S. 14 / Nr. 3 Erbrecht (f)

BGE 70 II 14

3. Arrêt de la IIe section civile du 9 mars 1944 dans la cause Equey contre
Equey et consorts.

Regeste:
Partage successoral. Exploitation agricole. Art. 620 et suiv. CC.
Candidat âgé de 54 ans, divorcé, sans enfants, demeuré éloigné de la terre
pendant vingt-cinq ans et devant encore parfaire ses connaissances en matière
agricole. Importance de ces diverses circonstances en cas de concours avec
deux soeurs capables d'exploiter le domaine.

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Bäuerliches Erbrecht, Art. 620 ff. ZGB.
Bewerber im Alter von 54 Jahren, geschieden, ohne Kinder, hat während 25
Jahren nicht auf dem Lande gelebt und bedarf noch der Ergänzung seiner
landwirtschaftlichen Kenntnisse. Bedeutung dieser verschiedenen Umstände bei
Konkurrenz mit zwei zur Übernahme des Gewerbes geeigneten Schwestern.
Divisione successoria, azienda agricola (art. 620 e seg. CC).
Erede in età di 54 anni, divorziato, senza prole, che da venticinque anni non
ha più vissuto in campagna e deve ancora completare le sue cognizioni in
materia agricola. Portata di queste diverse circostanze nel caso in cui
esistono due sorelle capaci e disposte ad assumere l'esercizio dell'azienda
agricola.

A.­Jean Equey est décédé le 25 juin 1932 à Villariaz laissant comme héritiers,
outre sa femme, Dame Marie Equey née Menoud, un fils né d'un premier lit,
Jules, et deux filles issues de son second mariage: Jeanne Equey et Esther
Equey, femme d'Henri Chassot. La succession comprenait une exploitation
agricole de 10,8 ha (30 poses). Par pacte successoral, passé le 1er septembre
1914, Jules Equey avait renoncé à ses droits successoraux moyennant versement
de la somme de 7000 fr. Après la mort de son père il a toutefois demandé
l'annulation de cet acte qui fut prononcée par le Tribunal fédéral le 10
décembre 1937 pour vice de forme. Par arrêt du 28 juin 1938, la Cour d'appel
du Canton de Fribourg a condamné Jeanne Equey et Esther Chassot à rapporter à
la masse successorale, la première, la somme de 26 326 fr. 35, la seconde, la
somme de 28 626 fr. 35. Cet arrêt a acquis force de chose jugée? faute de
recours.
B.­Par demande du 13 février 1939, Jules Equey a assigné sa belle-mère et ses
deux demi-soeurs prénommées devant la Justice de paix du cercle de Romont en
concluant à ce qu'il plaise à celle-ci lui attribuer le domaine paternel à sa
valeur de rendement et subsidiairement ordonner que ledit domaine sera vendu
aux enchères, le prix obtenu devant être consigné en justice jusqu'à jugement
définitif fixant la part des héritiers. Il alléguait en résumé qu'il était
dans la force de l'âge, fils de paysan, ayant passé toute sa jeunesse à
cultiver la terre, qu'il était au courant de tous les travaux agricoles et

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parfaitement à même d'assurer l'exploitation normale du domaine Il fondait son
action sur les art. 610
SR 210 Schweizerisches Zivilgesetzbuch vom 10. Dezember 1907
ZGB Art. 610 - 1 Die Erben haben bei der Teilung, wenn keine andern Vorschriften Platz greifen, alle den gleichen Anspruch auf die Gegenstände der Erbschaft.
1    Die Erben haben bei der Teilung, wenn keine andern Vorschriften Platz greifen, alle den gleichen Anspruch auf die Gegenstände der Erbschaft.
2    Sie haben einander über ihr Verhältnis zum Erblasser alles mitzuteilen, was für die gleichmässige und gerechte Verteilung der Erbschaft in Berücksichtigung fällt.
3    Jeder Miterbe kann verlangen, dass die Schulden des Erblassers vor der Teilung der Erbschaft getilgt oder sichergestellt werden.
et suiv. CC.
Les défenderesses ont conclu à libération et reconventionnellement à ce que le
domaine leur fût attribué à elles-mêmes. Elles contestaient que le demandeur
eût jamais montré le moindre goût pour les travaux de la campagne et fût à
même de reprendre l'exploitation du domaine; il n'avait eu qu'un métier, celui
de chauffeur de taxis. Le domaine avait été exploité par les défenderesses dès
avant la mort de feu Jean Equey. C'était dire qu'elles s'y entendaient
parfaitement. Quant à Henri Chassot, mari d'Esther Chassot, qui est père de
cinq enfants dont quatre fils, il n'attendait que l'attribution du domaine à
sa femme pour venir s'y installer avec sa famille.
C.­Par jugement du 23 février 1940, la Justice de paix a rejeté la demande et
admis les conclusions reconventionnelles des défenderesses, en leur attribuant
le domaine pour le prix de 58 000 fr. Elle a estimé en résumé que le demandeur
n'avait pas les qualités requises pour se charger de l'exploitation, alors
qu'elles se rencontraient chez les défenderesses.
D.­Sur recours du demandeur, le Tribunal civil de la Glâne, après avoir
ordonné de nouvelles enquêtes, a confirmé le jugement de la Justice de paix.
Le Tribunal de la Glâne a admis en fait que Jules Equey, né en 1885, a dès sa
jeunesse manifesté peu de goût pour les travaux agricoles. La mécanique ayant
plus d'attrait pour lui, il sollicita de son père l'autorisation de faire des
études au technicum de Bienne. La demande fut refusée. A l'âge de 15 ans, il
commença des études qui devaient l'acheminer vers la carrière d'instituteur,
mais les abandonna au bout d'un an. Peu après son retour au foyer, il quitta
la maison paternelle pour entrer au service d'un agriculteur de la région.
L'année suivante il partit pour la Suisse allemande, vraisemblablement comme
domestique de campagne. Aucune preuve n'a cependant été apportée à ce sujet.
En 1906, il rentra au domicile

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paternel pour faire son école de recrue, puis se rendit en Allemagne où il
prétend s'être engagé comme vacher. En 1914 ses obligations militaires le
ramenèrent au pays et il alla s'installer à Genève où il se consacra à la
mécanique et au service de conducteur de taxis. Il ne s'occupa plus
d'agriculture jusqu'au moment de l'ouverture de l'action. A ce moment-là,
désireux de prouver sa capacité d'exploiter le domaine, il s'engagea chez un
agriculteur de Billens où il demeura trois mois en qualité de domestique, puis
passa encore une quinzaine de jours à travailler pour le compte d'un de ses
cousins.
En droit le Tribunal a estimé, en résumé, que les habitudes de vie citadine et
la profession du demandeur ne l'avaient pas préparé à reprendre l'exploitation
d'un domaine agricole. Il a, dit le Tribunal, quitté trop jeune le foyer
familial pour pouvoir avoir acquis jusque-là de sérieuses notions
d'agriculture et être au courant de la marche d'une exploitation rurale. Les
doutes émis à ce sujet par l'expert et les difficultés d'adaptations quasi
insurmontables qu'il entrevoit sont fondées. On doit admettre avec l'expert
que l'exploitation du domaine par le demandeur serait «anormalement fragile»,
étant donné qu'étant seul (il est divorcé et sans enfants), il lui faudrait
nécessairement recourir à une main-d'oeuvre salariée. Pour ce qui est, en
revanche, de la capacité des filles de Jean Equey, le Tribunal estime qu'elle
ne fait aucun doute. Les témoins sont unanimes à déclarer qu'elles sont des
personnes sérieuses, travailleuses, économes, très entendues dans les affaires
agricoles et capables toutes les deux d'exploiter avec succès le domaine. Du
vivant de leur père, elles collaboraient très activement à l'exploitation.
Depuis son mariage, Dame Chassot aide son mari dans l'exploitation du domaine
de l'hoirie Chassot, mais il est d'ores et déjà prévu qu'au décès de Dame
Equey mère le bail qui lie actuellement les défenderesses à leur fermier sera
terminé et qu'Henri Chassot viendra s'installer sur le domaine avec sa famille
et aidera sa femme et sa belle-soeur

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à l'exploiter. Ils ont les aptitudes requises pour le faire convenablement.
E.­Jules Equey a recouru en réforme en reprenant ses conclusions.
Les intimées ont conclu au rejet du recours et à la confirmation du jugement
du Tribunal de la Glâne.
Considérant en droit:
Les parties sont d'accord que les immeubles qui composent la succession
forment une unité économique au sens de l'art 620 CC et que la somme de 58 000
fr. fixée par l'expert représente bien la valeur de rendement du domaine.
Elles admettent également que cette estimation vaut aussi pour le partage. Le
litige se ramène ainsi à la question de savoir à qui, du recourant ou des
intimées, le domaine doit être attribué. Il n'est pas contestable que si le
recourant était jugé capable de l'exploiter convenablement, c'est à lui qu'il
faudrait donner la préférence, en sa qualité de fils du défunt (RO 69 II 391),
mais la question est précisément de savoir s'il possède les aptitudes et les
qualités morales indispensables pour assumer la direction d'une exploitation
agricole. Comme il l'admet lui-même, c'est là avant tout une question de fait.
Tout en reconnaissant au recourant certaines capacités en matière de travaux
agricoles et d'élevage du bétail, le Tribunal de la Glâne n'en a pas moins
estimé qu'il ne remplissait pas les conditions voulues pour se charger de
l'exploitation du domaine. Il a relevé, suivant l'expert, qu'il lui faudrait
encore un an de stage pour parfaire ses connaissances et se former à la tâche
de directeur de l'entreprise, que cette préparation exigerait un effort
physique et moral considérable, qu'il lui serait très difficile de la mener à
chef à cause de son âge et de ses habitudes de vie et qu'enfin, même s'il y
arrivait, les conditions dans lesquelles il devrait exploiter le domaine
rendraient cette exploitation «anormalement fragile».

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En présence des constatations du jugement attaqué, le Tribunal fédéral ne voit
pas de motifs pour en décider autrement. Il n'a pas à rechercher ce qu'il en
est des connaissances du recourant en matière agricole; c'est là une question
purement technique, définitivement résolue par les premiers juges. Il n'a pas
davantage à se demander si c'est à tort ou à raison que le Tribunal de la
Glâne ne s'est pas contenté des témoignages invoqués par le recourant. Il
appartenait au juge cantonal d'en apprécier souverainement la valeur, en
tenant compte naturellement de tous éléments du dossier. Il faut donc
considérer comme constant que du point de vue technique déjà, le recourant
aurait en tout cas à se perfectionner dans certaines spécialités, à se mettre
au courant des modes d'exploitation actuels, qui ne sont évidemment plus ce
qu'ils étaient à l'époque de son enfance, et surtout à se préparer à la
direction du domaine. Que cela ne soit pas en principe un obstacle absolu à
l'attribution d'un domaine en vertu de l'art. 620 CC, il faut certes en
convenir, car on ne saurait toujours exiger des candidats qu'ils aient déjà
une formation complète de chef d'entreprise agricole; ce serait exclure
d'entrée de cause tous ceux qui n'auraient pas atteint un certain âge ou
n'auraient jamais travaillé qu'en sous-ordre. Mais encore faut-il qu'ils
témoignent d'aptitudes et de qualités telles qu'on puisse admettre que cette
formation est simplement affaire de temps et que dans un délai plus ou moins
rapproché ils seront en mesure d'assumer la responsabilité de l'entreprise,
question dont la solution pourra d'ailleurs dépendre aussi dans une certaine
mesure de circonstances particulières. En l'espèce le Tribunal de la Glâne a
estimé qu'il était très douteux que le recourant fût capable de fournir
l'effort voulu pour compléter sa formation. Les raisons qu'il en donne sont
parfaitement raisonnables: Il est certain qu'à 59 ans on n'a plus ni la
résistance ni la souplesse qu'exige un apprentissage. Les habitudes de vie
sont ancrées et il est bien difficile de les changer. Certes le recourant a
été élevé à la

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campagne, mais il en est resté éloigné pendant au moins vingt-cinq ans,
c'est-à-dire de 1914/1915, au plus tard, jusqu'à 1939, alors qu'il était dans
la force de l'âge, et ses occupations n'avaient aucun rapport avec l'état
d'agriculteur. C'est à 54 ans seulement qu'il a repris contact avec la terre
et cela moins par attachement ou par goût, semble-t-il, que dans l'idée de se
procurer un gagne-pain plus sûr. On ne peut donc pas dire que son passé l'ait
réellement préparé à la vie d'un campagnard.
Mais il y a plus encore. Le recourant est seul, il n'a pas d'enfant et comme
il est en mauvais termes avec les siens il devrait forcément, si on lui
donnait gain de cause, recourir à la main-d'oeuvre étrangère c'est-à-dire
payer ses aides. Cela ne serait pas non plus en soi une raison suffisante pour
refuser l'attribution d'un domaine, mais cette considération doit cependant
entrer en ligne de compte lorsque la capacité du requérant étant déjà
douteuse, il existe ­ comme en l'espèce ­ d'autres enfants non moins disposés
à se charger de l'exploitation, au moins aussi qualifiés que lui et, qui plus
est, en situation de le faire dans des conditions plus favorables. En effet le
but de l'art. 620 n'est pas seulement de prévenir un morcellement des terres;
c'est aussi d'assurer le maintien d'une classe paysanne de condition moyenne à
l'abri du besoin, et l'expérience démontre que la forme d'exploitation la
meilleure pour cela est celle dans laquelle le chef de l'entreprise trouve
dans sa famille même les concours nécessaires. C'est du reste précisément à
cause de la nécessité où se trouverait le recourant d'engager du personnel
étranger que l'expert a relevé que l'exploitation du domaine par lui serait
«anormalement fragile». Il est de fait qu'on ignore quelle est exactement la
situation financière du recourant et comment, en cas de besoin, il se
procurerait les fonds qui lui seront nécessaires, au début tout au moins, pour
assurer la marche de l'affaire. Il est donc parfaitement compréhensible, dans
ces conditions, que le Tribunal de la Glâne ait jugé plus indiqué d'attribuer
le

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domaine aux deux soeurs du recourant. Cette décision ne viole aucune
disposition de la loi fédérale et le recours doit donc être rejeté.
Le Tribunal fédéral prononce:
Le recours est rejeté et le jugement attaqué est confirmé.