Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C 521/2017, 1C 532/2017, 1C 545/2017
Arrêt du 14 mai 2018
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Merkli, Président,
Karlen, Eusebio, Chaix et Kneubühler.
Greffier : M. Kurz.
Participants à la procédure
1C 521/2017
Gérard Robin,
recourant,
1C 532/2017
Pierre-François Duc,
recourant,
1C 545/2017
1. Hugues Salomé,
2. Cyril Duc,
tous les deux représentés par
Me Mercedes Novier, avocate,
recourants,
contre
Commune de Tolochenaz,
agissant par la Municipalité de Tolochenaz,
elle-même représentée par Me Laurent Trivelli, avocat,
intimée,
Préfète du district de Morges,
Conseil d'Etat du canton de Vaud,
agissant par le Service juridique et législatif, Direction.
Objet
Droits politiques, recours contre la votation communale du 27 novembre 2016,
recours contre les arrêts du Tribunal cantonal
du canton de Vaud, Cour constitutionnelle,
du 12 septembre 2017.
Faits :
A.
Dans sa séance du 20-21 juin 2016, le Conseil communal de Tolochenaz a adopté deux préavis municipaux relatifs l'un à un crédit de 3'600'000 fr. pour l'achat de quatre bâtiments au centre du village et une étude de mise en valeur, l'autre à l'adoption du plan de quartier "En Cornachon". Le premier de ces préavis a été soumis à un référendum spontané, le second à un référendum populaire et la date de la votation a été fixée au 27 novembre 2016, simultanément à la votation sur l'initiative populaire fédérale "Sortir du nucléaire".
Le 13 octobre 2016, la Municipalité de Tolochenaz a adressé à l'ensemble des habitants de la commune, une lettre d'une page portant la signature de ses cinq membres, recommandant "chaleureusement" de voter deux fois oui et indiquant que durant cinq semaines consécutives, des portes ouvertes auraient lieu tous les mercredis soir dans l'un des bâtiments concernés. Etait joint à cette lettre un dépliant de quatre pages A5 élaboré par le comité "2x OUI" résumant les avantages des deux projets pour la population; les destinataires de la lettre étaient en outre invités à visiter le site Internet du comité ( www.faisons-vivre-tolochenaz.ch). Le 31 octobre 2016, le "comité référendaire 2x NON" a adressé aux mêmes destinataires sa recommandation de vote. La brochure explicative en vue de la votation, remise aux électeurs à partir du 3 novembre 2016, comporte huit pages au format A5. L'exposé des objets soumis à la votation (deux pages) mentionne les avantages que présentent les deux projets pour la population. Il est suivi de l'argumentaire du comité ("dix bonnes raisons de voter deux fois OUI", sur deux pages) et des recommandations de la Municipalité, également favorable sans réserve: "le double OUI permet de réaliser le projet de la
Municipalité visant à transformer le coeur du village pour y créer un lieu de vie et de rencontre à disposition des habitants de Tolochenaz". Les arguments des opposants (en substance des motifs tenant à l'esthétique, à l'intégration et à la densification, au stationnement et à la circulation et à des raisons d'ordre fiscal et budgétaire), figurent sur les deux dernières pages.
Le 4 novembre 2016, les membres du comité "2x NON", soit Gérard Robin, Cyril Duc et Pierre-François Duc, ont adressé un recours à la Préfecture de Morges, considérant que la brochure explicative ne présentait pas les arguments de manière équitable. Ce recours a été transmis au Conseil d'Etat du canton de Vaud.
B.
Le résultat de la votation du 27 novembre 2016 a été le suivant:
" Electeurs inscrits: 1276
Cartes des votes reçues: 797
Objet n° 1, adoption du plan de quartier "En Cornachon"
Bulletins rentrés: 774
Bulletins blancs: 1
Bulletins nuls: 2
Bulletins valables: 771
Oui: 389
Non: 382
Taux de participation: 60.71%
Objet n° 2, Crédit de 3'600'000 fr. pour l'achat d'un ensemble de bâtiments
Bulletins rentrés: 777
Bulletins blancs: 4
Bulletins nuls: 2
Bulletins valables: 771
Oui: 396
Non: 375
Taux de participation: 60.94% ".
Un nouveau recours a été formé au Conseil d'Etat, notamment par Hugues Salomé, contre la proclamation du résultat.
C.
Par décision datée du 22 mars 2017, le Conseil d'Etat a joint et rejeté les deux recours. Le comité "2x OUI" ne faisait pas partie des entités autorisées à s'exprimer dans la brochure explicative. Toutefois, l'argumentaire de ce comité pouvait tenir lieu d'avis de l'autorité, cette dernière n'ayant pas présenté de prise de position propre. En définitive, les arguments des partisans et des opposants étaient présentés de manière équilibrée et tenaient chacun sur deux pages, même si la police de l'avis du comité "2x OUI" était légèrement plus petite. Une éventuelle irrégularité n'avait pas eu d'influence sur le résultat de la votation. Les autres arguments relatifs au manque d'objectivité de la Municipalité ont été considérés comme non pertinents. S'agissant du résultat de la votation, un recomptage avait été effectué et aucune erreur n'avait été mise en évidence. La différence entre le nombre de cartes de vote et le nombre de bulletins déposés pouvait s'expliquer par le fait que certains électeurs n'avaient pas voté pour tous les objets soumis simultanément au scrutin. Aucune irrégularité n'était apparue dans le dépouillement.
D.
Par trois arrêts du 12 septembre 2017, la Cour constitutionnelle du Tribunal cantonal vaudois a rejeté les recours formés par Hugues Salomé et Cyril Duc, par Gérard Robin et par Pierre-François Duc, Frédéric Glassey et Jean-François Huguelet. Le fait que l'argumentaire des opposants soit présenté à la fin de la brochure explicative ne constituait pas un traitement inéquitable. Les arguments du comité "2x OUI" pouvaient remplacer l'avis de l'autorité et les deux textes étaient présentés de manière comparable. Le comité "2x OUI" n'avait pas diffusé d'informations trompeuses; même si ce comité avait engagé des moyens assez importants, une intervention de l'autorité communale pour rétablir l'équilibre ne se justifiait pas. Concernant les opérations de vote et de dépouillement, il était courant que le nombre de cartes de vote dépasse celui des bulletins rentrés; les procès-verbaux du bureau électoral ne faisaient état d'aucune irrégularité (double vote notamment); l'ouverture par une seule personne des enveloppes de vote par correspondance ne constituait pas une irrégularité, pas plus que la présence, à l'issue du dépouillement, de deux personnes étrangères à l'administration.
E.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, Gérard Robin (1C 521/2017), Pierre-François Duc (1C 532/2017), Hugues Salomé et Cyril Duc (1C 545/2017) demandent en substance et à titre principal l'annulation de la votation. Préalablement, les recourants demandent l'octroi de l'effet suspensif ou de mesures provisionnelles tendant à empêcher la commune d'entreprendre des démarches liées à la mise en oeuvre des projets concernés par la votation.
Par ordonnances du 24 octobre 2017, la demande d'effet suspensif et de mesures provisionnelles a été admise.
La Cour constitutionnelle renonce à se déterminer sur les recours et se réfère aux considérants de son arrêt. Le Service juridique et législatif du canton de Vaud, agissant sur délégation du Conseil d'Etat, conclut au rejet des recours. La commune de Tolochenaz conclut également au rejet des recours. Les recourants ont présenté des déterminations complémentaires et persistent dans leurs conclusions respectives.
Les parties n'ont pas déposé d'autres observations.
Considérant en droit :
1.
Les trois recours sont dirigés au fond contre une même votation communale et font valoir des arguments similaires. Il se justifie de les joindre afin qu'il soit statué à leur sujet par un seul et même arrêt (art. 71
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 71 - Lorsque la présente loi ne contient pas de dispositions de procédure, les dispositions de la PCF31 sont applicables par analogie. |
2.
Selon l'art. 82 let. c
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 82 Principe - Le Tribunal fédéral connaît des recours: |
|
a | contre les décisions rendues dans des causes de droit public; |
b | contre les actes normatifs cantonaux; |
c | qui concernent le droit de vote des citoyens ainsi que les élections et votations populaires. |
Citoyens actifs de la commune de Tolochenaz, les recourants, qui ont pris part à la procédure devant la Cour constitutionnelle, ont la qualité pour recourir, au sens de l'art. 89 al. 3
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 89 Qualité pour recourir - 1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque: |
|
1 | A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque: |
a | a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire; |
b | est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué, et |
c | a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification. |
2 | Ont aussi qualité pour recourir: |
a | la Chancellerie fédérale, les départements fédéraux ou, pour autant que le droit fédéral le prévoie, les unités qui leur sont subordonnées, si l'acte attaqué est susceptible de violer la législation fédérale dans leur domaine d'attributions; |
b | l'organe compétent de l'Assemblée fédérale en matière de rapports de travail du personnel de la Confédération; |
c | les communes et les autres collectivités de droit public qui invoquent la violation de garanties qui leur sont reconnues par la constitution cantonale ou la Constitution fédérale; |
d | les personnes, organisations et autorités auxquelles une autre loi fédérale accorde un droit de recours. |
3 | En matière de droits politiques (art. 82, let. c), quiconque a le droit de vote dans l'affaire en cause a qualité pour recourir. |
Pour le surplus, interjeté en temps utile et dans les formes requises contre une décision finale prise en dernière instance cantonale non susceptible de recours devant le Tribunal administratif fédéral, les recours sont recevables au regard des art. 42
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 42 Mémoires - 1 Les mémoires doivent être rédigés dans une langue officielle, indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signés. |
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1 | Les mémoires doivent être rédigés dans une langue officielle, indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signés. |
2 | Les motifs doivent exposer succinctement en quoi l'acte attaqué viole le droit. Si le recours n'est recevable que lorsqu'il soulève une question juridique de principe ou qu'il porte sur un cas particulièrement important pour d'autres motifs, il faut exposer en quoi l'affaire remplit la condition exigée.15 16 |
3 | Les pièces invoquées comme moyens de preuve doivent être jointes au mémoire, pour autant qu'elles soient en mains de la partie; il en va de même de la décision attaquée si le mémoire est dirigé contre une décision. |
4 | En cas de transmission électronique, le mémoire doit être muni de la signature électronique qualifiée de la partie ou de son mandataire au sens de la loi du 18 mars 2016 sur la signature électronique17. Le Tribunal fédéral détermine dans un règlement: |
a | le format du mémoire et des pièces jointes; |
b | les modalités de la transmission; |
c | les conditions auxquelles il peut exiger, en cas de problème technique, que des documents lui soient adressés ultérieurement sur papier.18 |
5 | Si la signature de la partie ou de son mandataire, la procuration ou les annexes prescrites font défaut, ou si le mandataire n'est pas autorisé, le Tribunal fédéral impartit un délai approprié à la partie pour remédier à l'irrégularité et l'avertit qu'à défaut le mémoire ne sera pas pris en considération. |
6 | Si le mémoire est illisible, inconvenant, incompréhensible ou prolixe ou qu'il n'est pas rédigé dans une langue officielle, le Tribunal fédéral peut le renvoyer à son auteur; il impartit à celui-ci un délai approprié pour remédier à l'irrégularité et l'avertit qu'à défaut le mémoire ne sera pas pris en considération. |
7 | Le mémoire de recours introduit de manière procédurière ou à tout autre égard abusif est irrecevable. |
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 86 Autorités précédentes en général - 1 Le recours est recevable contre les décisions: |
|
1 | Le recours est recevable contre les décisions: |
a | du Tribunal administratif fédéral; |
b | du Tribunal pénal fédéral; |
c | de l'Autorité indépendante d'examen des plaintes en matière de radio-télévision; |
d | des autorités cantonales de dernière instance, pour autant que le recours devant le Tribunal administratif fédéral ne soit pas ouvert. |
2 | Les cantons instituent des tribunaux supérieurs qui statuent comme autorités précédant immédiatement le Tribunal fédéral, sauf dans les cas où une autre loi fédérale prévoit qu'une décision d'une autre autorité judiciaire peut faire l'objet d'un recours devant le Tribunal fédéral. |
3 | Pour les décisions revêtant un caractère politique prépondérant, les cantons peuvent instituer une autorité autre qu'un tribunal. |
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 100 Recours contre une décision - 1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète. |
|
1 | Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète. |
2 | Le délai de recours est de dix jours contre: |
a | les décisions d'une autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et de faillite; |
b | les décisions en matière d'entraide pénale internationale et d'assistance administrative internationale en matière fiscale; |
c | les décisions portant sur le retour d'un enfant fondées sur la Convention européenne du 20 mai 1980 sur la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière de garde des enfants et le rétablissement de la garde des enfants92 ou sur la Convention du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants93. |
d | les décisions du Tribunal fédéral des brevets concernant l'octroi d'une licence visée à l'art. 40d de la loi du 25 juin 1954 sur les brevets95. |
3 | Le délai de recours est de cinq jours contre: |
a | les décisions d'une autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour effets de change; |
b | les décisions d'un gouvernement cantonal sur recours concernant des votations fédérales. |
4 | Le délai de recours est de trois jours contre les décisions d'un gouvernement cantonal sur recours touchant aux élections au Conseil national. |
5 | En matière de recours pour conflit de compétence entre deux cantons, le délai de recours commence à courir au plus tard le jour où chaque canton a pris une décision pouvant faire l'objet d'un recours devant le Tribunal fédéral. |
6 | ...96 |
7 | Le recours pour déni de justice ou retard injustifié peut être formé en tout temps. |
3.
Invoquant l'art. 34
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 34 Droits politiques - 1 Les droits politiques sont garantis. |
|
1 | Les droits politiques sont garantis. |
2 | La garantie des droits politiques protège la libre formation de l'opinion des citoyens et des citoyennes et l'expression fidèle et sûre de leur volonté. |
Dans leur premier grief, les recourants reprochent à la cour cantonale de s'être limitée à l'examen de la brochure explicative, sans s'interroger sur l'ensemble des informations diffusées par l'autorité, en particulier le tout-ménage du 13 octobre 2016 aux armoiries de la commune, contenant le flyer du comité "2x OUI", une référence au site Internet de ce même comité et annonçant des soirées d'information organisées par la commune. Les recourants critiquent ensuite la forme et le contenu de la brochure explicative assimilant l'argumentaire des partisans du projet avec la position de la Municipalité. Ils évoquent également la mention du site Internet précité sur le site officiel de la commune. Ils relèvent en outre que le dépliant du 18 novembre 2016 du comité "2x OUI" comporterait les mêmes caractéristiques graphiques que les autres communications, accentuant la confusion entre la position du comité et celle de l'autorité. Le recourant Duc s'attache en outre à démontrer que les affirmations figurant dans ce dépliant seraient erronées. Les recourants évoquent enfin les cinq soirées d'information animées par les conseillers municipaux, en présence du conseiller en communication du comité "2x OUI". Ils en déduisent que la commune
aurait mené une campagne disproportionnée et n'aurait pas respecté son devoir de réserve ainsi que l'égalité des armes.
3.1. L'art. 34 al. 2
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 34 Droits politiques - 1 Les droits politiques sont garantis. |
|
1 | Les droits politiques sont garantis. |
2 | La garantie des droits politiques protège la libre formation de l'opinion des citoyens et des citoyennes et l'expression fidèle et sûre de leur volonté. |
3.1.1. Le résultat d'une votation est faussé en particulier lorsque les autorités influencent de manière inadmissible les citoyens; une influence de ce genre peut notamment s'exercer dans les explications officielles adressées aux citoyens. La liberté de vote admet les explications ou messages officiels relatifs à une votation, où l'autorité explique l'objet du scrutin et recommande son acceptation ou son rejet. L'autorité n'est pas tenue à un devoir de neutralité et elle peut donc formuler une recommandation de vote, mais elle doit respecter un devoir d'objectivité, de transparence et de proportionnalité. Les informations qu'elle apporte doivent prendre place dans un processus ouvert de formation de l'opinion, ce qui exclut les interventions excessives et disproportionnées s'apparentant à de la propagande et propres à empêcher la formation de l'opinion (ATF 140 I 338 consid. 5.1 p. 342). L'autorité viole ainsi son devoir d'information objective lorsqu'elle informe de manière erronée sur le but et la portée du projet. Les explications de vote satisfont à l'exigence d'objectivité lorsqu'elles sont équilibrées et répondent à des motifs importants, qu'elles fournissent une image complète du projet avec ses avantages et ses
inconvénients, et qu'elles mettent les électeurs en mesure d'acquérir une opinion; au-delà d'une certaine exagération, elles ne doivent être ni contraires à la vérité ni tendancieuses, ni simplement inexactes ou incomplètes. L'autorité n'est pas tenue de discuter chaque détail du projet ni d'évoquer chaque objection qui pourrait être soulevée à son encontre, mais il lui est interdit de passer sous silence des éléments importants pour la décision du citoyen ou de reproduire de manière inexacte les arguments des adversaires du référendum ou de l'initiative (ATF 143 I 78 consid. 4.4 p. 82; 139 I 2 consid. 6.2 p. 13 s.; 138 I 61 consid. 6.2 p. 82 et les références citées).
3.1.2. En droit vaudois, l'art. 24 LEDP s'applique aux explications officielles en vue d'une votation. Il précise (al. 2) que "la brochure explicative contient mot pour mot la question posée aux électeurs ainsi que des explications succinctes et objectives sur l'objet du vote. Elle contient également le résultat du vote du Grand Conseil, un avis et une recommandation de vote des autorités et, le cas échéant, l'avis d'importantes minorités. Les recommandations de vote des différentes formations politiques représentées par un groupe au Grand Conseil y figurent également". Selon l'al. 3, dans le cas d'une initiative ou d'un référendum, le comité remet au département un texte présentant ses arguments. Ce texte sera traité équitablement sur le plan graphique et pourra avoir une dimension égale à l'avis des autorités. Le département peut modifier ou refuser des propos portant atteinte à l'honneur, manifestement contraires à la vérité ou trop longs. Ces dispositions s'appliquent par analogie pour les votations communales (al. 4).
3.1.3. Lorsque des irrégularités sont constatées, la votation n'est annulée qu'à la double condition que la violation constatée est grave et qu'elle a pu avoir une influence sur le résultat du vote. Il y a lieu de tenir compte notamment de l'écart de voix, de la gravité des vices de procédure et de leur portée sur le vote dans son ensemble. Si la possibilité d'un résultat différent au cas où la procédure n'avait pas été viciée apparaît à ce point minime qu'elle ne puisse pas entrer sérieusement en considération, il y a lieu de renoncer à l'annulation du vote; dans le cas contraire, il faut considérer le vice comme important et annuler la votation. Lorsque la différence de voix est très nette, seules de graves irrégularités sont de nature à remettre en cause la validité du résultat du vote (ATF 143 I 78 consid. 7.1 p. 90; 138 I 61 consid. 4.7.2 p. 78; 135 I 292 consid. 4.4 p. 301). L'art. 120 al. 2 LEDP précise à ce sujet qu'en matière d'élection ou de votation, le recourant doit rendre vraisemblable que la nature et l'importance des irrégularités dont il fait état ont pu influencer de façon déterminante le résultat.
3.2. Telles qu'elles ressortent de l'arrêt attaqué et du dossier - sans qu'il soit besoin de corriger ou de compléter formellement l'état de fait comme le voudraient certains recourants en se fondant sur l'art. 97 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 97 Établissement inexact des faits - 1 Le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause. |
|
1 | Le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause. |
2 | Si la décision qui fait l'objet d'un recours concerne l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents ou de l'assurance militaire, le recours peut porter sur toute constatation incomplète ou erronée des faits.89 |
Le 13 octobre 2016, elle a adressé à tous les électeurs un tout-ménage d'une page portant les armoiries de la commune et la signature des cinq membres de la Municipalité. Elle y explique l'objet de la votation, soit d'une part la création d'un nouveau quartier d'habitations et d'autre part l'acquisition de bâtiments au centre afin de créer des lieux de vie, notamment une auberge et des commerces de proximité. Expliquant que les deux projets sont liés, elle "recommande chaleureusement de voter deux fois oui". Elle explique que des portes ouvertes seront organisées chaque mercredi soir afin de présenter les projets et de répondre aux questions. Est joint à cette lettre le dépliant format A5 de quatre pages intitulé "faisons vivre Tolochenaz", exposant en dix points les raisons de voter oui et rappelant la tenue des portes ouvertes avec une animation 3D présentée par les Municipaux. Les citoyens sont aussi invités à consulter le site Internet du comité "2x OUI" ( www.faisons-vivre-Tolochenaz.ch). Affirmant qu'il s'agit d'une occasion unique de soutenir deux projets raisonnables et qu'il n'y aura pas d'augmentation d'impôts, la Municipalité encourage encore une fois les citoyens à voter. La Municipalité et le comité "2x OUI" ont ainsi
exposé conjointement leurs arguments favorables avant même l'envoi du matériel de vote.
Ce matériel a été reçu dès le 3 novembre 2016 par les électeurs. La brochure explicative format A5, comporte huit pages. L'exposé et la chronologie des objets soumis à la votation (2 pages) mentionnent les avantages que présentent les deux projets pour la population. Ils sont suivis de l'argumentaire du comité ("dix bonnes raisons de voter deux fois OUI", sur deux pages, reprenant intégralement les arguments du dépliant précité) et des recommandations de la Municipalité de voter deux fois oui, ajoutant que cette manière de voter "permet de réaliser le projet de la Municipalité visant à transformer le coeur du village pour y créer un lieu de vie et de rencontre à la disposition des habitants de Tolochenaz". Les arguments des opposants figurent sur les deux dernières pages, dans une police légèrement plus grande.
Il est par ailleurs admis (cela ressort en particulier de la décision du Conseil d'Etat) que le site Internet officiel de la commune comportait, sous la rubrique des votations du 27 novembre 2016, un lien vers le site du comité "2x OUI".
3.3. Il apparaît ainsi que les différentes interventions de la Municipalité ont exclusivement eu pour objet de promouvoir, sans aucune réserve, les deux objets soumis au vote. Tout au long de la procédure préparatoire, les avis convergents de la Municipalité et du comité "2x OUI" ont été présentés simultanément et de manière indistincte. L'autorité fait ainsi constamment référence au comité, et ce dernier fait usage des armoiries communales dans son dépliant, conférant à celui-ci une apparence officielle. La brochure explicative commence par la rubrique "l'essentiel en bref", soit la présentation sur deux pages des objets soumis au vote. Il ne s'agit toutefois pas d'une présentation neutre et objective puisqu'elle expose déjà dans le détail les avantages des deux projets pour la population. Les deux pages suivantes contiennent l'avis du comité "2x OUI" ("dix bonnes raisons de voter deux fois oui") alors que, comme l'ont relevé les instances précédentes, celui-ci ne constitue pas un comité d'initiative ou un comité référendaire au sens de l'art. 24 al. 3
SR 816.1 Loi fédérale du 19 juin 2015 sur le dossier électronique du patient (LDEP) LDEP Art. 24 - 1 Est puni d'une amende de 100 000 francs au plus, pour autant que le code pénal13 ne prévoie pas une peine plus sévère, quiconque accède intentionnellement et sans droit au dossier électronique d'un patient. |
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1 | Est puni d'une amende de 100 000 francs au plus, pour autant que le code pénal13 ne prévoie pas une peine plus sévère, quiconque accède intentionnellement et sans droit au dossier électronique d'un patient. |
2 | Si l'auteur agit par négligence, l'amende est de 10 000 francs au plus. |
moins que ce texte ne fait que présenter les avantages des objets soumis aux votes, sans aucune allusion aux objections soulevées à leur encontre. A cela s'ajoute que la Municipalité elle-même a fait figurer sur une page distincte ses propres recommandations brièvement motivées dans lesquelles elle recommande le double oui tout en exposant à nouveau les avantages liés aux projets. Les arguments des opposants figurent sur deux pages en fin de fascicule, alors que les cinq pages précédentes sont en définitive consacrées à la promotion des deux objets. En définitive, face à l'argumentaire des opposants, la brochure explicative contient trois parties entièrement favorables aux projets. On ne saurait, dans ces conditions, y voir une information objective et équilibrée.
Les membres de la Municipalité ont en outre participé à des séances d'information les cinq mercredis ayant précédé la votation. Ces séances sont ouvertement présentées à l'appui des projets. Si un procédé de nature informative est assurément de mise - et conforme d'ailleurs aux exigences du droit fédéral - lorsqu'il s'agit d'informer la population avant des décisions ayant une incidence sur l'aménagement du territoire, il apparaît plus problématique dans le débat précédant une votation, dans la mesure où les membres de l'autorité se posaient exclusivement en défenseurs du projet.
Le comité "2x OUI" a enfin distribué, moins de dix jours avant la votation, un second dépliant intitulé "Non les impôts ne vont pas augmenter / Ne vous laissez pas abuser! informez-vous avant de voter", consacré à la réfutation, en dix points, des objections soulevées par les opposants. Sur l'une des pages de ce dépliant figure une photo des cinq membres de l'exécutif communal, entourée de slogans favorables au projet et dénigrant les opposants ("Ne vous laissez pas tromper par les contre-vérités de ceux qui refusent par intérêt personnel deux excellents projets pour Tolochenaz"). Cela vient encore confirmer l'impression que la position de la Municipalité se confond entièrement avec celle du comité "2x OUI", en contradiction manifeste avec la réserve dont l'autorité devrait faire preuve en une telle occasion.
3.4. Compte tenu du score serré (écart de 7 voix pour le premier objet - 12 voix en tenant compte des sept enveloppes ouvertes dans le cadre de la procédure de recours - et de 21 voix - respectivement 26 - pour le second), on ne saurait exclure que l'intervention massive et unilatérale de la Municipalité en faveur du projet ait pu influer sur le résultat de la votation. Celle ci doit dès lors être annulée, sans qu'il y ait à examiner les autres griefs soulevés en rapport avec le scrutin lui-même.
4.
Sur le vu de ce qui précède, les recours sont admis. Cela entraîne l'annulation des arrêts attaqués, de la décision du Conseil d'Etat ainsi que de la votation communale du 27 novembre 2016. Il n'appartient pas, cela étant, au Tribunal fédéral, de donner des instructions à l'autorité communale en vue d'une nouvelle votation, comme le voudraient certains recourants. Conformément à l'art. 66 al. 4
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 66 Recouvrement des frais judiciaires - 1 En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties. |
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1 | En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties. |
2 | Si une affaire est liquidée par un désistement ou une transaction, les frais judiciaires peuvent être réduits ou remis. |
3 | Les frais causés inutilement sont supportés par celui qui les a engendrés. |
4 | En règle générale, la Confédération, les cantons, les communes et les organisations chargées de tâches de droit public ne peuvent se voir imposer de frais judiciaires s'ils s'adressent au Tribunal fédéral dans l'exercice de leurs attributions officielles sans que leur intérêt patrimonial soit en cause ou si leurs décisions font l'objet d'un recours. |
5 | Sauf disposition contraire, les frais judiciaires mis conjointement à la charge de plusieurs personnes sont supportés par elles à parts égales et solidairement. |
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 68 Dépens - 1 Le Tribunal fédéral décide, dans son arrêt, si et dans quelle mesure les frais de la partie qui obtient gain de cause sont supportés par celle qui succombe. |
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1 | Le Tribunal fédéral décide, dans son arrêt, si et dans quelle mesure les frais de la partie qui obtient gain de cause sont supportés par celle qui succombe. |
2 | En règle générale, la partie qui succombe est tenue de rembourser à la partie qui a obtenu gain de cause, selon le tarif du Tribunal fédéral, tous les frais nécessaires causés par le litige. |
3 | En règle générale, aucuns dépens ne sont alloués à la Confédération, aux cantons, aux communes ou aux organisations chargées de tâches de droit public lorsqu'ils obtiennent gain de cause dans l'exercice de leurs attributions officielles. |
4 | L'art. 66, al. 3 et 5, est applicable par analogie. |
5 | Le Tribunal fédéral confirme, annule ou modifie, selon le sort de la cause, la décision de l'autorité précédente sur les dépens. Il peut fixer lui-même les dépens d'après le tarif fédéral ou cantonal applicable ou laisser à l'autorité précédente le soin de les fixer. |
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 68 Dépens - 1 Le Tribunal fédéral décide, dans son arrêt, si et dans quelle mesure les frais de la partie qui obtient gain de cause sont supportés par celle qui succombe. |
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1 | Le Tribunal fédéral décide, dans son arrêt, si et dans quelle mesure les frais de la partie qui obtient gain de cause sont supportés par celle qui succombe. |
2 | En règle générale, la partie qui succombe est tenue de rembourser à la partie qui a obtenu gain de cause, selon le tarif du Tribunal fédéral, tous les frais nécessaires causés par le litige. |
3 | En règle générale, aucuns dépens ne sont alloués à la Confédération, aux cantons, aux communes ou aux organisations chargées de tâches de droit public lorsqu'ils obtiennent gain de cause dans l'exercice de leurs attributions officielles. |
4 | L'art. 66, al. 3 et 5, est applicable par analogie. |
5 | Le Tribunal fédéral confirme, annule ou modifie, selon le sort de la cause, la décision de l'autorité précédente sur les dépens. Il peut fixer lui-même les dépens d'après le tarif fédéral ou cantonal applicable ou laisser à l'autorité précédente le soin de les fixer. |
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 68 Dépens - 1 Le Tribunal fédéral décide, dans son arrêt, si et dans quelle mesure les frais de la partie qui obtient gain de cause sont supportés par celle qui succombe. |
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1 | Le Tribunal fédéral décide, dans son arrêt, si et dans quelle mesure les frais de la partie qui obtient gain de cause sont supportés par celle qui succombe. |
2 | En règle générale, la partie qui succombe est tenue de rembourser à la partie qui a obtenu gain de cause, selon le tarif du Tribunal fédéral, tous les frais nécessaires causés par le litige. |
3 | En règle générale, aucuns dépens ne sont alloués à la Confédération, aux cantons, aux communes ou aux organisations chargées de tâches de droit public lorsqu'ils obtiennent gain de cause dans l'exercice de leurs attributions officielles. |
4 | L'art. 66, al. 3 et 5, est applicable par analogie. |
5 | Le Tribunal fédéral confirme, annule ou modifie, selon le sort de la cause, la décision de l'autorité précédente sur les dépens. Il peut fixer lui-même les dépens d'après le tarif fédéral ou cantonal applicable ou laisser à l'autorité précédente le soin de les fixer. |
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Les causes 1C 521/2017, 1C 532/2017 et 1C 545/2017 sont jointes.
2.
Les recours sont admis; les arrêts attaqués sont annulés, de même que la décision du Conseil d'Etat datée du 22 mars 2017 et la votation communale du 27 novembre 2016.
3.
Une indemnité de dépens globale de 4'000 fr. allouée aux recourants Hugues Salomé et Cyril Duc (cause 1C 545/2017) pour les procédures fédérale et cantonale, est mise à la charge de la commune de Tolochenaz.
4.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Préfète du district de Morges, au Conseil d'Etat et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour constitutionnelle.
Lausanne, le 14 mai 2018
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Merkli
Le Greffier : Kurz