster Titel: Die Entstehung der Obligationen Erster Abschnitt: Die Entstehung durch Vertrag
OR Art. 48
CO doit être
examinée séparément pour chacun d'eux.
a) En ce qui concerne Maxa S. A., il est établi qu'elle a fait paraître dans
la Tribune de Genève les trois annonces

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des 29 novembre 1930, 17 décembre 1930 et 13 février 1931 reproduites
ci-dessus.
A l'égard de la première de ces annonces, la recourante à fait valoir qu'elle
ne mentionnait pas les marques Apex et American Bosch, mais visait d'une
manière générale tous les appareils italiens et américains, et qu'elle ne
renfermait que des affirmations exactes.
S'il est vrai que l'annonce du 29 novembre 1930 ne mentionnait pas les marques
Apex et American Bosch, ces marques étant américaines étaient toutefois
comprises dans celles que Maxa S. A. conseillait au public de ne pas acheter.
Il résulte d'ailleurs des déclarations du témoin ingénieur Grenier qu'en
novembre 1930 les marques American Bosch et Apex étaient certainement les plus
répandues à Genève parmi les quinze marques environ d'appareils américains qui
y étaient offerts en vente.
En ce qui concerne l'exactitude des affirmations contenues dans l'annonce en
question, il n'est pas douteux que Maxa S. A. avait le droit d'attirer
l'attention du public sur le fait que les appareils Philips et Telefunken
vendus par elle permettaient de capter les ondes longues et que les appareils
américains et italiens ne possédaient pas cet avantage. Le Tribunal fédéral
n'a en effet jamais admis le principe adopté par la doctrine et la
jurisprudence françaises (cf. POUILLET Nos 1175 SS., P. 959 SS.; ALLART Nos
198, SS. P. 210 SS.), d'après lequel la critique des procédés ou des produits
d'un concurrent déterminé est illicite même si elle est fondée. Il admet au
contraire cette critique dans des communications faites à titre de réclame, à
condition qu'elle soit objective et exacte, c'est-à-dire que celui qui s'y
livre s'abstienne d'allégations inexactes, blessantes ou contraires à la
vérité et évite tout ce qui, en la forme ou dans le fond, équivaudrait à un
dénigrement, à moins qu'il n'ait été l'objet d'une provocation, qu'il n'ait en
état de légitime défense ou qu'il ne se soit livré à une riposte justifiée
(cf. RO 21 I 181, 43 II 47 et sv., 55 II 181, 56 II 30).

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En l'espèce il n'était pas douteux que la comparaison faite dans l'annonce du
29 novembre 1930 était inutilement blessante et par conséquent illicite. Son
caractère blessant résulte déjà de l'impératif: «N'achetez pas d'appareils
américains, ni italiens» lequel est contraire aux usages d'un commerce
honnête. Quant à la phrase «ils (les appareils italiens et américains) sont
incomplets et vous privent...», elle était pour le moins ambiguë, pouvant être
interprétée dans le sens qu'outre l'incapacité de capter les ondes longues,
les appareils visés possédaient encore d'autres défauts. En outre on ne peut
considérer comme incomplets que des appareils auxquels il manque quelque chose
pour atteindre leur but. Or les appareils italiens et américains possédaient
le nécessaire pour atteindre le leur, qui était de permettre la captation des
ondes dites moyennes. Dans ces conditions, Maxa S. A. eût donc dû s'abstenir
de les qualifier d'incomplets. Le caractère déloyal de l'annonce du 29
novembre 1930 apparaît de manière encore plus caractérisée dans la phrase «Ne
payez pas 800 francs un appareil incomplet». Dans l'interprétation la plus
favorable à la recourante, ces mots signifient que, par le seul fait qu'il ne
capte pas les ondes longues, un appareil ne saurait valoir 800 francs et que
le marchand qui les vend à ce prix exploite le public. Or d'autres qualités
importantes (une plus grande sélectivité et simplicité de réglage, une
meilleure tonalité, une puissance supérieure, etc.) pouvaient parfaitement
justifier à l'époque un prix égal ou même supérieur à celui d'appareils moins
puissants, moins sélectifs, mais pouvant capter aussi les ondes longues.
L'annonce publiée par Maxa S. A. le 17 décembre 1930 doit être examinée à la
lumière de celle que la maison Wahl fit paraître entre temps, le 4 décembre
1930. Dans sa première partie, cette dernière publication, d'un ton très vif
mais justifié par la violence de l'attaque de Maxa S. A. à laquelle elle
répondait, ne renferme aucune allégation

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inexacte, mais seulement quelques exagérations ne dépassant pas les bornes du
licite. Elle ne saurait donc excuser l'annonce du 17 décembre 1930 dont le
caractère déloyal est manifeste. Les vendeurs d'appareils américains et
italiens y sont en effet décrits, contrairement à la vérité, comme des
négociants qui trompent leurs clients en leur vendant au prix fort des
appareils incomplets et démodés et contre lesquels le public doit être mis en
garde.
En revanche, et contrairement à l'opinion de la Cour cantonale, on ne saurait
considérer comme illicite dans les circonstances de l'espèce le fait que dans
une annonce du 7 février 1931 et par des avis placés dans ses vitrines Maxa S.
A. a mis en vente des appareils Apex et American Bosch à des prix inférieurs à
ceux fixés pour la vente au public. Sur ce point c'est en effet le
représentant exclusif de l'intimée à Genève, Paul Wahl, qui s'est départi le
premier de la correction commerciale requise en offrant en vente, dans son
annonce du 4 décembre 1930, des appareils Telefunken et Philips, soit des
appareils représentés à Genève par Maxa S. A., à des prix inférieurs à ceux
fixés pour la revente au public, et cela dans un but de dénigrement qui
résulte des mots: «pour ces raisons, actuellement prix exceptionnels sur
appareils Philips et Telefunken». Sur ce terrain Maxa a donc été provoquée et
s'est bornée à riposter. Il est vrai que la provocation a été le fait de Wahl
et non de Kaiser & Cie, mais cette dernière maison demande dans l'instance
actuelle la réparation du préjudice résultant pour elle de la concurrence
déloyale faite par Maxa S. A. à son représentant exclusif à Genève. Elle ne
saurait dès lors prétendre qu'il soit statué sur la responsabilité de Maxa S.
A. sans tenir compte des actes de son propre représentant susceptibles
d'exclure ou d'atténuer cette responsabilité.
b) Albert Grebler a reconnu dans la procédure pénale

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qu'il était l'auteur des actes reprochés à Maxa S. A. Sa responsabilité doit
donc être admise en vertu de l'art. 50
SR 220 Erste Abteilung: Allgemeine Bestimmungen Erster Titel: Die Entstehung der Obligationen Erster Abschnitt: Die Entstehung durch Vertrag
OR Art. 50 - 1 Haben mehrere den Schaden gemeinsam verschuldet, sei es als Anstifter, Urheber oder Gehilfen, so haften sie dem Geschädigten solidarisch.
1    Haben mehrere den Schaden gemeinsam verschuldet, sei es als Anstifter, Urheber oder Gehilfen, so haften sie dem Geschädigten solidarisch.
2    Ob und in welchem Umfange die Beteiligten Rückgriff gegeneinander haben, wird durch richterliches Ermessen bestimmt.
3    Der Begünstiger haftet nur dann und nur soweit für Ersatz, als er einen Anteil an dem Gewinn empfangen oder durch seine Beteiligung Schaden verursacht hat.
CO.
c) La Cour cantonale a condamné la S. A. Grebler frères solidairement avec
Maxa S. A. et Albert Grebler, en application de l'art. 50
SR 220 Erste Abteilung: Allgemeine Bestimmungen Erster Titel: Die Entstehung der Obligationen Erster Abschnitt: Die Entstehung durch Vertrag
OR Art. 50 - 1 Haben mehrere den Schaden gemeinsam verschuldet, sei es als Anstifter, Urheber oder Gehilfen, so haften sie dem Geschädigten solidarisch.
1    Haben mehrere den Schaden gemeinsam verschuldet, sei es als Anstifter, Urheber oder Gehilfen, so haften sie dem Geschädigten solidarisch.
2    Ob und in welchem Umfange die Beteiligten Rückgriff gegeneinander haben, wird durch richterliches Ermessen bestimmt.
3    Der Begünstiger haftet nur dann und nur soweit für Ersatz, als er einen Anteil an dem Gewinn empfangen oder durch seine Beteiligung Schaden verursacht hat.
CO, par le motif
qu'à l'époque où les actes de concurrence déloyale furent commis, elle ne
formait en réalité qu'une seule entreprise commerciale avec les prénommés.
Cette constatation de fait n'a pas été attaquée comme contraire aux pièces du
dossier et la déduction de droit qu'en a tirée la Cour apparaît dès lors comme
justifiée.
3.- ...
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 61 II 343
Date : 01. Januar 1935
Publié : 03. Dezember 1935
Source : Bundesgericht
Statut : 61 II 343
Domaine : BGE - Zivilrecht
Objet : La critique objective et exacte des procédés ou des produits d'un concurrent ne constitue pas un...


Répertoire des lois
CO: 48 
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 48
50
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 50 - 1 Lorsque plusieurs ont causé ensemble un dommage, ils sont tenus solidairement de le réparer, sans qu'il y ait lieu de distinguer entre l'instigateur, l'auteur principal et le complice.
1    Lorsque plusieurs ont causé ensemble un dommage, ils sont tenus solidairement de le réparer, sans qu'il y ait lieu de distinguer entre l'instigateur, l'auteur principal et le complice.
2    Le juge appréciera s'ils ont un droit de recours les uns contre les autres et déterminera, le cas échéant, l'étendue de ce recours.
3    Le receleur n'est tenu du dommage qu'autant qu'il a reçu une part du gain ou causé un préjudice par le fait de sa coopération.
Répertoire ATF
21-I-175 • 43-II-47 • 55-II-178 • 56-II-24 • 61-II-343
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
concurrence déloyale • mention • tribunal fédéral • contraire aux pièces • avis • membre d'une communauté religieuse • dommages-intérêts • excusabilité • forme et contenu • communication • contrat de représentation exclusive • revente • tennis • exactitude • doctrine • quant • procédure pénale • entreprise commerciale • constatation des faits • légitime défense