124 Staatsrecht.

à Genève consiste à lier le contrat d'entreprise . II s'ensuit que cet
employé possède une certaine independance pour traiter les affaires au
nom de la Société, ce' qui est, du reste, conforme aux intérèts du public
et ce qui sera dans la pratique la règle. Si, comme la recour-rante
l'allègue, la ratification par le siège social n'estsi pas exlue, cela
signifie sans doute que, dans certains eas exceptionnels, l'employé peut
réserver cette ratification, mais cela ne veut pas dire que, dans la
règle, il n'ait point le droit d'accepter des commandes et de conclure
les contrats y relatifs. -

L'indépendance du magasin sis à Genève est corroborée aux yeux du public,
et c'est la le point important (RO 36 I p. 242), par le fait que l'en-tète
de lettre produite par l'intimé porte la mention Grande Teinturerie de
Morat sans indiquer le lieu du siège social, mais en donnant l'adresse
et le numéro de téléphone du magasin de la Corraterie ainsi qu'une
seconde adresse à Genève. Le bulletin délivré à l'intimé n'indique pas
non plus le'lieu du siège social, mais seulement qu'une usinesi à vapeur
et électrique se trouve à Morat et le magasin à la Corraterie N° 18.

On doit dès lors admettre l'existence à Genève d'un domicile commercial
attributif de juridiction pour la cause introduite par l'intimé devant
le Tribunal de première instance. Il est en effet hors de doute
que la réclamation de Corbaz est en rapport avec l'exploitation de
l'établissement sis à Genève.

Le Tribunal fédéral pronunce : Le recours est rejeté.Interkantonales
Armenrecht. N° 25. 125.

VI. INTERKANTONALES ARMENRECI ITASSISTANCE GRATUITE INTERCANTONALE

25. Hrét du 6 juin 1924 dans la cause Canton de Genève contre Canton
de Berne.

L_'obligation de subvenir aux frais de traitement et d'inhumation des
Confédérés tombés malades à l'étranger et condujts en Suisse dans un
état ne permettant pas leur transfert dans leur canton d'origine n'est
pas régie parla loi du 22 juin 1875 mais incombe, en vertu des principes
généraux, au canton d'origine; ce dernier est en conséquence tenu de
rembourser ces frais au canton qui en a fait I'avance.

En octobre 1912, le Conseil d'Etat du canton de Genève exposait au Conseil
fédéral qu'il arrivait fréquemment que des Confédérés indigents, tombés
malades en France et non admis dans les établissements hospitaliers de
ce pay s, étaient dirigés sur Genève; que, lorsqu'ils étaient encore
transportables, ils étaient évacués sur leur canton d'origine aux frais
du canton de Genève, mais que, quand leur état était trop grave pour les
faire continuer leur voyage, on les soignait à Genève jusqu'à ce qu'ils
fussent en état de voyager. Certaines communes se refusant, méme en ce
dernier cas, de prendre à leur charge les frais d'hospitalisation ou
d'inhumation de leurs ressortissants, le Conseil d'Etat priait le Conseil
fédéral de lui indiquer la voie à suivre pour obtenir le remboursement
desdites dépenses.

si S'étant vues, depuis le mois d'aoùt 1923, dans la nécessité d'assurer
des soins médicaux à un certain nombre de citoyens bernois arrivés de
France à Genève malades au point de ne pouvoir continuer leur voyage et,
pour certains d'entre eux,.de payer des frais d'inhumation,

'l 26 Staatsrecht.

les autorités genevoises ont fait plusieurs démarches auprès de
l'Assistance publique dn canton de Berne pour se faire remhourser leurs
débours. Les autorités bernoises s'étant refusées à donner suite à ces
demandes en se prevalant de la loi fédérale du 22 juin 1875, le Conseil
d'Etat de Genève est intervenu à nouveau auprès du Conseil federal en
le priant d'aviser aux mesures voulues.

Par lettre du 7 décembre 1923, le Conseil federal a fait savoir au
Conseil d'Etat de Genève qu'il n'était pas en son pouvoir d'obliger
les cantons à rembourser au canton de Genève les frais de traitement de
leurs ressortissants rapatriés ou soignés à Genève et que si le canton de
Genève estimait avoir des droits à faire valoir de ce chef, il lui était
loisihle de saisir de sa réclamation le Tribunal fédéral. Le Conseil
federal signalait en outre que la France s'était expressément engagée
à donner des soins aux Suisses indigents, atteints sur son territoire
d'une maladie aigué et temporaire et il invitait le Conseil d'Etat a lui
fournir des précisions sur les cas en question en vue d'une intervention
auprès du Gouvernement francais.

Par demande du 4 avril 1924, le canton de Genève a ouvert la présente
action, en concluant à ce qu'il plaise au Tribunal federal condamner
l'Etat de Berne à lui payer, avec intérèts de droit, la somme de 983
fr. à titre de remboursement des frais de traitement ou de sépulture
des citoyens ci après désignés, tous ressortissants du canton de Berne,
ayant eu leur domicile en France et dirigés de ce pays sur Genève en
vue de leur hospitalisation :

A l'appui de sa demande, le canton de Genève soutient que l'art. ler de
la loi fédérale du 22 juin 1875 n'est pas applicable en l'espèce, attendu
que les individus en question ne sont pas tombes malades à Genève mais
y sont arrivés alors qu'ils étaient déjà malades et dans un état qui ne
permettait pas leur transfert dans leur canton

Interkantonales Armeni-echt. N° 25. 127

d'origine et que c'est uniquement pour cette raison qu'ils ont été
admis à l'hòpital de Genève. Il estime qu'il n'était pas tenu, dans ces
conditions, de les hospitaliser à ses frais; qu'au reste l'obligation
d'assistance n'existe, aux termes de l'art. 45 Const. féd., qu'en faveur
des Confédérés établis ou en séjour; qu'enfin tout Etat a le devoir
moral de pourvoir aux soins élémentaires que peut nécessiter l'état de
santé de ses ressortissants indigents. , -

Le canton de Berne a conclu au rejet de la demande. Il ne conteste pas
la matérialité des faits allégués et se borne à soutenir qu'il n'est
pas tenu de rèpondre des frais de traitement ou d'inhumation de ses
ressortisSants devenus intransportahles sur le territoire d'un autre
canton. . Conside'rant en droit :

l. On pourrait inférer déjà de l'argumentation du Conseil exécutif du
canton de Berne que ce dernier ne méconnaît pas le bien fondé de la
demande car, d'une part, cette argumentation se ramène à prétendre
que l'Etat de Berne n'a pas l'obligation de subvenir aux frais
de traitement ou d'inhumation de ses ressortissants tombés malades et
devenus intransportables sur le territoire d'un autre canton, et, d'autre
part, il ne conteste pas que les personnes dont il s'agit en l'espèce
ne soient arrivées à Genève dans un état qui ne permettait pas de leur
faire continuer leur voyage, ce qui est non seulement vraisemblable mais
constant. Mais independamment de ce premier moyen, la demande apparaît
également justifiée par des motifs de fond.

2. L'obligation de Supporter les frais de traitement des Confédérés
indigents et intransportables originaires d'autres cantons incombe,
à teneur de la loi de 1875, non pas au canton du domicile ou de
l'établissement mais au canton sur le territoire duquel les conditions de
l'art. ler se réalisent. Il suffit donc, en principe, pour qu'un canton
soit tenu de pourvoir aux frais médicaux

128 Staatsrecht.

ou d'inhumation d'un Confédéré indigent, que ce dernier, alors qu'il se
trouve sur le territoire dudit canton, fut-ce meme de passage, y tombe
malade au point de ne pouvoir étre transporté dans son canton d'origine
(cf. RO 31 Ip. 407;39 Ip. 62;40 Ip. 416/17).

Si en l'espèce, Lauber et consorts étaient arrivés à Genève, venant d'un
autre canton, dans un état qui ne permettait pas la continuation de leur
voyage, le canton de Genève n'aurait certajnement pas eu à supporter
leurs frais de traitement et d'inhumation et, si tant est qu'il en eùt
fait l'avance, il aurait été en droit d'en réclamer la restitution, non
pas, il est vrai, au canton d'origine, mais au canton sur le territoire
duquel la maladie avait pris ce caractère de gravité. Le fait que Lauber
et consorts sont arrives non pas d'un autre canton mais de France"
ne saurait constituer un motif suffisant pour imposer cette charge à
l'Etat de Genève.

Lorsqu'un individu tombe malade hors du territoire

de son pays d'origine et que l'Etat étranger se refuse (

à tort ou à raison de lui foumir les soins médicaux nécessaires, c'est,
en vertu d'un principe général, à l'Etat dont il est ressortissant qu
'incombe le devoir de l'assister, e_t quand il s'agit d'un Suisse,
l'expression: Etat dont il est ressortissant doit évidemment s'entendre
du canton d' origine (cf. 40 I p. 413 et sniv.). Quelle que soit par
conséquent la valeur des motifs qui ont pu engager la France à diriger
sur la Suisse-les personnes dont il s'agit, c'eùt été dans la règle au
canton de Berne à pourvoir à leur traitement. Aussi bien si ces personnes
avaient été conduites à la frontiere bernoise, il n'est pas douteux que le
canton de Berne ne se fut sans autre acquitté de Fette obligation. Or il
n'est aucune raison d'admettre que cette obligation ait cessé d'exister
du seul fait que, pour des motifs de commodité, autrement dit parce que
le territoire genevois se trouvait plus proche de l'endroit d' où elles
venaient, ces personnes ont pénétré en Suisse par la frontiere genevoise.

Interkantonales Armenrecht. N° 25. 129

Si le canton de Genève a consenti à les recevoir, c'est d'ailleurs
uniquement parce qu'il s'agissait de suisses. Encore convient il de
relever que ce faisant, il agissait, non pas en execution d'un devoir
,que lui aurait imposè l'art. Ist de la loi de 1875 puisqu'aussi
bien, comme il a déjà été dit, ces personnes étaient déjà malades et
intransportables lors de leur arrivée à Genève mais en lieu et place de
leur canton d'origine, et c'est également en cette qualité qu'il doit ètre
réputé leur avoir fourni les soins dont elles avaient besoin. Il s'est
donc établi entre les deux cantons un rapport de droit assimilable à la
gestion d'affaires du droit civil (cf. R0 8 I p. 443/44 ; 31 Ip. 407/08;
38 I p. 111/12; 39 I p. 63/64; 401 p. 416; 43 I p. 312) dont les règles
peuvent s'appliquer par analogie et en vertu desquelles l'action apparaît
comme justifiée.

3. Le succès d'une action de cette nature ne saurait èvidemment étre
subordonné à la condition d'un accord entre les deux cantons ou méme
d'un simple avis donné par le canton de Genève au canton de Berne. Peu
importe en conséquence que certains des cas dont il s'agit en l'espèce
n'aient pas été portés à la connaissance des autorités bernoises.

Le canton de Berne n'ayant pas discuté les comptes présentés, il y a
lieu d'admettre qu'il ne conteste pas le montant de la demande et il
se justifie ainsi d'e faire droit aux conclusions du canton de Genève
jusqu'à concurrence de la somme réclamée.

Le Tribunal fédéral pronunce :

La demande est admise. En conséquence, le canton de Berne est] condamné
à payer au canton de Genève la somme de 983 fr. avec intérèts au 5 %
des le 7 mai 1924.