VPB 54.54

(Arrêt de la Cour eur. DH du 23 octobre 1990, affaire Huber, Série A 188)

Fall Huber. Verletzung der EMRK durch die sukzessive Ausübung von Instruktions- und Verfolgungsfunktionen.

Art. 5 § 3 EMRK. Begriff des gesetzlich zur Ausübung richterlicher Funktionen ermächtigten Beamten.

Das Erfordernis der Unparteilichkeit ist nicht erfüllt, wenn der Beamte, der über die Haft entscheidet, in den weiteren Verfahrensabläufen als verfolgende Partei intervenieren kann (vorliegend Zürcher Bezirksanwalt, der die Verhaftung einer Person anordnete und in der Folge die Anklageschrift verfasste; Änderung der Rechtsprechung?).

Art. 50 EMRK. Zusprechung einer gerechten Entschädigung für Partei- und Verfahrenskosten, unter Ausschluss von materiellem Schaden und Genugtuung, welche letztere sich aus dem Urteil des Gerichtshofes selbst ergibt.

Affaire Huber. Violation de la CEDH par l'exercice successif de fonctions d'instruction et de poursuite.

Art. 5 § 3 CEDH. Notion de magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires.

L'exigence d'impartialité n'est pas remplie lorsque le magistrat qui décide de la détention peut intervenir dans la procédure ultérieure en qualité de partie poursuivante (en l'espèce, procureur de district zurichois ayant ordonné l'arrestation d'une personne, puis dressé l'acte d'accusation contre elle; changement de jurisprudence?).

Art. 50
IR 0.101 Konvention vom 4. November 1950 zum Schutze der Menschenrechte und Grundfreiheiten (EMRK)
EMRK Art. 50 Kosten des Gerichtshofs - Die Kosten des Gerichtshofs werden vom Europarat getragen.
CEDH. Octroi d'une satisfaction équitable pour frais et dépens, à l'exclusion d'une indemnité pour dommage matériel ou tort moral, ce dernier étant réparé par l'arrêt de la Cour en soi.

Caso Huber. Violazione della CEDU a causa dell'esercizio successivo di funzioni d'istruzione e di perseguimento.

Art. 5 § 3 CEDU. Nozione di magistrato autorizzato dalla legge ad esercitare funzioni giudiziarie.

L'esigenza d'imparzialità non è adempiuta se il magistrato che decide la detenzione può intervenire nella procedura successiva in qualità di parte preposta al perseguimento penale (nella fattispecie, procuratore distrettuale zurighese che ha ordinato l'arresto di una persona e successivamente ha steso l'atto d'accusa contro la medesima; modificazione della giurisprudenza?).

Art. 50 CEDU. Concessione di un'equa soddisfazione per spese processuali e ripetibili, eccettuato un indennizzo per danno materiale e danno non patrimoniale; quest'ultimo è riparato dalla decisione stessa della Corte.

Résumé des faits

Le 10 août 1983, dans le cadre d'une instruction pénale, le procureur de district de Zurich avait décerné un mandat d'amener contre la requérante, puis ordonné sa mise en détention provisoire le 11 août 1983. Le 12 octobre 1984, ce même magistrat dressait un acte d'accusation contre la requérante pour faux témoignage et entrave à l'action pénale.

Devant les organes de la Convention européenne des droits de l'homme, la requérante en déduit que la détention provisoire que ce magistrat avait ordonnée n'aurait ainsi plus été conforme à l'art. 5 § 3 CEDH.

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLEGUEE DE L'ART. 5 § 3

37. La requérante allègue une violation de l'art. 5 § 3 CEDH, en tant qu'il garantit à «toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1 c)» du même article, le droit à être «aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires».

Le procureur de district J. n'aurait pas offert l'indépendance voulue dès lors qu'il plaça Mme Huber en détention provisoire, puis l'inculpa et pour finir agit comme organe de poursuite devant la juridiction de jugement.

Toujours selon l'intéressée, d'une manière générale on ne peut jamais tenir une partie poursuivante pour un «magistrat» au sens de l'art. 5 § 3. En l'occurrence, parmi les diverses fonctions du procureur de district, celle d'accusateur revêtirait un caractère prépondérant; l'obligation qu'il a d'informer à charge et à décharge avec un soin égal n'y changerait rien.

38. De son côté, la Commission estime que l'on ne saurait considérer M. J. comme indépendant des parties au procès puisqu'il pouvait être l'une d'elles et le fut effectivement.

Son délégué invite la Cour à s'écarter de l'arrêt Schiesser du 4 décembre 1979 (Série A 34)[80], qui concernait lui aussi le statut et les tâches du procureur de district du canton de Zurich. Il croit discerner dans la jurisprudence de la Cour une évolution vers la séparation complète entre poursuite et fonctions judiciaires, séparation qu'il estime nécessaire au stade actuel de la protection des droits de l'homme en Europe.

A ce sujet, il note une différence entre les affaires Schiesser et Huber: dans la première, le procureur de district n'avait pas assumé la qualité de partie poursuivante, tandis que dans la seconde, il a dressé l'acte d'accusation. Le délégué n'y attache pourtant point une importance décisive: pareille circonstance de fait dépend du déroulement ultérieur de la procédure pénale; or la légalité de l'action du procureur au regard de l'art. 5 § 3 devrait apparaître clairement dès le début.

39. D'après le Gouvernement, le procureur de district est pour l'essentiel, malgré son titre, un juge d'instruction; cela le distinguerait nettement des membres du ministère public dont la Cour a eu à s'occuper dans les affaires Skoogström (arrêt du 2 octobre 1984, Série A 83) et Pauwels (arrêt du 26 mai 1988, Série A 135). Il lui appartient certes de rédiger l'acte d'accusation, mais la loi cantonale lui impose de prendre en compte les éléments à décharge aussi bien qu'à charge, sans énoncer les motifs de suspicion ni des considérations juridiques.

En l'occurrence, il aurait ordonné l'arrestation de Mme Huber en toute indépendance, et à ce stade il ne devait nullement se prononcer sur la culpabilité. Le simple fait d'avoir, quatorze mois plus tard, présenté l'acte d'accusation ne saurait compromettre son indépendance après coup; le Gouvernement adhère pleinement aux considérations énoncées par le TF dans son arrêt du 14 mars 1989, d'après lequel on doit uniquement se placer au moment de l'arrestation, sans avoir égard à l'éventualité d'une intervention ultérieure du procureur de district à titre de partie poursuivante.

Du reste, la requérante n'aurait pas contesté le mandat d'arrêt, ni la légalité de sa détention provisoire, sur le terrain de l'art. 5 § 4, ni attaqué les actes d'instruction; elle n'ignorait pourtant pas que M. J. pouvait par la suite jouer un autre rôle. Elle n'aurait jamais non plus prétendu qu'il eût nourri un préjugé contre elle. D'une manière générale, on verrait mal quel avantage un prévenu pourrait tirer de l'établissement de l'acte d'accusation par un magistrat autre que le responsable de son arrestation.

L'arrêt Schiesser aurait laissé ouverte la question de la compatibilité avec la convention du cumul des fonctions d'instruction et de poursuite. En outre, la Commission et la Cour se seraient fondées à l'époque sur un ensemble de circonstances; un élément isolé - la rédaction de l'acte d'accusation - ne saurait justifier un revirement de leur jurisprudence. Les autorités suisses seraient ainsi en droit de se prévaloir dudit arrêt, sauf motifs impérieux tels qu'un manquement manifeste du procureur à ses devoirs ou un débordement du cadre légal imposé pour l'accomplissement de ses tâches.

Le Gouvernement signale enfin deux caractéristiques du système zurichois, de nature à garantir au besoin, selon lui, l'impartialité objective et subjective des procureurs de district: l'adoption du code cantonal de procédure pénale par la voie du référendum populaire; l'élection des intéressés au suffrage universel direct pour un mandat, renouvelable, de quatre ans.

40. La Cour note d'emblée que seule prête à controverse l'impartialité du procureur de district de Zurich lors de la délivrance du mandat d'arrêt: Mme Huber ne conteste point qu'il était indépendant de l'exécutif, qu'il l'a entendue en personne avant de la placer en détention provisoire et qu'il a examiné avec un soin égal les circonstances militant pour ou contre celle-ci.

41. En l'espèce, M. J. intervint dans un premier temps au stade de l'information: il rechercha s'il fallait inculper la requérante et prescrivit sa mise en détention provisoire, puis instruisit le dossier (art. 31 du code zurichois de procédure pénale, «Strafprozessordnung», StPO).

Dans un deuxième temps, soit quatorze mois après l'arrestation, il agit comme organe de poursuite en dressant l'acte d'accusation, mais il n'occupa point le siège du ministère public devant la juridiction de jugement, le tribunal de district de Zurich, bien qu'il l'eût pu car le code cantonal de procédure pénale lui attribuait la qualité de partie au procès (art. 178 § 1 StPO).

42. Dans plusieurs arrêts postérieurs à l'arrêt Schiesser du 4 décembre 1979 et relatifs, eux, à la législation néerlandaise en matière d'arrestation et de détention de militaires (arrêt de Jong, Baljet et van den Brink du 22 mai 1984, Série A 77, p. 24, § 49, arrêt van der Sluijs, Zuiderveld et Klappe de la même date, Série A 78, p. 19, § 44, et arrêt Duinhof et Duijf de la même date, Série A 79, p. 17, § 38), la Cour a relevé que l'auditeur militaire, après avoir ordonné la mise en détention des requérants, pouvait aussi se voir appelé à jouer, dans la même cause, le rôle d'organe de poursuite une fois la cause renvoyée devant le conseil de guerre. Elle en a déduit qu'il ne pouvait être «indépendant des parties» à ce stade préliminaire car justement il avait «des chances» de devenir l'une d'elles lors de la phase ultérieure.

43. Elle ne discerne aucune raison d'aboutir en l'espèce à une conclusion différente pour la justice pénale de droit commun. Sans doute la convention n'exclut-elle pas que le magistrat qui décide de la détention ait aussi d'autres fonctions, mais son impartialité peut paraître sujette à caution (arrêt Pauwels précité, p. 18 et 19, § 38, et, mutatis mutandis, arrêts Piersack du 1er octobre 1982, Série A 53, p. 16, § 31, De Cubber du 26 octobre 1984, Série A 86, p. 16, § 30[81], et Hauschildt du 24 mai 1989, Série A 154, p. 23, § 52 in fine) s'il peut intervenir dans la procédure pénale ultérieure en qualité de partie poursuivante.

Il en allait ainsi en l'occurrence; l'art. 5 § 3 a donc été enfreint.

II. SUR L'APPLICATION DE L'ART. 50
IR 0.101 Konvention vom 4. November 1950 zum Schutze der Menschenrechte und Grundfreiheiten (EMRK)
EMRK Art. 50 Kosten des Gerichtshofs - Die Kosten des Gerichtshofs werden vom Europarat getragen.


44. Aux termes de l'art. 50
IR 0.101 Konvention vom 4. November 1950 zum Schutze der Menschenrechte und Grundfreiheiten (EMRK)
EMRK Art. 50 Kosten des Gerichtshofs - Die Kosten des Gerichtshofs werden vom Europarat getragen.
CEDH,

«Si la décision de la Cour déclare qu'une décision prise ou une mesure ordonnée par une autorité judiciaire ou toute autre autorité d'une Partie Contractante se trouve entièrement ou partiellement en opposition avec des obligations découlant de la (...) convention, et si le droit interne de ladite Partie ne permet qu'imparfaitement d'effacer les conséquences de cette mesure, la décision de la Cour accorde, s'il y a lieu, à la partie lésée une satisfaction équitable.»

En vertu de ce texte, la requérante demande la réparation d'un dommage et le remboursement de frais.

A. Dommage

45. Se prétendant lésée par le manquement aux exigences de l'art. 5 § 3, Mme Huber réclame des indemnités de 24 000 FS pour «détention arbitraire» et 1 200 pour huit jours chômés.

Le Gouvernement n'aperçoit aucun lien de causalité entre l'infraction litigieuse et le préjudice résultant pour Mme Huber de sa privation de liberté, dont du reste elle n'aurait à l'époque nullement contesté la légalité.

Quant au délégué de la Commission, il souscrit à la thèse du Gouvernement pour le dommage matériel; il laisse à la Cour le soin de se prononcer sur l'existence et l'ampleur d'un tort moral.

46. Selon la Cour, le préjudice propre à donner ouverture à l'octroi d'une satisfaction équitable consisterait dans la privation de liberté que l'intéressée n'aurait pas subie si elle avait joui des garanties de l'art. 5 § 3. Or les pièces du dossier ne permettent pas de penser que la détention provisoire incriminée n'aurait pas eu lieu si un magistrat offrant ces garanties avait eu compétence pour délivrer le mandat d'arrêt (voir, mutatis mutandis, l'arrêt Pauwels précité, Série A 135, p. 20, § 43 et 44). Bref, aucun dommage matériel découlant de la violation constatée ne se trouvait établi.

Reste le préjudice moral. A supposer que la requérante en ait éprouvé un, le présent arrêt lui fournit satisfaction équitable suffisante dans les circonstances de la cause (voir notamment, mutatis mutandis, l'arrêt Lamy du 30 mars 1989, Série A 151, p. 19, § 42).

B. Frais et dépens

47. Mme Huber sollicite le remboursement de frais et dépens qu'elle aurait supportés pendant la procédure menée devant les juridictions suisses puis devant les organes de la convention.

1. Frais relatifs aux procédures nationales

48. Elle demande d'abord la moitié des frais de justice laissés à sa charge par les juridictions internes, soit 732 FS, ainsi que 360 FS pour les honoraires de son avocat.

Le Gouvernement accepte le premier poste et n'élève pas d'objection contre le second. Le délégué de la Commission les trouve tous deux acceptables.

La Cour marque son accord. Il y a donc lieu pour la Suisse de rembourser à l'intéressée 1 092 FS.

2. Frais relatifs aux procédures européennes

49. Au titre des dépens entraînés par les procédures européennes, la requérante revendique d'une part, pour ses conseils, des montants de 3 395.50 FS (1er conseil) et 9 565 FS (2e conseil).

Le Gouvernement les estime «manifestement excessifs» compte tenu de la brièveté des observations écrites et de l'absence d'audience devant la Commission ainsi que du non-dépôt d'un mémoire devant la Cour; il consent à l'octroi d'une somme globale de 3 000 FS pour les deux avocats.

Avec le délégué de la Commission, la Cour juge raisonnable cette proposition et s'y rallie.

50. Mme Huber entend percevoir d'autre part, pour sa venue devant la Cour, 300 FS correspondant à deux jours chômés et 400 FS couvrant ses frais de voyage et de séjour. Le Gouvernement et le délégué de la Commission ne formulent pas de commentaire.

La Cour estime que la Suisse doit rembourser à l'intéressée lesdits frais, mais non compenser le manque à gagner invoqué.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

1. Dit, par vingt et une voix contre une, qu'il y a eu violation de l'art. 5 § 3 CEDH;

2. Dit, à l'unanimité, que l'Etat défendeur doit verser à la requérante, pour frais et dépens, la somme de 4 492 (quatre mille quatre cent quatre-vingt-douze) francs suisses;

3. Rejette, à l'unanimité, la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

[80] Cf. JAAC 44.71 (1980) (texte original français) et JAAC 47.96 (1983) (traduction allemande non officielle).
[81] Cf. JAAC 48.84 (1984).

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