S. 21 / Nr. 8 Schuldbetreibungs- und Konkursrecht (f)

BGE 71 III 21

8. Arrêt du 12 février 1945 dans la cause Hoirs Morel.

Regeste:
Suspension des poursuites pour cause de service militaire (art. 57
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 57 - 1 La poursuite dirigée contre un débiteur au service militaire, service civil ou protection civile est suspendue pendant la durée de ce service.97
1    La poursuite dirigée contre un débiteur au service militaire, service civil ou protection civile est suspendue pendant la durée de ce service.97
2    Lorsque le débiteur a accompli sans interruption notable au moins trente jours de service avant son licenciement ou son entrée en congé, la poursuite demeure suspendue les deux semaines qui suivent le licenciement ou l'entrée en congé.
3    Pour les contributions périodiques d'entretien ou d'aliments découlant du droit de la famille, le débiteur peut être poursuivi même pendant la suspension.98
4    Les débiteurs qui, en vertu d'un rapport de travail avec la Confédération ou un canton, accomplissent un service militaire, service civil ou protection civile ne bénéficient pas de la suspension.99
LP modifié
par art. 16 ord. du Conseil fédéral du 24 janvier 1941).
Les sociétés commerciales et plus généralement les personnes morales
bénéficient de la suspension des poursuites seulement durant le temps où leurs
représentants sont au service militaire, mais non pas durant les quatre
semaines qui suivent le licenciement ou l'entrée en congé.
Celles qui n'ont qu'un représentant accomplissant plusieurs périodes de
service par an sont tenues de nommer un second représentant ou tout au moins
de désigner un fondé de pouvoirs ayant qualité pour les représenter en matière
de Poursuite.
Rechtsstillstand wegen Militärdienstes (Art. 57 SchKG, geändert durch Art. 16
der Verordnung des Bundesrates vom 24. Januar 1941).
Handelsgesellschaften und juristischen Personen kommt der Rechtsstillstand nur
während der eigentlichen Militärdienstzeit ihrer Vertreter zu, ohne die
Nachfrist von vier Wochen.
Hat die Gesellschaft nur einen Vertreter, und muss dieser mehrmals im Jahre
Militärdienst leisten, so soll sie einen zweiten Vertreter oder wenigstens
einen zu ihrer Vertretung in Betreibungssachen befugten Prokuristen
bezeichnen.
Sospensione a motivo del servizio militare (art. 57 LEF modificato dall'art.
16 dell'Ordinanza del Consiglio federale 24 gennaio 1941).
Le società commerciali e le persone giuridiche beneficiano della sospensione
dell'esecuzione esclusivamente nel periodo in cui i loro rappresentanti
prestano servizio militare. La sospensione non si estende invece alle quattro
settimane susseguenti al licenziamento o al congedo.
Le società commerciali aventi un solo rappresentante sono tenute quando questi
sia astretto a parecchi periodi di servizio noi corso di un anno, a nominarne
un secondo o per lo meno a designare un procuratore con facoltà di
rappresentare la società in materia di esecuzioni e fallimenti.


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A.­L'hoirie Morel a fait notifier le 9 mai 1944 à la Manufacture de vêtements
imperméables, société à responsabilité limitée, un commandement de payer de 15
000 fr. Le 9 juin, à la réquisition d'Oscar Duport, associé-gérant de la
société, l'office des poursuites a annulé la poursuite ainsi qu'une autre
poursuite et deux comminations de faillite notifiées à l'instance d'autres
créanciers. Il fondait cette décision sur le fait que ledit Oscar Duport était
au service militaire et les autres associés dans l'impossibilité d'agir au nom
de la débitrice, deux d'entre eux, Charles Kocher et Georges Leroy, étant
décédés et le quatrième, André Leroy, étant à Paris dans l'impossibilité de
venir en Suisse et même de communiquer avec Duport. En adressant cette
décision aux créanciers, l'office les prévenait qu'il procéderait à de
nouvelles notifications quatre semaines après que Duport aurait été licencié.
Le 13 juin, l'hoirie Morel s'est adressée à l'office en lui demandant de
procéder à la notification du commandement de payer à partir du 25 du même
mois.
Le 26 juin, l'office lui a fait savoir qu'il procéderait à la notification
quatre semaines après le retour de Duport, lequel avait été de nouveau
mobilisé pour une durée indéterminée.
Par plainte du 27 juin, l'hoirie Morel s'est adressée à l'autorité inférieure
de surveillance en lui demandant d'ordonner à la débitrice, puisque son gérant
actuel était mobilisé, « de désigner une ou deux autres personnes pour la
représenter ». Elle signalait que les affaires de la société allaient au plus
mal et qu'il importait que les poursuites ne fussent pas paralysées par
l'absence du gérant actuel.
L'office a déclaré s'en rapporter à justice tout en convenant qu'il lui
semblait anormal de prolonger la suspension des poursuites au profit d'une
société que l'absence de son gérant n'empêchait pas de continuer son
exploitation.
Par décision du 6 juillet 1944, l'autorité inférieure de surveillance a rejeté
la plainte.
Sur recours de la débitrice. l'autorité supérieure a annulé

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cette décision et renvoyé l'affaire à l'autorité inférieure pour statuer à
nouveau après un complément d'instruction. L'autorité inférieure devait
notamment rechercher si la société avait la possibilité de désigner d'autres
représentants et si ses statuts lui faisaient une obligation de remplacer les
associés décédés.
Par une nouvelle décision du 2 novembre, l'autorité inférieure a admis la
plainte des hoirs Morel et révoqué la suspension de poursuite. Cette décision
est motivée en résumé de la manière suivante,: La société était administrée à
l'origine par quatre associés, à savoir: Charles Kocher, à Lausanne, André
Leroy à Paris, Georges Leroy en Espagne et Oscar Duport à Lausanne, ce dernier
étant désigné comme gérant-délégué. Le capital social était fixé à 20 000 fr.
Oscar Duport était propriétaire de 5000 fr. Actuellement les administrateurs
Kocher et Georges Leroy sont décédés et n'ont pas été remplacés. On ignore ce
qu'est devenue la succession de Georges Leroy. Quant à celle de Kocher, on
sait qu'un certificat d'héritier a été délivré à ses trois enfants, la veuve
ayant l'usufruit total de la succession. D'après les statuts de la société,
les héritiers de Charles Kocher pourraient siéger à l'assemblée ou y déléguer
un représentant. Il était donc possible de tenir une assemblée. Si la
situation n'a pas été régularisée, les organes dirigeants de la société et le
gérant Duport en particulier en sont responsables. L'assemblée des associés
aurait pu prendre les décisions nécessaires pour assurer la représentation de
la société durant la mobilisation du gérant Duport. Conformément à la
jurisprudence, la suspension cesse de produire ses effets.
B.­La débitrice a recouru à l'autorité supérieure de surveillance en
contestant que ce fût par négligence ou pour se soustraire à l'action des
créanciers que sa situation n'avait pas été régularisée. Il n'aurait pas été
possible, d'après elle, de convoquer régulièrement tous les associés. Les
héritiers de Charles Kocher n'avaient jamais voulu participer à
l'administration de la société ni désigner un

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représentant. Duport était donc dans l'impossibilité de prendre les mesures
indiquées par l'autorité inférieure. Quant à désigner un gérant en dehors de
la société il n'y fallait pas songer, la société n'ayant pas les moyens de le
rétribuer.
Par décision du 15 décembre 1944, l'autorité supérieure a admis le recours et
réformé la décision de première instance en ce sens que la plainte de l'hoirie
Morel était rejetée et la suspension de la poursuite maintenue.
Elle a estimé en résumé qu'il n'y avait pas de motifs suffisants pour révoquer
la décision de suspension de la poursuite. Ni la loi ni les statuts,
relève-t-elle, n'obligent de désigner un autre gérant quand celui qui a été
nommé comme tel est encore en fonction. Les associés ne pouvant être tous
atteints, il ne pouvait être procédé au remplacement des associés décédés. La
concentration des pouvoirs entre les mains de Duport est une conséquence de
faits indépendants de sa volonté. S'il a été mobilisé en juin 1944 pour une
durée indéterminée, après l'avoir été déjà du 30 avril au 25 mai, il n'est pas
prouvé qu'il ait fait du service pour soustraire la société à des poursuites.
C.­Les hoirs Morel ont recouru à la Chambre des poursuites et des faillites du
Tribunal fédéral en reprenant leurs conclusions.
D.­Les statuts de la société débitrice contiennent les dispositions suivantes:
Art. 11.­L'acquisition d'une part sociale, par voie de succession ou en vertu
du régime matrimonial peut avoir lieu sans le consentement des autres
associés. Toutefois, si en pareil cas une part sociale devient la propriété
indivise de plusieurs héritiers, ceux-ci devront désigner un représentant
commun tant que subsistera l'indivision.
Art. 19. ­ Des assemblées d'associés peuvent avoir lieu en tout temps:
a) sur convocation du ou des gérants
b) sur la demande écrite d'un ou do plusieurs associés, représentant au moins
le dixième du capital social, indiquant l'objet à porter à l'ordre du jour.
Les convocations aux assemblées doivent être adressées par la gérance cinq
jours à l'avance aux associés figurant au registre des parts et en indiquant
l'ordre du jour.
exceptionnellement une assemblée pourra avoir lieu valablement,

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sans convocation préalable, moyennant que tous les associés disposant de la
totalité du capital social soient présents.
Art. 20.­Sous réserve des exceptions légales, une assemblée d'associés est
valablement constituée quel que soit le nombre des associés présents ou
représentés.
Art. 21.­Sauf disposition contraire de la loi ou des statuts la société prend
ses décisions et fait ses nominations à Ia majorité absolue des voix des parts
représentées.
Art. 22.­Tout associé a le droit de se faire représenter à l'assemblée par un
autre associé muni d'une procuration.
Art. 26, al. 2.­Le ou les gérants ont les pouvoirs les plus étendus pour
toutes les tractations qui ne sont pas réservées à l'assemblée des associés.
Art. 27.­La société est engagée vis-à-vis des tiers par la signature
collective de deux associés-gérants ou par la signature individuelle du
gérant-délégué.
Considérant en droit:
Suivant la jurisprudence fédérale, la suspension des poursuites pour cause de
service militaire profite aux personnes morales comme aux personnes physiques,
sauf que pour les premières elle ne saurait se prolonger indéfiniment et doit
prendre fin en tout cas à partir du moment où elles auraient eu motif et
possibilité de désigner d'autres représentants (cf. RO 66 III 51). Mais le
motif de l'extension du bénéfice de la suspension des poursuites aux personnes
morales est qu'elles ne sauraient être poursuivies en l'absence de ceux qui la
représentent régulièrement. Aussi, du jour où ils sont de retour du service
militaire, les personnes morales peuvent être valablement représentées et par
conséquent faire l'objet d'une mesure d'exécution forcée.
C'est avec raison que l'office s'est refusé à notifier le commandement de
payer de la recourante à un moment où Duport, seul représentant qualifié de la
débitrice, était au service militaire, mais c'est à tort qu'il a renvoyé la
notification à la fin des quatre semaines qui suivraient le retour de Duport.
Pour les raisons qu'on vient de dire, les personnes morales n'ont pas droit au
délai de quatre semaines qui suivent le retour du service. On peut même se
demander s'il se justifie de faire bénéficier les personnes morales de la
suspension des poursuites chaque fois que

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ses représentants ordinaires sont appelés au service militaire. Il est clair
que si les représentants d'une société commerciale sont rappelés au service
subitement, c'est-à-dire hors de toutes prévisions, on n'hésitera pas à mettre
la société au bénéfice de la suspension, lors même qu'elle en aurait déjà
profité durant les périodes de service antérieures. Mais sous le régime
ordinaire qui comporte d'assez longues périodes de congé entre deux services,
on peut parfaitement exiger des sociétés qu'elles s'organisent de manière à
être représentées même en l'absence de leurs représentants habituels, soit
qu'elles désignent un fondé de pouvoirs ayant qualité pour agir en matière de
poursuite, soit même qu'elles élisent un nouvel administrateur ou gérant. Il
est inadmissible en effet qu'une société puisse, comme en l'espèce, rester
plus de huit mois à l'abri des poursuites sous le prétexte que son unique
représentant n'a jamais été libéré du service plus de quatre semaines
consécutives. Il n'est pas douteux pourtant que Duport aurait eu tout le
temps, entre deux périodes de service, ou de désigner lui-même un mandataire
ayant qualité pour répondre aux poursuites qui seraient dirigées contre la
société, ou même de faire désigner un autre gérant par une assemblée des
associés convoquée à cet effet en conformité des statuts, et il aurait eu
d'autant plus de raisons de le faire qu'il savait que la société était menacée
de poursuites. Il objecte que deux de ses associés sont décédés, la situation
de leurs héritiers n'étant pas encore élucidée, et que le quatrième est à
l'étranger et qu'il n'est pas possible de communiquer avec lui. En réalité,
cela n'empêchait pas la convocation de l'assemblée. Pour ce qui est d'André
Leroy, il n'aurait été ni long ni compliqué de lui faire désigner un curateur
chargé d'assister à l'assemblée à sa place et d'y faire valoir ses droits (cf.
art. 392 ch. 1
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 392 - Lorsque l'institution d'une curatelle paraît manifestement disproportionnée, l'autorité de protection de l'adulte peut:
1  assumer elle-même les tâches à accomplir, notamment consentir à un acte juridique;
2  donner mandat à un tiers d'accomplir des tâches particulières;
3  désigner une personne ou un office qualifiés qui auront un droit de regard et d'information dans certains domaines.
CC), et l'on pouvait en faire de même pour les héritiers de
Georges Leroy.
Quant à ceux de Charles Kocher, dont la succession s'est ouverte en Suisse,
comme ils avaient acquis les droits de

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leur auteur dans la société du seul fait de sa mort (art. 11 des statuts),
Duport aurait été en droit de les sommer de désigner un mandataire commun,
ainsi qu'ils en avaient l'obligation en vertu de l'art. 797
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 797 - L'introduction subséquente et l'extension des obligations statutaires d'effectuer des versements supplémentaires ou de fournir des prestations accessoires requièrent l'approbation de l'ensemble des associés concernés.
CO, et de se
passer de leur concours s'ils ne s'exécutaient pas. On comprend donc
parfaitement que l'hoirie Morel soit intervenue auprès de l'office pour mettre
fin à une situation qu'elle jugeait à bon droit intolérable. Cependant à ce
moment-là Duport était mobilisé et c'est avec raison ­ comme on l'a déjà dit ­
que l'office a refusé de notifier immédiatement le commandement de payer; s'il
a eu tort d'ajouter que la notification serait différée jusque quatre semaines
après le retour de Duport, cette décision-là n'a pas été formellement attaquée
par l'hoirie Morel. Le recours doit donc être rejeté. Avis est toutefois donné
à la débitrice qu'elle devra dans le plus bref délai procéder comme il a été
dit ci-dessus, si elle ne veut pas s'exposer au risque de se voir poursuivie
valablement, même en l'absence de son représentant actuel.
La Chambre des poursuites et des faillites prononce: Le recours est rejeté
dans le sens des motifs.