Urteilskopf

80 II 256

42. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 7 septembre 1954 dans la cause O'Elklaus contre Veuve.
Regeste (de):

Regeste (fr):

Regesto (it):


Sachverhalt ab Seite 257

BGE 80 II 256 S. 257

Résumé des faits:
Le 25 avril 1949, O'Elklaus a engagé Veuve comme manoeuvre, dans l'intention de lui apprendre à marger. Il le fit servir une presse à platine dépourvue de dispositif de sécurité. Le 16 juin, Veuve se fit prendre dans la presse deux doigts de la main droite, qui dut être amputée par la suite au niveau du poignet. Veuve a actionné son employeur en paiement de 30 000 francs, en fondant sa demande sur l'art. 339
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 339 - 1 À la fin du contrat, toutes les créances qui en découlent deviennent exigibles.
1    À la fin du contrat, toutes les créances qui en découlent deviennent exigibles.
2    Lorsque le travailleur a droit à une provision pour des affaires dont l'exécution a lieu entièrement ou partiellement après la fin du contrat, l'exigibilité peut être différée par accord écrit, mais en général pour six mois au plus; l'exigibilité ne peut pas être différée de plus d'une année s'il s'agit d'affaires donnant lieu à des prestations successives, ni de plus de deux ans s'il s'agit de contrats d'assurance ou d'affaires dont l'exécution s'étend sur plus d'une demi-année.
3    Le droit à une participation au résultat de l'exploitation est exigible conformément à l'art. 323, al. 3.
CO. Le Tribunal cantonal neuchâtelois lui a alloué 13 495 fr. 30 comme dommages-intérêts et 3000 fr. à titre de réparation morale. Contre ce jugement, O'Elklaus recourt en réforme au Tribunal fédéral, en concluant à ce que le demandeur soit débouté. des fins de son action. Il conteste en principe devoir réparation du dommage subi par Veuve. Subsidiairement, il invoque la prescription du droit du demandeur à une indemnité pour tort moral.
Erwägungen

Extrait des motifs:

2. (Le recourant a omis des mesures de sécurité qu'on pouvait équitablement exiger de lui; il a donc violé l'art. 339
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 339 - 1 À la fin du contrat, toutes les créances qui en découlent deviennent exigibles.
1    À la fin du contrat, toutes les créances qui en découlent deviennent exigibles.
2    Lorsque le travailleur a droit à une provision pour des affaires dont l'exécution a lieu entièrement ou partiellement après la fin du contrat, l'exigibilité peut être différée par accord écrit, mais en général pour six mois au plus; l'exigibilité ne peut pas être différée de plus d'une année s'il s'agit d'affaires donnant lieu à des prestations successives, ni de plus de deux ans s'il s'agit de contrats d'assurance ou d'affaires dont l'exécution s'étend sur plus d'une demi-année.
3    Le droit à une participation au résultat de l'exploitation est exigible conformément à l'art. 323, al. 3.
CO. D'autre part, il existe un rapport de causalité adéquate entre l'accident et l'insuffisance des mesures de protection et le recourant n'a pas établi qu'aucune faute ne lui était imputable. Il répond donc, en principe, du dommage subi par son employé.)
4. O'Elklaus attaque le jugement cantonal en tant qu'il a alloué-à Veuve une indemnité pour tort moral. Il soutient que ce droit, découlant des art. 41
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 41 - 1 Celui qui cause, d'une manière illicite, un dommage à autrui, soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence, est tenu de le réparer.
1    Celui qui cause, d'une manière illicite, un dommage à autrui, soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence, est tenu de le réparer.
2    Celui qui cause intentionnellement un dommage à autrui par des faits contraires aux moeurs est également tenu de le réparer.
et suiv. CO, est prescrit en vertu de l'art. 60 al. 1
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 60 - 1 L'action en dommages-intérêts ou en paiement d'une somme d'argent à titre de réparation morale se prescrit par trois ans à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage ainsi que de la personne tenue à réparation et, dans tous les cas, par dix ans à compter du jour où le fait dommageable s'est produit ou a cessé.35
1    L'action en dommages-intérêts ou en paiement d'une somme d'argent à titre de réparation morale se prescrit par trois ans à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage ainsi que de la personne tenue à réparation et, dans tous les cas, par dix ans à compter du jour où le fait dommageable s'est produit ou a cessé.35
1bis    En cas de mort d'homme ou de lésions corporelles, elle se prescrit par trois ans à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage ainsi que de la personne tenue à réparation et, dans tous les cas, par vingt ans à compter du jour où le fait dommageable s'est produit ou a cessé.36
2    Si le fait dommageable résulte d'un acte punissable de la personne tenue à réparation, elle se prescrit au plus tôt à l'échéance du délai de prescription de l'action pénale, nonobstant les alinéas précédents. Si la prescription de l'action pénale ne court plus parce qu'un jugement de première instance a été rendu, l'action civile se prescrit au plus tôt par trois ans à compter de la notification du jugement.37
3    Si l'acte illicite a donné naissance à une créance contre la partie lésée, celle-ci peut en refuser le paiement lors même que son droit d'exiger la réparation du dommage serait atteint par la prescription.
CO. Le droit d'exiger des mesures de protection, conféré à l'employé par l'art. 339
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 339 - 1 À la fin du contrat, toutes les créances qui en découlent deviennent exigibles.
1    À la fin du contrat, toutes les créances qui en découlent deviennent exigibles.
2    Lorsque le travailleur a droit à une provision pour des affaires dont l'exécution a lieu entièrement ou partiellement après la fin du contrat, l'exigibilité peut être différée par accord écrit, mais en général pour six mois au plus; l'exigibilité ne peut pas être différée de plus d'une année s'il s'agit d'affaires donnant lieu à des prestations successives, ni de plus de deux ans s'il s'agit de contrats d'assurance ou d'affaires dont l'exécution s'étend sur plus d'une demi-année.
3    Le droit à une participation au résultat de l'exploitation est exigible conformément à l'art. 323, al. 3.
CO, est de nature contractuelle. C'est en qualité de partie au contrat de travail que l'employeur
BGE 80 II 256 S. 258

est tenu, envers son ouvrier, d'écarter les risques de l'exploitation. S'il n'exécute pas cette obligation légale et qu'un accident frappe l'employé, celui-ci a droit à une réparation conformément aux art. 97
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 97 - 1 Lorsque le créancier ne peut obtenir l'exécution de l'obligation ou ne peut l'obtenir qu'imparfaitement, le débiteur est tenu de réparer le dommage en résultant, à moins qu'il ne prouve qu'aucune faute ne lui est imputable.
1    Lorsque le créancier ne peut obtenir l'exécution de l'obligation ou ne peut l'obtenir qu'imparfaitement, le débiteur est tenu de réparer le dommage en résultant, à moins qu'il ne prouve qu'aucune faute ne lui est imputable.
2    Les dispositions de la loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite44 et du code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC)45 s'appliquent à l'exécution.46
et suiv. CO. L'étendue de la réparation est fixée à l'art. 99
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 99 - 1 En général, le débiteur répond de toute faute.
1    En général, le débiteur répond de toute faute.
2    Cette responsabilité est plus ou moins étendue selon la nature particulière de l'affaire; elle s'apprécie notamment avec moins de rigueur lorsque l'affaire n'est pas destinée à procurer un avantage au débiteur.
3    Les règles relatives à la responsabilité dérivant d'actes illicites s'appliquent par analogie aux effets de la faute contractuelle.
CO, dont l'al. 3 dispose que "les règles relatives à la responsabilité dérivant d'actes illicites s'appliquent par analogie aux effets de la faute contractuelle". Ce texte, très général, n'exclut pas l'application analogique des règles du CO sur l'indemnité pour tort moral, ce que confirme l'interprétation historique de l'art. 99 (cf. OSER/SCHÖNENBERGER, CO, ad art. 99 rem. 14, BECKER, CO, ad art. 97
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 97 - 1 Lorsque le créancier ne peut obtenir l'exécution de l'obligation ou ne peut l'obtenir qu'imparfaitement, le débiteur est tenu de réparer le dommage en résultant, à moins qu'il ne prouve qu'aucune faute ne lui est imputable.
1    Lorsque le créancier ne peut obtenir l'exécution de l'obligation ou ne peut l'obtenir qu'imparfaitement, le débiteur est tenu de réparer le dommage en résultant, à moins qu'il ne prouve qu'aucune faute ne lui est imputable.
2    Les dispositions de la loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite44 et du code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC)45 s'appliquent à l'exécution.46
rem. 26 à 28). Aussi le Tribunal fédéral en a-t-il déduit que l'art. 49
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 49 - 1 Celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d'argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie et que l'auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement29.
1    Celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d'argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie et que l'auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement29.
2    Le juge peut substituer ou ajouter à l'allocation de cette indemnité un autre mode de réparation.
CO était applicable en matière contractuelle (RO 54 II 483). Pareille conclusion s'impose également en ce qui concerne l'art 47
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 47 - Le juge peut, en tenant compte de circonstances particulières, allouer à la victime de lésions corporelles ou, en cas de mort d'homme, à la famille une indemnité équitable à titre de réparation morale.
CO; ce d'autant plus que ce dernier article n'exige que des "circonstances particulières" comme condition de l'allocation d'une indemnité pour tort moral. Lorsque le droit à une telle indemnité est de nature contractuelle, il doit aussi être soumis au délai de prescription de l'art. 127
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 127 - Toutes les actions se prescrivent par dix ans, lorsque le droit civil fédéral n'en dispose pas autrement.
CO, qui est de dix ans. Certes, l'al. 3 de l'art. 99
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 99 - 1 En général, le débiteur répond de toute faute.
1    En général, le débiteur répond de toute faute.
2    Cette responsabilité est plus ou moins étendue selon la nature particulière de l'affaire; elle s'apprécie notamment avec moins de rigueur lorsque l'affaire n'est pas destinée à procurer un avantage au débiteur.
3    Les règles relatives à la responsabilité dérivant d'actes illicites s'appliquent par analogie aux effets de la faute contractuelle.
CO paraît, dans sa version française, renvoyer également aux règles relatives à la courte prescription des droits dérivant d'actes illicites. Mais le Tribunal fédéral a déjà jugé que ce texte allait trop loin et qu'il fallait se fonder sur les versions allemande et italienne (RO 55 II 37). Or celles-ci parlent simplement des "règles concernant l'étendue de la responsabilité en matière d'actes illicites" ("Bestimmungen über das Mass der Haftung bei unerlaubten Handlungen", "disposizioni sulla misura della responsabilità per atti illeciti") et excluent donc l'application de l'art. 60
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 60 - 1 L'action en dommages-intérêts ou en paiement d'une somme d'argent à titre de réparation morale se prescrit par trois ans à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage ainsi que de la personne tenue à réparation et, dans tous les cas, par dix ans à compter du jour où le fait dommageable s'est produit ou a cessé.35
1    L'action en dommages-intérêts ou en paiement d'une somme d'argent à titre de réparation morale se prescrit par trois ans à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage ainsi que de la personne tenue à réparation et, dans tous les cas, par dix ans à compter du jour où le fait dommageable s'est produit ou a cessé.35
1bis    En cas de mort d'homme ou de lésions corporelles, elle se prescrit par trois ans à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage ainsi que de la personne tenue à réparation et, dans tous les cas, par vingt ans à compter du jour où le fait dommageable s'est produit ou a cessé.36
2    Si le fait dommageable résulte d'un acte punissable de la personne tenue à réparation, elle se prescrit au plus tôt à l'échéance du délai de prescription de l'action pénale, nonobstant les alinéas précédents. Si la prescription de l'action pénale ne court plus parce qu'un jugement de première instance a été rendu, l'action civile se prescrit au plus tôt par trois ans à compter de la notification du jugement.37
3    Si l'acte illicite a donné naissance à une créance contre la partie lésée, celle-ci peut en refuser le paiement lors même que son droit d'exiger la réparation du dommage serait atteint par la prescription.
CO dans le domaine contractuel. Cette interprétation est du reste conforme à l'historique de l'art. 99 al. 3
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 99 - 1 En général, le débiteur répond de toute faute.
1    En général, le débiteur répond de toute faute.
2    Cette responsabilité est plus ou moins étendue selon la nature particulière de l'affaire; elle s'apprécie notamment avec moins de rigueur lorsque l'affaire n'est pas destinée à procurer un avantage au débiteur.
3    Les règles relatives à la responsabilité dérivant d'actes illicites s'appliquent par analogie aux effets de la faute contractuelle.
CO. Dans le projet de 1905, l'art. 1121 al. 3 avait, dans les trois langues, une teneur correspondante au texte français actuel de l'art. 99 al. 3, mais il renvoyait expressément aux art. 1058 à 1074; il écartait donc l'application
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analogique, en matière de contrats, de l'art. 1076, qui réglait la prescription des droits découlant d'actes illicites. Par la suite, on abandonna les renvois à des textes précis en vertu d'un principe de technique législative. Mais, sur proposition de la commission du Conseil national (cf. Bull. stén. CN 1909 p. 530), la version allemande de l'art. 1121 al. 3 reçut une teneur qui excluait un renvoi aux règles relatives à la prescription en matière d'actes illicites. Car il restait entendu que ces dernières dispositions ne devaient pas s'appliquer par analogie dans le domaine contractuel (cf. Bull. stén. CE 1910 p. 180). Lors donc que c'est l'art. 127
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 127 - Toutes les actions se prescrivent par dix ans, lorsque le droit civil fédéral n'en dispose pas autrement.
CO qui règle la prescription des droits dérivant de l'inexécution des contrats, il doit s'appliquer également à la prescription du droit à une réparation morale lorsque celui-ci découle de la même source. Il n'y a aucune raison, en effet, de soumettre à des délais de prescription différents les prétentions tirées de l'inexécution d'un contrat, selon qu'elles tendent à l'allocation de dommages-intérêts ou à celle d'une indemnité pour tort moral. En l'espèce, le droit de l'intimé à une réparation morale se prescrit donc par dix ans. Ce délai n'était pas écoulé lors de l'introduction de l'action. Le moyen que le recourant tire de la prescription n'est ainsi pas fondé. Pour le reste, O'Elklaus ne conteste pas que les conditions exigées par l'art. 47
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 47 - Le juge peut, en tenant compte de circonstances particulières, allouer à la victime de lésions corporelles ou, en cas de mort d'homme, à la famille une indemnité équitable à titre de réparation morale.
CO soient remplies et il ne critique pas le montant de l'indemnité allouée de ce chef à l'intimé.
Dispositiv

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
Le recours est rejeté et le jugement attaqué est confirmé.