S. 279 / Nr. 49 Staatsrecht (f)

BGE 72 I 279

49. Extrait de l'arrêt du 28 novembre 1946 dans la cause Association des
propriétaires de la ville de Fribourg et Société anonyme Pérolles Square
contre Grand Conseil du canton de Fribourg.


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Regeste:
Recours de droit public; décision ou arrêté cantonal (art. 84 OJ).
La décision par laquelle le Grand Conseil d'un canton approuve l'inscription
d'une recette au budget de l'Etat n'est pas susceptible d'être attaquée par un
recours de droit public.
Staatsrechtliche Beschwerde; anfechtbarer Erlass oder Entscheid (Art. 84 OG).
Die staatsrechtliche Beschwerde ist unzulässig gegen den Entscheid, durch den
der Grosse Rat eines Kantons der Aufnahme eines Einnahmepostens in des
Staatsbudget zustimmt.
Ricorso di diritto pubblico; decreto o decisone impugnabile (art. 84 OGF).
La decisione, con la quale il Gran Consiglio d'un cantone approva l'iscrizione
d'un introito nel preventivo dello Stato, non può essere impugnata mediante un
ricorso di diritto pubblico.

Dans le canton de Fribourg, l'assurance des bâtiments contre l'incendie et
autres dommages est obligatoire. L'Etablissement cantonal d'assurance des
bâtiments est une personne morale de droit public. Son but est d'indemniser
les propriétaires de bâtiments pour les dommages visés par la loi.
L'administration de l'Etablissement est attribuée à l'une des Directions du
Conseil d'Etat; elle est exercée par une commission, nommée par ledit Conseil
et présidée par le chef de la Direction dont relève l'Etablissement.
Donnant suite à la demande qui lui en avait été faite par la Direction
cantonale des finances, la Commission de l'Etablissement a décidé de verser à
l'Etat un montant annuel de 25000 fr., pour La première fois en 1945. Lors de
la discussion du budget pour 1946, le Grand Conseil du canton de Fribourg,
dans sa séance du 23 novembre

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1945, a approuvé ce poste de recette à la presque unanimité des voix.
L'Association des propriétaires de la ville de Fribourg et la Société
immobilière Pérolles Square S. A. ont formé contre cette décision un recours
de droit public pour arbitraire.
Le Tribunal fédéral n'est pas entré en matière
Motifs:
Aux termes de l'art. 84 OJ, le recours de droit public n'est recevable que
contre une décision ou un arrêté cantonal (Erlass oder Verfügung), par quoi la
jurisprudence entend un acte pris par l'autorité en vertu du pouvoir public
dont elle est investie, et qui impose à un individu une obligation de faire,
de s'abstenir ou de tolérer, sous les peines de droit en cas de désobéissance
(RO 60 I 369, arrêt du 25 février 1946 en la cause Koch). Ne constituent pas
des actes de souveraineté, au sens défini, des mesures de caractère uniquement
déclaratif, telles qu'un avis exprimé par l'autorité (RO 32 I 494), la
proposition d'un organe de l'Etat (RO 23 II 1543), l'approbation donnée par le
parlement, en vertu de son droit général de surveillance, à certains actes du
pouvoir exécutif (RO 30 I 40, arrêt Koch précité; cf. GIACOMMETTI, Die
Verfassungsgerichtsbarkeit des schw. Bundesgerichts, p. 97 sv.).
En l'espèce, le recours est dirigé contre la décision du Grand Conseil qui
approuve le chapitre du budget prévoyant, à titre de recette nouvelle, la
contribution de 25000 fr. exigée de l'Etablissement cantonal d'assurance
contre l'incendie. Or, si dans les Etats régis par le système parlementaire le
budget a le caractère d'une loi, en Suisse, la doctrine unanime admet, aussi
bien pour les cantons que pour la Confédération, qu'il constitue une simple
récapitulation des recettes et des dépenses présumées, fondée sur les actes
législatifs en vigueur et qui doit servir de plan financier pour l'année
suivante. En ce qui concerne notamment les recettes, qui reposent sur la loi

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ou la convention et qui ne peuvent être modifiées par la voie du budget,
celui-ci est surtout une mesure destinée à renseigner le parlement, une
mention des postes pour mémoire («Vormerknahme»). Les chiffres indiqués
représentent de simples évaluations d'ordre financier. Les titres de ces
recettes sont des actes juridiques tout à fait indépendants du budget.
L'approbation du plan financier est une mesure par laquelle le parlement
exerce son contrôle sur l'administration de l'Etat. Elle ne produit d'effets
qu'à l'égard du pouvoir exécutif, cantonal ou fédéral. Celui-ci se voit
assigner la mission, en ce qui concerne les recettes, de prendre toutes
mesures utiles pour qu'elles soient effectives; en ce qui concerne les
dépenses, il reçoit des directives sur l'utilisation des deniers de l'Etat,
sans être obligé de faire les dépenses prévues. A l'égard des tiers, le vote
du budget n'a pas d'effets: il ne crée aucun droit à leur profit, ni ne met
aucune obligation à leur charge (cf. RUCK, Schweiz. Staatsrecht, 2 e éd. p.
154; FLEINER, Bundesstaatsrecht, p. 690; BURCKHARDT, Comment. 3 e éd., p. 686
et sv.; GIACOMETTI, Staatsrecht der schweizerischen Kantone, p. 328 sv.;
AEPPLI, Das zürcherische Budgetrecht, Das Schweiz. Zentralblatt für Staats-
und Gemeindeverwaltung, 1925 p. 2 et 33; SCHAERR, Das Finanzrecht des Kantons
Zürich, p. 78 / 79; BALSIGER Der Voranschlag nach eidg. Recht, p. 64; LANDOLT,
Die Kompetenzen des aargauischen Grossen Rates und Regierungsrates, p. 65;
JÈZE, Théorie générale du budget p. 7 et 24; STEIGER et HIGY, Finanzhaushalt
der Schweiz I p. 350 et sv., spécialement p. 368).
Dans ces conditions, l'admission du poste de 25000 fr. au budget de l'Etat
n'est pas une décision ou un arrêté cantonal susceptible de recours de droit
public.