S. 372 / Nr. 61 Eisenbahnhaftpflicht (f)

BGE 60 II 372

61. Arrêt de la IIe Section civile du 6 juillet 1934 dans la cause Roth contre
Chemins de fer fédéraux.

Regeste:
Responsabilité des Chemins de fer (Art. 1 de la loi fédérale du 28 mars 1905).
Les accidents survenus à l'occasion de la montée et de la descente de voiture
sont des accidents d'exploitation.
Le Chemin de fer est responsable en pareil cas, sans que la victime soit tenue
de prouver que l'accident était dû en fait, in concreto, à un risque
spécifique inhérent à l'entreprise ferroviaire.


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Le 13 août 1932, venant de La Chaux-de-Fonds, Jeanne Roth est arrivée à 19 h.
23 au but de son voyage, la halte de Montmolin. En descendant du wagon, elle a
fait une chute, sur les circonstances de laquelle on n'est pas renseigné.
La chute ayant entraîné d'assez graves lésions du pied gauche, Dame Roth a
ouvert action aux C.F.F. en paiement d'une indemnité de 11113 francs.
Par arrêt du 5 avril 1934, le Tribunal cantonal neuchâtelois l'a déboutée de
ses conclusions.
Par acte déposé en temps utile, la demanderesse a recouru en réforme contre
cet arrêt.
Les Chemins de fer fédéraux concluent au rejet du recours.
Considérant en droit:
1.- Aux termes de l'art. 1 de la loi fédérale du 28 mars 1905, les entreprises
de chemin de fer répondent, en principe, de tout accident survenu à une
personne «au cours de l'exploitation». Suivant la jurisprudence constante, on
doit entendre par là les accidents qui ont un rapport de causalité avec
l'exploitation; le terme d'exploitation est pris d'ailleurs dans son acception
technique, comprenant le transport des personnes et des choses sur la voie
ferrée, ainsi que les actes qui' le préparent et l'achèvent (cf. RO 31 II 26;
36 II 93; 42 II 516). Or, parmi les actes qui préparent et achèvent le
transport des voyageurs, les plus typiques sont incontestablement la montée et
la descente de voiture, actes qui normalement précèdent et suivent
immédiatement le départ et la halte du convoi. Le chemin de fer servant à
transporter des voyageurs d'un point à un autre, son «exploitation» (par
rapport à un voyageur déterminé) dure aussi longtemps que ce voyageur n'a pas
quitté le train, c'est-à-dire aussi longtemps, en tout cas, qu'il n'est pas
parvenu sur le quai. Les accidents qui surviennent pendant et par le fait de
la montée et de la descente de wagon doivent donc

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être considérés comme des accidents d'exploitation, au sens de la
jurisprudence, encore que celle-ci ne l'ait jamais proclamé expressément (cf.
RO 42 II 382 sq.; arrêts non publiés en la cause Pärli c. Viège-Zermatt, du 22
mars 1911, et Lier c. C.F.F., du 20 novembre 1913).
Il y a lieu de remarquer, d'ailleurs, que la ratio de la responsabilité
causale s'applique non seulement aux dommages causés quand le train est en
mouvement, mais aussi aux accidents du genre de celui dont il s'agit en
l'espèce. Cette ratio réside dans le risque inhérent à l'entreprise de chemin
de fer. Or, si ce risque est avant tout l'effet de la vitesse et de la
puissance des trains en marche, il ne cesse cependant pas complètement à
l'arrêt. Jusqu'à ce que le voyageur ait définitivement quitté tout contact
avec le moyen de locomotion, il reste exposé à des dangers qu'il ne rencontre
pas partout ailleurs. Les marchepieds ne sont pas des escaliers comme tous les
autres; leur étroitesse et la distance qui sépare leurs degrés les uns des
autres peuvent constituer un facteur de risque. Il en est de même de la presse
et de la hâte dans laquelle s'effectuent souvent l'entrée et la sortie du
wagon; on peut ajouter que les trains en gare sont parfois soumis à des
secousses, à des «à-coups» (notamment pendant qu'on attelle de nouvelles
voitures), qui peuvent faire perdre pied au voyageur montant ou descendant. Il
suffit de considérer ces risques in abstracto pour justifier la solution qui
découle logiquement de la jurisprudence du Tribunal fédéral et suivant
laquelle les accidents subis par ledit voyageur sont des accidents
d'exploitation, dont l'entreprise répond en principe.
2.- Cette constatation générale étant faite, on n'a pas à se demander, dans
chaque cas concret, si l'accident survenu au cours de la montée ou de la
descente est dû, en fait, à un risque spécial inhérent aux chemins de fer. A
vrai dire, dans certains arrêts, le Tribunal fédéral a soulevé la question de
savoir si la preuve d'un tel danger, in casu. doit être considérée comme une
condition de la

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responsabilité de l'entreprise. Toutefois, la question n'a jamais été
préjugée, et il convient de la résoudre, une fois pour toutes, par la
négative. En effet, là où le législateur a voulu poser une semblable
condition, il l'a dit expressément: c'est ainsi qu'en étendant la
responsabilité des chemins de fer aux accidents résultant de travaux
accessoires, l'art. 1 précise que cette responsabilité n'est encourue que
quand lesdits travaux impliquent un risque inhérent à l'entreprise. D'où il
résulte a contrario que cette condition n'existe pas là où la loi ne la
formule pas expressément, - soit justement pour les accidents d'exploitation
dans le sens indiqué plus haut.
Il y a lieu de relever, d'ailleurs, que, sur un autre point, la jurisprudence
a établi une distinction entre les accidents où le risque spécifique a joué,
en fait, un rôle, et ceux dans lesquels il n'en a joué aucun. C'est à propos
des accidents dus à une faute de la victime. Dans le second cas, le Tribunal
fédéral a toujours admis que la faute de la victime supprime complètement la
responsabilité de l'entreprise, tandis que, dans le premier, la faute
n'entraîne qu'une réduction de l'indemnité. Il est clair que, si le risque
spécifique était une condition de tout accident d'exploitation, la suppression
de l'indemnité ne pourrait plus être décidée à raison de la faute de la
victime; car, ou bien le risque spécifique aurait joué un rôle, - et alors
seule une réduction de l'indemnité pourrait entrer en considération; ou bien
il n'en aurait joué aucun, - et alors la demande devrait être rejetée, non pas
à cause de la faute, mais parce que - par hypothèse - l'accident ne serait pas
un accident d'«exploitation». On aboutirait ainsi à un résultat contraire à
l'art. 5. Il suffit de relever cette anomalie pour démontrer à l'évidence que
l'accident d'exploitation est une notion générale qui ne dépend pas, dans
chaque cas particulier, du point de savoir s'il y a eu réalisation effective
d'un risque spécifique du rail. (Dans le même sens, Trib. impér. all.:
Eisenbahnrechtliche Entscheidungen, vol. 30 p. 225; 39 p. 61.)

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3.- Dame Roth peut donc prétendre être complètement indemnisée du dommage subi
par elle. Ainsi le jugement attaqué doit être annulé et la cause renvoyée aux
juges cantonaux pour établir le montant de ce dommage.
Le Tribunal fédéral prononce:
Le recours est admis dans le sens des considérants.