Urteilskopf

126 I 257

33. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 24 juillet 2000 dans la cause dame R. contre dame P. (recours de droit public)
Regeste (de):

Regeste (fr):

Regesto (it):


Sachverhalt ab Seite 257

BGE 126 I 257 S. 257

Le 18 octobre 1996, dame R. a assigné dame P. en paiement de 300'000 fr., plus intérêts. Par jugement du 22 février 1999, la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté les conclusions de la demanderesse. Après avoir examiné les éléments de preuve qui lui avaient été fournis, elle a retenu que la reconnaissance de dette signée par la défenderesse le 31 octobre 1977 était un acte simulé, les parties ayant conclu un prêt apparent pour dissimuler une donation sous-jacente.
BGE 126 I 257 S. 258

La demanderesse a formé un recours de droit public, fondé sur l'art. 9
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 9 Protection contre l'arbitraire et protection de la bonne foi - Toute personne a le droit d'être traitée par les organes de l'État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi.
Cst., en vue d'obtenir l'annulation du jugement de le Cour civile. Elle y invoquait une appréciation arbitraire des preuves. Le Tribunal fédéral a déclaré le recours irrecevable.

Erwägungen

Extrait des considérants:

1. a) Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité du recours de droit public (ATF 124 I 11 consid. 1). Aux termes de l'art. 86 al. 1
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 9 Protection contre l'arbitraire et protection de la bonne foi - Toute personne a le droit d'être traitée par les organes de l'État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi.
OJ, le recours de droit public n'est recevable qu'à l'encontre des décisions prises en dernière instance cantonale. Cette disposition signifie que les griefs soulevés devant le Tribunal fédéral ne doivent plus pouvoir faire l'objet d'un recours ordinaire ou extraordinaire de droit cantonal (ATF 119 Ia 421 consid. 2b). Il faut donc examiner si, en procédure civile vaudoise, le grief tiré de l'appréciation arbitraire des preuves peut faire l'objet du recours en nullité de l'art. 444 CPC/VD, lequel est recevable contre tout jugement principal d'une autorité judiciaire quelconque, et plus particulièrement "pour violation des règles essentielles de la procédure" (art. 444 al. 1 ch. 3 CPC/VD). Dans un arrêt non publié du 23 novembre 1995, en la cause 4P.145/1995 (consid. 1), le Tribunal fédéral a posé que, bien que la jurisprudence cantonale ne soit pas fixée fermement sur ce point et mériterait de l'être une fois pour toutes par un arrêt de principe, le grief tiré de l'appréciation arbitraire des preuves ne constituait apparemment pas un motif de nullité au sens de l'art. 444 al. 1 ch. 3 CPC/VD. Il s'est référé à trois arrêts cantonaux et à deux avis de doctrine, en relevant toutefois que deux arrêts relativement récents semblaient vouloir conférer à l'autorité cantonale de recours, saisie d'un recours en nullité, un pouvoir d'examen, certes fort restreint, dans le domaine de l'appréciation des preuves. Constatant que la situation n'était pas du tout claire et que, dans ces conditions, on ne pouvait affirmer avec certitude que le recourant aurait dû soumettre le grief de déni de justice matériel à la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois avant de saisir le Tribunal fédéral, ce dernier a considéré que le doute qui subsistait à ce sujet permettait de faire abstraction, en l'occurrence, d'une éventuelle violation de la règle de l'épuisement préalable des instances cantonales (art. 86 al. 1
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 9 Protection contre l'arbitraire et protection de la bonne foi - Toute personne a le droit d'être traitée par les organes de l'État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi.
OJ), conformément à la jurisprudence en la matière (ATF 116 Ia 442 consid. 1a). Il est donc entré en matière sur le recours de droit public.
BGE 126 I 257 S. 259

b) Toutefois, depuis lors, dans un arrêt du 4 février 1998, publié au JdT 1999 III p. 89 (consid. 1a), la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois a estimé que l'on pouvait "exceptionnellement admettre un moyen de nullité fondé sur l'appréciation arbitraire des preuves lorsque le premier juge a[vait] par exemple établi un état de fait qui [était] choquant au regard des preuves administrées". Elle admet ainsi l'ouverture d'un recours en nullité cantonal à l'encontre de l'appréciation des preuves dans les mêmes limites restrictives que celles assignées par le Tribunal fédéral au recours de droit public pour arbitraire dans l'appréciation des preuves. Les rédacteurs du Journal des Tribunaux ont compris de la sorte le considérant précité, puisqu'ils l'ont résumé comme il suit dans l'en-tête de l'arrêt: "Le recours en nullité est ouvert pour appréciation arbitraire des preuves, celle-ci constituant la violation d'une règle essentielle de procédure, mais le pouvoir de l'autorité de recours est restreint et ne peut en particulier porter sur l'opportunité de procéder à des mesures d'instruction". Sur le vu de ce dernier arrêt, on ne peut plus dire, comme dans l'arrêt précité du 23 novembre 1995, que la situation n'est pas du tout claire et que, dans ces conditions, il n'est pas possible d'affirmer avec certitude que la recourante aurait dû soumettre le grief de déni de justice matériel à la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois avant de saisir le Tribunal fédéral. Force est, au contraire, de constater que la voie du recours en nullité cantonal pour appréciation arbitraire des preuves est bel et bien ouverte. La recourante aurait donc dû soumettre ses griefs d'arbitraire dans l'appréciation des preuves à la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois avant de saisir le Tribunal fédéral. En agissant directement par la voie du recours de droit public, elle a dès lors violé la règle de l'épuisement préalable des instances cantonales, posée à l'art. 86 al. 1
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 9 Protection contre l'arbitraire et protection de la bonne foi - Toute personne a le droit d'être traitée par les organes de l'État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi.
OJ, de telle sorte que son recours doit être déclaré irrecevable. c) Cette solution - il convient de le souligner - est en harmonie avec celle de la procédure pénale vaudoise, qui ouvre la voie du recours cantonal en nullité pour appréciation arbitraire des preuves (art. 411 let. i CPP/VD; BERSIER, Le recours à la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois en procédure vaudoise, in JdT 1996 III p. 65 ss, 83 s.). La Cour de cassation du Tribunal fédéral en a tiré les conséquences logiques en posant, dans un arrêt récent, que le recourant ne peut en principe pas critiquer, dans le cadre d'un recours de droit public, une constatation de fait pour arbitraire qu'il n'a pas précédemment contestée dans le recours en nullité à la Cour
BGE 126 I 257 S. 260

de cassation pénale vaudoise (arrêt non publié du 28 avril 1999, dans la cause 6P.22/1999, consid. 4b). Le recours cantonal en nullité pour arbitraire dans l'appréciation des preuves ne peut ainsi plus être considéré comme étranger à la procédure vaudoise, tant au civil qu'au pénal.