S. 142 / Nr. 28 Obligationenrecht (f)

BGE 54 II 142

28. Arrêt de la I re Section civile du 27 mars 1928 dans la cause Joly contre
Fédération suisse des ouvriers sur métaux et horlogers, section de la
Chaux-de-Fonds.


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Regeste:
Boycott. - La responsabilité du syndicat est engagée par les actes du
secrétaire qui, au su du syndicat et sans protestation de sa part, se comporte
comme son représentant (consid. 1).
Est contraire aux bonnes moeurs (art. 41 al. 2
SR 220 Erste Abteilung: Allgemeine Bestimmungen Erster Titel: Die Entstehung der Obligationen Erster Abschnitt: Die Entstehung durch Vertrag
OR Art. 41 - 1 Wer einem andern widerrechtlich Schaden zufügt, sei es mit Absicht, sei es aus Fahrlässigkeit, wird ihm zum Ersatze verpflichtet.
1    Wer einem andern widerrechtlich Schaden zufügt, sei es mit Absicht, sei es aus Fahrlässigkeit, wird ihm zum Ersatze verpflichtet.
2    Ebenso ist zum Ersatze verpflichtet, wer einem andern in einer gegen die guten Sitten verstossenden Weise absichtlich Schaden zufügt.
CO) le fait de mettre à l'index
un ouvrier pour le contraindre à faire partie d'un syndicat qui a des buts
politiques que cet ouvrier réprouve (consid. 3).

Résumé des faits:
A. - Joseph Joly, né en 1863, était depuis 32 ans ouvrier-boîtier dans la
Fabrique Favre & Perret, à La Chaux-de-Fonds, lorsqu'il fut congédié par ses
patrons, en décembre 1923, pour le 1er janvier 1924. Le seul motif de son
renvoi était qu'il avait cessé de faire partie de la Fédération suisse des
ouvriers sur métaux et horlogers (FOMH), Section de La Chaux-de-Fonds, et que
celle-ci l'avait mis à l'index, comme non syndiqué.
Joly avait en effet donné sa démission de la FOMH le 17 mai 1923, et le 9 juin
il avait expliqué sa décision comme suit: «Aux avant-dernières élections
communales de La Chaux-de-Fonds, la FOMH a officiellement recommandé à ses
membres de voter pour le parti socialiste, sans que les statuts ou aucune
décision l'y autorisent; la FOMH s'est affiliée a l'Union syndicale suisse,
reconnue par le Tribunal fédéral comme une organisation socialiste; la FOMH
s'est donné des statuts nouveaux qui lui assignent un but nettement
révolutionnaire et non plus professionnel. Or, je ne suis pas socialiste et
vous me concéderez au moins ce droit d'avoir les convictions sociales et
politiques qui sont en harmonie avec ma conscience. Je ne vois pas en vertu de
quel droit... vous émettez la prétention de m'obliger à faire partie d'une
organisation qui aliène les droits les plus sacres de l'homme, sa liberté de
conscience...»

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Des pourparlers s'ensuivirent, qui n'aboutirent peint. Des réunions du
personnel de MM. Favre et Perret eurent lieu au local de la FOMH, et le 13
juin 1923, W. Cosandier, signant pour le Comité des ouvriers monteurs de
boîtes, FOMH, La Chaux-de-Fonds, écrivait à la direction de la Fabrique Favre
et Perret: «Vous avez chez vous un ouvrier, M. Joseph Joly père, acheveur,
lequel n'est pas en ordre avec notre fédération... il se refuse
catégoriquement à venir régulariser sa situation... Le personnel unanime
réprouve l'attitude de leur collègue... Au cas ou M. Joly persisterait, ils se
verraient, bien à regret, dans la pénible obligation de vous donner à choisir
entre M. Joly ou eux-mêmes, étant bien décidés à ne pas travailler avec un
ouvrier non organisé...»
Le même jour, Favre et Perret répondirent à la FOMH qu'ils n'avaient pas à
s'immiscer dans les affaires syndicales de leurs ouvriers.
Le 15 juin 1923, W. Cosandier, écrivant sur papier à l'en-tête «FOMH, Section
de La Chaux-de-Fonds» et signant «Pour le Comité des ouvriers monteurs de
boîtes, F.O.M.H., La Chaux-de-Fonds», mandait à Favre et Perret que Joly
s'était refuse à s'entendre «avec nous», à savoir la F.O.M.H., que néanmoins
il serait convoqué avec ses camarades d'atelier aux fins de s'expliquer. Et M.
Cosandier réitérait: «Il dépend donc uniquement de M. Joly de ne pas vous
mettre dans l'obligation de choisir entre lui et votre personnel, car ses
collègues d'atelier sont fermement décidés à ne pas travailler aux cotés d'un
ouvrier non syndiqué.»
Joly maintint sa démission de la FOMH par lettre du 22 juin 1923 et entra dans
la «Corporation horlogère des Franches-Montagnes», organisation catholique,
adversaire de la FOMH sur le terrain économique, politique et social.
Favre et Perret ayant congédié Joly, celui-ci resta sans travail pendant six
semaines, dont trois de maladie. Au mois de février 1924, il trouva une place
chez

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MM. Frossard frères, à La Chaux-de-Fonds, comme polisseur de glaces de
montres, mais il ne parvint pas à s'y créer une situation équivalente à celle
qu'il avait quittée.
B. - Estimant que son renvoi était dû à l'intervention de la FOMH, section de
La Chaux-de-Fonds, Joly lui intenta action en cessation de la mise à l'index
illicite dont il était l'objet et en 5000 fr. de dommages-intérêts.
La défenderesse a conclu au rejet de la demande. Elle fait valoir en résumé ce
qui suit: La FOMH est une institution purement économique; elle n'a aucune
activité politique. Le présent procès n'est qu'une manifestation de la lutte
engagée entre l'Eglise catholique et le monde ouvrier. La FOMH a un intérêt
vital à conserver dans son sein la grande majorité des ouvriers. Elle doit
chercher à empêcher les défections. Il est compréhensible que les membres de
la FOMH ne veuillent pas travailler avec des ouvriers non syndiqués ou
hostiles à leur syndicat. C'est le cas de Joly, instrument de l'Union
syndicale catholique. Dans ses conclusions en cause, la défenderesse a, en
outre, contesté sa qualité pour agir.
C. - Par jugement du 9 décembre 1927, le Tribunal cantonal neuchâtelois a: 1°
déclaré illicite la mise à l'index dirigée par la défenderesse contre le
demandeur et qui a abouti au renvoi de ce dernier de la place qu'il occupait;
2° condamné la défenderesse à cesser le boycott qu'elle exerce contre le
demandeur; 3º condamné la défenderesse à payer au demandeur la somme de 2000
fr. avec intérêt à 5% dès le 7 janvier 1925, et 4° mis les frais et dépens à
la charge de la défenderesse.
D. - La défenderesse a recouru en réforme au Tribunal fédéral. Elle reprend
ses conclusions libératoires.
Le demandeur a conclu au rejet du recours et à la confirmation du jugement du
Tribunal cantonal.
Considérant en droit:
1.- La défenderesse conteste à tort avoir joué un

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rôle actif dans la contrainte exercée tant sur le demandeur que sur les
patrons de ce dernier pour le ramener au syndicat. Le secrétaire ouvrier W.
Cosandier a constamment agi au nom du comité des boîtiers qui forment une
section de la FOMH. Cosandier convoque le demandeur et ses camarades d'atelier
dans les locaux de la FOMH; il assiste à ces réunions; il écrit sur papier à
en-tête de la FOMH; il signe au nom du comité des boîtiers; il appose à coté
de sa signature le timbre humide de «F.O.M.H., La Chaux-de-Fonds» et manifeste
ainsi clairement son intention de représenter la défenderesse en sa qualité
d'organe de la FOMH (art. 55 CCS; cf. RO 50 II p. 184 consid. 6; 51 II p. 528
consid. 3). Et celle-ci ne prétend pas avoir ignoré ces faits. Elle serait du
reste mal venue à le faire, car c'est à elle, soit au comité des ouvriers
monteurs de boîtes, que les patrons du demandeur ont répondu le 13 juin 1923
sans qu'elle eût protesté et c'est à elle également que la Société suisse des
Fabricants de boîtes de montres or a écrit à la même date sur le même objet.
Or, la défenderesse n'a point allégué que le secrétaire Cosandier ait abusé
des locaux, du timbre, du papier de la FOMH et de la qualité de représentant
du Comité des ouvriers monteurs de boîtes. Elle n'a pas davantage soutenu
avant ses conclusions en cause, formulées près de deux ans après le dépôt de
la réponse, que l'affaire Joly ne la concernait pas. Non seulement elle a
accepté toute la correspondance sans faire aucune réserve, approuvant de la
sorte tacitement l'activité du secrétaire, mais a encore formé opposition pure
et simple au commandement de payer de Joly et a procédé sur la demande sans
soulever d'autre exception que colle de la prescription. Sans doute l'instance
cantonale a-t-elle admis d'une façon qui lie le Tribunal fédéral que la
défenderesse était encore recevable à contester, dans ses conclusions finales,
sa qualité pour résister à l'action, mais l'attitude de la défenderesse ne
laisse pas de montrer que l'on

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est en présence d'un moyen avancé après coup pour les besoins de la cause. Au
reste, la défenderesse reconnaît elle-même que les lettres des 13 et 15 juin
1923 doivent être considérées comme «écrites par la FOMH à MM. Favre et
Perret». Du contenu de ces missives, il ressort que la défenderesse est
derrière les camarades d'atelier de Joly, qu'elle les appuie dans leur menace
et que, si elle les met en avant, ce n'en est pas moins elle qui a organisé
leur action, dans l'intérêt du syndicat. Les allégations de la réponse le
laissent également entendre. Sous chiffre 46, en particulier, la défenderesse
constate qu'elle «a l'obligation, si elle veut vivre, d'empêcher les
défections». Or, à teneur de l'art. 50
SR 220 Erste Abteilung: Allgemeine Bestimmungen Erster Titel: Die Entstehung der Obligationen Erster Abschnitt: Die Entstehung durch Vertrag
OR Art. 50 - 1 Haben mehrere den Schaden gemeinsam verschuldet, sei es als Anstifter, Urheber oder Gehilfen, so haften sie dem Geschädigten solidarisch.
1    Haben mehrere den Schaden gemeinsam verschuldet, sei es als Anstifter, Urheber oder Gehilfen, so haften sie dem Geschädigten solidarisch.
2    Ob und in welchem Umfange die Beteiligten Rückgriff gegeneinander haben, wird durch richterliches Ermessen bestimmt.
3    Der Begünstiger haftet nur dann und nur soweit für Ersatz, als er einen Anteil an dem Gewinn empfangen oder durch seine Beteiligung Schaden verursacht hat.
CO, lorsque plusieurs ont causé
ensemble un dommage, ils sont tenus solidairement de le réparer, sans qu'il y
ait lieu de distinguer entre l'instigateur, l'auteur principal et le complice.
C'est donc à bon droit que le demandeur a intenté contre la défenderesse
l'action basée sur les art. 41
SR 220 Erste Abteilung: Allgemeine Bestimmungen Erster Titel: Die Entstehung der Obligationen Erster Abschnitt: Die Entstehung durch Vertrag
OR Art. 41 - 1 Wer einem andern widerrechtlich Schaden zufügt, sei es mit Absicht, sei es aus Fahrlässigkeit, wird ihm zum Ersatze verpflichtet.
1    Wer einem andern widerrechtlich Schaden zufügt, sei es mit Absicht, sei es aus Fahrlässigkeit, wird ihm zum Ersatze verpflichtet.
2    Ebenso ist zum Ersatze verpflichtet, wer einem andern in einer gegen die guten Sitten verstossenden Weise absichtlich Schaden zufügt.
et suivants CO.
... 3.- Au fond, la cause se présente dans des conditions semblables à celles
de l'affaire Joder contre FOMH, Section de Bienne, jugée par le Tribunal
fédéral le 26 novembre 1925 (RO 51 II p. 525 et suiv.). Les principes énoncés
dans cet arrêt - principes auxquels il y a lieu de se rallier et de se référer
- conduisent au rejet du recours.
On n'est pas en présence d'un conflit entre un syndicat ouvrier et un patron
au sujet des conditions de travail. La question n'est pas de savoir si les
ouvriers ont le droit de se coaliser et d'agir en commun contre les patrons
pour améliorer leur situation économique. Il s'agit d'un épisode de la lutte
entre deux syndicats ouvriers concurrents dont chacun prétend à la suprématie
et s'efforce de gagner le plus grand nombre possible d'adhérents. La
contrainte économique exercée sur le demandeur et ses patrons n'avait d'autre
but que d'empêcher une défection, car, comme la défenderesse le dit, «pour
faire

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triompher les intérêts légitimes de ses membres, la F.O.M.H. doit être
fortement organisée et elle ne peut l'être que dans la mesure ou elle conserve
dans son sein la grande majorité des ouvriers».
On peut réserver la question de savoir si le but de faire rentrer le demandeur
dans le syndicat eût interdit à la défenderesse de recourir à des mesures
coercitives, même si elle avait été neutre sur le terrain politique. En effet,
bien qu'elle s'en défende, la FOMH n'est pas neutre en matière politique. Elle
est affiliée à l'Union syndicale suisse, qui préconise la lutte des classes et
la socialisation des moyens de production. Elle se propose, en particulier, à
teneur de l'art. 2 de ses statuts, de «préparer, en collaboration avec les
ouvriers des autres pays, la suppression du capitalisme et la reprise de la
direction de la production par les ouvriers». Elle est donc socialiste. Le
Tribunal fédéral l'a du reste déjà constaté (RO 51 II p. 530 consid. 5). La
Section de La Chaux-de-Fonds est même intervenue publiquement en faveur des
candidats socialistes dans la lutte des partis politiques, lors des élections
communales de 1921. Dans son appel, versé au dossier, elle invite les ouvriers
syndiques de La Chaux-de-Fonds à voter la liste socialiste dans l'intérêt de
la classe ouvrière.
Le demandeur déclare qu'il n'est pas socialiste et que, par des motifs de
conscience, il ne peut rester plus longtemps membre de la FOMH.
Dans cette situation, il est contraire aux moeurs (art. 41 al. 2
SR 220 Erste Abteilung: Allgemeine Bestimmungen Erster Titel: Die Entstehung der Obligationen Erster Abschnitt: Die Entstehung durch Vertrag
OR Art. 41 - 1 Wer einem andern widerrechtlich Schaden zufügt, sei es mit Absicht, sei es aus Fahrlässigkeit, wird ihm zum Ersatze verpflichtet.
1    Wer einem andern widerrechtlich Schaden zufügt, sei es mit Absicht, sei es aus Fahrlässigkeit, wird ihm zum Ersatze verpflichtet.
2    Ebenso ist zum Ersatze verpflichtet, wer einem andern in einer gegen die guten Sitten verstossenden Weise absichtlich Schaden zufügt.
CO) que la
défenderesse veuille contraindre le demandeur par la menace de la perte de son
emploi, à adhérer à la FOMH, alors qu'il a d'autres tendances politiques. «Du
point de vue des bonnes moeurs, dit très justement l'arrêt Joder (p. 531), on
ne doit chercher à propager ses idées politiques que par la persuasion, par la
libre discussion et en éclairant le peuple. Il découle nécessairement de la
liberté politique et du suffrage universel que la contrainte en matière
d'opinions

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politiques est contraire aux moeurs.» (Cf. aussi RO 40 I p. 280 et suiv.;
Journ. des Trib. 1926, p. 81; A. VODOZ, Le Boycottage en droit civil suisse,
p.157; OERTMANN, dans Seufferts Blätter für Rechtsanwendung, 72e année, 1907,
p. 215 et suiv., notamment p. 281; Verhandlungen des Schw. Juristenvereins,
1927, p. 230 a et suiv., en particulier p. 239 a in fine, rapport de P. BOLLA
et p. 281 a, procès-verbal de l'Assemblée du 3 octobre 1927.)
Le moyen de contrainte employé étant contraire aux moeurs, la responsabilité
de la défenderesse est engagée en vertu de l'art. 41 al. 2
SR 220 Erste Abteilung: Allgemeine Bestimmungen Erster Titel: Die Entstehung der Obligationen Erster Abschnitt: Die Entstehung durch Vertrag
OR Art. 41 - 1 Wer einem andern widerrechtlich Schaden zufügt, sei es mit Absicht, sei es aus Fahrlässigkeit, wird ihm zum Ersatze verpflichtet.
1    Wer einem andern widerrechtlich Schaden zufügt, sei es mit Absicht, sei es aus Fahrlässigkeit, wird ihm zum Ersatze verpflichtet.
2    Ebenso ist zum Ersatze verpflichtet, wer einem andern in einer gegen die guten Sitten verstossenden Weise absichtlich Schaden zufügt.
CO et il est
superflu d'examiner si l'atteinte portée aux intérêts individuels du demandeur
était hors de proportion avec l'avantage recherché par la FOMH (RO 51 II p.
532).
Quant à l'existence et à l'étendue du dommage, il suffit de se référer aux
motifs convaincants de l'instance cantonale.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral
rejette le recours et confirme le jugement attaqué.