S. 9 / Nr. 3 Obligationenrecht (f)

BGE 54 II 9

3. Arrêt de la I re Section civile du 18 janvier 1928 dans la cause Ramu
contre Savio.

Regeste:
Acte illicite. - Collision d'un cycliste avec une automobile. - Mort du
cycliste.
Faute prépondérante de l'automobiliste: devoir spécial d'attention et de
prudence qui incombe au conducteur d'un véhicule, lorsqu'il s'engage
momentanément - même s'il en a le droit sur la partie gauche de la chaussée
(cons. 1). Faute concomitante du cycliste: obligations imposées au conducteur
qui débouche d'une voie secondaire dans une artère principale.- Importance des
fautes de chaque partie (cons. 1).
Privation d'un «soutien» (art. 45 al. 3
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 45 - 1 En cas de mort d'homme, les dommages-intérêts comprennent les frais, notamment ceux d'inhumation.
1    En cas de mort d'homme, les dommages-intérêts comprennent les frais, notamment ceux d'inhumation.
2    Si la mort n'est pas survenue immédiatement, ils comprennent en particulier les frais de traitement, ainsi que le préjudice dérivant de l'incapacité de travail.
3    Lorsque, par suite de la mort, d'autres personnes ont été privées de leur soutien, il y a également lieu de les indemniser de cette perte.
CO). - Octroi d'une indemnité pour
tort moral, à raison de «circonstances particulières» (art. 47
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 47 - Le juge peut, en tenant compte de circonstances particulières, allouer à la victime de lésions corporelles ou, en cas de mort d'homme, à la famille une indemnité équitable à titre de réparation morale.
CO), bien que
la victime ait commis, elle aussi, une certaine faute (cons. 2).

Le 21 mai 1925 au matin, Charles Ramu, agriculteur à Satigny, rentrait de
Genève à son domicile, au volant d'une automobile Renault, type torpédo, de
11-15 C.V. Montant l'avenue de Châtelaine, il était arrivé, à 8 h. 45, près de
l'école d'horticulture et s'apprêtait à croiser une voiture de tramway. Cette
voiture occupait toute la partie droite de la chaussée. A gauche, quelques
personnes attendaient le tramway. Elles traversèrent l'avenue et s'arrêtèrent
au bord de la voie, à peu près au milieu de la route. Pour les éviter, Ramu
appuya à gauche. Il roulait, à ce moment, à environ 30 km. à l'heure.

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Au même instant, un jeune commissionnaire-boulanger, Georges Savio, parcourait
à bicyclette le chemin des Sports, voie secondaire qui, à la hauteur de
l'arrêt du tram, débouche dans l'avenue de Châtelaine, sur la gauche dans le
sens de marche de l'automobile. Savio portait une hotte et avait l'intention
de virer à droite, soit d'aller dans la direction d'où venait Ramu. L'avenue
de Châtelaine, comme le chemin des Sports, est pourvue de trottoirs, larges de
plus d'un mètre.
Au moment où Ramu arrivait à l'intersection des routes et avait déjà dépassé
l'angle des deux chemins, la bicyclette de Savio vint heurter violemment la
partie postérieure de l'automobile. Projeté en avant, Savio donna de la tête
contre les ferrures de la capote, à laquelle des débris de chair et de sang
restèrent attachés. Il tomba, fut relevé par des passants et conduit à
l'hôpital, mais il expira neanmoins, quelques heures plus tard, des suites de
ses blessures. Ramu, qui, d'abord, n'avait point aperçu le cycliste, se
retourna au bruit du choc et vit distinctement le blessé étendu sur le sol. Il
n'en continua, pas moins sa route, mais fut retrouvé, le jour-même, à son
domicile. Traduit devant la Cour correctionnelle, sous l'inculpation
d'homicide par imprudence, Ramu fut condamné, le 25 septembre 1925, à un mois
de prison, 300 fr. d'amende et aux frais. Le bénéfice du sursis lui fut
refusé, vu son attitude après l'accident.
Par exploit du 15 octobre 1925, les époux Savio ont assigné Ramu en paiement
d'une indemnité de 20000 fr., portant intérêts à 5% dès le 21 mai 1925. Ils
ont allégué, en substance, que le défendeur était seul responsable de
l'accident, et fait valoir que la mort de leur fils les privait d'un soutien
futur. Ramu a contesté le principe même de son obligation, et,
subsidiairement, le chiffre des dommages-intérêts.
Apres avoir ordonné l'apport du dossier pénal et procédé à des enquêtes, le
Tribunal de première instance de Genève a, par jugement du 31 mars 1927,
condamné

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Ramu à payer aux demandeurs la somme de 4272 fr. 30, avec intérêts à 5% dès le
21 mai 1925. Les dépens ont été compensés.
La partie demanderesse a appelé de ce jugement. Le défendeur a, de son cote,
fait appel incident. Tous deux ont repris leurs moyens et conclusions de
première instance.
Statuant le 11 octobre 1927, la Cour de Justice civile du canton de Genève a
reformé le premier jugement et fixé à 3253 fr. 50 l'indemnité due aux époux
Savio. La Cour a mis les dépens du Tribunal à la charge de Ramu jusqu'à
concurrence de 404 fr. 15, et compensé les dépens d'appel. Le jugement est, en
substance, motivé comme suit:
Si, pour devancer le groupe de piétons qui stationnaient devant lui, Ramu
était incontestablement en droit d'emprunter pour un moment la gauche de la
chaussée, il pouvait et devait se rendre compte que cette manoeuvre présentait
un certain danger pour les personnes ou véhicules débouchant d'une propriété
ou d'un chemin latéral. Il avait donc le devoir de prendre les mesures de
précaution suivantes: 1º ralentir son allure, de façon à pouvoir stopper sur
place; 2° donner des signaux d'avertissement; 3º être très attentif à tout ce
qui pouvait déboucher sur sa gauche. Les photographies des lieux, les rapport
et déposition de l'expert Nerbollier et les constatations du Tribunal, lors de
son transport sur place, établissent qu'a l'intersection des chemins, la
visibilité est suffisante pour permettre de s'apercevoir à temps et d'éviter
une collision. Or Ramu a omis de prendre les mesures de précaution indiquées
ci-dessus. Il a donc commis une faute, faute qui, sans aucun doute, constitue
une des causes de l'accident.
Mais Savio a, lui aussi, commis une imprudence. Le chemin des Sports est, en
effet, une voie secondaire par rapport à l'avenue de Châtelaine. D'après le
règlement de 1917 sur la circulation, en vertu de la

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jurisprudence et conformément aux principes de la sécurité publique, Savio
devait donc modérer son allure, faire fonctionner son timbre et ne s'engager
dans l'artère principale qu'après s'être assuré qu'elle était libre. Or il a
négligé ces mesures de précaution. On doit admettre que Savio roulait trop
vite au moment où il abordait le tournant. D'autre part, les témoins sont
unanimes à dire que le cycliste n'a donné aucun signal d'avertissement. Quant
aux conditions de visibilité, elles eussent permis à Savio de s'arrêter ou de
passer entre l'auto et le coin du trottoir, s'il avait été attentif et avait
roulé à l'allure réduite que commandaient les circonstances. Les fautes
commises de part et d'autre sont d'égale gravité. Le Tribunal a donc sainement
apprécié les faits en condamnant le défendeur à réparer le 50% du dommage.
Agé de 15 ans lors de l'accident, le jeune Savio aurait pu, dès 1928, gagner
comme ouvrier boulanger 120 fr. par mois, nourri et logé. Quelques années plus
tard, il serait arrivé à 370 fr. tout compris. A partir de 1933, les parents
Savio se verront obligés de recourir à l'aide de leurs enfants. Il y a lieu
d'admettre que Georges Savio aurait, dès cette époque, dû verser à ses parents
une contribution mensuelle de 50 fr. Le capital nécessaire pour obtenir une
rente de cette valeur s'élève, d'après les tables de Piccard, à 5094 fr.,
somme dont Ramu doit payer le 50%, soit 2547 fr. Il n'y a pas lieu d'en
déduire l'escompte jusqu'en 1933, car Georges Savio, bon fils et bon
travailleur, aurait probablement remis aux siens, dès 1928, tout ou partie de
son salaire. Or ces subsides correspondent à peu près à l'avantage que
constitue, pour les demandeurs, le fait de recevoir, dès maintenant, un
capital auquel ils n'auraient eu droit qu'en 1933. A la somme de 2547 fr.
ainsi fixée, il y a lieu d'ajouter 206 fr. 50, soit la moitié des frais
funéraires, et 500 fr. pour obligation de plaider. Par contre, les parents
Savio ne sont point en droit de

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réclamer une indemnité pour tort moral, la faute de la victime étant égale à
celle de l'auteur de l'accident.
Les époux Savio ont recouru au Tribunal fédéral, en reprenant leurs moyens et
conclusions de première instance et d'appel. Charles Ramu s'est joint au
pourvoi de sa partie adverse; il demande le rejet de l'action.
Considérant en droit:
1.- Les deux parties attaquent la décision de l'instance cantonale, tant en ce
qui concerne l'attribution des responsabilités que le calcul du dommage. La
première question à examiner est donc celle de savoir si la conduite de Ramu
revêt le caractère d'une faute civile et si elle constitue une des causes de
la mort du jeune Savio.
Les principes essentiels relatifs à la circulation des véhicules aux
bifurcations et croisements de routes sont contenus, à Genève, aux art. 44 et
46 du Règlement général sur la sécurité et la circulation publiques, du 1er
juin 1917, articles ainsi conçus:
«44.- Le conducteur d'un véhicule quelconque désirant sortir d'un chemin
latéral, d'une rue ou d'une propriété, devra s'assurer que la voie principale
est libre et prendre une allure très modérée pour s'y engager. Les
automobiles, motos, cycles, feront en outre fonctionner leur signal
d'avertissement à chaque tournant.»
«46.- Lorsque deux voitures se présentent simultanément pour franchir un
croisement de routes, l'ordre de passage se règle comme suit:
La priorité est accordée à la voiture suivant la voie principale. Le
conducteur sortant de la voie secondaire doit ralentir et ne reprendre sa
marche qu'après s être assuré qu'il ne risque pas de collision avec la voiture
à croiser.
Dans le croisement de voies d'égale largeur, tout conducteur doit ralentir
sensiblement et céder le pas au véhicule qui vient vers sa droite.»
Les tribunaux civils genevois (Semaine judiciaire,

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1919 p. 330; 1921 p. 443; 1923 p. 546) ont, à plusieurs reprises, sanctionné
la disposition de l'art. 44, et le Tribunal fédéral l'usage qu'elle exprime,
usage dont il a constaté et approuvé la généralisation (Journal des Tribunaux,
1927, p. 237/8). C'est donc au véhicule qui emprunte la voie principale
qu'appartient la priorité, les conducteurs venant de rues secondaires étant
tenus de ralentir leur allure, de signaler leur présence et de ne s'engager
dans l'artère maîtresse qu'avec circonspection, après s être assurés - par la
vue et par l'ouïe - qu'elle est bien libre. L'avenue de Châtelaine étant, sans
aucun doute, plus importante, plus large et plus fréquentée que le chemin des
Sports, aucune faute ne peut être relevée à la charge de Ramu aussi longtemps
qu'il roulait sur la partie droite de la route, à l'allure d'environ 30 km. à
l'heure, admise dans ce rayon. Il n'était, notamment, point obligé de donner
des signaux en arrivant à la hauteur de voies secondaires, débouchant sur sa
droite. En effet, l'automobiliste qui suit, à la place qui lui est réservée,
une grande route, est fondé à admettre qu'aucun véhicule débouchant sur sa
droite ne viendra lui couper brusquement le chemin (Semaine judiciaire, 1921
p. 444/5, et 1923 p. 546 in fine).
Comme les experts l'ont reconnu, le défendeur était également en droit
d'appuyer sur sa gauche pour laisser passer le tram. L'art. 47 al. 1 du
règlement genevois précité dispose que les conducteurs de véhicules conservent
leur droite sur les routes, rues et ponts où la voie du tram occupe le milieu
de la chaussée. Or les photographies démontrent qu'à cet endroit, les rails se
trouvent, non dans l'axe de la route, mais sur la partie droite de celle-ci
(dans le sens de marche de Ramu) et qu'ils ne ménagent pas d'espace suffisant
pour permettre aux automobiles de croiser à droite. Le défendeur devait donc
nécessairement céder la place au tramway et prendre la gauche jusqu'après le
croisement. Il n'avait, enfin, pas l'obligation de s'arrêter pour laisser
descendre et

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monter les voyageurs (art. 47 al. 2 ibid.), le tram étant encore éloigné de
plusieurs dizaines de mètres au moment où Ramu obliquait.
Mais la manoeuvre consistant à croiser à gauche - pour licite qu'elle fût -
modifiait du tout au tout la situation et exposait à un danger grave les
conducteurs de vehicules débouchant sur la partie de la grand'route que devait
momentanément occuper Ramu. Le jeune Savio, en particulier, parcourait, à
l'instant critique, le chemin des Sports, lequel, comme il a été dit plus
haut, aboutit à l'avenue de Châtelaine à peu près en face de l'école
d'horticulture. Il lui appartenait, en vertu des principes qui viennent d être
rappelés, de déboucher avec précaution de la voie secondaire sur l'artère
principale. Mais son attention devait se porter avant tout sur les véhicules
allant dans le sens Châtelaine-Genève, c'est-à-dire arrivant sur sa gauche.
Comme tout conducteur doit tenir sa droite, le coté dangereux, pour celui qui
débouche, est, en effet, sa propre gauche (v. Semaine judiciaire, 1921 p.
443). Savio était donc en droit d'admettre (ou, tout au moins, de considérer
comme probable) qu'aucun obstacle ne se trouvait à sa droite, dans la partie
de l'avenue de Châtelaine réservée aux véhicules allant, comme lui, vers
Genève (cf. Sem. jud. 1923 p. 546 in fine). Le trafic moderne exige qu'a
chaque conducteur soit assignée une zone dans laquelle il se sente en
sécurité, zone sur laquelle les autres véhicules ne doivent pas empiéter sans
raisons majeures. Or le Tribunal fédéral a posé en règle générale que celui
qui, pour un motif ou un autre, emprunte la voie normalement réservée aux
autres usagers de la route, porte la responsabilité principale des accidents
survenus de ce fait, à moins qu'il ne se soit trouvé, sans sa faute, dans
l'impossibilité de faire place en temps voulu à l'autre véhicule (RO 52 II p.
389). En s'engageant sur la partie gauche - ou sud - de l'avenue de
Châtelaine, Ramu occupait donc une zone que les autos, chars ou bicyclettes

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venant de Châtelaine et des chemins latéraux étaient fondés à croire libre.
Les rôles étant renversés, c'est, dès lors, plus particulièrement à lui qu'il
appartenait (bien que circulant sur la route principale) de veiller aux
obstacles, notamment aux personnes stationnant sur la chaussée et aux
véhicules susceptibles, à tout instant, de déboucher des rues secondaires. Or,
préoccupé par le groupe de piétons, Ramu, d'après l'instance cantonale, a omis
de faire fonctionner sa trompe, de ralentir encore et de prêter une attention
suffisante au débouché des voies latérales. Aussi bien, malgré les
circonstances locales favorables, n'a-t-il aperçu le cycliste qu'après la
collision.
Le devoir spécial de prudence qui incombait, à ce moment, à Ramu - devoir qui
s'impose aussi à celui qui dépasse, à gauche, un autre véhicule - n'exonérait
cependant pas le cycliste des mesures de précaution prescrites par l'art. 44
du règlement genevois. Arrivant d'un chemin latéral dans une avenue plus
importante, Savio devait, comme l'a constaté à bon droit la Cour de Justice,
modérer également son allure, se servir du signal acoustique et, avant de
s'engager dans le virage, contrôler si sa route était bien libre. Savio a
certainement, lui aussi, fait preuve d'inattention; preuve en est qu'il n'a
pas réussi à arrêter sa légère bicyclette ni à passer dans l'espace libre
entre le trottoir et l'obstacle, et qu'il est venu donner violemment de la
tête contre l'arrière de l'automobile. Mais on doit admettre qu'entre la
personne qui roule dans une direction qu'elle est fondée à croire libre, et
celui qui, consciemment, occupe une partie de la route assignée à d'autres
véhicules, c'est au dernier qu'incombe le devoir essentiel d'attention et de
prudence. Sans doute, l'accident du 21 mai 1925 est dù, également, pour une
part, à la fatalité; il y aura donc lieu, avant toutes choses, d'opérer, de ce
chef, une déduction sur le montant total du dommage. Mais, sous cette réserve,
le Tribunal fédéral ne saurait,

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au vu de ce qui a été dit, considérer les fautes des deux parties comme
d'égale importance.
2.- La Cour de Justice a admis que, dès 1933, George Savio aurait contribué,
chaque mois, à l'entretien de ses père et mère par le versement d'une somme de
50 fr., et qu'à partir de l'année 1928 déjà, il leur aurait remis tout ou
partie de son gain. N'étant point contraire aux pièces du dossier et ne
reposant pas sur une appréciation des preuves contraire aux dispositions
légales fédérales, cette constatation de fait lie, dès lors, l'instance de
recours. Il est inutile, d'autre part, pour l'application de l'art. 45 al. 3
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 45 - 1 En cas de mort d'homme, les dommages-intérêts comprennent les frais, notamment ceux d'inhumation.
1    En cas de mort d'homme, les dommages-intérêts comprennent les frais, notamment ceux d'inhumation.
2    Si la mort n'est pas survenue immédiatement, ils comprennent en particulier les frais de traitement, ainsi que le préjudice dérivant de l'incapacité de travail.
3    Lorsque, par suite de la mort, d'autres personnes ont été privées de leur soutien, il y a également lieu de les indemniser de cette perte.

CO, de rechercher à partir de quelle époque Georges Savio eût été légalement
tenu à des aliments vis-à-vis de ses auteurs. Comme le Tribunal fédéral l'a
jugé, le 22 février 1927 (RO 53 II p. 5V, la notion de «soutien» de l'art. 45
al. 3
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 45 - 1 En cas de mort d'homme, les dommages-intérêts comprennent les frais, notamment ceux d'inhumation.
1    En cas de mort d'homme, les dommages-intérêts comprennent les frais, notamment ceux d'inhumation.
2    Si la mort n'est pas survenue immédiatement, ils comprennent en particulier les frais de traitement, ainsi que le préjudice dérivant de l'incapacité de travail.
3    Lorsque, par suite de la mort, d'autres personnes ont été privées de leur soutien, il y a également lieu de les indemniser de cette perte.
CO vise un état de fait, non un rapport de droit, et elle ne dépend, ni
de la parente, ni des dispositions légales sur la dette alimentaire. L'on
doit, bien plutôt, dit le Tribunal fédéral, considérer comme «soutien» au sens
de l'article précité, non seulement l'individu oblige, de par la loi, à prêter
assistance à une personne, mais encore celui qui, en fait, fournissait, d'une
manière régulière, tout ou partie de son entretien, et même celui qui, suivant
le cours naturel des choses, le lui aurait fourni dans un avenir plus ou moins
rapproché, si le décès n'était pas survenu.
Enfin la Cour cantonale, admettant que la faute du défendeur et celle de la
victime se compensent, a refusé aux époux Savio toute indemnité pour
réparation du tort moral. Cette décision ne peut plus être maintenue.
Conformément aux précédents du Tribunal fédéral (arrêt Blum-Gurtner contre
Gallay, non publié, du 21 septembre 1927) et de la Cour de Justice de Genève
elle-même (jugement Pittet contre Bovey et la Mondiale, du 28 juin 1927,
implicitement sanctionné par le Tribunal fédéral), la nouvelle répartition des
fautes, admise

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en la cause, n'exclut pas, d'emblée et par principe, l'octroi d'une indemnité
pour tort moral. En laissant tomber les mots: «notamment s'il y a eu dol ou
faute grave», de l'ancien art. 54
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 54 - 1 Si l'équité l'exige, le juge peut condamner une personne même incapable de discernement à la réparation totale ou partielle du dommage qu'elle a causé.
1    Si l'équité l'exige, le juge peut condamner une personne même incapable de discernement à la réparation totale ou partielle du dommage qu'elle a causé.
2    Celui qui a été frappé d'une incapacité passagère de discernement est tenu de réparer le dommage qu'il a causé dans cet état, s'il ne prouve qu'il y a été mis sans sa faute.
, la révision du CO a encore assoupli le
texte de l'art. 47. Le juge peut donc tenir compte - suivant sa libre
appréciation et sans être bridé par des normes rigides - de toutes les
«circonstances particulières» de nature à motiver l'allocation d'une somme
d'argent, à titre de réparation morale. Pareilles circonstances existent, en
l'espèce. Faute nettement prépondérante de Ramu - jeune âge et manque
d'expérience de Savio, récemment entré dans la vie pratique et peu familiarisé
avec le problème de la circulation -, brutalité du drame et conditions
particulièrement pénibles de l'accident et de ses suites pénales - enfin perte
pour les demandeurs d'un fils aimé dont chacun s'accorde à louer le caractère
- constituent, dans leur ensemble, des éléments qui légitiment, outre la
réparation du dommage matériel, l'octroi d'une indemnité pour tort moral,
fixée, ex aequo et bono, à la somme de mille francs.
Le Tribunal fédéral prononce:
Le recours par voie de jonction est rejeté.
Le recours de la partie demanderesse est partiellement admis, en ce sens que
Charles Ramu est condamné à payer aux époux Savio la somme de cinq mille
francs (5000 fr.), avec intérêts à 5% dès le 21 mai 1925. Le recours est
rejeté et le jugement cantonal confirme pour le surplus.