S. 205 / Nr. 36 Niederlassungsfreiheit (f)

BGE 59 I 205

36. Arrêt du 13 octobre 1933 dans la cause Tripet contre Commune de Neuchâtel.


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Regeste:
Art. 46 Const. féd.: Obligation de déposer des papiers de légitimation. En cas
de pluralité de résidences, la commune de la seconde résidence doit se
contenter de la déclaration de la première, attestant que les papiers ont été
déposés chez elle.

A. - L'art. 4 al. 1 de la loi neuchâteloise du 17 mars 1908 sur la police des
habitants dispose ce qui suit: «Toute personne qui vient résider dans une
commune du Canton est tenue, dans les vingt jours dès la date de son arrivée,
de déposer chez le préposé à la police des habitants les papiers nécessaires
pour obtenir un permis de domicile».
Dénoncé par le préposé à la police des habitants de la ville de Neuchâtel pour
contravention à cette disposition, André Tripet, ingénieur-chimiste et
pharmacien, a été condamné le 18 mars 1933 par le Président du Tribunal II de
Neuchâtel, en application de ce même article, à 15 francs d'amende et aux
frais.
B. - Tripet a formé contre le jugement du Président du Tribunal II un recours
de droit public pour violation de l'art. 45 al. 1 Const. féd. Il expose ce qui
suit: Le recourant a son domicile à Lignières où habitent ses parents. Il se
rend tous les jours ouvrables à Neuchâtel où il travaille en qualité
d'employé, dans une pharmacie tenue par son oncle. Il rentre presque tous les
soirs à Lignières où, en général, il passe également les samedis et les
dimanches, lorsqu'il n'est pas de service. Il a loué cependant une chambre à
Neuchâtel pour les nuits où il est obligé d'y rester. Cette circonstance
n'empêche pas que c'est à Lignières qu'il a, en fait, son domicile. En droit,
le recourant soutient que c'est à Lignières qu'il est tenu de déposer ses
papiers, ce qu'il a d'ailleurs fait. La police de Neuchâtel n'est donc pas
fondée à exiger ce dépôt à Neuchâtel et le jugement qui l'a condamné pour
n'avoir pas fait ce dépôt est contraire à la Constitution fédérale.

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C. - Le Département de Justice et Police du Canton de Neuchâtel a conclu à ce
que le recours fût déclaré irrecevable ou en tout cas mal fondé.
Considérant en droit:
1.- (Recevabilité).
2.- Au fond, le Tribunal fédéral n'a pas à rechercher si le recourant a son
domicile à Lignières ou à Neuchâtel. Cette question est sans effet sur la
solution du recours. Le recourant a été condamné à une amende de 15 francs
pour avoir contrevenu à l'art. 4 de la loi cantonale sur la police des
habitants, autrement dit pour n'avoir pas déposé ses papiers de légitimation à
Neuchâtel. Il s'agit uniquement de savoir si l'art. 4 de la loi et
l'application qui en a été faite en l'espèce peuvent se concilier avec l'art.
45 al. 1 Const. féd. Tel n'est pas le cas. L'art. 45 al. 1 Const. féd.
garantit à tout citoyen suisse le droit de s'établir sur un point quelconque
du territoire suisse, moyennant la production d'un acte d'origine ou d'une
autre pièce analogue. Il n'appartient pas aux cantons de limiter ce droit,
ainsi que le fait l'art. 4 de la loi neuchâteloise sur la police des
habitants, du moins dans le sens que lui donnent les autorités de ce canton,
en exigeant dans tous les cas «pour obtenir un permis de domicile» le dépôt
direct des papiers de légitimation (cf. RO 37 I p. 33). Contrairement à ce
point de vue, il a été jugé en jurisprudence constante (of. RO 37 I p. 31 et
suiv., 48 I p. 169) que lorsque les papiers de légitimation sont déjà déposés
dans une commune, les autres communes de résidence ou de domicile doivent se
contenter de la production d'une déclaration de la commune où les papiers de
légitimation sont déposés, attestant ce dépôt (même opinion: BURCKHARDT, 2e
éd. p. 399 et FLEINER P. 120). La disposition de l'art. 4 de la loi
neuchâteloise, telle qu'elle est appliquée par les autorités neuchâteloises,
est par conséquent incompatible avec la garantie constitutionnelle consacrée à
l'art. 45 al. 1 précité, et l'amende prononcée par le Président du Tribunal

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contre le recourant doit être annulée parce qu'elle implique une violation de
cette garantie. La commune de Neuchâtel n'est pas en droit de subordonner le
permis de domicile au dépôt préalable des papiers de légitimation du
recourant, mais elle est tenue de se contenter de l'attestation que le
recourant s'est déclaré prêt et se déclare encore prêt à produire, à savoir
une attestation de la commune de Lignières constatant que ces papiers ont été
déposés chez. elle.
le Tribunal fédéral prononce:
Le recours est admis et le jugement rendu par le Président du Tribunal II de
Neuchâtel le 18 mars 1933 dans la cause Tripet est annulé.