Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
4A 444/2012
Arrêt du 10 décembre 2012
Ire Cour de droit civil
Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux Klett, Présidente,
Corboz et Kolly.
Greffière: Mme Monti.
Participants à la procédure
X.________ Corporation,
représentée par Me Philippe Pulfer,
recourante,
contre
Z.________ SA, représentée par Me Serge Fasel,
intimée.
Objet
responsabilité du conseiller en placements,
recours en matière civile contre l'arrêt rendu
le 8 juin 2012 par la Chambre civile de la Cour
de justice du canton de Genève.
Faits:
A.
X.________ Corporation est une société de droit panaméen dotée de cinq directeurs. A.________ en est l'ayant droit économique et seul actionnaire.
Le 30 octobre 2007, la société a ouvert un compte auprès de l'établissement bancaire Z.________ SA (ci-après: la banque), sis à Genève. Deux directeurs de la société ont signé une série de documents, dont un mandat de conseil en placements, un acte de nantissement et déclaration de cession, une demande de crédit et une directive de placement.
Dans ce dernier formulaire, la société déclarait opter pour un profil d'investissement tendant à l'"accroissement du capital", et présentant les caractéristiques suivantes: l'investisseur est "disposé à accepter un risque de perte substantiel dans son portefeuille avec une propension au risque conséquente. L'objectif visé est l'accroissement à long terme du capital, sans revenus courants. L'investisseur recherche un rendement global, essentiellement par le biais de l'appréciation du capital. La liquidité n'est pas une préoccupation".
Quant à la demande de crédit, elle contenait notamment les clauses suivantes:
Art. 8: "Appels de marge: le Client s'engage à faire en sorte qu'à tout moment la valeur d'avance des actifs donnés en nantissements, c'est-à-dire la valeur de marché sous déduction de la marge appliquée, dépasse le(s) montant(s) dû/dus dans le cadre de la facilité de crédit consentie, y compris les intérêts courus. En cas d'appel de marge de la part de la Banque, le Client s'engage à fournir des garanties supplémentaires à concurrence du montant et dans les délais tels qu'exigés par la Banque."
Art. 10: "Connaissance des risques encourus: Le Client est conscient des risques qu'il encourt en grevant son portefeuille d'actifs par la facilité de crédit contractée et a pris acte du fait que, suivant l'évolution du prix du marché des actifs gagés, [...] il court le risque d'une perte totale de ses actifs à la suite d'un appel de marge et de la vente, du remboursement ou de la liquidation desdits actifs [...]."
Au 30 novembre 2007, le portefeuille de la société s'élevait à 6'211'042 euros, selon la composition suivante: 13,58 % d'obligations, 16,34 % d'actions et 66,09 % de placements à court terme. Au 31 décembre 2007, il avait augmenté à 7'026'022 euros.
L'actionnaire unique de la société a souhaité accroître le rendement du dossier en prenant plus de risques. Il désirait investir dans une banque russe pour un rendement annuel de 8,5 %. En mai 2008, le gestionnaire de la banque lui a proposé de souscrire des obligations V.________ à concurrence de 1 million d'euros; il a indiqué que le risque encouru correspondait au risque de défaut de V.________ dans les cinq ans à venir. L'actionnaire unique ne croyait pas à la réalisation d'un tel risque. Sa société a pris une position maximale de 7 millions d'euros, grâce à un crédit lombard de même montant concédé par la banque.
Le 30 mai 2008, la société a demandé d'augmenter sa position dans V.________ en investissant 5 millions d'euros supplémentaires. Bien que la banque eût rappelé le risque lié à la faillite de V.________, la société a demandé la position maximale. La banque a proposé 3,5 millions d'euros, nonobstant une nouvelle demande de la société d'en obtenir une quantité supérieure.
Suite à la baisse du portefeuille dès août 2008, la banque et la société ont eu des entretiens réguliers. Le 15 octobre 2008, la banque a souligné le risque d'appel de marge. La société a refusé de vendre ses obligations, ne croyant toujours pas au risque de faillite. Le 21 novembre 2008, la banque a procédé à un appel de marge; ses créances contre la société s'élevaient à 10'808'082 euros, tandis que les avoirs de celle-ci étaient de 9'571'288 euros. Le 22 décembre 2008, l'actionnaire unique a donné l'ordre de vendre la totalité des obligations V.________ pour un montant de 9'342'900 euros. Sa société a ainsi subi une perte de 1'157'100 euros par rapport au montant investi (10,5 millions d'euros). Elle a procédé au remboursement anticipé des prêts, moyennant paiement d'une pénalité.
B.
Le 13 janvier 2009, la société a déposé devant le Tribunal de première instance du canton de Genève une demande assortie d'une requête de conciliation préalable, dans laquelle elle concluait à ce que la banque soit condamnée au paiement de 1'252'068 euros plus intérêts. La banque a conclu au rejet.
Par jugement du 15 septembre 2011, le tribunal a rejeté l'action, faute pour la demanderesse d'avoir établi une violation des devoirs d'information et de diligence incombant à la banque, que ce soit sous l'angle des règles du mandat ou de l'art. 11
SR 954.1 Loi fédérale du 15 juin 2018 sur les établissements financiers (LEFin) - Loi sur les bourses LEFin Art. 11 Garantie d'une activité irréprochable - 1 L'établissement financier et les personnes chargées de son administration et de sa gestion doivent présenter toutes les garanties d'une activité irréprochable. |
|
1 | L'établissement financier et les personnes chargées de son administration et de sa gestion doivent présenter toutes les garanties d'une activité irréprochable. |
2 | Les personnes chargées de l'administration et de la gestion de l'établissement financier doivent en outre jouir d'une bonne réputation et disposer des qualifications professionnelles requises par la fonction. |
3 | Les détenteurs d'une participation qualifiée dans un établissement financier doivent également jouir d'une bonne réputation et garantir que leur influence ne soit pas exercée au détriment d'une gestion saine et prudente de l'établissement. |
4 | Est réputé détenir une participation qualifiée dans un établissement financier quiconque détient, directement ou indirectement, au moins 10 % du capital ou des droits de vote ou peut, de toute autre manière, exercer une influence notable sur la gestion de l'établissement. |
5 | Toute personne qui envisage d'acquérir ou de céder, directement ou indirectement, une participation qualifiée au sens de l'al. 4 dans un établissement financier est tenue de le déclarer au préalable à la FINMA. Cette obligation de déclarer vaut également lorsqu'une personne envisage d'augmenter ou de diminuer une telle participation et que celle-ci atteint ou dépasse les seuils de 20 %, 33 % ou 50 % du capital ou des droits de vote, ou descend en dessous de ceux-ci. |
6 | L'établissement financier annonce à la FINMA les personnes qui remplissent les conditions de l'al. 5 dès qu'il en a connaissance. |
7 | Les al. 5 et 6 ne s'appliquent pas aux gestionnaires de fortune et aux trustees. |
8 | Le détenteur d'une participation qualifiée dans un gestionnaire de fortune ou un trustee peut exercer la gestion de cet établissement. |
La société a saisi la Chambre civile de la Cour de justice, qui a rejeté son appel et confirmé le jugement.
C.
Par-devant le Tribunal fédéral, la société (ci-après: la recourante) interjette un recours en matière civile, dans lequel elle conclut au paiement de 1'252'068 euros plus intérêts. La banque conclut au rejet. L'autorité précédente se réfère à son arrêt.
Par ordonnance du 3 septembre 2012, la Présidente de la cour de céans a refusé d'octroyer l'effet suspensif au recours.
Considérant en droit:
1.
L'exigence d'une valeur litigieuse minimale de 30'000 fr. est manifestement réalisée dans le cas concret (art. 74 al. 1 let. b
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 74 Valeur litigieuse minimale - 1 Dans les affaires pécuniaires, le recours n'est recevable que si la valeur litigieuse s'élève au moins à: |
|
1 | Dans les affaires pécuniaires, le recours n'est recevable que si la valeur litigieuse s'élève au moins à: |
a | 15 000 francs en matière de droit du travail et de droit du bail à loyer; |
b | 30 000 francs dans les autres cas. |
2 | Même lorsque la valeur litigieuse minimale n'est pas atteinte, le recours est recevable: |
a | si la contestation soulève une question juridique de principe; |
b | si une loi fédérale prévoit une instance cantonale unique; |
c | s'il porte sur une décision prise par une autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et de faillite; |
d | s'il porte sur une décision prise par le juge de la faillite ou du concordat; |
e | s'il porte sur une décision du Tribunal fédéral des brevets. |
2.
2.1 Le recours peut être formé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 95 Droit suisse - Le recours peut être formé pour violation: |
|
a | du droit fédéral; |
b | du droit international; |
c | de droits constitutionnels cantonaux; |
d | de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires; |
e | du droit intercantonal. |
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 106 Application du droit - 1 Le Tribunal fédéral applique le droit d'office. |
|
1 | Le Tribunal fédéral applique le droit d'office. |
2 | Il n'examine la violation de droits fondamentaux ainsi que celle de dispositions de droit cantonal et intercantonal que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant. |
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 42 Mémoires - 1 Les mémoires doivent être rédigés dans une langue officielle, indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signés. |
|
1 | Les mémoires doivent être rédigés dans une langue officielle, indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signés. |
2 | Les motifs doivent exposer succinctement en quoi l'acte attaqué viole le droit. Si le recours n'est recevable que lorsqu'il soulève une question juridique de principe ou qu'il porte sur un cas particulièrement important pour d'autres motifs, il faut exposer en quoi l'affaire remplit la condition exigée.15 16 |
3 | Les pièces invoquées comme moyens de preuve doivent être jointes au mémoire, pour autant qu'elles soient en mains de la partie; il en va de même de la décision attaquée si le mémoire est dirigé contre une décision. |
4 | En cas de transmission électronique, le mémoire doit être muni de la signature électronique qualifiée de la partie ou de son mandataire au sens de la loi du 18 mars 2016 sur la signature électronique17. Le Tribunal fédéral détermine dans un règlement: |
a | le format du mémoire et des pièces jointes; |
b | les modalités de la transmission; |
c | les conditions auxquelles il peut exiger, en cas de problème technique, que des documents lui soient adressés ultérieurement sur papier.18 |
5 | Si la signature de la partie ou de son mandataire, la procuration ou les annexes prescrites font défaut, ou si le mandataire n'est pas autorisé, le Tribunal fédéral impartit un délai approprié à la partie pour remédier à l'irrégularité et l'avertit qu'à défaut le mémoire ne sera pas pris en considération. |
6 | Si le mémoire est illisible, inconvenant, incompréhensible ou prolixe ou qu'il n'est pas rédigé dans une langue officielle, le Tribunal fédéral peut le renvoyer à son auteur; il impartit à celui-ci un délai approprié pour remédier à l'irrégularité et l'avertit qu'à défaut le mémoire ne sera pas pris en considération. |
7 | Le mémoire de recours introduit de manière procédurière ou à tout autre égard abusif est irrecevable. |
2.2 Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 105 Faits déterminants - 1 Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente. |
|
1 | Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente. |
2 | Il peut rectifier ou compléter d'office les constatations de l'autorité précédente si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95. |
3 | Lorsque la décision qui fait l'objet d'un recours concerne l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents ou de l'assurance militaire, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par l'autorité précédente.99 |
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 95 Droit suisse - Le recours peut être formé pour violation: |
|
a | du droit fédéral; |
b | du droit international; |
c | de droits constitutionnels cantonaux; |
d | de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires; |
e | du droit intercantonal. |
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 97 Établissement inexact des faits - 1 Le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause. |
|
1 | Le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause. |
2 | Si la décision qui fait l'objet d'un recours concerne l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents ou de l'assurance militaire, le recours peut porter sur toute constatation incomplète ou erronée des faits.89 |
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 106 Application du droit - 1 Le Tribunal fédéral applique le droit d'office. |
|
1 | Le Tribunal fédéral applique le droit d'office. |
2 | Il n'examine la violation de droits fondamentaux ainsi que celle de dispositions de droit cantonal et intercantonal que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant. |
Dans le cas concret, la recourante fonde son argumentation sur une version des faits qui s'écarte partiellement de celle retenue par la Cour de justice. Ces divergences ne sauraient être prises en compte, faute pour la recourante d'avoir soulevé un grief circonstancié relatif à l'établissement des faits.
3.
3.1 La recourante se plaint d'une violation de l'art. 398
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 398 - 1 La responsabilité du mandataire est soumise, d'une manière générale, aux mêmes règles que celle du travailleur dans les rapports de travail.256 |
|
1 | La responsabilité du mandataire est soumise, d'une manière générale, aux mêmes règles que celle du travailleur dans les rapports de travail.256 |
2 | Le mandataire est responsable envers le mandant de la bonne et fidèle exécution du mandat. |
3 | Il est tenu de l'exécuter personnellement, à moins qu'il ne soit autorisé à le transférer à un tiers, qu'il n'y soit contraint par les circonstances ou que l'usage ne permette une substitution de pouvoirs. |
3.2 Le client d'une banque qui souhaite procéder à des placements dispose globalement de trois constructions juridiques: le simple dépôt bancaire avec ordre donné par le client, le conseil en placements ou le mandat de gestion (cf. ATF 133 III 97 consid. 7.1). Dans le contrat de conseil en placements, le client décide lui-même des opérations à effectuer, après avoir obtenu renseignements et conseils de la banque. Ce pouvoir décisionnel constitue le principal critère de distinction par rapport au contrat de gestion de fortune (arrêt 4A 168/2008 du 11 juin 2008 consid. 2.1, in SJ 2009 I 13; 4A 525/2011 du 3 février 2012 consid. 3.1, in PJA 2012 1317). Le client doit supporter seul le risque découlant de sa décision, sachant qu'il ne peut pas se fier sûrement à un conseil concernant un événement futur et incertain (ATF 119 II 333 consid. 7a; cf. aussi CARLO LOMBARDINI, Droit bancaire suisse [cité ci-après Droit bancaire], 2e éd. 2008, p. 795 n. 25).
La banque assume des devoirs de renseignement, de conseil et d'avertissement tirés des règles du mandat, devoirs dont l'étendue varie selon que les parties sont liées par un conseil en placement ou un mandat de gestion, et selon les circonstances du cas, auxquelles ressortissent notamment les connaissances et l'expérience du client; le mandat de gestion est plus contraignant pour la banque (cf. arrêts 4A 525/2011 précité consid. 3.2; 4A 168/2008 précité consid. 2.3; 4C.205/2006 du 21 février 2007 consid. 3.2, in SJ 2007 I 313).
Comme conseillère en placement, la banque doit renseigner le client sur tous les éléments importants pour la formation de sa volonté (cf. ATF 115 II 62 consid. 3a p. 65; WALTER FELLMANN, Berner Kommentar, 1992, n° 433 ad art. 398
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 398 - 1 La responsabilité du mandataire est soumise, d'une manière générale, aux mêmes règles que celle du travailleur dans les rapports de travail.256 |
|
1 | La responsabilité du mandataire est soumise, d'une manière générale, aux mêmes règles que celle du travailleur dans les rapports de travail.256 |
2 | Le mandataire est responsable envers le mandant de la bonne et fidèle exécution du mandat. |
3 | Il est tenu de l'exécuter personnellement, à moins qu'il ne soit autorisé à le transférer à un tiers, qu'il n'y soit contraint par les circonstances ou que l'usage ne permette une substitution de pouvoirs. |
mandant ne spécule pas seulement avec sa fortune, mais avec les crédits de la banque (ATF 133 III 97 consid. 7.1.1; 119 II 333 consid. 5a).
Le conseil donné par la banque se rapporte à l'opportunité d'effectuer un placement par rapport à la situation personnelle du client. La banque doit donc se renseigner sur cet aspect, et notamment s'enquérir du degré de risque que le client est prêt à assumer (LOMBARDINI, Droit bancaire, p. 794 n. 19 s. et p. 795 n. 25; DANIEL GUGGENHEIM, Les contrats de la pratique bancaire suisse, 4e éd. 2000, p. 209 s.). Cas échéant, la banque peut devoir avertir le client que sa stratégie n'est pas adéquate, devoir qui ne doit pas être admis trop facilement (LOMBARDINI, Responsabilité de la banque dans le domaine de la gestion de fortune: état de la jurisprudence et questions ouvertes, SJ 2008 II 431). Si le client veut persister dans sa stratégie alors qu'il a été mis en garde par la banque et/ou qu'il est conscient des risques encourus, la banque n'encourt aucune responsabilité (LOMBARDINI, SJ 2008 II 431; GUGGENHEIM, op. cit., p. 210). En fin de compte, sa responsabilité n'est engagée que si le conseil, au moment où il a été donné, était manifestement déraisonnable (ATF 119 II 333 consid. 7a).
3.3 La qualification de contrat de conseil en placement n'est à juste titre pas contestée. Les parties ne discutent pas non plus le fait que l'actionnaire unique de la recourante était un représentant autorisé. Ces points étant acquis, il convient d'examiner si la banque a failli aux devoirs de fidélité et de diligence découlant de l'art. 398 al. 2
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 398 - 1 La responsabilité du mandataire est soumise, d'une manière générale, aux mêmes règles que celle du travailleur dans les rapports de travail.256 |
|
1 | La responsabilité du mandataire est soumise, d'une manière générale, aux mêmes règles que celle du travailleur dans les rapports de travail.256 |
2 | Le mandataire est responsable envers le mandant de la bonne et fidèle exécution du mandat. |
3 | Il est tenu de l'exécuter personnellement, à moins qu'il ne soit autorisé à le transférer à un tiers, qu'il n'y soit contraint par les circonstances ou que l'usage ne permette une substitution de pouvoirs. |
Il n'est pas établi que la banque aurait méconnu ou occulté des données défavorables sur V.________, ou même quant à l'évolution en bourse du secteur concerné. La recourante ne se plaint pas d'une violation du devoir d'informer quant au produit proposé (obligation V.________) et quant aux risques inhérents à celui-ci. Elle insiste sur le risque important généré par une concentration excessive des placements sur un seul titre obligataire, en relevant que la jurisprudence fédérale a retenu une violation des devoirs de diligence dans des cas où les concentrations étaient nettement moindres.
Dans l'une des deux affaires citées par la recourante, une banque avait vu sa responsabilité contractuelle engagée, au motif qu'elle entretenait un rapport de confiance particulier avec ses clients (un carreleur et une femme au foyer retraités), et qu'elle avait omis de leur signaler les risques liés à une concentration excessive des fonds investis sur une action en particulier. Le placement litigieux (78'492 fr.) représentait 13,6 % de leur portefeuille (578'425 fr.) (arrêt 4C.385/2006 du 2 avril 2007, consid. 5 publié in SJ 2007 I 499). Il avait toutefois été constaté que les deux clients n'avaient pas conscience des risques liés à la concentration excessive, et que cette ignorance était reconnaissable pour la banque. Or, rien de tel n'a été retenu à propos de la recourante. Une telle conclusion ne peut pas se déduire des circonstances; en effet, par rapport à un portefeuille de quelque 7 millions d'euros, dont 13,6 % d'obligations, il saute aux yeux qu'il était particulièrement risqué d'investir 10,5 millions supplémentaires dans des obligations émises par une seule et même société, dont la banque avait signalé - ne serait-ce qu'à titre théorique - un risque de défaut. La jurisprudence précitée n'est ainsi d'aucun secours à la
recourante. Le présent cas se démarque aussi de l'arrêt 4A 351/2007, où la mandataire était liée par un contrat de gestion de fortune, dans le cadre duquel elle avait elle-même acquis des titres, en investissant plus de 15% ou même 20% du capital dans certaines sociétés, contrevenant ainsi aux instructions de procéder à une gestion conservatrice tolérant tout au plus la prise de quelques risques limités.
La recourante insiste en outre sur le risque inhérent à l'instrument de financement utilisé. Les prêts concédés étaient garantis par le nantissement de tous les actifs en compte (crédit lombard), et la banque exigeait que la valeur de marché de ces actifs couvre suffisamment les crédits consentis, se réservant le droit de procéder à un appel de marge; le client s'exposait ainsi, en cas de baisse de valeur des actifs, à devoir fournir des liquidités complémentaires ou à voir ses positions liquidées (opération à effet de levier; cf. par ex. LOMBARDINI, SJ 2008 II 421 s. et Droit bancaire, pp. 736-740). A cet égard, la Cour de justice a précisé que la recourante avait accepté les risques du crédit lombard en signant les documents y relatifs à l'ouverture du compte. La recourante ne s'attache pas à démontrer en quoi une telle conclusion serait erronée, de sorte qu'il n'y a pas à discuter cette question plus avant; l'on relèvera tout au plus qu'était expressément évoqué le risque d'une perte totale des actifs en cas d'appel de marge.
La recourante objecte encore que le placement conseillé était contraire à ses intérêts et à sa stratégie conservatrice, ne lui offrant qu'un très faible rendement sans commune mesure avec les risques encourus. La banque cherchait uniquement à placer un produit développé par son groupe.
Le moyen est à la limite de la témérité. L'on ne saurait parler de stratégie conservatrice, vu la directive de placement signée par la recourante, qui acceptait un risque de perte substantiel; la Cour de justice ajoute encore, sans donner lieu à un grief de la recourante, que l'ayant droit économique et représentant autorisé n'avait pas peur de prendre des risques, demandant des placements plus importants que ceux proposés. S'agissant des profits attendus, qui incluent non seulement le rendement mais aussi la possible augmentation de valeur du titre, l'arrêt attaqué ne dit mot; il ressort tout au plus du jugement de première instance que le "bénéfice" était de 0,75 % après déduction des taux d'intérêts des prêts. Quoi qu'il en soit, il n'est pas établi que la recourante aurait reçu des informations erronées quant aux chances de gain.
En définitive, il ne suffit pas de constater que l'investissement, par son financement et sa concentration sur un seul produit, comportait objectivement des risques importants, pour en déduire que la banque aurait enfreint son devoir de conseil et de renseignement. En effet, la recourante avait conscience de ces risques. Elle a passé outre et investi des montants sans commune mesure avec la mise proposée par la banque, en pariant sur le fait que la société émettrice n'allait pas faire défaut. Encore une fois, il n'est pas établi que la recourante aurait violé son devoir d'informer sur ce point particulier. La recourante doit dès lors assumer seule les conséquences liées à sa décision d'investissement.
Au vu de ce qui précède, le grief de violation de l'art. 398
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 398 - 1 La responsabilité du mandataire est soumise, d'une manière générale, aux mêmes règles que celle du travailleur dans les rapports de travail.256 |
|
1 | La responsabilité du mandataire est soumise, d'une manière générale, aux mêmes règles que celle du travailleur dans les rapports de travail.256 |
2 | Le mandataire est responsable envers le mandant de la bonne et fidèle exécution du mandat. |
3 | Il est tenu de l'exécuter personnellement, à moins qu'il ne soit autorisé à le transférer à un tiers, qu'il n'y soit contraint par les circonstances ou que l'usage ne permette une substitution de pouvoirs. |
4.
4.1 Pour le surplus, la recourante ne se plaint pas d'une violation de l'art. 11 LBMV, qui a aussi été évoqué par la cour cantonale. Il n'y a dès lors pas à examiner cette question.
4.2 La recourante se plaint enfin d'une violation des "dispositions applicables en matière de preuves". Sous ce couvert, elle reproche en réalité une nouvelle fois à la Cour de justice de ne pas avoir retenu une responsabilité contractuelle de la banque. La recourante reproche aussi à la banque de ne pas avoir apporté la "preuve exculpatoire" qu'elle aurait agi dans l'intérêt de sa mandante; en réalité, il incombait bien plutôt à la recourante d'établir que la banque avait enfreint son devoir de fidélité, ce qui ressort du reste de l'exposé théorique fait en page 19 du recours.
5.
En bref, le recours doit être rejeté. En conséquence, la recourante supportera les frais judiciaires et versera une indemnité de dépens à la banque intimée (art. 66
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 66 Recouvrement des frais judiciaires - 1 En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties. |
|
1 | En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties. |
2 | Si une affaire est liquidée par un désistement ou une transaction, les frais judiciaires peuvent être réduits ou remis. |
3 | Les frais causés inutilement sont supportés par celui qui les a engendrés. |
4 | En règle générale, la Confédération, les cantons, les communes et les organisations chargées de tâches de droit public ne peuvent se voir imposer de frais judiciaires s'ils s'adressent au Tribunal fédéral dans l'exercice de leurs attributions officielles sans que leur intérêt patrimonial soit en cause ou si leurs décisions font l'objet d'un recours. |
5 | Sauf disposition contraire, les frais judiciaires mis conjointement à la charge de plusieurs personnes sont supportés par elles à parts égales et solidairement. |
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 68 Dépens - 1 Le Tribunal fédéral décide, dans son arrêt, si et dans quelle mesure les frais de la partie qui obtient gain de cause sont supportés par celle qui succombe. |
|
1 | Le Tribunal fédéral décide, dans son arrêt, si et dans quelle mesure les frais de la partie qui obtient gain de cause sont supportés par celle qui succombe. |
2 | En règle générale, la partie qui succombe est tenue de rembourser à la partie qui a obtenu gain de cause, selon le tarif du Tribunal fédéral, tous les frais nécessaires causés par le litige. |
3 | En règle générale, aucuns dépens ne sont alloués à la Confédération, aux cantons, aux communes ou aux organisations chargées de tâches de droit public lorsqu'ils obtiennent gain de cause dans l'exercice de leurs attributions officielles. |
4 | L'art. 66, al. 3 et 5, est applicable par analogie. |
5 | Le Tribunal fédéral confirme, annule ou modifie, selon le sort de la cause, la décision de l'autorité précédente sur les dépens. Il peut fixer lui-même les dépens d'après le tarif fédéral ou cantonal applicable ou laisser à l'autorité précédente le soin de les fixer. |
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Un émolument judiciaire de 16'000 fr. est mis à la charge de la recourante.
3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de dépens de 18'000 fr.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 10 décembre 2012
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Klett
La Greffière: Monti