S. 175 / Nr. 45 Versicherungsvertrag (f)

BGE 62 II 175

45. Arrêt de la IIe Section civile du 22 mai 1936 dans la cause Steiner contre
Société suisse de Secours Mutuels Helvétia.

Regeste:
1. La loi sur le contrat d'assurance n'est pas applicable aux contrats
d'assurance conclus par des entreprises privées qui ne sont pas soumises à la
surveillance de la Confédération.
2. La question de l'assujettissement de l'entreprise à la surveillance de la
Confédération est une question préjudicielle, dont la solution détermine
l'application du droit privé.
3. Mais cette question est dans la compétence exclusive de l'autorité
administrative, dont la décision lie le juge.
4. Lorsque, conformément à ses statuts, une entreprise d'assurance privée non
soumise à la surveillance fédérale veut prononcer la déchéance d'un de ses
assurés, à raison de réticences ou de fausses déclarations lors de la
conclusion de l'assurance, elle doit le faire dans un délai convenable dès le
moment où elle a eu connaissance de la réticence; toutefois le délai de quatre
semaines prévu à l'art. 6 LCA. n'est pas applicable automatiquement.
Art. 6
SR 221.229.1 Loi fédérale du 2 avril 1908 sur le contrat d'assurance (Loi sur le contrat d'assurance, LCA) - Loi sur le contrat d'assurance
LCA Art. 6 - 1 Si, lorsqu'il a répondu aux questions visées à l'art. 4, al. 1, celui qui avait l'obligation de le faire a omis de déclarer ou a déclaré inexactement un fait important qu'il connaissait ou qu'il devait connaître (réticence) et sur lequel il a été questionné, l'entreprise d'assurance est en droit de résilier le contrat par écrit ou par tout autre moyen permettant d'en établir la preuve par un texte.30 La résiliation prend effet lorsqu'elle parvient au preneur d'assurance.
1    Si, lorsqu'il a répondu aux questions visées à l'art. 4, al. 1, celui qui avait l'obligation de le faire a omis de déclarer ou a déclaré inexactement un fait important qu'il connaissait ou qu'il devait connaître (réticence) et sur lequel il a été questionné, l'entreprise d'assurance est en droit de résilier le contrat par écrit ou par tout autre moyen permettant d'en établir la preuve par un texte.30 La résiliation prend effet lorsqu'elle parvient au preneur d'assurance.
2    Le droit de résiliation s'éteint quatre semaines après que l'entreprise d'assurance a eu connaissance de la réticence.31
3    Si le contrat prend fin par résiliation en vertu de l'al. 1, l'obligation de l'entreprise d'assurance d'accorder sa prestation s'éteint également pour les sinistres déjà survenus dans la mesure où le fait qui a été l'objet de la réticence a influé sur la survenance ou l'étendue du sinistre. Dans la mesure où elle a déjà accordé une prestation pour un tel sinistre, l'entreprise d'assurance a droit à son remboursement.32
4    Si un contrat d'assurance sur la vie, rachetable selon la présente loi (art. 90, al. 2), est résilié, l'entreprise d'assurance doit accorder la prestation prévue en cas de rachat.
, 101
SR 221.229.1 Loi fédérale du 2 avril 1908 sur le contrat d'assurance (Loi sur le contrat d'assurance, LCA) - Loi sur le contrat d'assurance
LCA Art. 101 - 1 La présente loi n'est pas applicable:
1    La présente loi n'est pas applicable:
1  aux contrats de réassurance;
2  aux rapports de droit privé entre les entreprises d'assurance qui ne sont pas soumises à la surveillance en vertu de l'art. 2, al. 2, LSA156 et leurs assurés, à l'exception des rapports de droit pour l'exécution desquels les entreprises sont soumises à la surveillance des assurances.
2    Ces rapports de droit sont régis par le code des obligations157.
LCA; art. 1 al. 2 L.f. du 25 juin 1885 concernant la surveillance
des entreprises privées en matière d'assurance.

A. ­ Le 21 novembre 1931 Robert Steiner, à Genève, a souscrit un bulletin
d'adhésion à la Société suisse de Secours mutuels Helvétia, proposition qui
fut agréée par la Société. Aux termes de ce bulletin, Steiner devait recevoir,
en cas de maladie ou d'accident, 3 Fr. par jour de chômage, ainsi que les
frais médicaux et pharmaceutiques.
Les statuts de l'Helvétia contiennent, entre autres dispositions, les articles
ci-après:
Art. 9 al. 4: A son admission le candidat est tenu de déclarer en toute
sincérité

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les maladies et les accidents qu'il a eus, les affections dont il est atteint,
ses dispositions maladives et ses infirmités éventuelles.
Art. 17: un membre actif... peut être exclu de la Société:
a) s'il (éventuellement son représentant légal) a fait des déclarations
inexactes, non véridiques ou incomplètes (art. 9 al. 4 et art. 27).
Art. 18: les membres démissionnaires ou contre lesquels l'exclusion a été
prononcée abandonnent par ce fait toute prétention à l'avoir de la Société,
mais ils sont néanmoins tenus de payer les cotisations arriérées de même que
les amendes et frais éventuels, et de restituer les indemnités qu'ils se sont
fait octroyer indûment.
Steiner répondit affirmativement à la question ci-après contenue dans le
bulletin d'adhésion:
14. Vous considérez-vous, actuellement, comme étant en parfaite santé?
Il répondit négativement aux questions suivantes:
7. A combien de reprises ayez-vous déjà été malade (accidents compris)?
8. Etes-vous présentement atteint d'une maladie?
15. Existe-t-il dans votre famille, des antécédents maladifs, héréditaires
(tuberculose, cancer, maladies mentales épilepsie)?
Etant tombé malade en avril 1932, d'une tuberculose pulmonaire, Steiner fut
soigné à Genève, puis au sanatorium bernois de Heiligenschwendi. L'Helvétia
lui paya de ce chef 162 fr. pour 64 jours de chômage, et elle versa 183 fr. au
sanatorium, pour sa pension du 25 mai au 15 juillet 1932.
B. ­ Par décision du 13 juillet 1932, l'Administration centrale a exclu
Steiner de la Société Helvétia et lui a réclamé le remboursement de 167 Fr. 25
Cts. Cette décision était motivée par le fait que Steiner avait caché, lors de
la signature du bulletin d'adhésion, qu'il venait

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d'être traité pour une névralgie intercostale. Ultérieurement, l'Helvétia a
encore invoqué le fait que Steiner avait caché que sa mère et un de ses frères
étaient morts de tuberculose et qu'il avait répondu négativement à la question
relative aux antécédents héréditaires.
Steiner a recouru contre cette décision aux organes de recours statutaires,
mais son pourvoi a été déclaré tardif.
C. ­ En janvier 1934, Steiner a assigné l'Helvétia devant le Tribunal genevois
de première instance en réclamant le paiement de:
1. 621 fr. pour indemnité de chômage du 24 mars au 14 novembre 1932;
2. 902 fr. 60 pour frais médicaux et pharmaceutiques;
3. 261 fr. pour frais d'hospitalisation à Heiligenschwendi, sous imputation de
162 fr., qu'il reconnaissait avoir reçus.
La défenderesse a conclu à libération et, reconventionnellement, au paiement
par Steiner des sommes ci-après:
1. 162 fr. avec intérêts à 5% dès le 11 avril 1932;
2. 183 fr. avec intérêts à 5% dès le 11 août 1932; le tout sous suite de frais
et de dépens.
D. ­ Par jugement du 8 janvier 1935, le Tribunal genevois de première instance
a débouté Steiner de toutes ses conclusions et l'a condamné à payer à
l'Helvétia, avec intérêts à 5% dès le 7 juillet 1933, la somme de 297 fr. 80.
Sur appel du demandeur, la Cour de Justice civile du Canton de Genève a
confirmé ledit jugement.
E. ­ Par acte déposé en temps utile, Steiner a recouru en réforme au Tribunal
fédéral, en reprenant ses conclusions de première instance.
L'Helvétia conclut au rejet du recours.
Considérant en droit:
1. ­ La première question que soulève le présent recours est celle de savoir
si les rapports entre les parties en cause ­ tout le moins les rapports
d'assurance proprement

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dits ­ sont ou ne sont pas régis par la loi fédérale du 2 avril 1908 sur le
contrat d'assurance (LCA). Aux termes de son art. 101, cette loi n'est pas
applicable aux contrats conclus par des associations qui ne sont pas soumises
à la surveillance de la Confédération (art. 1 al. 2 de la loi fédérale du 25
juin 1885 concernant la surveillance des entreprises privées en matière
d'assurance). La question de l'assujettissement de l'entreprise à la
surveillance de la Confédération est donc une question préjudicielle, dont la
solution détermine l'application du droit privé. Mais c'est aux autorités
administratives qu'il appartient de résoudre ladite question. Le Tribunal
fédéral, statuant comme Cour de droit civil, ne saurait la trancher, même
incidemment (cf.; JAEGER, III, n. 46 et 47 ad art. 101).
Or il résulte d'une décision prise par le Département fédéral de Justice et
Police le 12 juin 1930 (Verwaltungsentscheide der Bundesbehörden, Jahr 1930
Nr. 92) que les caisses-maladie, reconnues conformément à la loi du 13 juin
1911 sur l'assurance en cas de maladie et d'accident, ne sont pas soumises à
l'autorisation et à la surveillance que le Conseil fédéral exerce sur les
compagnies d'assurances privées. Il n'est pas contesté que la Société suisse
de secours mutuel; Helvétia est une caisse-maladie reconnue conformément à la
loi de 1911. D'après l'opinion de l'autorité de surveillance, telle qu'elle a
été exprimée dans la décision précitée, cette société n'est donc pas
assujettie à la loi de 1885. Ce point de vue a été expressément confirmé par
une lettre adressée au Tribunal fédéral le 2 mai 1936 par le Département
fédéral de Justice et Police. Comme on vient de le dire, cette opinion lie le
Tribunal fédéral et tranche pratiquement la question du régime de droit privé
applicable à l'Helvétia. Conformément à l'art. 101
SR 221.229.1 Loi fédérale du 2 avril 1908 sur le contrat d'assurance (Loi sur le contrat d'assurance, LCA) - Loi sur le contrat d'assurance
LCA Art. 101 - 1 La présente loi n'est pas applicable:
1    La présente loi n'est pas applicable:
1  aux contrats de réassurance;
2  aux rapports de droit privé entre les entreprises d'assurance qui ne sont pas soumises à la surveillance en vertu de l'art. 2, al. 2, LSA156 et leurs assurés, à l'exception des rapports de droit pour l'exécution desquels les entreprises sont soumises à la surveillance des assurances.
2    Ces rapports de droit sont régis par le code des obligations157.
LCA, on doit donc dire que
le présent contrat n'est pas régi (ou du moins pas directement) par la loi
fédérale sur le contrat d'assurance, mais exclusivement par la convention, par
les statuts de la Société et par le droit commun.

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2. ­ Ainsi qu'il ressort de l'état de faits ci-dessus, l'article 9 des statuts
prévoit que des questions écrites seront posées au proposant sur les maladies
et les accidents qu'il a eus, etc. En vertu de cette disposition, la Société a
formulé les différentes questions qui figurent dans le bulletin d'adhésion.
D'autre part, l'art. 17 lettre a) des statuts prévoit l'exclusion de la
Société à l'égard du sociétaire qui a répondu inexactement auxdites questions.
L'exclusion entraîne elle-même la perte de tout droit à l'assurance, avec
effet rétroactif (art. 18).
En l'espèce, il n'est pas douteux que le proposant a fait des déclarations
inexactes, en taisant ses maladies antérieures et en ne disant rien de deux
membres de sa famille, qu'il savait être décédés de tuberculose.
3. ­ Steiner soutient encore que la décision du 13 juillet 1932 l'excluant de
la Société était tardive, parce qu'elle ne serait pas intervenue dans le délai
de 4 semaines prévu dans l'art. 6 LCA. Mais, comme il a été relevé sous no 1
ci-dessus, cet article n'est pas directement applicable en l'espèce. A vrai
dire, la question se pose de savoir s'il est applicable par analogie; et, à
cet égard, il y a lieu de considérer ce qui suit: la ratio de l'art. 6 in
fine, c'est la bonne foi; le législateur n'a pas voulu que l'assureur qui a
l'intention d'invoquer la réticence laisse durer un contrat vicié à ses yeux,
et qu'il encaisse des primes pendant un temps prolongé, pour déclarer enfin
qu'il se retire du contrat et refuse toute prestation, lorsque l'assuré aura
éprouvé un sinistre. Au contraire, le législateur a entendu contraindre
l'assureur à prendre parti rapidement, après que la réticence lui a été
découverte et après qu'il a été mis à même d'en mesurer les conséquences; de
là le délai de 4 semaines, à partir duquel l'assureur qui a gardé le silence
est censé avoir renoncé à se prévaloir de la fausse déclaration.
Certes, la bonne foi a des exigences analogues en matière d'assurance conclue
par des caisses mutuelles non soumises à la loi de surveillance du 25 juin
1885. Il n'est donc pas

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admissible qu'une de ces caisses laisse s'écouler un temps par trop long entre
le moment où la réticence lui a été révélée et celui où elle prononce
l'exclusion. Apprécier le délai dans lequel elle devrait, en toute bonne foi,
se déterminer, est affaire de cas particuliers, Le délai de 4 semaines prévu à
l'art. 6 LCA peut paraître convenable, suivant les cas. En revanche, on ne
saurait appliquer automatiquement et d'une façon uniforme, aux rapports entre
les caisses mutuelles et leurs assurés, ce délai fixe, découlant d'une
disposition positive d'une loi qui, en principe, ne leur est pas applicable.
Pour qu'on pût prétendre que l'Helvétia avait perdu le droit de prononcer
l'exclusion de Robert Steiner, à raison de ses réticences, il faudrait donc
qu'il fût établi qu'elle a laissé passer un délai anormalement long, entre le
moment où elle a eu connaissance de ses réticences et le moment de sa
décision, ou qu'elle a adopté tout d'abord une attitude pouvant faire croire à
l'assuré qu'elle acceptait de couvrir le vice de ses déclarations. Or aucune
preuve quelconque n'a été administrée dans ce sens.
Ainsi donc l'Helvétia était fondée à invoquer les fausses déclarations de
l'assuré, pour résilier le rapport d'assurance, et refuser désormais toute
prestation, conformément à l'art. 17 de ses statuts. Par conséquent, c'est à
juste titre que les juges cantonaux ont rejeté la demande.
Quant à l'exclusion de Steiner du nombre des membres de la Société, elle était
également justifiée d'après les statuts. D'ailleurs le recourant n'en a pas
fait spécialement grief à la défenderesse.
4. ­ Devant le Tribunal fédéral le recourant n'a pas repris l'argument
consistant à prétendre que les organes statutaires de recours ont eu tort de
déclarer son recours irrecevable.
5. ­ Il résulte de l'art. 18 des statuts que la Société était également fondée
à réclamer à Steiner le remboursement de ses prestations. Les juges cantonaux
ont donc eu raison d'admettre en principe la demande

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reconventionnelle. Quant au montant de la condamnation, il n'a pas été
contesté devant le Tribunal fédéral.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
Le recours est rejeté et l'arrêt cantonal est entièrement confirmé.