S. 147 / Nr. 37 Schuldbetreibungs- und Konkursrecht (f)

BGE 71 III 147

37. Arrêt du 22 septembre 1945 dans la cause Henchoz.


Seite: 147
Regeste:
Une saisie qui porte une atteinte flagrante et considérable au minimum vital
et risque de placer le débiteur dans une situation absolument intolérable doit
être annulée même si le débiteur a négligé de porter plainte en temps utile.
Eine Pfändung, die augenscheinlich und beträchtlich in das zum Leben
Notwendige eingreift und den Schuldner in eine unhaltbare Lage zu bringen
droht, ist ungeachtet des Ablaufes der Beschwerdefrist aufzuhaben.
Un pignoramento, che lede in modo evidente e considerevole il minimo vitale e
minaccia di mettere il debitore in una situazione assolutamente intollerabile
dev'essere annullato anche se il debitore ha omesso di reclamare entro il
termine.

A. ­ Le 11 mai 1945, à la suite de réquisitions présentées par la succession
von Grünigen et par Georges Landry, une saisie a été opérée par l'office des
poursuites de Lavaux au préjudice d'Henri Henchoz, lequel travaillait alors en
qualité de tâcheron-vigneron au service de M. Guignet, à Cully. La saisie a
porté sur une chèvre, un cabri, trois poules et sept poussins. L'office a
ordonné en même temps une retenue de 10 fr. par mois sur le salaire du
débiteur.
Le procès-verbal de saisie a été communiqué aux intéressés le 18 mai 1945.
Par lettre du 21 juin 1945, Henchoz a protesté contre la saisie de ses animaux
dont, disait-il, il tirait une part de sa subsistance.
Par décision du 14 juillet 1945, l'autorité inférieure de surveillance a
annulé la saisie en tant qu'elle portait sur les animaux. Cette décision est
motivée de la manière suivante: Henchoz est marié, il n'a pas d'enfants. Avec
l'aide de sa femme, il gagne 120 fr. par mois. Il n'est ni logé ni nourri. Son
gain net mensuel pour son entretien et celui de sa famille est donc de 90 fr.
par mois. Il n'a aucune autre ressource. Dans ces conditions, l'office aurait
dû délivrer aux créanciers un acte de défaut de biens, car il est clair que le
débiteur ne peut vivre normalement avec

Seite: 148
un gain aussi minime. Toutefois Henchoz ayant accepté qu'une somme de 10 fr.
soit retenue sur son salaire, la mesure de l'office ne saurait être modifiée
sur ce point. Elle doit être annulée en revanche pour autant qu'elle concerne
la chèvre, son petit, les poules et les poussins. L'annulation doit être
prononcée pour déni de justice (art. 17
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 17 - 1 Sauf dans les cas où la loi prescrit la voie judiciaire, il peut être porté plainte à l'autorité de surveillance lorsqu'une mesure de l'office est contraire à la loi ou ne paraît pas justifiée en fait.
1    Sauf dans les cas où la loi prescrit la voie judiciaire, il peut être porté plainte à l'autorité de surveillance lorsqu'une mesure de l'office est contraire à la loi ou ne paraît pas justifiée en fait.
2    La plainte doit être déposée dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure.
3    Il peut de même être porté plainte en tout temps pour déni de justice ou retard non justifié.
4    En cas de plainte, l'office peut, jusqu'à l'envoi de sa réponse, procéder à un nouvel examen de la décision attaquée. S'il prend une nouvelle mesure, il la notifie sans délai aux parties et en donne connaissance à l'autorité de surveillance.27
LP); le ménage du débiteur ne peut
subsister que grâce à cet appoint.
Sur recours des créanciers, l'autorité supérieure de surveillance a réformé la
décision de l'autorité inférieure en ce sens qu'elle a déclaré la plainte du
débiteur irrecevable pour cause de tardiveté.
B. ­ Henchoz a recouru à la Chambre des poursuites et des faillites du
Tribunal fédéral en concluant au maintien de la décision de l'autorité
inférieure.
Considérant en droit:
Il a été jugé, il est vrai, que le débiteur qui entend se plaindre que la
saisie soit contraire aux dispositions des art. 92
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 92 - 1 Sont insaisissables:
1    Sont insaisissables:
1  les objets réservés à l'usage personnel du débiteur ou de sa famille, tels que les vêtements, effets personnels, ustensiles de ménage, meubles ou autres objets mobiliers, en tant qu'ils sont indispensables;
1a  les animaux qui vivent en milieu domestique et ne sont pas gardés dans un but patrimonial ou de gain;
10  les droits aux prestations de prévoyance et de libre passage non encore exigibles à l'égard d'une institution de prévoyance professionnelle;
11  les biens appartenant à un État étranger ou à une banque centrale étrangère qui sont affectés à des tâches leur incombant comme détenteurs de la puissance publique;
2  les objets et livres du culte;
3  les outils, appareils, instruments et livres, en tant qu'ils sont nécessaires au débiteur et à sa famille pour l'exercice de leur profession;
4  ou bien deux vaches laitières ou génisses, ou bien quatre chèvres ou moutons, au choix du débiteur, ainsi que les petits animaux domestiques, avec les fourrages et la litière pour quatre mois, en tant que ces animaux sont indispensables à l'entretien du débiteur et de sa famille ou au maintien de son entreprise;
5  les denrées alimentaires et le combustible nécessaires au débiteur et à sa famille pour les deux mois consécutifs à la saisie, ou l'argent liquide ou les créances indispensables pour les acquérir;
6  l'habillement, l'équipement, les armes, le cheval et la solde d'une personne incorporée dans l'armée, l'argent de poche d'une personne astreinte au service civil ainsi que l'habillement, l'équipement et l'indemnité d'une personne astreinte à servir dans la protection civile;
7  le droit aux rentes viagères constituées en vertu des art. 516 à 520 CO192;
8  les prestations d'assistance et subsides alloués par une caisse ou société de secours en cas de maladie, d'indigence, de décès, etc.;
9  les rentes, indemnités en capital et autres prestations allouées à la victime ou à ses proches pour lésions corporelles, atteinte à la santé ou mort d'homme, en tant qu'elles constituent une indemnité à titre de réparation morale, sont destinées à couvrir les frais de soins ou l'acquisition de moyens auxiliaires;
9a  les rentes au sens de l'art. 20 de la loi fédérale du 20 décembre 1946 sur l'assurance-vieillesse et survivants196, ou de l'art. 50 de la loi fédérale du 19 juin 1959 sur l'assurance-invalidité197, les prestations au sens de l'art. 12 de la loi fédérale du 19 mars 1965 sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité198 et les prestations des caisses de compensation pour allocations familiales;
2    Ne sont pas non plus saisissables les objets pour lesquels il y a lieu d'admettre d'emblée que le produit de leur réalisation excéderait de si peu le montant des frais que leur saisie ne se justifie pas. Ils sont toutefois mentionnés avec leur valeur estimative dans le procès-verbal de saisie.201
3    Les objets mentionnés à l'al. 1, ch. 1 à 3, sont saisissables lorsqu'ils ont une valeur élevée; ils ne peuvent cependant être enlevés au débiteur que si le créancier met à la disposition de ce dernier, avant leur enlèvement, des objets de remplacement qui ont la même valeur d'usage, ou la somme nécessaire à leur acquisition.202
4    Sont réservées les dispositions spéciales sur l'insaisissabilité figurant dans la loi fédérale du 2 avril 1908 sur le contrat d'assurance203 (art. 79, al. 2, et 80 LCA), la loi fédérale du 9 octobre 1992 sur les droits d'auteur204 (art. 18 LDA) et le code pénal (CP)205 (art. 378, al. 2, CP).206
et 93
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 93 - 1 Tous les revenus du travail, les usufruits et leurs produits, les rentes viagères, de même que les contributions d'entretien, les pensions et prestations de toutes sortes qui sont destinés à couvrir une perte de gain ou une prétention découlant du droit d'entretien, en particulier les rentes et les indemnités en capital qui ne sont pas insaisissables en vertu de l'art. 92, peuvent être saisis, déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille.
1    Tous les revenus du travail, les usufruits et leurs produits, les rentes viagères, de même que les contributions d'entretien, les pensions et prestations de toutes sortes qui sont destinés à couvrir une perte de gain ou une prétention découlant du droit d'entretien, en particulier les rentes et les indemnités en capital qui ne sont pas insaisissables en vertu de l'art. 92, peuvent être saisis, déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille.
2    Ces revenus peuvent être saisis pour un an au plus à compter de l'exécution de la saisie. Si plusieurs créanciers participent à la saisie, le délai court à compter du jour de l'exécution de la première saisie effectuée à la requête d'un créancier de la série en cause (art. 110 et 111).
3    Si, durant ce délai, l'office a connaissance d'une modification déterminante pour le montant de la saisie, il adapte l'ampleur de la saisie aux nouvelles circonstances.
4    Sur demande du débiteur, l'office ordonne à l'employeur de ce dernier de verser en plus à l'office, pour la durée de la procédure de saisie des revenus, le montant nécessaire au paiement des créances en cours au titre des primes et des participations aux coûts de l'assurance obligatoire des soins, pour autant que ces primes et ces participations aux coûts fassent partie du minimum vital du débiteur. L'office utilise ce montant pour régler directement à l'assureur les créances de primes et de participations aux coûts en cours.208
LP doit invoquer ce
moyen dans les dix jours de la communication du procès-verbal de saisie, sous
peine d'être considéré comme ayant renoncé à s'en prévaloir. Si cette règle se
justifie pleinement lorsque la saisie laisse au débiteur la possibilité
d'assurer son existence et celle de sa famille avec ce dont il dispose, il
n'en est plus de même lorsqu'elle lui retire le vivre ou le coucher
nécessaires. Des raisons d'humanité et de décence ont amené déjà les autorités
de poursuite, malgré la tardiveté de la plainte, à prononcer la nullité d'une
saisie portant sur des lits jugés nécessaires au coucher du débiteur et des
membres de sa famille (cf. arrêt Emch, du 4 novembre 1938 et le précédent
invoqué). Il convient pour des motifs d'intérêt public d'étendre cette
solution au cas où il y a atteinte flagrante et considérable au minimum vital
et où le maintien de la saisie risquerait de placer le débiteur dans une
situation absolument intolérable. Dans ce cas-là,

Seite: 149
en effet, ce n'est plus seulement son intérêt qui est en jeu, mais aussi celui
de la société, car un débiteur dans cette situation risque de tomber à plus ou
moins bref délai à la charge de l'assistance publique. Il serait du reste
paradoxal que l'Etat fût tenu de prêter la main à une mesure par suite de
laquelle il pourrait se voir plus tard mis à contribution. Son intérêt passe
alors avant celui du créancier. En pareil cas, les autorités de poursuite
devront entrer en matière sans égard à la tardiveté de la plainte, ordonner au
besoin les enquêtes nécessaires pour élucider la situation et, s'il y échet,
annuler la saisie ou la ramener aux proportions convenables.
En l'espèce, d'après la décision de l'autorité inférieure, le débiteur et sa
femme, qui n'ont pas d'autres ressources que le produit de leur travail, ne
gagnent pas plus de 120 fr. par mois; ils ne sont ni logés ni nourris;
déduction faite du loyer, il leur reste ainsi 90 fr. par mois pour se nourrir
et s'habiller. Le débiteur a allégué en outre que les animaux saisis lui
fournissaient une partie de sa subsistance. Si ces données étaient exactes, il
est clair que la saisie ne laisserait pas au débiteur de quoi assurer son
existence et celle de sa femme et ne pourrait être maintenue. Il convient donc
en l'état d'annuler d'office la décision attaquée et de renvoyer l'affaire à
l'autorité supérieure de surveillance pour qu'elle statue à nouveau selon les
considérations développées ci-dessus.
La Chambre des poursuites et des faillites prononce:
Le recours est admis en ce sens que la décision attaquée est annulée et
l'affaire renvoyée devant l'autorité supérieure de surveillance pour être
jugée à nouveau.