S. 172 / Nr. 25 Markenschutz (f)

BGE 76 II 172

25. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 7 juin 1950 dans la cause
Clémence frères et Cie contre Fabrique Solvil des montres Paul Ditisheim S. A.


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Regeste:
Contrefaçon ou imitation de la marque d'autrui, conséquence (art. 6 et 24
litt. a LMF).
La marque qui contrefait ou imite la marque d'autrui de façon à induire le
publie en erreur, est nulle d'une nullité absolue. Cette nullité peut être
invoquée par tout intéressé, et notamment par le fabricant ou le commerçant
dont la propre marque est attaquée par le titulaire de la marque illicite ou
qui est poursuivi pour usurpation de cette marque.
Nachmachung oder Nachahmung einer Marke, Folgen (Art. 6 und 24 lit. a MSchG).
Die Marke, die eine Nachmachung oder eine das Publikum irreführende Nachahmung
einer andern Marke darstellt, ist absolut nichtig. Diese Nichtigkeit kann von
jedermann geltend gemacht werden, insbesondere von einem Produzenten oder
Händler, dessen eigene Marke durch den Inhaber der rechtswidrigen Marke
angefochten oder der wegen Verletzung der letzteren belangt wird.
Contraffazione o imitazione della marca altrui, conseguenze (art. 6 e 24 lett.
a LMF).
La marca che contraffà o imita la marca altrui in modo da indurre in errore il
pubblico, è nulla in modo assoluto. Questa nullità può essere invocata da ogni
interessato e in particolare dal fabbricante o dal commerciante la cui marca
propria è impugnata dal titolare della marca illecita o che è convenuto per
usurpazione di questa marca.

A. - Dès le 2 décembre 1929, la maison Clémence frères & Cie, à La
Chaux-de-Fonds, a apposé sur des montres et mouvements de montres la marque
«Jora». Le 16 décembre 1941, elle a fait enregistrer cette marque sons no
101296. Depuis lors, elle a continué à utiliser cette marque.
Dès avant 1939, mais an plus tôt en 1938, la Fabrique Solvil des montres Paul
Ditisheim, à Genève, a écoulé en Extrême-Orient des montres munies de la
marque «Zora». Le 19 mai 1948, elle a fait enregistrer la marque Zora sous no
124886.

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D'autre part, on relève au répertoire des marques de fabrique les
dénominations suivantes:
«Cora»: marque déposée par la maison Fritz Salzmann, à La Chaux-de-Fonds, le 4
novembre 1929 sous no 71219.
«Hora»: marque déposée par Meier & Stüdeli S.A., à Soleure, le 15 septembre
1902 sous no 15014. Elle a été renouvelée le 20 juin 1920 sous no 42055, puis
le 1er juin 1938 sous no 93297.
«Joba»: marque déposée le 2 septembre 1935 par Rodana S.A. IL Granges sous no
86620.
«Jura»: marque déposée par la Société d'hoflogerie La Générale, IL Bienne, le
14 avril 1892, sous no 5797. Elle a été renouvelée le 27 mai 1911 sous no
29426 et le 7 août 1931 sous no 75580.
«Nora»: marque déposée par Eterna S.A., IL Granges, le 29 décembre 1904 sous
no 18172, puis renouvelée le 3 février 1908 sous no 23272, le 7 avril 1928
sous no 66834 et le 10 mai 1948 sous 110 125491.
B. - La société Clémence frères & Cie a intenté action IL la Fabrique Solvil
des montres Paul Ditisheim S.A. en concluant IL la radiation de la marque
«Zora».
Le Tribunal fédéral a considéré que la marque «Zora» constitue une imitation
de la marque «Jora», propre a induire le public en erreur (art. 24 litt . a
LMF). Il a en revanche retenu le moyen de la défenderesse, selon lequel, vu la
préexistence des marques Cora, Hora, Jura et Nora, la marque «Jora» n'est ni
originale ni nouvelle, et il a en conséquence rejeté l'action.
Motifs:
4.- La défenderesse a indiqué un certain nombre de marques horlogères qui sont
antérieures à la marque «Jora» et auxquelles celle-ci ressemble. Elle déclare
en conséquence que la marque de la demanderesse n'est «ni originale ni
nouvelle», de sorte que cette marque ne bénéficierait pas elle-même de la
protection légale.
a) Invoquant l'autorité de J. KOHLER (Das Recht des

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Markenschutzes, 1884, p. 161), le Tribunal fédéral a jugé que toute marque
contraire à la loi est nulle d'une nullité absolue, parce qu'il n'y a pas de
raisons pour accorder à une telle marque une protection simplement provisoire
et que rien non plus ne milite en faveur d'une reconnaissance provisoire de
cette marque qui souvent sera déceptive et d'autres fois créera un risque de
confusion. On n'a pas à distinguer suivant que le signe en question est
impropre à servir de marque (par exemple en vertu de l'art. 14 ch. 2 , des art.
9 , 10 et 11 LMF), ou qu'il lèse seulement le droit d'un tiers, comme lors
qu'il constitue une imitation d'une marque protégée. Dans ce cas aussi,
l'intérêt public est en jeu. En conséquence, le titulaire de la marque
lésionnaire ne peut en déduire aucun droit et peut se voir opposer le moyen de
la nullité par tout intéressé (RO 30 II 584, 30 II 53 11 504, précédents que
confirme incidemment l'arrêt RO 73 11 190:
Sans doute la nullité d'une marque contraire à la loi -et notamment d'une
marque qui donne lieu à confusion avec une marque déjà inscrite -. peut-elle
être invoquée par tout intéressé.
On a objecté contre cette jurisprudence (MATTER, Kommentar zum MSchG, ad art.
6 p. 98 note 5) que la loi sur les marques n'était nullement une loi de
police, mais qu'elle laissait aux intéressés le soin de sauvegarder leurs
droits. Cela est exact, en ce sens notamment que les actions dérivant du droit
des marques n'ont pas le caractère d'«actiones populares». Il n'en reste pas
moins que les dispositions de la loi sur les marques, y compris celle de
l'art. 6, ont été édictées non seulement dans l'intérêt des fabricants et
commerçants au bénéfice de marques, mais aussi dans l'intérêt du public
acheteur qui doit être protégé en particulier contre des marques propres à
l'induire en erreur. La preuve en est que l'art. 27 ch. 1 LMF accorde l'action
civile ou pénale aussi à l'acheteur trompé peu Importe, de ce point de vue,
que l'action civile de l'acheteur ne puisse tendre à autre chose qu'à des
dommages-intérêts (cf. RO 73 11 190-191).

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On peut certes admettre, sur le vu de l'art. 27 ch. 1 LMF, que seul l'ayant
droit à la marque peut prendre l'initiative de requérir la radiation d'une
marque illicite qui lèse la sienne. Mais il ne s'ensuit pas qu'un autre
fabricant 011 commerçant dont la marque est attaquée par le titulaire de la
marque lésionnaire ou qui est poursuivi pour usurpation de cette marque ne
puisse pas en relever la nullité par voie d'exception ou même action (cf. RO
30 II 584 -585). Ce faisant, il n'excipe pas du droit d'un tiers, mais fait
valoir pour sa défense l'intérêt public à ce qu'une marque illicite ne soit
pas protégée, cela quoi qu'il en soit de la nullité de sa propre marque. Il
serait effectivement choquant qu'un fabricant ou un commerçant, qui a
contrefait ou imité la marque d'un concurrent, puisse obtenir la protection de
sa marque illicite contre un contrefacteur ou un imitateur qui ne fait pas
autre chose envers lui que ce que lui-même a fait à l'égard du premier ayant
droit.
b) En l'espèce, lorsque la maison Clémence a déposé sa marque «Jora» le 16
décembre 1941, quatre marques voisines figuraient au registre, dont elle
pouvait avoir à respecter l'antériorité: la marque «Cora», enregistrée le 4
novembre 1929, donc antérieurement à la première livraison de montres «Jora»
(2 décembre 1929), et qui bénéficiait encore de la protection à l'introduction
de la demande (22 janvier 1949); «Hora», déposée en 1902, «Jura», déposée en
1892, et «Nora», déposée en 1904, toutes trois successivement renouvelées, en
dernier lieu en 1933, 1931 et 1948. La marque «Joba» n'entre pas en ligne de
compte, car son enregistrement est du 2 septembre 1935, c'est-à-dire
postérieur à la première livraison de Clémence frères.
Tout comme «Zora» ressemble à «Jora», «Jora» est susceptible d être confondue
avec «Cora», «Hora», «Jura» et «Nora». Chacune de ces marques verbales est
composée de deux syllabes, et dans l'une comme dans l'autre il n'y a jamais
qu'une seule lettre qui change. Dans les groupes Jora - Cora, Jora - Hora,
Jora - Nora, la différence tenant

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à la première consonne est impuissante à éviter la confusion que produira dans
le souvenir la forte terminaison en «ora». Pour «Jura» comparée à «Jora», le
pouvoir distinetif de la voyelle «u» est des plus faibles, si l'on fait
abstraction des idées évoquées par ces mots.
Dès lors, la marque «Jora», devant être considérée comme une imitation, propre
à induire le public en erreur, de l'une ou l'autre des marques susindiquées,
ne peut pas bénéficier de la protection légale à l'encontre de la marque
«Zora». Il est indifférent que ni l'une ni l'autre des maisons qui étaient au
bénéfice des marques antérieures «Cora», «Hora», «Jura» et «Nora» n'aient pas
agi contre Clémence frères, ni que «La Générale», qui possède la plus ancienne
des quatre marques en question, soit la marque Jura», n'ait pas plaidé supposé
qu'elle y ait été fondée contre les titulaires des autres marques. La
demanderesse, titulaire d'une marque frappée de nullité absolue, n'a pas
qualité pour exercer contre la défenderesse les actions dérivant du droit des
marques.