S. 135 / Nr. 25 Prozessrecht (f)

BGE 55 II 135

25. Arrêt dans la I re Section civile du 18 juin 1929 dans la cause Stouff
contre Fondation Béchaux-Schwartzlin et consorts.

Regeste:
Action en constatation d'un droit (Festellungsklage).
La question de la recevabilité d'une telle action est une question de
procédure régie en principe par le droit cantonal. Il n'y a d'exception que
dans les cas spéciaux où le droit civil fédéral autorise expressément ou
implicitement l'action en constatation de droit.

A. - Dans un premier procès, liquidé par jugement de la Cour d'appel de Berne,
du 10 juillet, et par arrêt du Tribunal fédéral, du 3 novembre 1926, Xavier
Stouff avait demandé que la Fondation Béchaux-Schwartzlin fût condamnée à lui
remettre une série d'actions et d'obligations, notamment quatre obligations
nominatives de la Banque hypothécaire de Bâle, portant le nom d'Auguste
Béchaux, série K Nos 2516, 2517, 2518 et 2519, valant 2500 fr. chacune par
suite de conversion.
Ces titres, qui avaient été autrefois la propriété d'Auguste Béchaux, avaient
été transférés à Louis Stouff.

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père du demandeur, puis à Xavier Stouff lui-même, qui en avait confié la
gérance à Auguste Béchaux. Dans la suite eut lieu un nouveau transfert, au nom
d'Auguste Béchaux, selon mention apposée sur les titres eux-mêmes à la date du
24 août 1917. Avant ce dernier transfert, Béchaux et sa femme avaient donné à
la Fondation qui porte leur nom une série de titres, au nombre desquels
figuraient les quatre obligations nominatives série K Nos 2516 à 2519 de la
Banque hypothécaire de Bâle.
Lors de sa revendication, le demandeur avait fait valoir entre autres que
l'endossement du 24 août 1917 au nom d'Auguste Béchaux était nul et sans
effets parce que ni la Banque ni Béchaux n'avait reçu de lui, Stouff, le
pouvoir ou le mandat d'opérer le transfert.
Dans son jugement du 10 juillet 1926, la Cour d'appel de Berne a accueilli
partiellement les conclusions de la demande, mais elle a refusé d'admettre la
revendication des quatre obligations nominatives dont il s'agit par le motif
que le demandeur n'était pas en mesure de justifier de son droit de propriété
par une suite non interrompue d'endossements descendant jusqu'à lui. Elle
ajoutait: «La présomption qui existe en faveur de Béchaux pourrait bien être
détruite, mais c'est aux héritiers de Béchaux que le demandeur devrait
s'adresser...»
Xavier Stouff n'a pas recouru au Tribunal fédéral contre ce jugement, qui a
été confirmé sur recours de la défenderesse.
B. - Par acte déposé le 30 décembre 1927, Xavier Stouff a ouvert une nouvelle
action, dirigée cette fois contre la Fondation Béchaux-Schwartzlin et contre
Auguste Schwartzlin et Jules Gnos, héritiers des époux Béchaux. Il a pris des
conclusions tendant:
1 o à faire prononcer que l'endossement (ou la mention de transfert) apposé
sur les quatre obligations nominatives de la Banque hypothécaire de Bâle,
série K Nos 2516 à 2519, au nom d'Auguste Béchaux, en date du

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24 août 1917, était nul, non avenu et sans effets à l'égard des trois
défendeurs;
2 o éventuellement, à faire déclarer judiciairement que cette mention était
nulle;
3 o à faire ordonner la suppression de ladite mention sur les titres
susmentionnés et fixer aux défendeurs un délai pour effectuer la suppression
requise.
C. - Statuant le 29 janvier 1929, la Cour d'appel du canton de Berne a déclaré
la demande de Stouff irrecevable et condamné le demandeur aux frais et dépens
de l'instance.
Les motifs de ce jugement peuvent se résumer comme suit:
Contrairement à ce que soutient le demandeur, l'action ne se caractérise pas
comme une action en rectification («Bewirkungsklage» ou «Klage auf
Rechtsänderung»), mais bien comme une action en fixation de droit
(«Feststellungsklage»), ou plus exactement comme une action tendant à faire
prononcer l'inexistence d'un fait juridique, soit la nullité de l'endossement
ou cession du 24 août 1917. Or, l'art. 174 du code bernois de procédure civile
n'admet l'action en fixation de droit ou en constat que si le demandeur a un
intérêt à ce que l'existence ou l'inexistence d'un fait juridique soit
constatée immédiatement, c'est-à-dire un intérêt légitime et essentiel. Il
faut, en d'autres termes, que le constat ait pour but de préserver le
demandeur d'un préjudice ou de supprimer un obstacle juridique l'empêchant
d'obtenir son droit. Tel n'est pas le cas en l'espèce. Il n'est pas question
actuellement de préjudice et il n'y a pas non plus d'obstacle juridique
empêchant le demandeur d'obtenir son droit, soit la possession des quatre
obligations nominatives dont il s'agit et dont il se dit propriétaire. En
effet, si l'endossement du 24 août 1917 ne remplit pas les conditions de forme
requises par la loi, il n'est pas simplement annulable, mais radicalement nul.
Il n'est donc pas nécessaire de faire constater cette nullité par

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le juge, mais il suffit de l'invoquer dans le procès en revendication des
titres, comme motif juridique à l'appui de cette revendication. Un procès
préalable à seule fin de faire constater la nullité de l'endossement est donc
superflu, puisque le constat peut avoir lieu directement dans le procès en
revendication. Il s'ensuit que le demandeur n'a aucun intérêt juridique à un
constat préalable et immédiat. Au surplus, un tel constat serait sans utilité
pour le demandeur, car, dans un nouveau procès en revendication, la
défenderesse pourrait soulever avec succès l'exception de chose jugée. En
effet. Xavier Stouff a déjà revendiqué les titres en question dans le premier
procès en faisant valoir, pour ce qui concerne l'endossement du 24 août 1917,
exactement les mêmes motifs de nullité que dans le procès actuel. Or, sa
demande a été rejetée sur ce point. La présente action n'est qu'un moyen
détourné de créer entre parties une situation en apparence nouvelle, mais qui
ne le serait point en réalité.
D. - Par acte déposé en temps utile, Xavier Stouff a interjeté un recours en
réforme au Tribunal fédéral en reprenant les conclusions de sa demande.
Considérant en droit:
1.- La nouvelle action de Xavier Stouff est indubitablement une action en
constatation d'un droit (Feststellungsklage).
Le recourant reproche à la Cour d'appel de Berne d'avoir considéré ses
dernières conclusions, tendant à faire ordonner la suppression de
l'endossement sur les titres et fixer un délai aux défendeurs pour effectuer
cette suppression, comme des conclusions subsidiaires, alors qu'elles
seraient, d'après lui, des conclusions principales conférant précisément à son
action le caractère d'une action «en rectification». Point n'est besoin
d'examiner actuellement dans quelle mesure l'action dite «en rectification» se
distingue en principe de l'action

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en constatation de droit. Il est clair en effet que les conclusions de Stouff
tendant à faire ordonner par le juge la suppression de l'endossement ne
modifient pas la nature de son action et n'en font pas une action en
rectification. S'agissant de titres nominatifs transmissibles par cession
uniquement, comme l'a relevé le Tribunal fédéral dans son arrêt du 3 novembre
1926, la mention de transfert, ou «endossement», du 24 août 1917 n'a pas de
valeur indépendante; elle n'est pas constitutive de droit et ne déploie aucun
effet vis-à-vis des tiers; en ordonnant la radiation de cet «endossement», le
juge ne procéderait donc pas à une «rectification» proprement dite. D'ailleurs
une telle mesure serait absolument superflue dans l'hypothèse où l'endossement
devrait être considéré comme nul et non avenu. Il s'ensuit que l'action de
Stouff est et demeure une pure action en constatation de droit, soit une
action ayant pour but de faire reconnaître l'inexistence de la mention de
transfert du 24 août 1917.
2.- D'après la jurisprudence, la question de la recevabilité de l'action en
constatation d'un droit (Feststellungsklage) est en principe une question de
procédure, soit une question de droit cantonal. Il n'y a d'exception que dans
les cas où le droit fédéral prévoit une telle action dans une disposition
précise du droit matériel. Lorsque le droit fédéral, qui n'édicte à cet égard
aucune règle générale dérogeant aux droits cantonaux de procédure, ne contient
pas, à propos d'un droit matériel déterminé, une disposition autorisant
l'action en constatation de droit, il appartient à la législation cantonale de
décider souverainement si et dans quelle mesure un justiciable peut recourir à
l'office du juge pour faire constater, avant toute demande de payement ou de
prestation, l'existence ou l'inexistence d'un droit (RO 45 II p. 462).
Il est vrai que dans des arrêts antérieurs, cités encore dans des arrêts plus
récents, le Tribunal fédéral avait

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exprimé un autre avis (cf. RO 42 II p. 698 et suiv.; 43 II p. 360; 49 II p.
276). Observant que l'action en constatation de droit confinait à la matière
du droit civil et que le législateur fédéral avait prévu lui-même, dans
plusieurs cas, la possibilité d'une telle action, et relevant d'autre part
qu'un règlement uniforme de la question était hautement désirable, le Tribunal
de céans avait admis qu'il s'agissait là d'une question de droit fédéral, et
non pas d'une pure question de procédure réservée à la législation cantonale.
Il n'y a pas lieu de revenir à cette ancienne jurisprudence, modifiée par
l'arrêt cité plus haut (RO 45 II p. 462), mais il faut au contraire s'en tenir
au principe énoncé dans ledit arrêt.
En effet, l'on ne saurait considérer, d'une manière générale La question de la
recevabilité de l'action en constatation de droit comme une question rentrant
dans le domaine du droit matériel. L'action en constatation de droit ne met en
discussion que l'existence d'un droit, et non les effets de l'existence ou de
l'inexistence du droit sur les rapports juridiques des parties. Le demandeur
n'y formule aucune prétention civile proprement dite, mais il se borne à
requérir l'intervention du juge, à titre préparatoire, en vue d'introduire
ultérieurement une action tendant à un payement ou à une autre prestation du
défendeur (Leistungsklage). La recevabilité d'une semblable demande est une
question de procédure; comme telle, elle est régie en principe par le droit
cantonal.
S'il est exact, d'autre part, que le législateur fédéral a édicté, dans le
droit civil, diverses prescriptions qui autorisent le justiciable à ouvrir,
dans certains cas, une action en constatation de droit (cf. entre autres art.
28 al. 1
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 28 - 1 Celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité peut agir en justice pour sa protection contre toute personne qui y participe.
1    Celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité peut agir en justice pour sa protection contre toute personne qui y participe.
2    Une atteinte est illicite, à moins qu'elle ne soit justifiée par le consentement de la victime, par un intérêt prépondérant privé ou public, ou par la loi.
, 29 al. 2
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 29 - 1 Celui dont le nom est contesté peut demander au juge la reconnaissance de son droit.
1    Celui dont le nom est contesté peut demander au juge la reconnaissance de son droit.
2    Celui qui est lésé par une usurpation de son nom peut intenter action pour la faire cesser, sans préjudice de tous dommages-intérêts en cas de faute et d'une indemnité à titre de réparation morale si cette indemnité est justifiée par la nature du tort éprouvé.
, 75
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 75 - Tout sociétaire est autorisé de par la loi à attaquer en justice, dans le mois à compter du jour où il en a eu connaissance, les décisions auxquelles il n'a pas adhéré et qui violent des dispositions légales ou statutaires.
, 121
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 121 - 1 Lorsque la présence d'enfants ou d'autres motifs importants le justifient, le juge peut attribuer à l'un des époux les droits et les obligations qui résultent du contrat de bail portant sur le logement de la famille, pour autant que cette décision puisse raisonnablement être imposée à l'autre conjoint.
1    Lorsque la présence d'enfants ou d'autres motifs importants le justifient, le juge peut attribuer à l'un des époux les droits et les obligations qui résultent du contrat de bail portant sur le logement de la famille, pour autant que cette décision puisse raisonnablement être imposée à l'autre conjoint.
2    L'époux qui n'est plus locataire répond solidairement du loyer jusqu'à l'expiration du bail ou jusqu'au terme de congé prévu par le contrat ou la loi, mais dans tous les cas pour deux ans au plus; lorsque sa responsabilité a été engagée pour le paiement du loyer, il peut compenser le montant versé avec la contribution d'entretien due à son conjoint, par acomptes limités au montant du loyer mensuel.
3    Dans les mêmes conditions, le juge peut attribuer à l'un des époux un droit d'habitation de durée limitée sur le logement de la famille qui appartient à l'autre conjoint, moyennant une indemnité équitable ou une déduction équitable de la contribution d'entretien. Lorsque des faits nouveaux importants l'exigent, le droit d'habitation est restreint ou supprimé.
et 684
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 684 - 1 Le propriétaire est tenu, dans l'exercice de son droit, spécialement dans ses travaux d'exploitation industrielle, de s'abstenir de tout excès au détriment de la propriété du voisin.
1    Le propriétaire est tenu, dans l'exercice de son droit, spécialement dans ses travaux d'exploitation industrielle, de s'abstenir de tout excès au détriment de la propriété du voisin.
2    Sont interdits en particulier la pollution de l'air, les mauvaises odeurs, le bruit, les vibrations, les rayonnements ou la privation de lumière ou d'ensoleillement qui ont un effet dommageable et qui excédent les limites de la tolérance que se doivent les voisins d'après l'usage local, la situation et la nature des immeubles.573
et suiv. CC; art. 876 al. 2
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 876 - 1 Lorsqu'un associé dont la responsabilité est restreinte ou illimitée cesse de faire partie de la société par suite de décès ou pour toute autre cause, les engagements nés antérieurement subsistent si la société est déclarée en faillite dans l'année qui suit l'inscription de la sortie sur le registre du commerce ou dans un laps de temps plus long fixé par les statuts.
1    Lorsqu'un associé dont la responsabilité est restreinte ou illimitée cesse de faire partie de la société par suite de décès ou pour toute autre cause, les engagements nés antérieurement subsistent si la société est déclarée en faillite dans l'année qui suit l'inscription de la sortie sur le registre du commerce ou dans un laps de temps plus long fixé par les statuts.
2    L'obligation d'opérer des versements supplémentaires subsiste sous les mêmes conditions et dans les mêmes délais.
3    Lorsque la société est dissoute, ses membres demeurent pareillement responsables des engagements sociaux ou tenus d'opérer des versements supplémentaires si elle est déclarée en faillite dans l'année qui suit l'inscription de la sortie sur le registre du commerce ou dans un laps de temps plus long fixé par les statuts.
CO), et s'il
est exact que ces dispositions de droit civil doivent être respectées par les
cantons, il n'est cependant pas possible d'en inférer que l'action en

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constatation de droit soit régie dans tous les cas par le droit fédéral. Ce
serait conclure du particulier au général, d'une manière inadmissible, et
empiéter sur la souveraineté des cantons. Les quelques règles insérées à ce
sujet dans le droit civil ne sont que des dérogations particulières aux droits
cantonaux de procédure, ne valant que pour les cas spécialement prévus. Le
fait que certaines raisons d'ordre pratique militeraient en faveur d'une
solution uniforme n'autorise pas le juge à faire oeuvre de législateur.
Pour ce qui est de l'espèce, il est constant que le droit civil fédéral ne
contient pas, en matière d'endossement ou de mention de transfert apposée sur
des titres nominatifs, de disposition prévoyant expressément ou implicitement
une action en constatation de droit ou une action négatoire. Il s'ensuit que
l'instance cantonale pouvait, sans violer le droit fédéral, examiner d'après
les principes de la procédure cantonale la recevabilité de l'action de Stouff
et rechercher notamment si le demandeur avait un intérêt à l'action.
Dès l'instant que cette question préjudicielle a été tranchée par la négative,
en application du droit cantonal, la voie du recours en réforme n'est pas
ouverte au recourant (art. 56 OJF).
Au surplus, les motifs du jugement attaqué ne paraissent pas critiquables. La
nullité de l'endossement pouvait être invoquée comme motif à l'appui de
l'action en revendication. Aussi bien Stouff l'a-t-il fait dans le procès
antérieur; dans une nouvelle action, il se heurterait donc à l'exception de la
chose jugée.
Il convient de relever encore qu'en parlant d'une action contre les héritiers
Béchaux, dans son premier jugement du 10 juillet 1926, la Cour d'appel n'a
évidemment pas eu en vue une nouvelle action en revendication, mais qu'elle a
voulu indiquer simplement que Stouff pourrait s'adresser éventuellement aux
dits héritiers pour demander réparation du préjudice résultant du

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fait que Béchaux aurait abusé de sa procuration; il s'agirait là d'une action
personnelle qui ne remettrait pas en cause les effets réels du transfert du 24
août 1917.
Le Tribunal fédéral prononce:
Il n'est pas entré en matière sur le recours.