S. 13 / Nr. 3 Organisation der Bundesrechtspflege (f)

BGE 72 I 13

3. Extrait de l'arrêt du 25 mars 1946 dans la cause dame Huguenin contre
Conseil d'Etat du canton de Genève.


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Regeste:
Recours de droit public, acte d'autorité (art. 84 OJ).
Le recours de droit public n'est pas ouvert contre le refus d'une caisse
publique de consignation de délivrer la somme consignée à celui qui se prétend
légitimé comme créancier.
Staatsrechtliche Beschwerde; anfechtbarer Hoheitsakt (OG Art. 84). Die
staatsrechtliche Beschwerde ist unzulässig gegen die Weigerung einer
öffentliche Hinterlegungestelle, eine hinterlegte Summe demjenigen
herauszugeben, der behauptet, hierauf als Gläubiger Anspruch zu haben.
Ricorso di diritto pubblico, atto d'impero (art. 84 OGF).
Il ricorso di diritto pubblico non è ammissibile contro il rifiuto che una
cassa pubblica di deposito ha opposto alla consegna della somma depositata a
colui che si pretende creditore.

A. ­ Le 19 juin 1944, Henri Huguenin a vendu pour le prix de 20 500 fr.
l'établissement qu'il exploitait, rue de Rive, à Genève, à l'enseigne du «Café
des Banques». Le prix de vente a été payé à l'agence Pisteur et Gavard,
qu'Henri Huguenin avait chargée de la remise de son commerce. Les époux
Huguenin sont en instance de divorce. Dame Marguerite Huguenin-Brächbühler,
l'épouse du vendeur, a élevé sur le prix payé une prétention de 10000 fr., que
son mari a contestée. L'agence Pisteur et Gavard a alors sollicité du
Président du Tribunal de

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première instance l'autorisation de consigner le montant de 10000 fr. en mains
de la Caisse des dépôts et consignations de l'Etat de Genève. Par ordonnance
du 15 novembre 1944, le Président du Tribunal a donné suite à cette requête en
vertu de l'art. 9 ch. 1 et des art. 13 et 14 de la loi de procédure civile
genevoise. Le 16 novembre 1944, l'agence Pisteur et Gavard a versé le montant
de 10000 fr. à la Caisse des consignations.
Après qu'Henri Huguenin se fut fixé à Corcelles (canton de Neuchâtel), sa
mère, dame veuve Adèle Huguenin, également domiciliée à Corcelles, a intenté
contre lui une poursuite no 8059 en paiement de 18500 fr. représentant le
solde du prêt qu'elle lui avait accordé à l'occasion de la reprise du Calé des
Banques. Dans cette poursuite demeurée sans opposition, l'Office de Boudry a
saisi le montant de 10000 fr. versé à la Caisse des consignations de l'Etat de
Genève, ce dont ladite Caisse a été informée le 12 décembre 1944. Dame
Marguerite Huguenin ayant revendiqué ce montant, l'Office des poursuites,
appliquant l'art. 107
SR 281.1 Bundesgesetz vom 11. April 1889 über Schuldbetreibung und Konkurs (SchKG)
SchKG Art. 107 - 1 Schuldner und Gläubiger können den Anspruch des Dritten beim Betreibungsamt bestreiten, wenn sich der Anspruch bezieht auf:
1    Schuldner und Gläubiger können den Anspruch des Dritten beim Betreibungsamt bestreiten, wenn sich der Anspruch bezieht auf:
1  eine bewegliche Sache im ausschliesslichen Gewahrsam des Schuldners;
2  eine Forderung oder ein anderes Recht, sofern die Berechtigung des Schuldners wahrscheinlicher ist als die des Dritten;
3  ein Grundstück, sofern er sich nicht aus dem Grundbuch ergibt.
2    Das Betreibungsamt setzt ihnen dazu eine Frist von zehn Tagen.
3    Auf Verlangen des Schuldners oder des Gläubigers wird der Dritte aufgefordert, innerhalb der Bestreitungsfrist seine Beweismittel beim Betreibungsamt zur Einsicht vorzulegen. Artikel 73 Absatz 2 gilt sinngemäss.
4    Wird der Anspruch des Dritten nicht bestritten, so gilt er in der betreffenden Betreibung als anerkannt.
5    Wird der Anspruch bestritten, so setzt das Betreibungsamt dem Dritten eine Frist von 20 Tagen, innert der er gegen den Bestreitenden auf Feststellung seines Anspruchs klagen kann. Reicht er keine Klage ein, so fällt der Anspruch in der betreffenden Betreibung ausser Betracht.
LP, lui a imparti un délai de dix jours pour intenter
action.
Là-dessus, dame Marguerite Huguenin-Brächbühler a assigné sa belle-mère, dame
veuve Adèle Huguenin, devant le Tribunal cantonal de Neuchâtel, en concluant à
l'admission de sa revendication. Cette action a été rejetée par arrêt du 5
novembre 1945.
Le 28 décembre 1945, l'Office des poursuites de Boudry a cédé à dame veuve
Adèle Huguenin, conformément à l'art. 131 al. 1
SR 281.1 Bundesgesetz vom 11. April 1889 über Schuldbetreibung und Konkurs (SchKG)
SchKG Art. 131 - 1 Geldforderungen des Schuldners, welche keinen Markt- oder Börsenpreis haben, werden, wenn sämtliche pfändende Gläubiger es verlangen, entweder der Gesamtheit der Gläubiger oder einzelnen von ihnen für gemeinschaftliche Rechnung zum Nennwert an Zahlungs Statt angewiesen. In diesem Falle treten die Gläubiger bis zur Höhe ihrer Forderungen in die Rechte des betriebenen Schuldners ein.
1    Geldforderungen des Schuldners, welche keinen Markt- oder Börsenpreis haben, werden, wenn sämtliche pfändende Gläubiger es verlangen, entweder der Gesamtheit der Gläubiger oder einzelnen von ihnen für gemeinschaftliche Rechnung zum Nennwert an Zahlungs Statt angewiesen. In diesem Falle treten die Gläubiger bis zur Höhe ihrer Forderungen in die Rechte des betriebenen Schuldners ein.
2    Sind alle pfändenden Gläubiger einverstanden, so können sie oder einzelne von ihnen, ohne Nachteil für ihre Rechte gegenüber dem betriebenen Schuldner, gepfändete Ansprüche im eigenen Namen sowie auf eigene Rechnung und Gefahr geltend machen. Sie bedürfen dazu der Ermächtigung des Betreibungsamtes. Das Ergebnis dient zur Deckung der Auslagen und der Forderungen derjenigen Gläubiger, welche in dieser Weise vorgegangen sind. Ein Überschuss ist an das Betreibungsamt abzuliefern.261
LP, la créance de 10000 fr.
appartenant à Henri Huguenin contre la Caisse des dépôts et consignations de
l'Etat de Genève.
Dame veuve Adèle Huguenin a alors requis le Département des finances du canton
de Genève de lui délivrer la somme consignée. Le 22 janvier 1946, le
Département des finances a rejeté cette requête. La requérante ayant recouru
au Conseil d'Etat, celui-ci l'a informée, le 8 février 1946, qu'il ne pouvait
entrer dans ses vues.

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B. ­ Par le présent recours de droit public, dame Adèle Huguenin demande au
Tribunal fédéral d'annuler ces décisions et d'inviter le Département des
finances à verser à la recourante la somme de 10000 francs.
C. ­ Le Conseil d'Etat du canton de Genève conclut à ce que le recours soit
déclaré irrecevable et, subsidiairement, à ¢e qu'il soit rejeté.
Considérant en droit:
1. ­ Le recours de droit public ne peut s'exercer que contre des actes
d'autorité de la puissance publique (Hoheitsakte). L'entrée en matière devra
donc être refusée en l'espèce si la communication faite le 22 janvier 1916 par
le Département des finances, et confirmée le 8 février par le Conseil d'Etat,
constitue une simple déclaration de volonté de caractère privé (RO 60 I p.
369/370, arrêt non publié du 17 mars 1939 dans la cause Häberli; cf.
GIACOMETTI, Verfassungsgerichtsbarkeit, p. 95 /96) Cela suppose que la demande
de restitution des 10000 fr. formulée contre la Caisse des consignations,
subdivision de l'Administration publique genevoise, ressortisse au droit privé
et puisse être portée devant les tribunaux civils.
Dans l'incertitude où elle était sur la personne du créancier, l'agence
Pisteur et Gavard, conformément à l'art. 96
SR 220 Erste Abteilung: Allgemeine Bestimmungen Erster Titel: Die Entstehung der Obligationen Erster Abschnitt: Die Entstehung durch Vertrag
OR Art. 96 - Kann die Erfüllung der schuldigen Leistung aus einem andern in der Person des Gläubigers liegenden Grunde oder infolge einer unverschuldeten Ungewissheit über die Person des Gläubigers weder an diesen noch an einen Vertreter geschehen, so ist der Schuldner zur Hinterlegung oder zum Rücktritt berechtigt, wie beim Verzug des Gläubigers.
CO, a de son plein gré,
c'est-à-dire sans y être obligée, mais avec l'autorisation du juge, versé la
somme de 10000 fr. en mains de la Caisse publique des consignations. Elle a
ainsi conclu avec cette caisse un contrat en faveur d'un tiers, c'est-à-dire
en faveur de celui qui se légitimera comme le véritable créancier. Si ce
contrat avait été conclu avec une caisse privée, il serait hors de doute que,
malgré l'autorisation de consigner délivrée par le juge, il relèverait
uniquement du droit privé et que, partant, la faculté d'exiger restitution,
compétant au véritable créancier contre la caisse, ne serait pas d'une autre
nature.
Or le caractère public de la Caisse des consignations

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ne peut modifier la nature du contrat, ni celle du droit du créancier à
réclamer la restitution. Certes les prescriptions relatives à l'organisation
et à l'administration de la caisse relèvent du droit public (cf. PORTMANN, Die
gerichtliche Hinterlegung, p. 11). Mais les contrats passés par elle avec les
consignants sont soumis au droit privé. Peu importe que les caisses publiques
aient très généralement l'obligation d'accepter la consignation
(Kontrahierungszwang), et peu importe également que les conditions générales
auxquelles elles reçoivent les dépôts (par ex. en ce qui concerne le taux de
l'intérêt, le placement des fonds, etc.) soient fixées dans un règlement.
L'obligation de contracter n'a rien à voir avec la question de savoir si
l'acte juridique ressortit au droit privé ou au droit public. Ce qui compte,
c'est la position de l'Etat par rapport au particulier lui-même, non le fait
accessoire que l'Etat, à la requête du particulier, doit conclure avec lui (RO
69 IV 67; OSTERTAG, Revue suisse de jurisprudence, vol. 19, p. 353; PORTMANN,
op. cit., p. 14; BIEDERMANN, Die Hinterlegung als Erfüllungssurrogat, p. 166
sv.). Quant aux conditions générales qui doivent régir les contrats à venir,
elles peuvent aussi être établies par un particulier. Même si elles précisent
dans quels cas il y a pour la caisse publique obligation de contracter, elles
sont parties intégrantes du contrat (lex contractus; cf. OSER-SCHÖNENBERDER,
Commentaire, note 5 à 1 art. 480; BIEDERMANN, op. cit., p. 168 sv.), et ne
sauraient dès lors affecter la nature de celui-ci. De fait, la doctrine
aujourd'hui dominante considère qu'on est aussi en présence d'un contrat de
dépôt de droit privé, au sens des art. 472
SR 220 Erste Abteilung: Allgemeine Bestimmungen Erster Titel: Die Entstehung der Obligationen Erster Abschnitt: Die Entstehung durch Vertrag
OR Art. 472 - 1 Durch den Hinterlegungsvertrag verpflichtet sich der Aufbewahrer dem Hinterleger, eine bewegliche Sache, die dieser ihm anvertraut, zu übernehmen und sie an einem sicheren Orte aufzubewahren.
1    Durch den Hinterlegungsvertrag verpflichtet sich der Aufbewahrer dem Hinterleger, eine bewegliche Sache, die dieser ihm anvertraut, zu übernehmen und sie an einem sicheren Orte aufzubewahren.
2    Eine Vergütung kann er nur dann fordern, wenn sie ausdrücklich bedungen worden ist oder nach den Umständen zu erwarten war.
sv. CO, lorsqu'une personne
consigne volontairement une chose en mains d'une caisse publique tenue
d'accepter le dépôt en vertu du droit cantonal (VON THUR, Partie générale du
Code des obligations, t. II p. 478; OSER-SCHÖNENBERGER, note 25 à l'art. 472,
note 5 à l'art. 480; OSTERTAG, op. cit. P.353; PORTMAN, op. cit. p. 10 sv.;
BIEDERMANN, op. cit. p. 177 sv.).

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Ainsi que le Conseil d'Etat le relève justement dans sa réponse, la recourante
est donc en droit d'assigner le canton de Genève devant le juge civil en
restitution de la somme de 10000 fr., si elle remplit en sa personne les
conditions auxquelles la Caisse des dépôts et consignations est obligée, en
vertu de son contrat avec l'agence Pisteur et Gavard, à restituer ce montant.
Cette action doit faire l'objet d'un procès ordinaire, à moins que, comme dans
le canton de Zurich (§ 395 CPC), la loi n'institue une procédure spéciale. Dés
lors, faute de décision susceptible d'un recours de droit public, il n'y a pas
lieu d'entrer en matière.
2 ­
Par ces motifs, le Tribunal fédéral déclare le recours irrecevable.