Urteilskopf

89 II 182

26. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 21 juin 1963 dans la cause André Graf et Lucie Graf-Jéquier contre Commune d'Ollon et consorts.
Regeste (de):

Regeste (fr):

Regesto (it):


Sachverhalt ab Seite 183

BGE 89 II 182 S. 183

Samuel Graf est décédé en laissant comme héritiers légaux sa veuve Lucie Graf, née Jéquier, et son fils André Graf. Il avait rédigé un testament par lequel il renvoyait son fils à sa réserve et répartissait la quotité disponible entre plusieurs légataires. En particulier, dans la clause no 1, il manifestait sa volonté de léguer à la Commune d'Ollon "tout l'actif de Charpigny SA" - société anonyme propriétaire du domaine de Charpigny où vivait le défunt - en précisant que l'hypothèque restait à la charge de sa succession. Ses héritiers légaux ont introduit contre la Commune d'Ollon et les autres légataires une action en justice tendante à ce que le testament fût déclaré nul, annulé et de nul effet dans tout son contenu. Subsidiairement, ils ont contesté la validité de la clause no 1. Déboutés par la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois, qui a statué le 17 janvier 1963, les demandeurs ont recouru en réforme au Tribunal fédéral. Celui-ci a rejeté leur conclusion principale, mais admis leur conclusion subsidiaire et réformé le jugement cantonal en ce sens que la clause no 1 du testament de feu Samuel Graf, ordonnant un legs en faveur de la Commune d'Ollon, est déclarée inefficace.

Erwägungen

Considérant en droit:

7. ... La Cour civile vaudoise a jugé opérante la clause no 1 par laquelle Samuel Graf a légué à la Commune d'Ollon "tout l'actif de Charpigny SA", en laissant expressément l'hypothèque à la charge de sa succession. Elle n'a cependant pas précisé quel était, à ses yeux, l'objet du legs. Elle s'est contentée de dire que l'exécution n'était pas impossible, en indiquant deux voies: la remise à la légataire de l'actif de la société, au sens comptable du terme, ou le transfert des actions. La solution adoptée par les premiers juges est erronée. On ne peut en effet dégager,
BGE 89 II 182 S. 184

par la voie de l'interprétation, la volonté exprimée par le testateur. A-t-il voulu léguer les biens qui figurent à l'actif du bilan de la société? Ou le solde actif du compte de pertes et profits - mais en l'espèce, l'exercice s'est soldé par une perte, portée à l'actif au bilan? Ou encore les actions de Charpigny SA qui étaient sa propriété au jour de son décès? Ou même toutes les actions, à charge pour son héritier de racheter celles qui étaient en main de tiers, afin de les remettre à la légataire? Ou les immeubles appartenant à Charpigny SA, francs d'hypothèque? La dernière hypothèse est la plus vraisemblable. On ne saurait toutefois affirmer que telle était la volonté du défunt. De plus, l'exécution de la libéralité dépouillerait la société Charpigny SA de presque tous ses biens et contraindrait ses organes à déposer le bilan (art. 725
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 725 - 1 Le conseil d'administration surveille la solvabilité de la société.
1    Le conseil d'administration surveille la solvabilité de la société.
2    Si la société risque de devenir insolvable, le conseil d'administration prend des mesures visant à garantir sa solvabilité. Au besoin, il prend des mesures supplémentaires afin d'assainir la société ou propose de telles mesures à l'assemblée générale, pour autant qu'elles relèvent de la compétence de cette dernière. Le cas échéant, il dépose une demande de sursis concordataire.
3    Le conseil d'administration agit avec célérité.
CO). Aussi peut-on se demander si pareil legs serait licite. L'incertitude quant à l'objet légué dispense cependant de résoudre la question. Dans son mémoire de réponse au recours, la Commune d'Ollon suggère de rectifier la désignation de l'objet du legs, selon l'art. 469 al. 3
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 469 - 1 Sont nulles toutes dispositions que leur auteur a faites sous l'empire d'une erreur, d'un dol, d'une menace ou d'une violence.
1    Sont nulles toutes dispositions que leur auteur a faites sous l'empire d'une erreur, d'un dol, d'une menace ou d'une violence.
2    Elles sont toutefois maintenues, s'il ne les a pas révoquées dans l'année après qu'il a découvert le dol ou l'erreur, ou après qu'il a cessé d'être sous l'empire de la menace ou de la violence.
3    En cas d'erreur manifeste dans la désignation de personnes ou de choses, les dispositions erronées sont rectifiées d'après la volonté réelle de leur auteur, si cette volonté peut être constatée avec certitude.
CC. Mais cette disposition légale ne s'applique pas à n'importe quelle erreur commise par le testateur. Elle suppose une erreur manifeste dans la désignation d'une personne ou d'une chose. Elle permet seulement de rectifier une déclaration erronée, non de suppléer ou d'ajouter une expression de volonté inexistante (RO 72 II 230/1 consid. 2). En outre, il faut que la volonté du disposant puisse être constatée avec certitude. Ces conditions ne sont pas réunies en l'espèce. La volonté exprimée par le défunt est si peu claire qu'elle ne saurait produire aucun effet juridique. La clause no 1 du testament ne constitue donc pas une disposition à cause de mort susceptible d'exécution. Aussi le legs doit-il être déclaré non pas nul, mais inefficace, conformément aux principes dégagés par la jurisprudence (RO 81 II 27, consid. 4).