S. 588 / Nr. 97 Versicherungsvertrag (f)

BGE 57 II 588

97. Arrêt de la Ie Section civile du 1er octobre 1931 dans la cause G. contre
l'Assurance générale des Eaux et Accidents, S. A.


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Regeste:
Assurance de la responsabilité civile. Clause interdisant à l'assuré (sous
peine de déchéance de tous ses droits) de reconnaître ses obligations à
l'égard du tiers lésé ou de transiger avec lui. Cette clause est immorale, et
par conséquent nulle, mais dans la mesure seulement où elle impose à l'assuré
l'obligation de s'abstenir de reconnaître sa responsabilité (et de s'engager
en conséquence), alors même que cette abstention serait contraire aux règles
de la bonne foi.

A. - Le 8 juin 1928, vers 1 heure du matin, une collision s'est produite, dans
les rues de Genève, entre une automobile conduite par Wladimir G. et une
motocyclette montée par Jules Lizistorf, agent de la Sécuritas, né en 1886.
Lizistorf fut grièvement blessé et expira le lendemain...
Une information pénale ayant été ouverte contre G., des rapports de police
très complets furent versés au dossier de l'enquête. Le juge d'instruction
entendit plusieurs témoins.
Renvoyé devant la Cour de Justice correctionnelle G. a été condamné à six mois
d'emprisonnement et à 500 francs d'amende pour homicide par imprudence.
B. - Le 11 juin 1931, la veuve de Jules Lizistorf avait déclaré intervenir
dans l'information ouverte contre G. et se porter partie civile. Peu après,
elle lui intenta une action en dommages-intérêts, en concluant au paiement
d'une somme globale d'environ 63.000 francs.

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Le 8 août 1928, soit le jour où l'inculpé devait comparaître en
correctionnelle, Dame Lizistorf et lui signèrent la convention ci-après:
«1. - M. W. G. reconnaît devoir à titre de transaction à Mme Lizistorf la
somme de 52500 fr. pour les causes de l'accident mortel survenu à son mari le
8 juin 1928...
2.-Moyennant le règlement complet de la somme précitée de cinquante-deux mille
cinq cents francs (52 500 francs), Mme Vve Lizistorf... renonce à toute autre
réclamation et retire la plainte pénale déposée pour homicide par imprudence
et sa constitution de partie civile.»
G. versa deux acomptes de 10000 et de 12500 francs à Dame Lizistorf, et
celle-ci retira les conclusions qu'elle avait prises contre lui...
C. - En sa qualité d'automobiliste, G. était assuré contre les conséquences de
la responsabilité civile auprès de l'Assurance générale des Eaux et Accidents,
à Lyon (Agence de Genève) (Police No 2029).
L'art. 9 al. 3 des conditions générales de cette assurance a la teneur
suivante:
«La compagnie se réserve le droit de transiger avec la partie lésée, au nom de
l'assuré; elle sera déchargée de toute garantie en cas de transaction faite
sans son autorisation, ou en cas de reconnaissance ou acceptation de
responsabilité par l'assuré ou ceux dont il est responsable»...
Lorsque G. eut conclu la convention du 8 août 1928, reproduite sous lettre B.
ci-dessus, l'Assurance générale des Eaux et Accidents refusa sa garantie, en
invoquant l'art. 9 al. 3 précité...
D. - G. lui a alors ouvert action en concluant au paiement de la somme assurée
(30000 fr.)...
E. - ....
F. - Partiellement admise en première instance, la demande a été complètement
rejetée par la Cour d'appel de Genève (Cour de Justice civile) dans un arrêt
du 15 mai 1931...

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G. - Par acte déposé en temps utile, G. a recouru en réforme contre ce
jugement, en reprenant ses conclusions et ses moyens de première instance.
H. - L'intimée a conclu au rejet du recours.
Statuant sur ces faits et considérant en droit:
1. - L'assurance de responsabilité a pour but de couvrir l'assuré contre une
diminution de patrimoine résultant du fait qu'il peut être légalement tenu de
réparer un préjudice causé à autrui. Dans cette assurance, l'obligation de
l'assureur est donc subordonnée à l'existence d'un dommage frappant un tiers
et d'une responsabilité qui en découle à la charge de l'assuré.
En vertu du principe général de l'art. 8 CCS, l'assureur peut exiger de son
cocontractant qu'il établisse que ces deux conditions sont réalisées in casu.
Généralement cette preuve n'offre aucune difficulté pour l'assuré, car elle
incombe déjà au tiers lésé dans sa réclamation contre lui. Lorsque la
compagnie est au courant de cette réclamation, et que l'assuré se laisse
dicter par elle la façon dont il doit y répondre, ladite preuve est, en
général, automatiquement administrée à l'égard de l'assureur, grâce aux moyens
produits par le lésé lui-même, à condition, bien entendu, que ces moyens
soient déterminants.
Il en est autrement lorsque l'assuré a tenu l'assureur à l'écart de ses
négociations avec le lésé. Dans cette hypothèse, s'il a reconnu sa
responsabilité, ou s'il est convenu avec la victime d'une certaine somme de
dommages-intérêts, cette convention est, pour la compagnie d'assurance, une
res inter alios acta; elle ne la lie pas, et les engagements assumés de ce
fait ne seront couverts par l'indemnité d'assurance que si et dans la mesure
où ils correspondent à une obligation de réparer découlant, pour l'assuré, des
circonstances de l'accident, dûment établies et objectivement appréciées,
conformément aux dispositions légales. En d'autres termes, les preuves n'ayant
pas été administrées contre l'assureur, l'assuré doit reprendre,

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à l'égard de ce dernier, toute la démonstration de sa responsabilité envers le
tiers.
2. - Mais si les arrangements conclus entre l'assuré et la victime ne sont pas
opposables à l'assureur, d'après les principes généraux du droit commun, ils
n'en peuvent pas moins lui être préjudiciables en fait. Même en dehors des cas
de collusion toujours possibles, il ne saurait être indifférent à une
compagnie d'assurance que, par ignorance, négligence ou excès de scrupule,
l'assuré se soit reconnu débiteur d'une indemnité indue ou exagérée. En effet,
dans l'appréciation de la question délicate de la responsabilité (notamment de
la responsabilité aquilienne), l'attitude de la personne prétendue responsable
joue en pratique un rôle considérable. Quand il s'agit de trancher - dans un
procès avec l'assureur - la question de la faute de l'assuré envers un tiers,
il est clair que le juge sera plus enclin à se prononcer pour l'affirmative,
si l'intéressé lui-même a avoué cette faute lorsqu'elle était alléguée contre
lui par la victime. Inversément, la situation de la compagnie sera, en fait,
plus favorable, si le débat se déroule entre le lésé et l'assuré assisté par
elle, que s'il a lieu entre elle et l'assuré, le lésé ayant passé du rôle de
demandeur à celui de témoin (GERHARD u. a. Kommentar z. d. R. G. über den V.
V., p. 609). Dans tous les cas douteux, l'assureur a donc incontestablement
intérêt à ce que la question de la responsabilité n'ait pas encore été
tranchée entre le tiers et l'assuré, au moment où elle se pose entre lui et ce
dernier.
C'est la raison pour laquelle les compagnies s'efforcent en général d'empêcher
l'assuré de débattre tout seul cette question avec le tiers et vont même
jusqu'à lui interdire, sous peine de déchéance, de reconnaître sa
responsabilité ou de transiger à ce sujet sans leur en avoir référé. A ces
fins, l'Assurance générale des Eaux et Accidents a inséré dans ses conditions
générales l'art. 9 al. 3 dont le texte a été reproduit sous lettre C. de
l'état de fait ci-dessus.

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3. - Comme toute clause prévoyant une sanction pour le cas où le preneur
d'assurance ou l'ayant droit violerait une de ses obligations (Obliegenheit),
l'art. 9 al. 3
SR 221.229.1 Loi fédérale du 2 avril 1908 sur le contrat d'assurance (Loi sur le contrat d'assurance, LCA) - Loi sur le contrat d'assurance
LCA Art. 9 - 1 Lorsqu'une couverture provisoire a été convenue, la possibilité de déterminer les risques assurés et l'étendue de la protection d'assurance provisoire suffit à justifier l'obligation de prestation. L'obligation d'information de l'entreprise d'assurance est réduite en conséquence.
1    Lorsqu'une couverture provisoire a été convenue, la possibilité de déterminer les risques assurés et l'étendue de la protection d'assurance provisoire suffit à justifier l'obligation de prestation. L'obligation d'information de l'entreprise d'assurance est réduite en conséquence.
2    Une prime est due si elle a été convenue ou si elle est usuelle.
3    Si la couverture provisoire n'est pas limitée dans le temps, elle peut être résiliée en tout temps moyennant un délai de quatorze jours. Elle prend fin en tout cas lors de la conclusion d'un contrat définitif avec l'entreprise d'assurance concernée ou une autre entreprise d'assurance.
4    L'entreprise d'assurance doit confirmer par écrit les couvertures provisoires.
des conditions générales est subordonné à l'art. 45
SR 221.229.1 Loi fédérale du 2 avril 1908 sur le contrat d'assurance (Loi sur le contrat d'assurance, LCA) - Loi sur le contrat d'assurance
LCA Art. 45 - 1 Lorsqu'une sanction a été stipulée pour le cas où le preneur d'assurance ou l'ayant droit violerait l'une de ses obligations, cette sanction n'est pas encourue dans les cas suivants:
1    Lorsqu'une sanction a été stipulée pour le cas où le preneur d'assurance ou l'ayant droit violerait l'une de ses obligations, cette sanction n'est pas encourue dans les cas suivants:
a  il résulte des circonstances que la violation n'est pas imputable au preneur d'assurance ou à l'ayant droit;
b  le preneur d'assurance apporte la preuve que la violation n'a pas eu d'incidence sur le sinistre et sur l'étendue des prestations dues par l'entreprise d'assurance.85
2    L'insolvabilité du débiteur de la prime n'excuse pas le retard dans le paiement de celle-ci.
3    Lorsque le contrat ou la loi fait dépendre de l'observation d'un délai un droit qui découle de l'assurance, le preneur ou l'ayant droit qui est en demeure sans faute de sa part peut, aussitôt l'empêchement disparu, accomplir l'acte retardé.
LCA. Aux
termes de cette disposition légale, la sanction n'est pas encourue lorsqu'il
résulte des circonstances qu'en violant son obligation, l'assuré n'a commis
aucune faute. En l'espèce, si l'on admet la validité de la clause susdite, il
paraît difficile de nier que G. ait commis une faute à l'égard de l'assureur
en transigeant avec Dame Lizistorf, alors que l'agent de la compagnie l'avait
formellement averti qu'il s'exposerait, ce faisant, à perdre tous ses droits.
D'autre part, si un assuré qui a violé une clause analogue à celle de l'art. 9
al. 3 des conditions générales de la compagnie peut, le cas échéant, échapper
à la sanction, en prouvant qu'aucune faute ne lui est imputable, il ne lui est
pas permis de faire valoir n'importe quelle autre excuse. Contrairement à ce
que le Tribunal fédéral a jugé dans un arrêt antérieur à la loi sur le contrat
d'assurance (RO. 33. II. 78; R. B. A., II., No 138), l'assuré ne peut
notamment alléguer qu'en violant cette clause il n'a pas nui, en fait, à
l'assureur. Si le législateur avait voulu lui réserver cette exception il
l'aurait dit expressément, comme il l'a fait à propos d'autres cas de
déchéance (voir notamment art. 29
SR 221.229.1 Loi fédérale du 2 avril 1908 sur le contrat d'assurance (Loi sur le contrat d'assurance, LCA) - Loi sur le contrat d'assurance
LCA Art. 29 - 1 L'art. 28 de la présente loi ne s'applique pas aux conventions par lesquelles le preneur d'assurance se charge d'obligations déterminées en vue d'atténuer le risque ou d'en empêcher l'aggravation.
1    L'art. 28 de la présente loi ne s'applique pas aux conventions par lesquelles le preneur d'assurance se charge d'obligations déterminées en vue d'atténuer le risque ou d'en empêcher l'aggravation.
2    Si le preneur contrevient à ces obligations, l'entreprise d'assurance ne peut pas se prévaloir de la clause qui la libère du contrat lorsque la contravention n'a pas exercé d'influence sur le sinistre ou sur l'étendue des prestations incombant à l'entreprise d'assurance.
LCA: violation de certaines obligations
imposées en vue d'atténuer le risque). D'après OSTERTAG (n. 5 ad art. 29),
cette dernière disposition devrait être appliquée par analogie à la clause
dont il s'agit présentement. Mais le Tribunal fédéral ne saurait partager
cette opinion, car l'art. 29
SR 221.229.1 Loi fédérale du 2 avril 1908 sur le contrat d'assurance (Loi sur le contrat d'assurance, LCA) - Loi sur le contrat d'assurance
LCA Art. 29 - 1 L'art. 28 de la présente loi ne s'applique pas aux conventions par lesquelles le preneur d'assurance se charge d'obligations déterminées en vue d'atténuer le risque ou d'en empêcher l'aggravation.
1    L'art. 28 de la présente loi ne s'applique pas aux conventions par lesquelles le preneur d'assurance se charge d'obligations déterminées en vue d'atténuer le risque ou d'en empêcher l'aggravation.
2    Si le preneur contrevient à ces obligations, l'entreprise d'assurance ne peut pas se prévaloir de la clause qui la libère du contrat lorsque la contravention n'a pas exercé d'influence sur le sinistre ou sur l'étendue des prestations incombant à l'entreprise d'assurance.
est une disposition spéciale, dont il n'est pas
possible d'induire un motif d'excuse tout à fait général comme celui que
prévoit l'art. 45
SR 221.229.1 Loi fédérale du 2 avril 1908 sur le contrat d'assurance (Loi sur le contrat d'assurance, LCA) - Loi sur le contrat d'assurance
LCA Art. 45 - 1 Lorsqu'une sanction a été stipulée pour le cas où le preneur d'assurance ou l'ayant droit violerait l'une de ses obligations, cette sanction n'est pas encourue dans les cas suivants:
1    Lorsqu'une sanction a été stipulée pour le cas où le preneur d'assurance ou l'ayant droit violerait l'une de ses obligations, cette sanction n'est pas encourue dans les cas suivants:
a  il résulte des circonstances que la violation n'est pas imputable au preneur d'assurance ou à l'ayant droit;
b  le preneur d'assurance apporte la preuve que la violation n'a pas eu d'incidence sur le sinistre et sur l'étendue des prestations dues par l'entreprise d'assurance.85
2    L'insolvabilité du débiteur de la prime n'excuse pas le retard dans le paiement de celle-ci.
3    Lorsque le contrat ou la loi fait dépendre de l'observation d'un délai un droit qui découle de l'assurance, le preneur ou l'ayant droit qui est en demeure sans faute de sa part peut, aussitôt l'empêchement disparu, accomplir l'acte retardé.
LCA.
4. - Mais on peut se demander si la clause qui prévoit l'interdiction de
reconnaître sa responsabilité n'implique pas une atteinte si grave à la
liberté personnelle de l'assuré

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qu'elle devrait être considérée comme contraire aux bonnes moeurs.
Pour répondre à cette question, il ne faut pas perdre de vue l'intérêt des
assureurs et les raisons qui les ont amenés à prévoir cette interdiction,
raisons qui viennent d être exposées (consid. 2) et qui reposent sur des
considérations incontestablement pratiques. D'autre part, dans bien des cas,
la clause d'interdiction n'impose pas à l'assuré une obligation contre
laquelle sa conscience ait à s'insurger. S'abstenir de reconnaître sa
responsabilité toutes les fois qu'elle n'est pas évidente et dans la mesure où
les prétentions du lésé peuvent être exagérées, ce n'est pas une attitude
immorale; c'est le fait d'un homme raisonnable, qui ne laisse pas exploiter
contre lui le dommage dont il pourrait avoir à répondre, ou qui estime devoir
abandonner à un juge impartial la solution des questions que soulèvent
lesdites prétentions.
Dans cette mesure, l'assureur peut légitimement imposer à l'assuré un devoir
d'abstention. Dans cette mesure également, la clause précitée est licite et
pourra être opposée à celui qui a reconnu sa responsabilité ou qui a transigé
avec le lésé pour une raison ou pour une autre (sous réserve de l'art. 45
SR 221.229.1 Loi fédérale du 2 avril 1908 sur le contrat d'assurance (Loi sur le contrat d'assurance, LCA) - Loi sur le contrat d'assurance
LCA Art. 45 - 1 Lorsqu'une sanction a été stipulée pour le cas où le preneur d'assurance ou l'ayant droit violerait l'une de ses obligations, cette sanction n'est pas encourue dans les cas suivants:
1    Lorsqu'une sanction a été stipulée pour le cas où le preneur d'assurance ou l'ayant droit violerait l'une de ses obligations, cette sanction n'est pas encourue dans les cas suivants:
a  il résulte des circonstances que la violation n'est pas imputable au preneur d'assurance ou à l'ayant droit;
b  le preneur d'assurance apporte la preuve que la violation n'a pas eu d'incidence sur le sinistre et sur l'étendue des prestations dues par l'entreprise d'assurance.85
2    L'insolvabilité du débiteur de la prime n'excuse pas le retard dans le paiement de celle-ci.
3    Lorsque le contrat ou la loi fait dépendre de l'observation d'un délai un droit qui découle de l'assurance, le preneur ou l'ayant droit qui est en demeure sans faute de sa part peut, aussitôt l'empêchement disparu, accomplir l'acte retardé.
LCA;
of. ch. 3 suprà).
Mais on ne saurait en dire autant lorsque la responsabilité de l'assuré est
évidente. En effet, un honnête homme qui se sait responsable, sans aucun doute
possible, du malheur d'autrui (et tout particulièrement d'un accident mortel),
ne saurait se défendre d'un sentiment de justice qui doit faire naître en lui
le désir de la réparation. Convaincu de ses obligations, il doit ressentir
l'impérieux devoir de les proclamer de bonne foi, sans attendre qu'elles aient
été constatées par le juge. Le contraindre à faire taire ce cri de sa
conscience, en opposant une résistance passive aux réclamations justifiées de
la victime, ce serait exiger qu'il adopte une attitude déloyale, insupportable
à un homme de bien.
C'est pourquoi plusieurs lois étrangères sur le contrat

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d'assurance prévoient que la clause d'interdiction sera nulle dans la mesure
où elle devrait avoir cet effet. Ainsi la loi allemande dispose, en son § 154
al. 2, que l'assureur ne peut se prévaloir de ladite clause lorsque, d'après
les circonstances, l'assuré ne pouvait refuser de réparer le dommage ou de
reconnaître sa responsabilité sans commettre une iniquité manifeste (offenbare
Unbilligkeit). Les lois autrichienne (§ 125 al. 2) et suédoise (§ 94) ont des
dispositions analogues. - Encore qu'elle ne soit pas expressément consacrée
par la loi fédérale sur le contrat d'assurance, cette solution s'impose aussi
en droit suisse, car elle découle du principe des art. 27 al. 2 CCS et 20 CO,
en vertu desquels un individu ne peut s'engager par contrat à commettre un
acte immoral ou à adopter une attitude contraire aux moeurs.
En résumé, l'objet d'une clause analogue à l'art. 9 al. 3 des conditions
générales de la compagnie intimée n'est pas forcément immoral et ladite clause
n'est pas forcément nulle. Elle ne l'est que si elle impose à l'assuré
l'obligation de s'abstenir de reconnaître sa responsabilité et de s'engager en
conséquence, alors même que cette abstention serait contraire aux règles de la
bonne foi. En d'autres termes, la clause devra ou ne devra pas être déclarée
nulle suivant les circonstances de l'espèce dans laquelle elle sera invoquée.
Or, pour juger si, dans un cas particulier, l'abstention de l'assuré eût été
contraire à la bonne foi, on ne peut pas se borner à constater qu'il avait un
louable désir de réparer le dommage, ni même qu'il se croyait responsable,
lorsque cette opinion ne reposait pas sur une appréciation objective des
faits. Au contraire, il faut et il suffit que cette responsabilité fût
manifeste, qu'elle fût apparue clairement à tout honnête homme, dès le moment
où les circonstances de l'événement dommageable eussent été suffisamment
élucidées pour lui permettre de se faire une opinion raisonnée (cf.
EHRENZWEIG, Die Rechtsordnung der V. V., p. 364).
Dans ces cas, d'ailleurs, une compagnie d'assurance

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bienveillante ne songerait pas à contester les obligations de son assuré et,
partant, les siennes. Dans le cours ordinaire des choses, l'assureur n'a donc
guère à redouter de se voir opposer la nullité de la clause. Aussi bien on ne
saurait admettre que cette perspective eût pu le faire renoncer à conclure le
contrat d'assurance (art. 20 al. 2
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 20 - 1 Le contrat est nul s'il a pour objet une chose impossible, illicite ou contraire aux moeurs.
1    Le contrat est nul s'il a pour objet une chose impossible, illicite ou contraire aux moeurs.
2    Si le contrat n'est vicié que dans certaines de ses clauses, ces clauses sont seules frappées de nullité, à moins qu'il n'y ait lieu d'admettre que le contrat n'aurait pas été conclu sans elles.
CO).
5. - ... En l'espèce, au moment où l'assuré signa la transaction du 8 août
1928, les détails essentiels de l'accident étaient déjà élucidés grâce à
l'information pénale. Les témoins du drame avaient été entendus, et leurs
dépositions étaient, d'une façon générale, parfaitement concordantes;
l'adjoint de l'inspecteur cantonal avait procédé sur place à une expertise
sérieuse; l'inculpé lui-même avait été entendu et - malgré son désir manifeste
d'éviter une condamnation - il n'avait pu refuser de reconnaître une grande
partie des faits rapportés par les témoins. Or il ressortait nettement de
toute cette enquête que G. avait commis une faute, et que cette faute était la
cause unique ou en tout cas prépondérante de l'accident...
Dans ces conditions, il eût agi contre la bonne foi, il eût commis un acte
immoral, en ne reconnaissant pas cette responsabilité. Conformément aux
principes qui viennent d'être développés, l'assureur ne pouvait donc lui
interdire de le faire, en lui opposant l'art. 9 al. 3 des conditions générales
d'assurance...
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
I. - Le recours est partiellement admis.
II. - L'affaire est renvoyée à la Cour de Justice civile de Genève, pour
nouvelle instruction et nouveau jugement.