S. 415 / Nr. 65 Sozialversicherung (f)

BGE 73 I 415

65. Arrêt du 19 décembre 1947 dans la cause Commune de Chêne-Bougeries contre
Office fédéral des assurances sociales.

Regeste:
Assujettissement à l'assurance-accidents du jardinier-fossoyeur d'une commune.
1. Son activité tombe sous le coup de l'art. 18 al. 2 de l'ordonnance I du 25
mars 1916 (travaux en régie).
2. «Pluralité d'employés ou d'ouvriers pleinement occupés» .
3. Contrat de travail ou d'entreprise?

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Unfallversicherung:
1. Regiearbeiten von Gemeinden (Friedhofgärtner-Totengräber) Art. 18, Abs. 2,
VO I-KUVG.
2. Mehrzahl von Arbeitern.
3. Arbeiter oder Unternehmer?
Assicurazione contro gli infortuni:
1. L'attività del giardiniere-becchino d'un comune soggiace all'art. 18 cp. 2
dell'ordinanza I del 26 marzo 1916 (lavori in economia).
2. «Più impiegati od operai interamente occupati» .
3. Contratto di lavoro o d'appalto?

A. ­ La commune de Chêne-Bougeries confie le service de son cimetière à un
jardinier-fossoyeur, nommé par le Conseil municipal. Succédant à son père,
Louis Glatz occupe ce poste depuis 1945. Selon la convention qu'il a conclue
le 14 juin 1945 avec la commune de Chêne-Bougeries, il prend à sa charge
l'entretien et la surveillance du cimetière aux conditions fixées par la
convention, le cahier des charges et le règlement du cimetière (art. 2); il
s'adjoint, sous sa responsabilité et à ses frais, le personnel dont il a
besoin, notamment un aide-fossoyeur, qu'il assure contre les accidents (art.
3); il applique à son personnel les clauses du contrat collectif des
jardiniers (art. 7). De son côté, la commune lui concède l'exclusivité des
travaux d'inhumation et d'exhumation, pour lesquels il est rétribué
conformément au tarif établi par la mairie (art. 4 al. 1); elle l'autorise à
percevoir des particuliers qui le chargent d'entretenir des tombes une
rémunération conforme au tarif (art. 5 al. 1) et lui verse une rémunération
annuelle de 600 fr. (art. 4 al. 2). Conclu pour cinq ans ­ du 1er novembre
1945 au 31 octobre 1950 ­ le contrat est reconduit de cinq en cinq ans, sauf
dénonciation une année avant l'échéance; toutefois, la première année étant
considérée comme temps d'essai, les parties avaient la faculté de le résilier
jusqu'au 31 octobre 1946 (art. 11). Le règlement du cimetière précise que le
chef-fossoyeur doit maintenir l'ordre et la propreté dans le cimetière, faire
lés allées, y enlever l'herbe (art. 42); entretenir les bassins de fontaine et
veiller à la conservation des arbres

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(art. 45 al. 2); être présent à chaque inhumation ou y déléguer un aide et
exécuter son service avec décence et célérité (art. 46); surveiller l'entrée
et la sortie des visiteurs (art. 48 al. 2). Les exhumations et inhumations ne
peuvent être exécutées que sur l'ordre de la mairie (art. 4i). Le cahier des
charges l'oblige à niveler les tombes échues, à nettoyer et engazonner celles
qui sont abandonnées, en se conformant aux instructions de la mairie, qui lui
fournit, outre la semence, le gravier nécessaire à l'entretien des allées
(art. 2 et 3).
B. ­ Le 21 septembre 1917, la Caisse nationale suisse d'assurance en cas
d'accidents (ci-après: la Caisse nationale) avait soumis à l'assurance
obligatoire les travaux suivants exécutés par la commune de Chêne-Bougeries:
entretien des chemins et places publiques, creusage des tombes et entretien du
cimetière. Cette décision, qui se fondait sur les art. 18 al. 2 et 13 ch. 1 de
l'ordonnance I du 25 mars 1916 sur l'assurance-accidents, n'a pas été
attaquée. Du vivant de Glatz père, la commune a régulièrement payé les primes
dues pour lui et ses aides.
En novembre 1945, elle fit savoir à la Caisse nationale que, vu le contrat
passé avec lui, le nouveau jardinier fossoyeur était un entrepreneur
indépendant non sujet à l'assurance.
Le 22 février 1946, la Caisse nationale confirma sa décision du 21 septembre
1917.
C. ­ La commune de Chêne-Bougeries a déféré cette nouvelle décision à l'Office
fédéral des assurances sociales (l'Office fédéral), qui, tenant Glatz pour un
employé, l'a déboutée le 5 octobre 1946.
D. ­ La commune a formé un recours de droit administratif. Elle soutient, en
substance, que l'entretien du cimetière et le creusage des fosses font l'objet
de contrats d'entreprise. Glatz s'est d'ailleurs assuré, pour lui et ses deux
aides, auprès d'une compagnie privée, la «Mutuelle Vaudoise».
L'Office fédéral conclut au rejet du recours.

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Considérant en droit:
1. ­ Se fondant sur les art. 60bis et 60ter LAMA, le Conseil fédéral a, par
l'ordonnance I du 25 mars 1916, étendu l'assurance-accidents obligatoire, en
ce qui concerne les administrations publiques, aux employés et ouvriers
occupés: a) dans des entreprises soumises à l'assurance et exploitées en régie
(art. 18 al. 1), b) à certains travaux en régie (art. 18 al. 2), c) à des
travaux forestiers (art. 19), et d) à certains travaux temporaires (art. 20).
Comme il ne s'agit manifestement en l'espèce ni de travaux forestiers, ni de
travaux temporaires et qu'on ne saurait parler d'entreprise exploitée en régie
à propos de l'entretien et de la surveillance d'un cimetière, l'art. 18 al. 2
entre seul en ligne de compte.
2. ­ Cette disposition vise notamment les travaux en régie qui entrent dans la
sphère d'activité des entreprises nommées aux art. 13 à 17 de l'ordonnance et
ceux qui sont destinés à l'entretien de jardins et promenades publics. Ouverts
au public, qui y a librement accès durant certaines heures, les cimetières
sont assimilables aux jardins et promenades publics («öffentliche Anlagen»,
selon le texte allemand). On ne les entretient d'ailleurs pas autrement. Aussi
les travaux de jardinage dont la recourante charge Glatz sont-ils destinés à
l'entretien de jardins et promenades publics au sens de l'art. 18 al. 2.
Quant à sa besogne de fossoyeur, on pourrait se demander si elle constitue
l'accomplissement d'un service public exclu de l'assurance par l'art. 18 al.
4. Mais aucune des activités spécifiées par cette prescription (service
scolaire, service du feu, service de police, soins aux malades) n'était
soumise à l'assurance et n'avait donc besoin d'être exceptée. D'autre part,
bien qu'elles forment un service public, les entreprises communales
d'électricité, par exemple, sont soumises à l'assurance en vertu de l'art. 18
al. 1. Il faut dès lors admettre que le 4e al. tend non pas à déroger aux al.
1 et 2, mais simplement à en prévenir

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une interprétation extensive. D'où il suit que les travaux de fossoyage
tombent également (lorsqu'ils sont exécutés en régie, cf. consid. 3) sous le
coup de l'art. 18 al. 2; sans qu'il soit nécessaire de préciser s'ils sont
destinés, eux aussi, à l'entretien de jardins et promenades publics ou s'ils
rentrent dans la catégorie des travaux de terrassement indiqués par l'art. 13
ch. 1, auquel renvoie l'art. 18 al. 2.
3. ­ L'art. 18 al. 2 répute travaux en régie les travaux qu'une administration
publique fait exécuter régulièrement pour son propre compte, par une pluralité
d'employés ou d'ouvriers pleinement occupés.
Il est constant que Glatz et ses aides exécutent pour le compte de la
recourante des travaux réguliers. Ils y consacrent en moyenne deux jours par
semaine pendant huit mois et un jour par semaine les autres mois de l'année.
Ils n'y sont donc pas pleinement occupés. Cette circonstance exclut-elle leur
assujettissement à l'assurance ou faut-il prendre en considération les autres
travaux que la municipalité de Chêne-Bougeries fait exécuter régulièrement
pour son propre compte, à savoir l'entretien des routes et chemins communaux,
auquel trois cantonniers sont occupés entièrement et trois à quatre
journaliers occasionnellement? Statuant le 8 avril 1919 sur un recours du
Conseil d'Etat glaronnais, le Conseil fédéral a jugé que, pour décider de
l'applicabilité de l'art: 18 al. 2, il importait de grouper tous les travaux
en régie d'une seule et même administration et de rechercher si dans
l'ensemble de ces travaux une pluralité d'employés ou d'ouvriers étaient
occupés en plein (BURCKHARDT, Le droit fédéral suisse, no 3033 IV). Cette
interprétation tend à empêcher que, par un cloisonnement artificiel de son
activité, une corporation publique n'échappe à l'assurance ou n'y soustraie
une partie de son personnel. Comme elle émane de l'autorité même qui a édicté
l'ordonnance I, il n'y a pas de raison de la repousser, du moins quand les
travaux en régie qu'il s'agit de grouper sont aussi étroitement

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apparentés que l'entretien d'un cimetière et l'entretien des routes.
On objecterait en vain que ce groupement de travaux heurte l'art. 8, 2e
phrase, de l'ordonnance I, applicable par analogie en vertu de l'art. 18 al.
3. Cette disposition, selon laquelle chaque entreprise ou partie d'entreprise
est traitée, au point de vue de l'assurance, comme une entreprise
indépendante, si le personnel est séparé, vise le seul cas ­ cela résulte de
la 1e phrase ­ où, parmi les entreprises ou parties d'entreprises exploitées
côte à côte, les unes sont par leur nature soumises à l'assurance, tandis que
les autres ne le sont pas. Or, en l'espèce, on a affaire à des travaux qui,
par leur nature, sont tous soumis à l'assurance.
Le service de la voirie de Chêne-Bougeries occupant en plein trois employés,
il n'en faut donc pas davantage ­ si les autres conditions légales sont
remplies ­ pour entraîner l'assujettissement du jardinier-fossoyeur et de ses
aides.
On peut dès lors se dispenser d'examiner si, comme le Conseil fédéral l'a
admis dans la décision citée, deux employés suffisent à former la pluralité
qu'exige l'art. 18 al. 2 de l'ordonnance.
4. ­ Pour que la décision attaquée se justifie, il faut enfin que Glatz
accomplisse les travaux en question comme ouvrier ou employé de la commune et
non comme entrepreneur indépendant. Alors que la recourante lui attribue cette
dernière qualité, l'Office fédéral soutient qu'on est en présence d'un contrat
de travail.
Selon l'art. 319
SR 220 Parte prima: Disposizioni generali Titolo primo: Delle cause delle obbligazioni Capo primo: Delle obbligazioni derivanti da contratto
CO Art. 319 - 1 Il contratto individuale di lavoro è quello con il quale il lavoratore si obbliga a lavorare al servizio del datore di lavoro per un tempo determinato o indeterminato e il datore di lavoro a pagare un salario stabilito a tempo o a cottimo.
1    Il contratto individuale di lavoro è quello con il quale il lavoratore si obbliga a lavorare al servizio del datore di lavoro per un tempo determinato o indeterminato e il datore di lavoro a pagare un salario stabilito a tempo o a cottimo.
2    È considerato contratto individuale di lavoro anche il contratto con il quale un lavoratore si obbliga a lavorare regolarmente al servizio del datore di lavoro per ore, mezze giornate o giornate (lavoro a tempo parziale).
CO, l'élément essentiel du contrat de travail ­ abstraction
faite du salaire ­ est le temps pour lequel il est conclu. Celui qui promet
ses services à autrui pour une durée déterminée ou indéterminée est un employé
(RO 58 II 375). C'est ce qu'a fait Glatz en s'engageant, par la convention du
14 juin 1945, à exécuter pendant cinq ans ­ sous réserve de prorogation ­ les
travaux qu'elle désigne. Sans doute, autorisé à entretenir des

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tombes pour des particuliers et à s'adonner à l'horticulture pour son propre
compte, ne doit-il pas tout son temps à la commune de Chêne-Bougeries. Mais le
contrat de travail ne suppose pas que les services promis absorbent l'employé.
La clause qui fait de la première année un temps d'essai (art. 11 al. 3
SR 220 Parte prima: Disposizioni generali Titolo primo: Delle cause delle obbligazioni Capo primo: Delle obbligazioni derivanti da contratto
CO Art. 11 - 1 Per la validità dei contratti non si richiede alcuna forma speciale, se questa non sia prescritta dalla legge.
1    Per la validità dei contratti non si richiede alcuna forma speciale, se questa non sia prescritta dalla legge.
2    Ove non sia diversamente stabilito circa l'importanza e l'efficacia d'una forma legalmente prescritta, dalla osservanza di questa dipende la validità del contratto.
) est
d'ailleurs propre au contrat de travail (art. 360
SR 220 Parte prima: Disposizioni generali Titolo primo: Delle cause delle obbligazioni Capo primo: Delle obbligazioni derivanti da contratto
CO Art. 360 - 1 Salvo diverso accordo, le disposizioni del contratto normale si applicano direttamente ai rapporti di lavoro che gli sottostanno.
1    Salvo diverso accordo, le disposizioni del contratto normale si applicano direttamente ai rapporti di lavoro che gli sottostanno.
2    Il contratto normale di lavoro può stabilire che clausole deroganti a singole sue disposizioni sono valide soltanto nella forma scritta.
CO); elle ne se concilierait
pas avec l'obligation assumée par l'entrepreneur d'exécuter un ouvrage (art.
363
SR 220 Parte prima: Disposizioni generali Titolo primo: Delle cause delle obbligazioni Capo primo: Delle obbligazioni derivanti da contratto
CO Art. 363 - L'appalto è un contratto per cui l'appaltatore si obbliga a compiere un'opera e il committente a pagare una mercede.
CO). D'après la recourante, «le creusage des tombes constitue en réalité
une succession de contrats d'entreprise.» Elle perd de vue que, le 14 juin
1945, Glatz s'est obligé pour cinq ans à procéder à toutes les inhumations et
que, partant, il n'est plus libre, comme le serait un entrepreneur, de refuser
ou de prêter son concours. D'autre part, le rapport de subordination qui
caractérise aussi le contrat de travail (RO 57 II 163) découle notamment du
fait que, d'après le règlement du cimetière et le cahier des charges, Glatz
est tenu, sur plusieurs points, de se conformer aux instructions de la
commune. Peu importe, dès lors, qu'il soit astreint à produire un certain
résultat: désherber les allées, entretenir les bassins de fontaine, veiller à
la conservation des arbres, niveler les tombes échues, creuser les fosses,
etc. C'est là, en vérité, un trait distinctif du contrat d'entreprise (RO 59
II 263
). Mais, en l'espèce, il ne saurait évidemment prévaloir sur tous les
facteurs qui permettent d'assimiler les rapports envisagés à un contrat de
travail. Considérée dans son ensemble, la situation de Glatz en face de la
commune de Chêne-Bougeries est sans conteste celle d'un employé.
5. ­ L'art. 18 al. 2 de l'ordonnance I s'appliquant, il est indifférent que
Glatz et ses aides soient assurés auprès de la «Mutuelle Vaudoise». Lorsque
les conditions légales sont remplies, la conclusion d'un contrat privé ne
saurait faire obstacle à l'assurance obligatoire.
Quant à la difficulté d'établir dans certains cas ­ Glatz et ses aides
travaillant aussi pour des particuliers ­ si un accident est couvert par
l'assurance obligatoire,

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l'Office fédéral ne la nie pas. Il relève avec raison qu'elle n'exerce aucune
influence sur l'assujettissement. S'il suffisait, pour éviter ce dernier, de
se livrer concurremment à des travaux pour lesquels l'assurance est
obligatoire et à des travaux pour lesquels elle ne l'est pas, l'obligation de
s'assurer serait en bonne partie illusoire.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral
rejette le recours.