S. 135 / Nr. 24 Obligationenrecht (f)

BGE 58 II 135

24. Arrêt de la Ire section civile du 23 mars 1932 dans la cause Dame Sydler
et enfants. contre Sydler.

Regeste:
Art. 41
SR 220 Erste Abteilung: Allgemeine Bestimmungen Erster Titel: Die Entstehung der Obligationen Erster Abschnitt: Die Entstehung durch Vertrag
OR Art. 41 - 1 Wer einem andern widerrechtlich Schaden zufügt, sei es mit Absicht, sei es aus Fahrlässigkeit, wird ihm zum Ersatze verpflichtet.
1    Wer einem andern widerrechtlich Schaden zufügt, sei es mit Absicht, sei es aus Fahrlässigkeit, wird ihm zum Ersatze verpflichtet.
2    Ebenso ist zum Ersatze verpflichtet, wer einem andern in einer gegen die guten Sitten verstossenden Weise absichtlich Schaden zufügt.
, 44
SR 220 Erste Abteilung: Allgemeine Bestimmungen Erster Titel: Die Entstehung der Obligationen Erster Abschnitt: Die Entstehung durch Vertrag
OR Art. 44 - 1 Hat der Geschädigte in die schädigende Handlung eingewilligt, oder haben Umstände, für die er einstehen muss, auf die Entstehung oder Verschlimmerung des Schadens eingewirkt oder die Stellung des Ersatzpflichtigen sonst erschwert, so kann der Richter die Ersatzpflicht ermässigen oder gänzlich von ihr entbinden.
1    Hat der Geschädigte in die schädigende Handlung eingewilligt, oder haben Umstände, für die er einstehen muss, auf die Entstehung oder Verschlimmerung des Schadens eingewirkt oder die Stellung des Ersatzpflichtigen sonst erschwert, so kann der Richter die Ersatzpflicht ermässigen oder gänzlich von ihr entbinden.
2    Würde ein Ersatzpflichtiger, der den Schaden weder absichtlich noch grobfahrlässig verursacht hat, durch Leistung des Ersatzes in eine Notlage versetzt, so kann der Richter auch aus diesem Grunde die Ersatzpflicht ermässigen.
et 47
SR 220 Erste Abteilung: Allgemeine Bestimmungen Erster Titel: Die Entstehung der Obligationen Erster Abschnitt: Die Entstehung durch Vertrag
OR Art. 47 - Bei Tötung eines Menschen oder Körperverletzung kann der Richter unter Würdigung der besonderen Umstände dem Verletzten oder den Angehörigen des Getöteten eine angemessene Geldsumme als Genugtuung zusprechen.
CO.
1. Commet une imprudence celui qui, sentant son extrême fatigue et devant se
rendre compte qu'il risque de céder au sommeil, conduit néanmoins une
automobile.
2. Partagent cette imprudence et doivent supporter une partie du dommage en
résultant ceux qui, connaissant ce risque, occupent néanmoins la voiture; leur
responsabilité est accrue lorsqu'ils ont poussé le conducteur à se mettre au
volant.
3. L'indemnité pour tort moral a un caractère supplémentaire et exceptionnel.
Son allocation ne se justifie pas lorsqu'il s'agit d'une course de
complaisance, que la faute du défendeur n'est pas grave et qu'il y a eu accord
à faire la course dans des conditions dangereuses.

A. - Les frères Christian et Edouard Sydler s'étaient rendus à Genève le 3
juillet 1930 en compagnie de deux amis, MM. Dubey et Gerster, dans une
automobile conduite par Christian. Celui-ci s'était levé de grand matin et
avait travaillé toute la matinée. Immédiatement après le dîner,

Seite: 136
eut lieu le départ d'Auvernier, et la course ne fut interrompue qu'une fois
pour consommer un demi-litre de vin blanc entre tous. La journée était
orageuse et la chaleur étouffante. A Genève, les frères Sydler assistèrent
avec leurs amis à deux matches de football. Ils burent à deux reprises une
bouteille de vin entre quatre ou six personnes. Le soir ils mangèrent au
restaurant et burent une ou deux bouteilles de vin qu'ils ne vidèrent
d'ailleurs pas entièrement Vers 21 heures, ils remontèrent dans leur
automobile.
Il avait été convenu que M. Dubey prendrait le volant pour une partie du
trajet de retour; mais, indisposé par la chaleur et ce qu'il avait mangé à
souper, Dubey pria Christian Sydler de continuer à conduire. Après avoir bu du
café dans la banlieue de Genève et un demi-litre de vin blanc à Lausanne, les
quatre amis se dirigèrent sur Yverdon. Tous étaient de sang-froid, mais la
fatigue se faisait sentir, et ceux qui n'avaient pas la responsabilité de la
conduite s'assoupirent peu à peu. A Yverdon, Christian Sydler arrêta un
instant sa voiture et offrit à Dubey de prendre un café. Chacun étant pressé
de rentrer à la maison, Dubey refusa. Dès ce moment, plus personne ne dit mot.
L'automobile franchit le passage à niveau du chemin de fer d'Yverdon à
Ste-Croix, puis sortit de la route et, avant que les occupants aient eu
conscience de ce qui se passait, tomba dans le lit de la Brinaz. Tous furent
plus ou moins contusionnés ou blessés; Edouard Sydler, projeté contre un mur,
eut le crâne enfoncé et mourut quelques instants plus tard. Christian Sydler
attribue l'accident à un assoupissement provoqué par sa grande fatigue. Une
instruction pénale fut ouverte; elle aboutit à un non-lieu.
B. - La veuve et les enfants d'Edouard Sydler actionnèrent Christian Sydler en
réparation du dommage subi par eux (frais funéraires, perte du soutien, tort
moral).
Les demandeurs reprochent au défendeur d'avoir continué à conduire alors qu'il
devait se rendre compte que

Seite: 137
son extrême fatigue devenait un danger pour ceux qu'il avait consenti à
conduire. Son devoir eût été de s'arrêter et de se reposer. A tout le moins
aurait-il dû rouler à une allure très réduite, qui lui aurait permis d'arrêter
sa voiture avant de tomber dans la Brinaz lorsqu'il s'aperçut qu'il était
sorti de la route.
Le défendeur, tout en déclinant sa responsabilité et en concluant au rejet de
la demande avec suite des frais et dépens, a offert pour des motifs
humanitaires la somme de 25000 fr. Il estime que le sommeil auquel il a
succombé est un phénomène psychophysiologique irrésistible et qu'on ne saurait
lui reprocher une faute quelconque.
C. - Par jugement du 4 novembre 1931, le Tribunal cantonal a condamné le
défendeur à payer aux demandeurs au total 34860 fr. 75 avec intérêts à 5% dès
le 6 septembre 1930.
La cour cantonale estime que le défendeur n'est responsable de l'accident que
dans la proportion de deux tiers, un tiers étant à la charge des autres
occupants de l'automobile qui ont commis l'imprudence de se confier à un
conducteur extrêmement fatigué.
D. - Les demandeurs ont recouru contre ce jugement au Tribunal fédéral. Ils
réclament pour perte de soutien la totalité des sommes fixées par le Tribunal
cantonal, en contestant la faute retenue à la charge de la victime de
l'accident. Ils reprennent leurs conclusions relatives au tort moral.
Le défendeur s'est joint au recours. Invoquant l'art. 44
SR 220 Erste Abteilung: Allgemeine Bestimmungen Erster Titel: Die Entstehung der Obligationen Erster Abschnitt: Die Entstehung durch Vertrag
OR Art. 44 - 1 Hat der Geschädigte in die schädigende Handlung eingewilligt, oder haben Umstände, für die er einstehen muss, auf die Entstehung oder Verschlimmerung des Schadens eingewirkt oder die Stellung des Ersatzpflichtigen sonst erschwert, so kann der Richter die Ersatzpflicht ermässigen oder gänzlich von ihr entbinden.
1    Hat der Geschädigte in die schädigende Handlung eingewilligt, oder haben Umstände, für die er einstehen muss, auf die Entstehung oder Verschlimmerung des Schadens eingewirkt oder die Stellung des Ersatzpflichtigen sonst erschwert, so kann der Richter die Ersatzpflicht ermässigen oder gänzlich von ihr entbinden.
2    Würde ein Ersatzpflichtiger, der den Schaden weder absichtlich noch grobfahrlässig verursacht hat, durch Leistung des Ersatzes in eine Notlage versetzt, so kann der Richter auch aus diesem Grunde die Ersatzpflicht ermässigen.
CO, il dit que la
responsabilité doit être partagée par moitié et les indemnités réduites en
conséquence.
Statuant sur ces faits et considérant en droit:
1.- La Cour neuchâteloise constate de manière à lier le Tribunal fédéral que,
lors de l'accident, tous les occupants de l'automobile étaient «absolument de
sang-froid». On pourrait, à la vérité, se demander si, en raison de la chaleur
accablante. les boissons alcooliques absorbées,

Seite: 138
sans excès d'ailleurs, n'augmentaient pas le danger de succomber à la fatigue
et au sommeil. Mais ainsi que cela sera exposé plus loin, l'aggravation de la
responsabilité qui en résulterait pour le conducteur de la voiture serait
partagée par les personnes qui l'accompagnaient, en sorte que l'issue du
procès n'en serait pas modifiée. Il est donc superflu de s'arrêter à cette
question.
Le Tribunal cantonal constate également qu'il n'y a pas eu excès de vitesse et
il estime pour des motifs convaincants que l'allure de l'automobile n'a pas
été la cause de l'accident. Celui-ci est attribuable exclusivement au fait que
le défendeur a cédé au sommeil. Ce point n'est du reste pas en discussion.
Le défendeur ne conteste plus, et avec raison, la faute que lui impute le juge
cantonal; il demande seulement que la responsabilité soit répartie par moitié,
au lieu des deux tiers mis à sa charge par le jugement attaqué. Celui qui,
sentant son extrême fatigue et devant se rendre compte qu'il risque de
succomber au sommeil, se met néanmoins au volant d'une automobile, est
coupable d'imprudence. Quand on conduit et qu'on a entre ses mains, outre sa
propre vie, celle d'autres personnes, comme c'était le cas pour le défendeur,
on n'a pas le droit de s'endormir, car ce serait enfreindre la règle
fondamentale de la circulation sur les routes qui interdit de mettre en danger
son prochain. On ne peut que souscrire aux considérants des premiers juges
selon lesquels, étant données les circonstances, le défendeur aurait dû
refuser de continuer sa route s'il n'était pas sûr de pouvoir résister au
sommeil.
Enfin, il convient de constater que les parties ne sont pas en désaccord en ce
qui concerne l'évaluation du dommage matériel par la cour neuchâteloise.
Il reste dès lors à examiner les questions de la faute concomitante et de la
réparation du tort moral.
2.- L'arrêt Zwald contre Brugger, du 6 octobre 1931 (RO 57 II p. 469),
confirmant la jurisprudence antérieure,

Seite: 139
pose en principe que celui qui a donné lieu à une course dangereuse doit
supporter au moins une partie du dommage qui a pu en résulter. Ce principe
garde, dans une certaine mesure en tout cas, sa valeur même lorsque la victime
n'a pas poussé le chauffeur à commettre une imprudence, soit à entreprendre,
soit à continuer la course dans des conditions dangereuses (ébriété, excès de
vitesse, surmenage, etc.), mais qu'elle a consenti à faire la course dans des
circonstances dont elle devait reconnaître les risques. Dans le cas
particulier, le défendeur n'a pas été incité par Ed. Sydler à reprendre le
volant malgré sa fatigue. Il l'a fait de son propre chef pour rendre service à
ses compagnons de route. Et il s'est endormi de lui-même, sans que ceux-ci y
aient contribué, en le pressant, par ex., de prendre des boissons alcooliques.
Ces considérations suffisent pour faire rejeter le recours du défendeur. Les
faits ne justifient point, en tout état de cause, une augmentation de la part
de responsabilité mise à la charge des demandeurs par le jugement attaqué. Ils
militeraient plutôt en faveur d'une réduction de cette responsabilité.
Cependant, tout bien considéré, la répartition opérée par la cour cantonale
apparaît équitable et adaptée aux circonstances particulières du cas concret.
A cet égard, il convient de relever notamment que le défendeur, prévoyant sa
fatigue, avait d'avance prié Dubey de conduire pendant une partie du trajet de
retour et qu'il s'est vu dans le cas de rester au volant parce que son
remplaçant était indisposé. Et c'est non seulement pour rentrer lui-même à
Auvernier, mais aussi pour permettre aux autres occupants de la voiture de
coucher chez eux qu'il a poursuivi sa route. Le juge du fait constate que tous
étaient pressés de regagner leur maison et que personne ne s'est opposé à la
continuation de la course, bien qu'il eût été «convenu» que Dubey relayerait
Sydler. Il y a eu un accord tacite. Chacun a accepté une part du risque accru
dont il pouvait se rendre compte. Il a commis une imprudence qui, en vertu de
l'art. 44
SR 220 Erste Abteilung: Allgemeine Bestimmungen Erster Titel: Die Entstehung der Obligationen Erster Abschnitt: Die Entstehung durch Vertrag
OR Art. 44 - 1 Hat der Geschädigte in die schädigende Handlung eingewilligt, oder haben Umstände, für die er einstehen muss, auf die Entstehung oder Verschlimmerung des Schadens eingewirkt oder die Stellung des Ersatzpflichtigen sonst erschwert, so kann der Richter die Ersatzpflicht ermässigen oder gänzlich von ihr entbinden.
1    Hat der Geschädigte in die schädigende Handlung eingewilligt, oder haben Umstände, für die er einstehen muss, auf die Entstehung oder Verschlimmerung des Schadens eingewirkt oder die Stellung des Ersatzpflichtigen sonst erschwert, so kann der Richter die Ersatzpflicht ermässigen oder gänzlich von ihr entbinden.
2    Würde ein Ersatzpflichtiger, der den Schaden weder absichtlich noch grobfahrlässig verursacht hat, durch Leistung des Ersatzes in eine Notlage versetzt, so kann der Richter auch aus diesem Grunde die Ersatzpflicht ermässigen.
CO, est de nature à

Seite: 140
diminuer la responsabilité du défendeur dans la proportion admise par le
Tribunal neuchâtelois.
3.- Les circonstances de la cause ne justifient pas l'allocation d'une
indemnité pour tort moral. Il y a lieu d'observer qu'il s'agit d'une course de
complaisance, que la faute du défendeur n'est pas lourde en soi, encore
qu'elle ait eu des conséquences très graves, qu'il y a eu accord unanime à
courir les risques augmentés par l'indisposition du remplaçant du défendeur,
que celui-ci a continué de conduire, malgré sa fatigue, en grande partie pour
obliger son frère et ses amis. Il serait dès lors excessif de condamner le
défendeur à payer, outre les 35000 fr. de dommages-intérêts, une somme pour le
tort moral; cette indemnité a un caractère supplémentaire et exceptionnel;
elle doit trouver sa justification dans des circonstances «particulières»
(art. 47
SR 220 Erste Abteilung: Allgemeine Bestimmungen Erster Titel: Die Entstehung der Obligationen Erster Abschnitt: Die Entstehung durch Vertrag
OR Art. 47 - Bei Tötung eines Menschen oder Körperverletzung kann der Richter unter Würdigung der besonderen Umstände dem Verletzten oder den Angehörigen des Getöteten eine angemessene Geldsumme als Genugtuung zusprechen.
CO) qui n'apparaissent pas comme réalisées en l'espèce.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral
rejette les deux recours et confirme le jugement attaqué.