S. 331 / Nr. 81 Markenschutz (f)

BGE 62 II 331

81. Extrait de l'arrêt de la Ire Section civile du 4 novembre 1936 dans la
cause Hofstetter frères contre Vaucher.

Regeste:
Marques de commerce.
Action en radiation intentée par le titulaire d'une marque figurative contre
un concurrent titulaire d'une marque composée d'un élément figuratif et de la
raison de commerce. Confusion possible des deux marques, en raison de la
ressemblance des éléments figuratifs, malgré l'adjonction de la raison. Défaut
de valeur du moyen tiré du fait que les commerces s'exploitent dans deux
villes différentes de la Suisse.

Résumé des faits:
Le 5 octobre 1929, Denis Vaucher, commerçant en articles de sports à Berne, a
déposé au Bureau fédéral de la propriété intellectuelle, la marque No 70993 se
composant d'un fanion en forme de triangle allongé tourné à droite et fixé à
une hampe traversée en sa partie inférieure par une barre horizontale.

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Le 10 décembre 1934, Hofstetter frères, Société en nom collectif, s'occupant
de la vente d'articles de sports à Genève, ont déposé au même bureau sous le
No 84703 une marque comprenant les mots «Hofstetter frères Sports» et un
élément figuratif, ce dernier consistant également en un fanion tourné à
droite mais qui au lieu d'être triangulaire se termine en deux pointes,
c'est-à-dire dont l'extrémité est découpée en angle rentrant. La hampe du
fanion, à peu près verticale est aussi coupée par une barre horizontale qui se
prolonge sous le nom Hofstetter.
Vaucher, voyant dans la marque Hofstetter frères une imitation de la sienne, a
ouvert action en radiation de leur marque.
Hofstetter frères ont conclu au déboutement, soutenant notamment que leur
marque se distinguait suffisamment de celle de Vaucher pour empêcher toute
confusion; qu'en effet son élément principal était la dénomination verbale et
qu'en outre le fanion n'était pas la reproduction de celui qui avait été
adopté par le demandeur, et que, les objets revêtus de ces marques étant
offerts à des clients recrutés dans des régions différentes, aucune confusion
n'était possible.
Par jugement du 2 juin 1936, la Cour de Justice civile de Genève a alloué au
demandeur ses conclusions.
Sur recours des défendeurs, le Tribunal fédéral a confirmé le jugement de la
Cour de Justice civile.
Extrait des motifs:
Le Tribunal fédéral ne peut également que se rallier à l'opinion des premiers
juges en ce qui concerne la question d'imitation. Sans doute, si l'on compare
les deux marques et même si on les regarde l'une après l'autre, mais à un
court intervalle, l'impression qu'elles laissent est-elle assez différente.
Mais cette différence ne réside pas tant dans la forme des fanions, qui
constituent les éléments figuratifs des marques, que dans le fait que si l'une
n'est composée que de cet élément, l'autre, celle des recourants, comprend en
outre leur raison de commerce. Or cette adjonction n'est

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pas de nature à exclure toute possibilité de confusion. Car il est de fait
qu'un signe entre et reste plus facilement dans la mémoire qu'un nom, à moins
qu'il ne s'agisse d'un nom de fantaisie très spécial, particulièrement
frappant ou écrit en caractères originaux, ce qui n'est pas le cas en
l'espèce. (jette prépondérance de l'image s'impose d'autant plus dans le cas
particulier que la marque de Vaucher a été utilisée la première et que
précisément elle n'est faite que de l'image. Or si les deux images, les deux
fanions, ne sont pas identiques, elles se ressemblent suffisamment cependant
pour pouvoir être confondues. Il faut rappeler en effet que, en règle
générale, un acheteur n'examine pas la vignette qu'il voit sur le produit
qu'on lui offre avec assez d'attention pour qu'elle reste gravée dans sa
mémoire en tous ses détails. Il en garde un souvenir grossier, et ce ne sont
pas les petites différences existant entre les deux fanions qui en l'espèce
empêcheront l'acheteur de les confondre. Au contraire, l'impression du
triangle que donneront les deux marques aidera à les confondre, bien qu'il y
en ait un dans l'une et deux dans l'autre. A quoi s'ajoutera aussi le trait
horizontal qui dans la marque Vaucher barre le pied de la hampe et qu'imite à
peu près la barre horizontale qui souligne en paraphe le mot Hofstetter. En ce
qui concerne les éléments figuratifs, le risque de confusion existe donc et
cela suffit pour interdire l'emploi de la marque la plus récente (RO 40 II p.
288; 47 II p. 235).
Les recourants objectent, il est vrai, que leur marque étant avant tout une
marque verbale, en ce sens que c'est la raison de commerce qui en forme
l'élément essentiel, il ne peut y avoir de risque sérieux de confusion. C'est
mal poser la question: En matière d'imitation, c'est la première marque
enregistrée qui doit servir de base, en sorte que la question à résoudre est
celle de savoir si l'adjonction d'un texte à une marque purement figurative
peut écarter le risque de confusion. Or cette question doit être tranchée
négativement, parce que, comme on l'a déjà dit, en général un texte ne frappe
pas autant que le signe auquel il est ajouté, et spécialement lorsque ce texte
consiste en une

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simple raison de commerce sans caractère distinctif spécial. L'élément
caractéristique principal reste constitué par le fanion et l'effet de cette
image est tel que l'acheteur qui voudra s'assurer de l'origine de la
marchandise s'enquerra moins du nom du fabricant ou du vendeur que du signe
dont elle est munie (cf. RO 21 p. 1058 et 39 II p. 357). A cet égard,
l'adjonction du mot «sports», loin d'empêcher la confusion entre les deux
maisons, est plutôt de nature à en augmenter le risque (cf. DUNANT § 195 p.
320).
Peu importe également le fait que les parties exploitent leur commerce dans
deux villes différentes, c'est-à-dire le demandeur à Berne et les recourants à
Genève. Non seulement la protection de la loi fédérale s'étend à tout le
territoire suisse, mais il est établi en l'espèce par les documents produits
que la maison du demandeur est connue dans tous les milieux sportifs, de sorte
que la confusion des deux marques peut se faire aussi bien à Genève qu'à
Berne. Peu importe aussi qu'il s'agisse de marques servant à distinguer deux
commerces plutôt que deux fabriques, car la protection légale est la même dans
les deux cas.
Il y a lieu de relever enfin deux circonstances qui justifient une certaine
rigueur dans l'appréciation de l'imitation, c'est d'une part le fait que les
deux marques sont apposées sur des marchandises de même genre (cf. RO 52 II p.
166) et, d'autre part, le fait que les recourants, avant de faire le choix de
leur marque, connaissaient bien celle du demandeur, puisque l'un d'eux s'est
rendu souvent dans son atelier.