S. 206 / Nr. 52 Strafgesetzbuch (f)

BGE 74 IV 206

52. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 10 décembre 1948 dans la cause
Ministère publie fédéral contre Duval.


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Regeste:
Service de renseignements économiques (art. 273
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
CP).
La répression de cette infraction ne présuppose pas la preuve quo, dans le cas
particulier, les intérêts de l'Etat ou de la défense nationale aient été
effectivement lésés ou mis en danger.
Wirtschaftlicher Nachrichtendienst (Art. 273 StGB).
Die Ahndung dieses Vergehens setzt nicht voraus, dass im einzelnen Falle die
Interessen des Staates oder der Landesverteidigung tatsächlich verletzt oder
gefährdet worden seien.
Spionaggio economico (art. 273
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
CP).
La repressione di questo reato non presuppone In prova che nel caso concreto
gl'interessi dello Stato o della difesa nazionale siano stati effettivamente
lesi o messi in pericolo.

A. ­ Le 29 août 1947, Gaspard Duval, ancien ouvrier de la fabrique de machines
Ed. Dubied & Co. S.A., à Couvet, s'est rendu en compagnie de Marcel Cardinas,
fabricant de valves de bicyclettes en Belgique, auprès d'un ouvrier de la
maison Dubied, Bernard Perrinjaquet, afin d'obtenir des renseignements sur les
procédés employés par cette maison dans la fabrication des valves.
Perrinjaquet, n'ayant pas pu fournir les renseignements désirés, conseilla à
Duval de s'adresser à un ouvrier spécialisé dans ce genre de fabrication.
Duval et Cardinas se rendirent alors chez Burger. Celui-ci ne donna aucun
renseignement intéressant. Quelques jours plus tard, Perrinjaquet remit à
Duval deux valves de bicyclettes non terminées. Duval les remit à la police,
qui avait dans l'entre-temps ouvert une enquête.
B. ­ Le 23 septembre 1947, la maison Dubied a porté plainte contre Duval pour
concurrence déloyale (art. 13
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
LCD), violation du secret de fabrication (art.
162
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 162 - Quiconque révèle un secret de fabrication ou un secret commercial qu'il est tenu de garder en vertu d'une obligation légale ou contractuelle, quiconque utilise cette révélation à son profit ou à celui d'un tiers,
CP) et service de renseignements économiques (art. 273
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
CP).
Le Procureur général du canton de Neuchâtel a transmis le dossier au
Département fédéral de justice et police. Le 21 octobre 1947, ledit
département a autorisé, selon l'art. 105
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
PPF, la poursuite contre Duval et
Cardinas

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pour service de renseignements économiques et a délégué la cause aux autorités
neuchâteloises (art. 18
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
PPF).
Le Procureur général a élevé contre Duval l'accusation de service de
renseignements économiques.
Par jugement du 16 janvier 1948, le Tribunal de police du district du Val de
Travers a acquitté l'accusé.
Le Procureur général de la Confédération a recouru contre ce jugement.
Statuant le 17 mars 1948, la Cour de cassation pénale du canton de Neuchâtel a
rejeté le recours. Elle considère en substance:
IL est regrettable que le Ministère public n'ait visé dans ses réquisitions
que l'art. 273
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
CP, alors que le plaignant avait demandé aussi l'application de
la loi sur la concurrence déloyale et de l'art. 162
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 162 - Quiconque révèle un secret de fabrication ou un secret commercial qu'il est tenu de garder en vertu d'une obligation légale ou contractuelle, quiconque utilise cette révélation à son profit ou à celui d'un tiers,
CP. En l'état des choses,
l'art. 211
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 162 - Quiconque révèle un secret de fabrication ou un secret commercial qu'il est tenu de garder en vertu d'une obligation légale ou contractuelle, quiconque utilise cette révélation à son profit ou à celui d'un tiers,
du Code de procédure pénal neuchâtelois ne permet d'envisager
qu'une condamnation fondée sur l'art. 273
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
CP.
D'après la place qui lui est assignée dans la loi, le service de
renseignements économiques n'est pas un délit contre le patrimoine, mais un
délit contre l'Etat ou la défense nationale. n est vrai qu'à suivre le
Ministère public fédéral, toute violation d'un secret de fabrication au profit
d'une entreprise privée étrangère constituerait une infraction dirigée contre
l'Etat. C'est cependant ce qu'on ne peut admettre. L'hypothèse visée par
l'art. 273
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
CP se distingue de celle qu'a en vue l'art. 162 non seulement par
la nationalité du bénéficiaire, mais aussi par la nature du secret violé. En
l'espèce, la violation du secret de fabrication des valves de la maison Dubied
ne met pas en danger l'Etat ou la défense nationale.
C. ­ Contre cet arrêt, le Ministère public fédéral s'est pourvu en nullité à
la Cour de cassation pénale fédérale en concluant au renvoi de la cause à la
juridiction cantonale pour nouveau jugement.
Il soutient que, d'après la genèse de la loi, tout service de renseignements
économiques au profit de l'étranger,

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même s'il n'a pour objet que des secrets de fabrication ou d'affaires de
caractère privé, constitue un crime ou un délit contre l'Etat au sens de
l'intitulé du titre treizième du Code pénal et tombe par conséquent sous le
coup de l'art. 273.
Considérant en droit:
1. ­ (Inadmissibilité d'un renvoi aux écritures cantonales, RO 74 IV 59, cons.
1.)
2. ­ Duval s'est adressé à deux ouvriers de la maison Dubied pour se
renseigner sur les procédés employés par cette maison dans la fabrication des
valves de bicyclette; il a ainsi cherché à découvrir un secret de fabrication,
et cela pour le rendre accessible au fabricant belge Cardinas, c'est-à-dire à
une entreprise privée étrangère. Les conditions objectives de l'art. 273 al. 1
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,

CP sont donc réalisées, en tout cas d'après la lettre de cette disposition.
Les juridictions cantonales n'ont cependant pas cru devoir l'appliquer, parce
que le service de renseignements économiques, d'après la place qu'il occupe
dans la loi, est un délit contre l'Etat ou la défense nationale; or ­
disent-elles ­ l'activité de l'accusé n'a lésé que les intérêts particuliers
de la maison Dubied.
Le Tribunal fédéral ne peut se rallier à cette manière de voir. IL faut en
effet considérer avant tout la disposition légale applicable, non le titre
sous lequel elle est rangée, celui-ci n'apportant qu'une qualification
générale des infractions qu'il recouvre, sans pouvoir ajouter aux conditions
de la répression énoncées par les divers articles de la loi.
Or l'art. 273
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
CP vise simplement et sans aucune restriction le fait de
chercher à découvrir et de rendre accessibles, au profit de l'étranger, des
secrets de fabrication ou d'affaires. C'est dire que l'espionnage économique,
tout en lésant les intérêts d'une entreprise privée, affecte en même temps les
intérêts généraux de l'économie suisse, ce qui lui donne le caractère d'un
délit ou d'un crime

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contre l'Etat au sens de l'intitulé du titre treizième. IL n'est sans doute
pas conforme aux idées communément admises en Suisse, sur les rapports de
l'économie et de l'Etat, de mettre sur le même pied les intérêts économiques
et l'intérêt public. On ne peut cependant pas, comme le fait la juridiction
cantonale, reprocher à l'interprétation du Ministère public fédéral de
procéder d'une «notion étatique, pour ne pas dire collectiviste et
totalitaire, de l'économie nationale». L'art. 273
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
CP a sa raison d'être, non
dans la politique économique interne de l'Etat, mais dans sa politique
économique extérieure. Le fait que les économies nationales se sont
progressivement repliées sur elles-mêmes a eu pour conséquence que l'économie
suisse, elle aussi, est devenue de plus en plus une affaire d'intérêt général,
et que l'Etat a dû intervenir et intervient encore constamment de diverses
manières pour la protéger envers l'étranger (cf. à ce sujet, HAFTER, dans
Festgabe Fritz Fleiner, 1937, p. 216). C'est dans cette ligne que s'inscrit
l'art. 273
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
CP. L'espionnage économique de la part de l'étranger ne se
caractérise pas simplement comme un acte de concurrence déloyale à l'égard de
l'entreprise privée qui en est l'objet; il porte en même temps atteinte aux
intérêts suisses dans leur ensemble, ce qui justifie que l'Etat le combatte.
3. ­ Il semble il est vrai, à première vue, que la genèse de l'art. 273
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
CP
parle en faveur d'une interprétation restrictive. Conformément à l'art. 4 de
l'arrêté fédéral du 21 juin 1935 tendant à garantir la sûreté de la
Confédération, le projet alors l'art. 233quater ­ ne visait que le service de
renseignements économiques dans l'intérêt d'une autorité ou d'un parti
étranger. Sur la proposition de Hafter, on y a fait rentrer l'espionnage au
profit d'entreprises privées de l'étranger. D'autre part, comme cela résulte
des débats parlementaires, le projet supposait, pour que l'acte fût
punissable, que la sauvegarde du secret de fabrication ou d'affaires fût dans
l'intérêt public; au sein de la Commission du Conseil

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national, il avait même été question d'un «wesentliches öffentliches
Interesse». Par la suite, on a laissé tomber la condition (cf. procès-verbal
de ]a Commission du Conseil national, 74 XXIVe session, séance du 15 décembre
1937, p. 1 sv., et Bull. stén. Conseil des Etats, édit. spéc. p. 403 sv.), ce
que le rapporteur au Conseil des Etats, M. Wettstein, motiva en disant
qu'étant donnée la place que la disposition occupait dans la loi, il fallait
de toute façon que l'Etat ou la défense nationale fussent mis en danger et
qu'on n'avait par conséquent pas besoin de la notion très vague d'intérêt
public. On pourrait certes déduire de ces motifs que l'art. 273
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
CP ne
s'applique pas chaque fois que quelqu'un cherche à découvrir ou rend
accessible un secret de fabrication ou d'affaires dans l'intérêt de
l'étranger, mais que, pour rendre cet acte punissable, un élément doit
s'ajouter qui en fasse un délit ou un crime contre l'Etat ou la défense
nationale. Toutefois, ce que devrait être cet élément supplémentaire, le
rapporteur du Conseil des Etats n'a pas pu le dire, et la délibération au sein
du Conseil national ne fournit pas d'indications à ce sujet; un membre de la
Commission s'est même opposé à la mention de l'intérêt public, parce que ­
disait-il ­ ce serait restreindre la portée de la disposition (procès-verbal,
p. 3).
Dans ces conditions, en face du texte clair de la loi, qui saisit sans aucune
réserve la violation de secrets de fabrication ou d'affaires au profit de
l'étranger et qui, par là, en fait un délit ou un crime contre l'Etat ou la
défense nationale, on ne peut pas attribuer de portée décisive aux travaux
législatifs. Si le législateur avait voulu que la seule atteinte aux intérêts
de l'économie nationale, telle que l'implique tout espionnage économique, ne
pût justifier l'application de l'art. 273, il aurait dû exprimer cette
intention en déterminant les conditions de l'infraction.
Il eût eu d'autant plus lieu de le faire que l'arrêté de 1935 tendant à
garantir la sûreté de la Confédération

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était déjà interprété dans le sens indiqué. La jurisprudence considérait en
effet comme secret d'affaires au sens de l'art. 4 tous les faits de la vie
économique que les personnes en cause avaient un intérêt légitime à tenir
secrets, sans poser en outre d'exigences particulières quant à l'intérêt
national qui pouvait en même temps se trouver en jeu (RO 65 I 49 et 333 cons.
4 litt. a). Les débats parlementaires eux-mêmes ne révèlent nullement qu'on
ait voulu en quoi que ce soit restreindre cette interprétation. Le moment eût
d'ailleurs été mal choisi, puisqu'on venait d'étendre la répression à
l'espionnage économique au profit d'entreprises privées de l'étranger.
4. ­ En l'espèce, les conditions objectives de l'art. 273
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 273 - Quiconque cherche à découvrir un secret de fabrication ou d'affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents,
CP sont donc bien
réalisées. L'arrêt attaqué doit par conséquent être annulé et la cause
renvoyée à la juridiction cantonale pour que celle-ci examine la culpabilité
de l'accusé et statue à nouveau.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
Le pourvoi est admis, l'arrêté attaqué est annulé et la cause renvoyée à la
juridiction cantonale pour qu'il soit statué à nouveau dans le sens des
motifs.