S. 313 / Nr. 60 Organisation der Bundesrechtspflege (f)

BGE 63 I 313

60. Arrêt de 12 novembre 1937 dans la cause X. contre Juge instructeur de S.
et Y. et Z.


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Regeste:
Le recours pour déni de justice contre les ordonnances de renvoi
(Überweisungsbeschlüsse) est, en règle générale, irrecevable, sauf si le
recourant prouve qu'il a, en l'espèce, un intérêt immédiat et suffisant à
faire reconnaître, avant tout jugement au fond, l'inconstitutionnalité de la
décision attaquée (Changement de jurisprudence).

A. - Le 27 janvier 1934, Y. a porté contre X. une plainte en abus de
confiance, escroquerie et faux. Cette plainte, complétée le 21 septembre 1936,
a été contresignée par Z.
B. - Le 23 juillet 1937, le Juge instructeur de S. a fait à X. la déclaration
orale suivante: «La procédure instruite contre vous est close, sauf à la
reprendre s'il y a lieu. Vous êtes accusé»....
C. - Contre ce «renvoi», X. a formé, le 12 octobre 1937, un recours de droit
public pour déni de justice.
il fait valoir, en résumé: Les charges relevées contre lui sont manifestement
insuffisantes. Le Juge instructeur était prévenu contre lui et aurait dû se
récuser. Du reste, ce magistrat n'était pas compétent pour prononcer le
renvoi; il aurait dû en référer à la commission d'instruction.
Considérant en droit:
1. - Le recours est tardif.
2. - Pour une autre raison encore, le recours est irrecevable, partiellement
tout au moins:
L'art. 178 ch. 1 OJ prévoit que le recours de droit public «ne peut être
dirigé que contre une décision ou un arrêté cantonal». Appliquant cette
disposition, le Tribunal

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fédéral a toujours jugé qu'en matière de déni de justice (art. 4 CF), le
recours de droit public, recevable contre une décision au fond, est, en
principe, irrecevable contre une simple décision incidente (ordonnance de
mesures provisionnelles, jugement préjudiciel, etc., v., en particulier, RO 28
I 39
; 33 I 351; 60 I 279; 63 I 76 etc.). Ce principe, cependant, n'est pas
absolu. il souffre une exception lorsque le recourant a un intérêt immédiat et
suffisant à faire reconnaître l'inconstitutionnalité (art. 4 CF) de la
décision incidente avant tout jugement au fond. Tel est le cas lorsque le
recourant subit ou pourrait subir, du fait de la décision attaquée, un
préjudice juridique, que le jugement au fond, dans l'éventualité où il lui
serait favorable, ne ferait pas ou ne ferait pas entièrement disparaître (RO
33 I 105 s.; 47 I 423; 60 I 279 etc.).
Partant de ces principes, le Tribunal fédéral s'est, pendant de nombreuses
années, saisi de recours pour déni de justice contre des ordonnances de renvoi
(Überweisungsbeschluss; arrêts Frey c. Geisseler du 27 novembre 1907; Rosset
c. Vaud du 27 mars 1931, non publiés. Cf., cependant, arrêt Currat c. Genève
du 23 janvier 1925, non publié). Il partait, ici, de la modification apportée
à la situation juridique du recourant: par l'ordonnance de renvoi, le prévenu
devient accusé.
Cette solution, contraire à une jurisprudence plus ancienne du Tribunal
fédéral (v. RO 27 I 482), ne saurait être maintenue: Si l'ordonnance de renvoi
modifie, effectivement, la situation juridique du prévenu, elle ne lui cause
pas en général un préjudice irréparable justifiant l'intervention immédiate du
Tribunal fédéral. En effet, le renvoi ne préjuge pas la question de la
culpabilité qui demeure soumise sans réserve à la connaissance du juge pénal.
Or, s'il y a acquittement, la réhabilitation de l'accusé est au moins aussi
efficace que celle pouvant résulter d'une ordonnance de non-lieu. S'il y a
condamnation, la voie du recours de droit public pour déni de justice demeure
ouverte au condamné (cf. RO 27 I 482).

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En principe, le recours de droit public pour déni de justice doit donc être
déclaré irrecevable lorsqu'il est dirigé contre une simple ordonnance de
renvoi. il ne peut être, e'Eceptionnellement, reçu que si le recourant prouve
qu'il a, en l'espèce, un intérêt immédiat et suffisant à faire reconnaître,
avant tout jugement au fond, l'inconstitutionnalité (art. 4 CF) de la décision
attaquée. Tel ne sera pas le cas, en règle générale, quand l'accusé se borne à
alléguer que l'instruction n'aurait pas révélé de charges suffisantes
justifiant son renvoi devant le juge pénal, ou prétend même que le délit pour
lequel il est renvoyé n'est pas prévu par le droit cantonal.
Or, X. affirme essentiellement que l'ordonnance dont est recours est
arbitraire parce que fondée sur des charges manifestement insuffisantes.
Indépendamment de sa tardiveté, le recours est également irrecevable dans la
mesure où il est fondé sur cet argument.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral déclare le recours irrecevable.