124 I 336
41. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour de droit public du 5 novembre 1998 dans la cause Michailov contre Procureur du canton de Genève (recours de droit public)
Regeste (de):
- Persönliche Freiheit und Art. 6 Ziff. 1 EMRK; Prozessfähigkeit des Untersuchungsgefangenen.
- Das Recht, vor Gericht aufzutreten, ist Teil der persönlichen Freiheit (E. 4a) und des Rechts auf ein faires Verfahren nach Art. 6 Ziff. 1 EMRK (E. 4b).
- Tragweite der Prozessfähigkeit von Untersuchungsgefangenen (E. 4c).
- Im vorliegenden Fall hat die Behörde das Verbot gegenüber einem Untersuchungsgefangenen, im Ausland einen Prozess anzuheben, unter dem Gesichtswinkel der persönlichen Freiheit und von Art. 6 Ziff. 1 EMRK nicht mit hinreichenden Verdachtsgründen belegt (E. 4d).
Regeste (fr):
- Liberté personnelle; art. 6 par. 1 CEDH; droit d'ester en justice de la personne placée en détention préventive.
- Le droit d'ester en justice est l'un des aspects de la liberté personnelle (consid. 4a) et du droit à un procès équitable garanti par l'art. 6 par. 1 CEDH (consid. 4b).
- Etendue du droit d'ester en justice de la personne placée en détention préventive (consid. 4c).
- En l'espèce, l'autorité cantonale n'a pas indiqué les soupçons propres à justifier, au regard de la liberté personnelle et de l'art. 6 par. 1 CEDH, l'interdiction faite à la personne placée en détention préventive d'intenter un procès à l'étranger (consid. 4d).
Regesto (it):
- Libertà personale; art. 6 n. 1 CEDU; capacità di stare in giudizio di un detenuto in carcere preventivo.
- Il diritto di stare in giudizio costituisce un aspetto della libertà personale (consid. 4a) e del diritto a un equo processo garantito dall'art. 6 n. 1 CEDU (consid. 4b).
- Portata della capacità di stare in giudizio del detenuto in carcere preventivo (consid. 4c).
- Nella fattispecie l'autorità non ha motivato in maniera sufficiente i sospetti atti a giustificare, dal profilo della libertà personale e dell'art. 6 n. 1 CEDU, il divieto, pronunciato nei confronti di un detenuto in carcere preventivo, di intentare un processo all'estero (consid. 4d).
Sachverhalt ab Seite 336
BGE 124 I 336 S. 336
Le 17 octobre 1996, le Juge d'instruction du canton de Genève a inculpé Sergueï Anatolevitch Michailov, ressortissant russe né en 1958, de participation à une organisation criminelle (art. 260ter
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 260ter - 1 Est puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque: |
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1 | Est puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque: |
a | participe à une organisation qui poursuit le but de: |
a1 | commettre des actes de violence criminels ou de se procurer des revenus par des moyens criminels, ou |
a2 | commettre des actes de violence criminels visant à intimider une population ou à contraindre un État ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque, ou |
b | soutient une telle organisation dans son activité. |
2 | L'al. 1, let. b ne s'applique pas aux services humanitaires fournis par un organisme humanitaire impartial, tel que le Comité international de la Croix-Rouge, conformément à l'art. 3 commun aux Conventions de Genève du 12 août 1949354. |
3 | L'auteur est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au moins s'il exerce une influence déterminante au sein de l'organisation. |
4 | Le juge peut atténuer la peine (art. 48a) si l'auteur s'efforce d'empêcher la poursuite de l'activité de l'organisation. |
5 | Est également punissable quiconque commet l'infraction à l'étranger si l'organisation exerce ou envisage d'exercer son activité criminelle en tout ou en partie en Suisse. L'art. 7, al. 4 et 5, est applicable. |
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 305bis - 1. Quiconque commet un acte propre à entraver l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de valeurs patrimoniales dont il sait ou doit présumer qu'elles proviennent d'un crime ou d'un délit fiscal qualifié, est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.440 |
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1 | Quiconque commet un acte propre à entraver l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de valeurs patrimoniales dont il sait ou doit présumer qu'elles proviennent d'un crime ou d'un délit fiscal qualifié, est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.440 |
2 | Dans les cas graves, l'auteur est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.444 |
a | agit comme membre d'une organisation criminelle ou terroriste (art. 260ter); |
b | agit comme membre d'une bande formée pour se livrer de manière systématique au blanchiment d'argent446; |
c | réalise un chiffre d'affaires ou un gain importants en faisant métier de blanchir de l'argent. |
3 | Le délinquant est aussi punissable lorsque l'infraction principale a été commise à l'étranger et lorsqu'elle est aussi punissable dans l'État où elle a été commise.447 |
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 305bis - 1. Quiconque commet un acte propre à entraver l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de valeurs patrimoniales dont il sait ou doit présumer qu'elles proviennent d'un crime ou d'un délit fiscal qualifié, est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.440 |
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1 | Quiconque commet un acte propre à entraver l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de valeurs patrimoniales dont il sait ou doit présumer qu'elles proviennent d'un crime ou d'un délit fiscal qualifié, est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.440 |
2 | Dans les cas graves, l'auteur est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.444 |
a | agit comme membre d'une organisation criminelle ou terroriste (art. 260ter); |
b | agit comme membre d'une bande formée pour se livrer de manière systématique au blanchiment d'argent446; |
c | réalise un chiffre d'affaires ou un gain importants en faisant métier de blanchir de l'argent. |
3 | Le délinquant est aussi punissable lorsque l'infraction principale a été commise à l'étranger et lorsqu'elle est aussi punissable dans l'État où elle a été commise.447 |
BGE 124 I 336 S. 337
d'avoir transféré en Suisse des fonds provenant de diverses activités illicites exercées en qualité de dirigeant de l'organisation criminelle russe connue sous le nom de «Solntsevskaya.» Il était aussi reproché à Michailov d'avoir éludé le régime d'autorisation régi par la LFAIE et d'avoir séjourné plus de trois mois en Suisse sans autorisation valable. Cette procédure a été désignée sous la rubrique P/9980/96. Le 20 août 1997, le Juge d'instruction a inculpé Michailov de faux dans les titres au sens de l'art. 251
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 251 - 1. Quiconque, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, |
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1 | Quiconque, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, |
2 | Abrogé |
Le 17 mars 1998, le Juge d'instruction a inculpé l'un des défenseurs de Michailov, Me I., de soutien à une organisation criminelle (art. 260ter
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 260ter - 1 Est puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque: |
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1 | Est puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque: |
a | participe à une organisation qui poursuit le but de: |
a1 | commettre des actes de violence criminels ou de se procurer des revenus par des moyens criminels, ou |
a2 | commettre des actes de violence criminels visant à intimider une population ou à contraindre un État ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque, ou |
b | soutient une telle organisation dans son activité. |
2 | L'al. 1, let. b ne s'applique pas aux services humanitaires fournis par un organisme humanitaire impartial, tel que le Comité international de la Croix-Rouge, conformément à l'art. 3 commun aux Conventions de Genève du 12 août 1949354. |
3 | L'auteur est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au moins s'il exerce une influence déterminante au sein de l'organisation. |
4 | Le juge peut atténuer la peine (art. 48a) si l'auteur s'efforce d'empêcher la poursuite de l'activité de l'organisation. |
5 | Est également punissable quiconque commet l'infraction à l'étranger si l'organisation exerce ou envisage d'exercer son activité criminelle en tout ou en partie en Suisse. L'art. 7, al. 4 et 5, est applicable. |
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 305 - 1 Quiconque soustrait une personne à une poursuite pénale ou à l'exécution d'une peine ou d'une des mesures prévues aux art. 59 à 61, 63 et 64 est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. |
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1 | Quiconque soustrait une personne à une poursuite pénale ou à l'exécution d'une peine ou d'une des mesures prévues aux art. 59 à 61, 63 et 64 est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. |
1bis | Encourt la même peine quiconque soustrait une personne à une poursuite pénale ouverte à l'étranger ou à l'exécution d'une peine privative de liberté ou d'une mesure relevant des art. 59 à 61, 63 ou 64 prononcées à l'étranger pour un des crimes visés à l'art. 101. |
2 | L'auteur n'est pas punissable s'il favorise l'un de ses proches ou une autre personne avec laquelle il entretient des relations assez étroites pour rendre sa conduite excusable. |
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 260ter - 1 Est puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque: |
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1 | Est puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque: |
a | participe à une organisation qui poursuit le but de: |
a1 | commettre des actes de violence criminels ou de se procurer des revenus par des moyens criminels, ou |
a2 | commettre des actes de violence criminels visant à intimider une population ou à contraindre un État ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque, ou |
b | soutient une telle organisation dans son activité. |
2 | L'al. 1, let. b ne s'applique pas aux services humanitaires fournis par un organisme humanitaire impartial, tel que le Comité international de la Croix-Rouge, conformément à l'art. 3 commun aux Conventions de Genève du 12 août 1949354. |
3 | L'auteur est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au moins s'il exerce une influence déterminante au sein de l'organisation. |
4 | Le juge peut atténuer la peine (art. 48a) si l'auteur s'efforce d'empêcher la poursuite de l'activité de l'organisation. |
5 | Est également punissable quiconque commet l'infraction à l'étranger si l'organisation exerce ou envisage d'exercer son activité criminelle en tout ou en partie en Suisse. L'art. 7, al. 4 et 5, est applicable. |
BGE 124 I 336 S. 338
russe, dont, à lecture de votre lettre, le mandat aurait pour objet d'introduire action en diffamation contre les «médias en Russie». En cela nous n'entendons pas participer aux manoeuvres d'intimidation de votre client dont le rôle de dirigeant de l'organisation criminelle SOLNTSEVSKAYA a été confirmée par le Procureur général de Russie". Le 30 août 1998, Michailov a demandé au Procureur de reconsidérer sa décision, ce qui lui a été refusé le 4 septembre 1998. Agissant par la voie du recours de droit public, Sergueï Anatolevitch Michailov demande au Tribunal fédéral d'annuler la décision du 26 août 1998 et d'inviter l'autorité intimée à lui accorder la permission de recevoir la visite d'un notaire en vue d'établir la procuration en question. Il invoque la liberté personnelle, la liberté d'expression, l'art. 4
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 260ter - 1 Est puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque: |
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1 | Est puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque: |
a | participe à une organisation qui poursuit le but de: |
a1 | commettre des actes de violence criminels ou de se procurer des revenus par des moyens criminels, ou |
a2 | commettre des actes de violence criminels visant à intimider une population ou à contraindre un État ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque, ou |
b | soutient une telle organisation dans son activité. |
2 | L'al. 1, let. b ne s'applique pas aux services humanitaires fournis par un organisme humanitaire impartial, tel que le Comité international de la Croix-Rouge, conformément à l'art. 3 commun aux Conventions de Genève du 12 août 1949354. |
3 | L'auteur est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au moins s'il exerce une influence déterminante au sein de l'organisation. |
4 | Le juge peut atténuer la peine (art. 48a) si l'auteur s'efforce d'empêcher la poursuite de l'activité de l'organisation. |
5 | Est également punissable quiconque commet l'infraction à l'étranger si l'organisation exerce ou envisage d'exercer son activité criminelle en tout ou en partie en Suisse. L'art. 7, al. 4 et 5, est applicable. |
Erwägungen
Extraits des considérants:
4. a) Droit constitutionnel non écrit, la liberté personnelle ne tend pas seulement à assurer la liberté de mouvement ou à protéger l'intégrité personnelle, mais elle garantit, de manière générale, le respect de la personnalité (ATF 124 I 40 consid. 3a p. 42, 85 consid. 2 p. 86/87, 170 consid. 2b p. 171/172; ATF 123 I 112 consid. 4a p. 118; ATF 122 I 279 consid. 3 p. 288, 360 consid. 5a p. 362; ATF 120 Ia 145 consid. 7a, 149 consid. 2a). L'exercice des droits civils, dont celui d'ester en justice, représente l'un des aspects de la liberté personnelle protégée par la Constitution.
b) Dans un arrêt de principe rendu le 21 février 1975 dans la cause Golder c. Royaume-Uni (Série A, vol. 18), la Cour européenne des droits de l'homme a eu l'occasion de se prononcer sur le point de savoir si l'art. 6 par. 1 CEDH se borne à garantir en substance le droit à un procès équitable, ou s'il reconnaît en outre un droit d'accès aux tribunaux à toute personne voulant introduire une action relative à une contestation portant sur ses droits et obligations de caractère civil (arrêt précité, par. 25). Dans cette affaire, le requérant avait demandé l'autorisation de consulter un avocat en vue d'intenter une action en dommages-intérêts pour diffamation contre un gardien de la prison où il était détenu. L'autorité compétente avait rejeté cette requête. Retenant que Golder avait manifesté «de la façon la plus claire sa volonté d'intenter une action civile pour diffamation» et
BGE 124 I 336 S. 339
que le mandat confié à un avocat à cette fin représentait une «mesure préparatoire normale en elle-même et vraisemblablement indispensable pour lui en raison de son état de détention», la Cour a d'abord considéré que sur un plan général, la prééminence du droit «ne se conçoit guère sans la possibilité d'accéder aux tribunaux» (arrêt précité, par. 34 in fine) et que «le principe selon lequel une contestation civile doit pouvoir être portée devant un juge compte au nombre des principes fondamentaux de droit universellement reconnus», au même titre que la prohibition du déni de justice et que l'art. 6 par. 1 CEDH doit se lire à leur lumière (arrêt précité, par. 35). En l'espèce, la Cour a considéré qu'en dépit du fait que Golder aurait pu s'adresser librement aux tribunaux une fois libéré et que l'interdiction qui lui était opposée revêtait un caractère temporaire, il n'en demeurait pas moins que cette entrave portait atteinte à l'exercice efficace du droit d'accès aux tribunaux reconnu implicitement par l'art. 6 par. 1 CEDH (arrêt cité, par. 26 et 36; cf. aussi l'arrêt de la Cour européenne Ashingdane c. Royaume-Uni du 28 mai 1985, Série A, vol. 93 par. 57). La Cour a conclu:
"Dans ces conditions, Golder pouvait légitimement vouloir prendre contact avec un avocat afin de s'adresser à une juridiction. Le ministre n'avait pas à apprécier lui-même les chances de succès de l'action envisagée; il appartenait à un tribunal indépendant et impartial d'en décider éventuellement. En répondant qu'il ne croyait pas devoir accorder la permission sollicitée, le ministre a méconnu dans la personne du requérant le droit de saisir un tribunal, tel que le garantit l'art. 6 par. 1 (arrêt cité, par. 40)." Dans le même arrêt, la Cour a précisé que le droit d'accès au tribunaux n'est pas absolu et qu'il y a place - tout spécialement pour un droit qui n'est pas reconnu expressément par la Convention - pour des limitations implicitement admises de ce droit (arrêt précité, par. 38). Soulignant qu'elle n'avait «pas à échafauder une théorie générale des limitations admissibles [à l'accès des tribunaux] dans le cas de condamnés détenus», ni de vérifier abstraitement la compatibilité des règles pénitentiaires nationales avec la Convention, la Cour s'est bornée à vérifier si, dans le cas d'espèce, la Convention avait été violée au détriment du requérant (arrêt précité, par. 39). Dans son arrêt Eglise catholique de La Canée c. Grèce du 16 décembre 1997, concernant le refus de la reconnaissance de la personnalité juridique de la requérante, avec pour conséquence son incapacité d'ester en justice, la Cour européenne des droits de l'homme, confirmant la solution de l'arrêt Golder, a réitéré que le droit d'accès au tribunal n'est pas absolu: «appelant de par sa nature
BGE 124 I 336 S. 340
même une réglementation par l'Etat, il peut donner lieu à des limitations, lesquelles ne sauraient cependant restreindre l'accès d'une manière ou à un point tels que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même» (par. 38). c) Sur le vu des principes qui viennent d'être rappelés, si la personne placée en détention préventive ne peut prétendre disposer d'un droit inconditionnel et absolu à exercer ses droits civils, dont celui d'ester en justice, l'autorité chargée de la surveillance de la détention préventive ne saurait priver de manière générale le détenu des moyens concrets d'intenter un procès. Une telle restriction aux droits garantis par l'art. 6 par. 1 CEDH et le droit constitutionnel non écrit ne sont admissibles que si elles reposent sur une base légale, sont ordonnées dans l'intérêt public et respectent le principe de la proportionnalité; la liberté personnelle, en tant qu'institution fondamentale de l'ordre juridique, ne saurait toutefois être complètement supprimée ou vidée de son contenu par les restrictions légales qui peuvent lui être apportées dans l'intérêt public (ATF 124 I 40 consid. 3a p. 42, 80 consid. 2c p. 81, 170 consid. 2b p. 171/172, 176 consid. 5a p. 177; ATF 123 I 112 consid. 4e p. 121, 221 consid. 4 p. 226, et les arrêts cités). Les personnes détenues sont soumises aux restrictions qui découlent de la mesure de contrainte qui leur est imposée; celle-ci ne doit toutefois pas aller au-delà de ce qui est nécessaire au but de l'incarcération et au fonctionnement normal de l'établissement de détention (ATF 123 I 221 consid. 4c p. 228; 122 I 222 consid. 2a/aa p. 226; ATF 122 II 299 consid. 3b p. 303; ATF 118 Ia 64 consid. 2d p. 73, et les arrêts cités). Les exigences inhérentes au but de la détention préventive doivent être examinées dans chaque cas et les restrictions imposées pourront être d'autant plus sévères que le risque de fuite, de collusion ou de désordre interne apparaît élevé (ATF 123 I 221 consid. 4c p. 228; ATF 118 Ia 64 consid. 2d p. 73). La détention préventive n'a pas seulement pour but d'empêcher le détenu de récidiver ou de se soustraire à l'action pénale, mais aussi de prévenir tout risque de collusion ou d'entrave à la justice. Il s'agit là de motifs d'intérêt public propres à justifier, selon les circonstances, une restriction aux droits civils du détenu, dont celui d'agir en justice. Le détenu ne peut en effet, sous le prétexte de la protection de sa personnalité, intenter un procès contre des tiers lorsqu'il existe des soupçons fondés qu'une telle action vise en réalité à contrecarrer l'action de la justice, par exemple en cherchant à exercer des pressions sur les autorités judiciaires ou leurs auxiliaires, de manière directe ou indirecte. Encore
BGE 124 I 336 S. 341
faut-il que ces soupçons reposent sur des éléments de fait concrets, dont l'autorité doit faire état dans sa décision de manière claire et précise, conformément au droit d'être entendu dont bénéficie le détenu à l'instar de tous les citoyens, et qui découle aussi bien de l'art. 4
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 260ter - 1 Est puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque: |
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1 | Est puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque: |
a | participe à une organisation qui poursuit le but de: |
a1 | commettre des actes de violence criminels ou de se procurer des revenus par des moyens criminels, ou |
a2 | commettre des actes de violence criminels visant à intimider une population ou à contraindre un État ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque, ou |
b | soutient une telle organisation dans son activité. |
2 | L'al. 1, let. b ne s'applique pas aux services humanitaires fournis par un organisme humanitaire impartial, tel que le Comité international de la Croix-Rouge, conformément à l'art. 3 commun aux Conventions de Genève du 12 août 1949354. |
3 | L'auteur est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au moins s'il exerce une influence déterminante au sein de l'organisation. |
4 | Le juge peut atténuer la peine (art. 48a) si l'auteur s'efforce d'empêcher la poursuite de l'activité de l'organisation. |
5 | Est également punissable quiconque commet l'infraction à l'étranger si l'organisation exerce ou envisage d'exercer son activité criminelle en tout ou en partie en Suisse. L'art. 7, al. 4 et 5, est applicable. |
BGE 124 I 336 S. 342
le cas, il devait étayer de tels soupçons. Or, il ne l'a pas fait. La situation n'étant pas limpide à ce sujet, le Tribunal fédéral n'est pas en mesure de substituer les motifs de la décision attaquée (cf. ATF 122 I 257 consid. 5 p. 262; ATF 120 Ia 226 consid. 3d; ATF 112 Ia 135 consid. 3c, 355 consid. 3c/bb). En outre, les observations présentées le 8 octobre 1998 par le Procureur en réponse au recours ne contiennent pas les indications nécessaires qui auraient permis, le cas échéant, de réparer les défauts de la décision attaquée dans le cadre d'un deuxième échange d'écritures qui aurait pu être ordonné en application de l'art. 93 al. 3
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 260ter - 1 Est puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque: |
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1 | Est puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque: |
a | participe à une organisation qui poursuit le but de: |
a1 | commettre des actes de violence criminels ou de se procurer des revenus par des moyens criminels, ou |
a2 | commettre des actes de violence criminels visant à intimider une population ou à contraindre un État ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque, ou |
b | soutient une telle organisation dans son activité. |
2 | L'al. 1, let. b ne s'applique pas aux services humanitaires fournis par un organisme humanitaire impartial, tel que le Comité international de la Croix-Rouge, conformément à l'art. 3 commun aux Conventions de Genève du 12 août 1949354. |
3 | L'auteur est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au moins s'il exerce une influence déterminante au sein de l'organisation. |
4 | Le juge peut atténuer la peine (art. 48a) si l'auteur s'efforce d'empêcher la poursuite de l'activité de l'organisation. |
5 | Est également punissable quiconque commet l'infraction à l'étranger si l'organisation exerce ou envisage d'exercer son activité criminelle en tout ou en partie en Suisse. L'art. 7, al. 4 et 5, est applicable. |
BGE 124 I 336 S. 343
proportionnalité, différer jusqu'au prononcé du jugement de la Cour correctionnelle les effets d'une autorisation qu'il accorderait. Une telle suspension serait apparemment de nature à prévenir le risque redouté par l'autorité intimée, sans pour autant restreindre de manière disproportionnée, en l'espèce, l'exercice de ses droits civils par le recourant. Au demeurant, celui-ci n'allègue pas que la démarche qu'il souhaite entreprendre en Russie présenterait un quelconque caractère d'urgence.