VPB 61.108

(Arrêt de la Cour eur. DH du 18 février 1997, affaire Nideröst-Huber c / Suisse, Recueil des arrêts et décisions 1997)

Urteil Nideröst-Huber. Unterlassung des BGer, dem Beschwerdeführer die aufgrund von Art. 56 OG verfasste Stellungnahme des Kantonsgerichts Schwyz zur Berufung des Beschwerdeführers zuzustellen.

Art. 6 § 1 EMRK. Anspruch auf ein billiges (faires) Verfahren. Waffengleichheit.

- Das Prinzip der Waffengleicheit wurde im vorliegenden Verfahren nicht verletzt, da einerseits die Stellungnahme des Kantonsgerichts keiner der Parteien zugestellt wurde und andererseits ein kantonales Gericht als unabhängige und unparteiische Instanz nicht als Gegenpartei einer der beteiligten Parteien betrachtet werden kann.

- Der Anspruch auf ein billiges (faires) Verfahren beinhaltet das Recht der Parteien, von sämtlichen dem Gericht eingereichten Eingaben oder Vernehmlassungen Kenntnis nehmen und zu diesen Stellung nehmen zu können. Unerheblich ist, dass die Vernehmlassung des Kantonsgerichts weder Tatsachen noch Begründungen enthielt, die nicht bereits im Urteil angeführt waren. Es ist Sache der beteiligten Parteien und nicht des BGer zu entscheiden, ob sie zu einer Eingabe Bemerkungen anbringen oder nicht. Im vorliegenden Fall wurde diese Bestimmung verletzt.

Arrêt Nideröst-Huber. Omission du TF de communiquer au requérant les observations que le Tribunal cantonal de Schwyz avait jointes au recours en réforme du requérant en l'adressant au TF, conformément à l'art. 56 OJ.

Art. 6 § 1 CEDH. Droit à un procès équitable. Egalité des armes.

- Le principe de l'égalité des armes n'a pas été violé en l'espèce vu que, d'une part, les observations litigieuses n'ont été communiquées à aucune des parties et que, d'autre part, le Tribunal cantonal, juridiction impartiale et indépendante, ne saurait passer pour l'adversaire de l'une d'elles.

- Le droit à un procès équitable implique le droit pour les parties à un procès de prendre connaissance de toutes les pièces ou observations présentées au juge et de les discuter. Peu importe que les observations du Tribunal cantonal n'aient présenté, en réalité, aucun fait ou argument qui ne figurait pas déjà dans la décision attaquée; il appartenait aux parties, et non au TF, de juger si ce document appelait des commentaires de leur part. Violation de cette disposition.

Sentenza Nideröst-Huber. Mancata notificazione al ricorrente, da parte del TF, delle osservazioni che, conformemente all'art. 56 OG, il Tribunale cantonale di Svitto aveva allegato al ricorso per riforma del ricorrente in occasione della trasmissione al TF.

Art. 6 § 1 CEDU. Diritto a un processo equo. Parità delle armi.

- Il principio della parità delle armi non è stato violato nella fattispecie poiché, da un lato, le osservazioni contestate non sono state comunicate a nessuna parte e, dall'altro, il Tribunale cantonale, giurisdizione imparziale e indipendente, non può essere ritenuto avversario di una delle parti.

- Il diritto a un processo equo implica il diritto delle parti di consultare e discutere tutti gli atti o le osservazioni sottoposti al giudice. È irrilevante che, nelle osservazioni, il Tribunale cantonale non abbia in realtà presentato alcun fatto o argomento che non figurasse già nella decisione impugnata; spettava alle parti, e non al TF, giudicare se tale documento richiedesse commenti da parte loro. Violazione di tale disposizione.

Résumé des faits:

En l'espèce, l'intéressé est l'ancien président du conseil d'administration et directeur général d'une société anonyme familiale de droit suisse, révoqué sans préavis, à la suite d'un changement de majorité parmi les actionnaires. Il intenta une action contre la société en paiement d'arriérés de salaire et d'une indemnité de départ et fut débouté par le tribunal de district, puis par le Tribunal cantonal, qui estimèrent justifiée la révocation litigieuse, dès lors que celui-ci avait abusé de sa majorité dans la société pour servir ses intérêts personnels, au détriment de ceux de la minorité. Le Tribunal fédéral (TF) écarta un recours en réforme, sans avoir donné connaissance au recourant de la page d'observations que le Tribunal cantonal avait jointe au dossier.

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ART. 6 § 1 CEDH

19. M. Nideröst-Huber allègue une violation de l'art. 6 § 1 CEDH, aux termes duquel

«Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...)»

Malgré une demande expresse, le TF ne lui aurait pas communiqué, avant de statuer, les observations du Tribunal cantonal de Schwyz, le privant ainsi de toute possibilité d'en prendre connaissance et, le cas échéant, de les commenter en temps utile. Pourtant, leur transmission se serait révélée d'autant plus nécessaire qu'elles auraient complété le jugement attaqué et que le TF en aurait clairement repris certains passages dans son arrêt. Bref, il y aurait eu violation du principe de l'égalité des armes et du droit à un procès équitable.

20. D'après le Gouvernement, les observations en question ne contenaient rien qui n'apparût pas déjà explicitement et de façon plus circonstanciée dans le jugement du Tribunal cantonal du 19 juin 1990. En effet, si elles avaient présenté des éléments nouveaux et sérieux que le TF eût voulu prendre en considération, il aurait dû procéder à un échange ultérieur d'écritures ou ordonner des débats, ce qu'il n'a pas fait.

En réalité, la faculté prévue à l'art. 56 de la loi fédérale d'organisation judiciaire 16 décembre 1943 (OFJ)[62] viserait uniquement, dans un but d'économie de la procédure, à permettre aux juridictions cantonales de défendre leurs jugements contre la critique dont ils font l'objet. En aucun cas, celles-ci ne pourraient en profiter pour compléter leurs décisions.

En l'espèce, l'absence de transmission des observations à M. Nideröst-Huber n'aurait aucunement porté à conséquence puisque la société défenderesse, elle non plus, n'en aurait pas obtenu copie. Même dans le cas contraire, une communication n'aurait jamais pu se faire qu'à titre d'information, car le contenu des observations n'appelait aucune réaction des parties, lesquelles avaient en effet déjà eu tout loisir de défendre leur cause, l'une en formant le recours en réforme, l'autre en y répondant.

Bref, considéré à la lumière de l'ensemble de la procédure, le défaut de communication des observations litigieuses n'aurait en rien aggravé la situation de l'intéressé.

21. La Commission n'aperçoit aucune méconnaissance du principe de l'égalité des armes. En revanche, elle voit, dans la non-transmission des observations au requérant et dans l'impossibilité pour lui de les commenter en temps utile, une violation du droit à un procès équitable au sens de l'art. 6 § 1.

22. La Cour estime d'abord qu'en soi, le dépôt d'observations du genre de celles en cause ne se heurte pas aux exigences du procès équitable, même s'il s'agit d'une pratique peu répandue parmi les Etats membres du Conseil de l'Europe. Seule pose problème en l'espèce la non-communication des observations au requérant.

23. Le principe de l'égalité des armes - l'un des éléments de la notion plus large de procès équitable - requiert que chaque partie se voie offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire (voir, parmi d'autres, l'arrêt Ankerl c / Suisse du 23 octobre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-, § 38[63]).

En l'occurrence, les observations du Tribunal cantonal ne furent communiquées à aucune des parties au litige devant le TF: ni au requérant ni à la société défenderesse. De son côté, le Tribunal cantonal, juridiction indépendante, ne saurait passer pour l'adversaire de l'une d'elles. Aucun manquement à l'égalité des armes ne se trouve donc établi.

24. Toutefois, la notion de procès équitable implique aussi en principe le droit pour les parties à un procès de prendre connaissance de toute pièce ou observation présentée au juge et de la discuter (voir les arrêts Lobo Machado c / Portugal et Vermeulen c / Belgique du 20 février 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-I, respectivement p. 206, § 31, et p. 234, § 33).

25. D'après le Gouvernement, cette règle s'applique aux cas où, comme dans les affaires Lobo Machado et Vermeulen précitées ainsi que dans l'affaire Bulut c / Autriche (arrêt du 22 février 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-), une autorité a pris l'initiative de présenter des conclusions ou des observations destinées à conseiller ou à influencer une juridiction. Or ici, le Tribunal cantonal se serait limité à répondre aux attaques dont faisait l'objet son jugement dans le recours en réforme. Pour ce faire, il n'aurait invoqué aucun élément qui ne figurât pas déjà dans la décision entreprise.

26. La Cour note que, même limitées à une page, les observations en cause n'en contenaient pas moins un avis motivé sur le bien-fondé du recours en réforme, dont elles proposaient explicitement le rejet. Comme le relève le délégué de la Commission, elles visaient donc manifestement à influencer la décision du TF.

27. Peu importe, à cet égard, leur effet réel sur celle-ci. De toute façon, comme les observations émanaient d'une juridiction indépendante qui, de surcroît, connaissait parfaitement le dossier pour l'avoir examiné au fond, il paraît peu vraisemblable que la haute juridiction ne leur ait pas prêté attention. Il convenait donc d'autant plus d'offrir au requérant une possibilité de les commenter s'il le désirait.

28. Peu importe aussi que l'affaire relève du contentieux civil où, comme le rappelle à juste titre le Gouvernement, les autorités nationales jouissent d'une latitude plus grande que dans le domaine pénal (voir les arrêts Dombo Beheer B.V. c / Pays-Bas du 27 octobre 1993, Série A 274, p. 19, § 32, et Levages Prestations Services c / France du 23 octobre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-, § 46). En effet, il ressort des arrêts Lobo Machado et Vermeulen précités qu'en la matière, les exigences découlant du droit à une procédure contradictoire sont les mêmes au civil qu'au pénal (respectivement p. 206, § 31, et p. 234, § 33).

29. Il n'en va pas non plus autrement quand, de l'avis des juridictions concernées, les observations ne présentent aucun fait ou argument qui ne figure pas déjà dans la décision attaquée. Cette appréciation, en réalité, appartient aux seules parties au litige: c'est à elles de juger si un document appelle des commentaires. Il y va notamment de la confiance des justiciables dans le fonctionnement de la justice: elle se fonde, entre autres, sur l'assurance d'avoir pu s'exprimer sur toute pièce au dossier.

30. Sans doute le dépôt d'observations du genre de celles en question en l'espèce poursuit-il un but d'économie et d'accélération de la procédure. Comme en témoigne sa jurisprudence, la Cour attache une grande importance à cet objectif, lequel toutefois ne saurait justifier de méconnaître un principe aussi fondamental que le droit à une procédure contradictoire. De fait, l'art. 6 § 1 vise avant tout à préserver les intérêts des parties et ceux d'une bonne administration de la justice (voir, mutatis mutandis, l'arrêt Acquaviva c / France du 21 novembre 1995, Série A 333-A, p. 17, § 66).

31. En l'espèce, le respect du droit au procès équitable, garanti par l'art. 6 § 1 CEDH, exigeait que M. Nideröst-Huber fût informé de l'envoi d'observations par le Tribunal cantonal et qu'il eût la possibilité de les commenter.

Telle est d'ailleurs, comme le Gouvernement l'a expliqué à l'audience devant la Cour, la pratique habituelle du TF. Elle n'a pas été suivie dans le cas présent.

32. Partant, il y a eu violation de l'art. 6 § 1.

II. SUR L'APPLICATION DE L'ART. 50
IR 0.101 Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH)
CEDH Art. 50 Frais de fonctionnement de la Cour - Les frais de fonctionnement de la Cour sont à la charge du Conseil de l'Europe.
CEDH

33. (Libellé de l'art. 50
IR 0.101 Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH)
CEDH Art. 50 Frais de fonctionnement de la Cour - Les frais de fonctionnement de la Cour sont à la charge du Conseil de l'Europe.
CEDH)

A. Dommage

34. Pour dommage matériel, M. Nideröst-Huber réclame 8500 francs suisses (CHF) en compensation de la réparation (Entschädigung) de 5000 CHF que le Tribunal fédéral l'a condamné à payer à la partie adverse, somme à laquelle il ajoute 3500 CHF d'intérêts. Il sollicite en outre 3000 CHF pour dommage moral.

35. Le Gouvernement invite la Cour à rejeter ces prétentions, estimant qu'il n'appartient pas à celle-ci de rejuger l'affaire à la place des autorités nationales.

36. Le délégué de la Commission renvoie aux décisions prises en la matière par la Cour dans les affaires Lobo Machado et Vermeulen précitées.

37. La Cour relève l'absence de lien de causalité entre la violation dénoncée et le préjudice matériel allégué; on ne saurait en effet spéculer sur l'issue d'une procédure conforme aux exigences de l'art. 6 § 1.

Quant au dommage moral, la Cour l'estime suffisamment compensé par le constat de violation de l'art. 6 § 1.

B. Frais et dépens

38. M. Nideröst-Huber demande aussi 18 500 CHF au titre des frais et dépens occasionnés par les procédures menées devant le TF (7725 CHF) puis les organes de la convention (10 775 CHF).

39. Le délégué de la Commission se réfère aux arrêts Vermeulen et Bulut précités.

40. La Cour rappelle que, d'après sa jurisprudence, pour avoir droit à l'allocation de frais et dépens, la partie lésée doit les avoir supportés afin d'essayer de prévenir ou faire corriger une violation de la convention, d'amener la Commission puis la Cour à la constater et d'en obtenir l'effacement. Il faut aussi que se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux (voir, parmi d'autres, l'arrêt Philis c / Grèce [n° 1] du 27 août 1991, Série A 209, p. 25, § 74).

Elle note que les frais afférents à l'instance devant le TF ne sauraient avoir été engagés pour prévenir ou faire corriger une violation affectant la procédure devant cette même juridiction. Avec le Gouvernement, elle estime donc devoir rejeter cette partie de la demande.

Quant aux frais entraînés par la représentation de M. Nideröst-Huber à Strasbourg, la Cour alloue la somme demandée, à savoir 10 775 CHF.

C. Intérêts moratoires

41. Selon les informations dont dispose la Cour, le taux légal applicable en Suisse à la date d'adoption du présent arrêt s'établit à 5% l'an.

[62] RS 173.110.
[63] Cf. extrait ci-dessous N° 109, p. 978.