Urteilskopf

126 III 261

44. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 10 avril 2000 dans la cause X. contre dame X. (recours en réforme)
Regeste (de):

Regeste (fr):

Regesto (it):


Sachverhalt ab Seite 262

BGE 126 III 261 S. 262

A.- Par jugement du 14 juillet 1994, le Tribunal de première instance de Genève a prononcé la séparation de corps des époux X. pour une durée indéterminée, réservé la liquidation de leur régime matrimonial et condamné le mari à payer à son épouse une contribution d'entretien de 900 fr. par mois. Ce jugement a été confirmé par arrêt de la Cour de justice du canton de Genève du 23 mars 1995, que le mari a attaqué par la voie d'un recours en réforme au Tribunal fédéral portant exclusivement sur la contribution d'entretien. Le Tribunal fédéral a, par arrêt du 12 octobre 1995, partiellement admis le recours et renvoyé la cause à l'autorité cantonale pour complément du dossier sur la question de la charge de loyer et nouvelle décision. Le 21 juin 1996, la Cour de justice a confirmé à nouveau le jugement de première instance. Saisi d'un second recours en réforme du mari, tendant à ce que le montant de la contribution d'entretien soit fixée à 668 fr. par mois, le Tribunal fédéral l'a rejeté et a confirmé la décision de la Cour de justice par arrêt du 18 novembre 1996.
B.- Le 14 août 1998, le mari a demandé le divorce pour le motif que les parties n'avaient pas repris la vie commune depuis plus de trois ans. Le 9 décembre suivant, il a requis, à titre de mesure provisoire, la suppression de toute contribution d'entretien en faveur de son épouse. Par jugement du 6 mai 1999, le tribunal de première instance a rejeté la demande au fond et la requête de mesure provisoire. Sur appel du mari, la Cour de justice a, par arrêt du 12 novembre 1999, confirmé ce jugement tout en le complétant en ce sens que la condamnation aux dépens de première instance était assortie, au profit du conseil de l'épouse, du droit de les recouvrer directement contre le mari.
C.- Agissant derechef par la voie du recours en réforme, le mari demande au Tribunal fédéral de prononcer le divorce des parties et de renvoyer la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle complète ses constatations de fait sur la mesure provisoire et les effets accessoires du divorce. Le Tribunal fédéral a rejeté le recours dans la mesure où il était recevable et a confirmé l'arrêt attaqué.
BGE 126 III 261 S. 263

Erwägungen

Extrait des considérants:

1. L'appel du recourant à la Cour de justice était dirigé contre le rejet aussi bien de la demande de divorce que de la requête de mesure provisoire. La Cour de justice l'a déclaré recevable et a confirmé le jugement de première instance non seulement sur le fond, mais aussi sur la mesure provisoire, même si elle n'a pas motivé sa décision sur ce dernier point. L'arrêt attaqué ne constitue cependant une décision finale au sens de l'art. 48 al. 1 OJ qu'en tant qu'il confirme le rejet de la demande de divorce (ATF 120 II 352 consid. 1b et les références), mais pas de la requête de mesure provisoire selon l'art. 145 aCC. Les décisions prises en cette matière ouvrent en effet la voie du recours de droit public (ATF 109 Ia 81 consid. 1 p. 83 et les références, ATF 100 Ia 12 consid. 1 p. 14; MESSMER/IMBODEN, Die Eidgenössischen Rechtsmittel in Zivilsachen, Zurich 1992, p. 195 n. 23). Le présent recours est dès lors irrecevable en tant qu'il concerne la mesure provisoire.
2. L'arrêt attaqué a été rendu avant l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2000, des nouvelles dispositions sur le divorce et la séparation de corps. En vertu de l'art. 7b al. 3 tit. fin. CC, le Tribunal fédéral doit donc appliquer l'ancien droit. Les arguments du recourant fondés sur le nouveau droit sont par conséquent dénués de pertinence.
3. a) La Cour de justice considère que l'action en divorce selon l'art. 148 al. 1 aCC ne peut être introduite, en cas de séparation prononcée pour une durée indéterminée, que lorsque cette séparation a duré 3 ans depuis l'entrée en force du jugement de séparation, hypothèse qui n'était pas réalisée en l'espèce. En effet, aux termes de l'art. 394 LPC gen., en cas d'appel sur les effets accessoires seulement, la séparation de corps ne devient définitive qu'après l'expiration du délai de recours au Tribunal fédéral, ou d'un délai de 30 jours à dater du retrait ou de la péremption de l'appel; autrement dit, d'après les commentateurs, le jugement de séparation devient définitif en même temps que l'arrêt de la Cour statuant sur les effets accessoires, même si elle n'a plus la compétence, sauf appel incident, de remettre en cause le jugement en tant qu'il a prononcé la séparation de corps. Or l'arrêt de la Cour de justice du 21 juin 1996 qui confirmait, suite au renvoi du Tribunal fédéral, le jugement de première instance était entré en force le 3 septembre 1996; déposée le 14 août 1998, la demande en divorce était donc manifestement prématurée.
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b) Ainsi que le relève avec raison le recourant, c'est au regard du droit fédéral et non du droit cantonal qu'il y a lieu de déterminer quand les arrêts du Tribunal fédéral et les décisions cantonales de dernière instance susceptibles de recours en réforme au Tribunal fédéral entrent en force de chose jugée (ATF 120 II 1 consid. 2a; ATF 81 II 487 consid. 4; ATF 71 II 49 consid. 2; MESSMER/IMBODEN, Die eidgenössischen Rechtsmittel in Zivilsachen, Zurich 1992, ch. 31 et 86; POUDRET, COJ II , n. 2.1 p. 407 et 2.2 p. 409 ad art. 54 OJ). Le droit cantonal peut simplement réglementer l'effet suspensif des recours cantonaux et donc la force de chose jugée des jugements cantonaux de première instance (ATF 120 II 1 consid. 2a; ATF 84 II 466; ATF 71 II 49 consid. 2). C'est du reste ce à quoi se limite l'art. 394 LPC gen. L'intimée se prévaut vainement à cet égard de deux passages du commentaire de POUDRET (n. 3 et 5.3 ad art. 38 OJ, p. 325/326 et 332). En l'espèce, comme on le verra plus loin, il ne s'agit pas de la force de chose jugée de l'arrêt que le Tribunal fédéral a rendu à l'époque sur recours en réforme du mari, mais de l'entrée en force partielle de la décision de dernière instance cantonale en tant qu'elle n'a pas été attaquée dans le recours en réforme. Que cette question soit régie non par le droit cantonal, mais par le droit fédéral, POUDRET l'admet par ailleurs lui-même (n. 2.1 et 2.2 ad art. 54 OJ, p. 407 et 408). La force de chose jugée matérielle des jugements sur des droits fondés sur le droit civil fédéral relève exclusivement du droit fédéral (ATF 95 II 639 consid. 4). La possibilité d'entrée en force partielle de jugements de divorce et de séparation de corps est cependant admise (ATF 120 II 1 consid. 2a; ATF 111 II 308 consid. 3 p. 312; POUDRET, op. cit., n. 2.2 ad art. 54 OJ p. 408/409). Le principe de l'unité du jugement du divorce invoqué par l'intimée signifie simplement que le juge qui prononce le divorce doit, dans le même jugement, régler également les effets accessoires du divorce, et que le renvoi à une procédure séparée n'est admissible que pour la liquidation du régime matrimonial, à condition que le règlement des autres effets accessoires n'en dépende pas (ATF 113 II 97 consid. 2 et les références). Selon l'art. 54 al. 2 OJ, les décisions finales ne sont exécutoires avant l'expiration du délai de recours en réforme ou de recours joint qu'en tant que l'emploi de moyens extraordinaires de droit cantonal dépend de leur entrée en force. S'il est recevable, le recours en réforme ou le recours joint suspend l'exécution de la décision dans la mesure des conclusions formulées. L'effet suspensif intervient donc de plein droit dans la mesure où le jugement cantonal peut faire l'objet d'un recours en réforme, mais indépendamment du dépôt d'un
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tel recours et d'un recours joint; il prend fin au plus tôt à l'expiration des délais prévus pour ces recours et s'étend jusque là à l'ensemble du jugement; puis, si un recours est déposé, il est limité dans la mesure des conclusions formulées. Une entrée en force de chose jugée peut donc intervenir seulement dès l'expiration des délais de recours en réforme et de recours joint, quoi qu'il en soit de la recevabilité de ces moyens (BIRCHMEIER, Bundesrechtspflege, n. 3 ad art. 54 OJ, p. 193 s.; MESSMER/IMBODEN, op. cit., ch. 107 p. 146; POUDRET, op. cit., n. 2.1 et 2.2 ad art. 54 OJ, p. 405 et 408).
c) L'arrêt de la Cour de justice du 23 mars 1995 confirmant la séparation de corps et la condamnation du recourant à une contribution d'entretien a fait l'objet, de la part de celui-ci, d'un recours en réforme portant simplement sur la contribution d'entretien, de même d'ailleurs que l'arrêt de la Cour de justice du 21 juin 1996 rendu après renvoi par le Tribunal fédéral et confirmant à nouveau le jugement de première instance; l'intimée, qui avait été invitée à répondre au recours, n'a pas formé de recours joint. L'entrée en force de chose jugée sur la question de la séparation de corps se détermine donc uniquement sur la base de l'arrêt de la Cour de justice du 23 mars 1995. Cet arrêt a été communiqué au recourant le 30 mars 1995 (cause 5C.91/1995) et l'intimée s'est vu notifier l'invitation à répondre au recours le 23 juin 1995. Le délai de 30 jours pour déposer une réponse et former un recours joint (art. 59 al. 1 et 2 OJ) est arrivé à échéance le 24 août 1995, compte tenu des féries du 15 juillet au 15 août (art. 34 al. 1 let. b OJ). La question de savoir si le Tribunal fédéral n'aurait pas pu entrer en matière sur un recours joint de l'intimée faute d'intérêt de celle-ci est, comme on l'a vu, sans importance. L'arrêt cantonal en question n'aurait en tout état de cause pas pu entrer en force avant l'expiration des délais de recours en réforme et de recours joint (art. 54 al. 2 OJ). Lorsque le recourant a ouvert action en divorce, le 14 août 1998, le délai de 3 ans de l'art. 148 al. 1 aCC n'était donc pas échu (ATF 62 II 8). Il résulte de ce qui précède que même s'il a tranché la question de la force de chose jugée en application du droit cantonal en lieu et place du droit fédéral, l'arrêt attaqué est néanmoins conforme dans son résultat au droit fédéral.