Urteilskopf

122 II 485

59. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 1er novembre 1996 dans la cause S. contre Office fédéral de la police (recours de droit administratif)
Regeste (de):

Regeste (fr):

Regesto (it):


Sachverhalt ab Seite 485

BGE 122 II 485 S. 485

A.- Par lettre du 14 juin 1996, le Ministère de la justice de la Rhénanie du Nord - Westphalie, à Dusseldorf, a demandé à l'Office fédéral de la police l'extradition de S., ressortissant italien domicilié dans le canton de Vaud. A cette requête était annexé un jugement rendu le 20 août 1987 par le Tribunal régional de Dusseldorf, condamnant S. à deux ans et neuf mois de privation de liberté pour recel, et une attestation du Parquet de Dusseldorf certifiant notamment que le jugement était exécutoire et qu'un solde de peine de 473 jours, non prescrit, devait encore être subi.
BGE 122 II 485 S. 486

S. fut arrêté et placé en détention extraditionnelle le 26 juin 1996. Il présenta une demande de mise en liberté provisoire moyennant caution et mesures de sûreté; celle-ci, rejetée par l'Office fédéral de la police, fut, sur recours, accueillie par la Chambre d'accusation du Tribunal fédéral (arrêt du 8 août 1996).
B.- S. s'est opposé sans succès à son extradition, que l'Office fédéral a ordonnée par décision du 26 juillet 1996. Agissant par la voie du recours de droit administratif, S. requiert le Tribunal fédéral d'annuler ce prononcé et de refuser son extradition; subsidiairement, il demande que la peine restant à subir soit exécutée en Suisse. Il soutient que la demande d'extradition est présentée contrairement à la bonne foi, les autorités allemandes connaissant prétendument depuis longtemps sa présence en Suisse; à l'appui de ses conclusions subsidiaires, il fait valoir que l'extradition porterait une atteinte disproportionnée à sa situation personnelle, professionnelle et familiale, et doit être remplacée par l'exécution de la peine en Suisse.

Erwägungen

Extrait des considérants:

1. L'extradition entre la Suisse et l'Allemagne est régie par la Convention européenne d'extradition (ci-après: la Convention ou CEExtr) conclue le 13 décembre 1957, entrée en vigueur le 20 mars 1967 pour la Suisse et le 1er janvier 1977 pour la République fédérale d'Allemagne (RS 0.353.1), ainsi que par un accord bilatéral destiné à compléter la Convention et à faciliter son application, conclu le 13 novembre 1969 et entré en vigueur le 1er janvier 1977 (RS 0.353.913.61). Le droit interne, en particulier la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale du 20 mars 1981 (EIMP; RS 351.1) et son ordonnance d'exécution, n'est applicable qu'aux questions qui ne sont pas réglées explicitement ou tacitement par la Convention ou par l'accord bilatéral (art. 1 al. 1
SR 351.1 Loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'entraide internationale en matière pénale (Loi sur l'entraide pénale internationale, EIMP) - Loi sur l'entraide pénale internationale
EIMP Art. 1 Objet - 1 À moins que d'autres lois ou des accords internationaux n'en disposent autrement, la présente loi règle toutes les procédures relatives à la coopération internationale en matière pénale, soit principalement:4
1    À moins que d'autres lois ou des accords internationaux n'en disposent autrement, la présente loi règle toutes les procédures relatives à la coopération internationale en matière pénale, soit principalement:4
a  l'extradition de personnes poursuivies ou condamnées pénalement (deuxième partie);
b  l'entraide en faveur d'une procédure pénale étrangère (troisième partie);
c  la délégation de la poursuite et de la répression d'une infraction (quatrième partie);
d  l'exécution de décisions pénales étrangères (cinquième partie).
2    ...5
3    La présente loi ne s'applique qu'aux affaires pénales dans lesquelles le droit de l'État requérant permet de faire appel au juge.
3bis    À moins que d'autres lois ou des accords internationaux n'en disposent autrement, la présente loi s'applique par analogie aux procédures relatives à la coopération en matière pénale avec des tribunaux internationaux ou d'autres institutions interétatiques ou supranationales exerçant des fonctions d'autorités pénales si ces procédures concernent:
a  des infractions relevant des titres 12bis, 12ter ou 12quater du code pénal6, ou
b  des infractions relevant d'autres domaines du droit pénal, lorsque le tribunal ou l'institution se fonde sur une résolution des Nations Unies contraignante pour la Suisse ou soutenue par la Suisse.7
3ter    Le Conseil fédéral peut arrêter dans une ordonnance que la présente loi s'applique par analogie aux procédures relatives à la coopération en matière pénale avec d'autres tribunaux internationaux ou d'autres institutions interétatiques ou supranationales exerçant des fonctions d'autorités pénales aux conditions suivantes:
a  la constitution du tribunal ou de l'institution se fonde sur une base juridique réglant expressément ses compétences en matière de droit pénal et de procédure pénale;
b  la procédure devant ce tribunal ou devant cette institution garantit le respect des principes de l'État de droit;
c  la coopération contribue à la sauvegarde des intérêts de la Suisse.8
4    La présente loi ne confère pas le droit d'exiger une coopération en matière pénale.9
EIMP, ATF 122 II 140, consid. 2).
3. A titre subsidiaire, le recourant se réfère à l'art. 37
SR 351.1 Loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'entraide internationale en matière pénale (Loi sur l'entraide pénale internationale, EIMP) - Loi sur l'entraide pénale internationale
EIMP Art. 37 Refus - 1 L'extradition peut être refusée si la Suisse est en mesure d'assumer la poursuite de l'infraction ou l'exécution du jugement rendu dans l'État requérant et que le reclassement social de la personne poursuivie le justifie.
1    L'extradition peut être refusée si la Suisse est en mesure d'assumer la poursuite de l'infraction ou l'exécution du jugement rendu dans l'État requérant et que le reclassement social de la personne poursuivie le justifie.
2    L'extradition est refusée si la demande se fonde sur une sanction prononcée par défaut et que la procédure de jugement n'a pas satisfait aux droits minimums de la défense reconnus à toute personne accusée d'une infraction, à moins que l'État requérant ne donne des assurances jugées suffisantes pour garantir à la personne poursuivie le droit à une nouvelle procédure de jugement qui sauvegarde les droits de la défense.86
3    L'extradition est également refusée si l'État requérant ne donne pas la garantie que la personne poursuivie ne sera pas condamnée à mort ou, si une telle condamnation a été prononcée, qu'elle ne sera pas exécutée, ou que la personne poursuivie ne sera pas soumise à un traitement portant atteinte à son intégrité corporelle.87
EIMP, selon lequel l'extradition peut être refusée si la Suisse est en mesure d'assumer l'exécution du jugement rendu dans l'Etat requérant et que le reclassement social de la personne poursuivie justifie cette solution. La question de principe qui se pose à cet égard est celle de savoir si cette disposition de droit interne est opposable à l'Etat requérant et peut justifier un refus d'extrader, assorti d'un engagement pris par
BGE 122 II 485 S. 487

la Suisse de poursuivre l'exécution du jugement de condamnation allemand du 20 août 1987. a) Tant la Convention que l'accord bilatéral ne laissent à cet égard aucune marge d'appréciation à la Suisse, Etat requis: l'art. 1
IR 0.353.1 Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957
CEExtr Art. 1 Obligation d'extrader - Les Parties Contractantes s'engagent à se livrer réciproquement, selon les règles et sous les conditions déterminées par les articles suivants, les individus qui sont poursuivis pour une infraction ou recherchés aux fins d'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté par les autorités judiciaires de la Partie requérante.
CEExtr. pose le principe de l'obligation d'extrader; l'art. 2 énumère de manière précise les faits donnant lieu à extradition, sous réserve de certaines catégories d'infractions (politiques, militaires, fiscales) qui ne revêtent pas de pertinence dans le cas d'espèce (art. 3
IR 0.111 Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités (avec annexe)
CV Art. 3 Accords internationaux n'entrant pas dans le cadre de la Convention - Le fait que la présente Convention ne s'applique ni aux accords internationaux conclus entre des États et d'autres sujets du droit international ou entre ces autres sujets du droit international, ni aux accords internationaux qui n'ont pas été conclus par écrit, ne porte pas atteinte:
a  à la valeur juridique de tels accords;
b  à l'application à ces accords de toutes règles énoncées dans la présente Convention auxquelles ils seraient soumis en vertu du droit international indépendamment de ladite Convention;
c  à l'application de la Convention aux relations entre États régies par des accords internationaux auxquels sont également parties d'autres sujets du droit international.
à 5
IR 0.111 Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités (avec annexe)
CV Art. 5 Traités constitutifs d'organisations internationales et traités adoptés au sein d'une organisation internationale - La présente Convention s'applique à tout traité qui est l'acte constitutif d'une organisation internationale et à tout traité adopté au sein d'une organisation internationale, sous réserve de toute règle pertinente de l'organisation.
). Le principe de respect des traités (pacta sunt servanda, art. 26
IR 0.111 Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités (avec annexe)
CV Art. 26 Pacta sunt servanda - Tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi.
de la Convention de Vienne de 1969, ci-après "CV", RS 0.111), et son corollaire, celui de l'inopposabilité de toute règle de droit interne contraire au traité (art. 27
IR 0.111 Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités (avec annexe)
CV Art. 27 Droit interne et respect des traités - Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant la non-exécution d'un traité. Cette règle est sans préjudice de l'art. 46.
CV), s'opposent à un refus d'extrader fondé sur une règle ou un principe de droit interne. La Suisse s'est elle-même récemment prévalue de ces principes à l'égard d'un Etat tiers (décision du Conseil d'Etat français du 14 décembre 1994, dans l'affaire Suisse c. Gouvernement français, RUDH 1994 p. 478-491). Le fait que l'art. 37
SR 351.1 Loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'entraide internationale en matière pénale (Loi sur l'entraide pénale internationale, EIMP) - Loi sur l'entraide pénale internationale
EIMP Art. 37 Refus - 1 L'extradition peut être refusée si la Suisse est en mesure d'assumer la poursuite de l'infraction ou l'exécution du jugement rendu dans l'État requérant et que le reclassement social de la personne poursuivie le justifie.
1    L'extradition peut être refusée si la Suisse est en mesure d'assumer la poursuite de l'infraction ou l'exécution du jugement rendu dans l'État requérant et que le reclassement social de la personne poursuivie le justifie.
2    L'extradition est refusée si la demande se fonde sur une sanction prononcée par défaut et que la procédure de jugement n'a pas satisfait aux droits minimums de la défense reconnus à toute personne accusée d'une infraction, à moins que l'État requérant ne donne des assurances jugées suffisantes pour garantir à la personne poursuivie le droit à une nouvelle procédure de jugement qui sauvegarde les droits de la défense.86
3    L'extradition est également refusée si l'État requérant ne donne pas la garantie que la personne poursuivie ne sera pas condamnée à mort ou, si une telle condamnation a été prononcée, qu'elle ne sera pas exécutée, ou que la personne poursuivie ne sera pas soumise à un traitement portant atteinte à son intégrité corporelle.87
EIMP soit entré en vigueur en 1983, soit postérieurement à l'entrée en vigueur pour la Suisse de la Convention (1967) et de l'accord bilatéral (1977) n'y change rien: le principe de la primauté du droit international sur le droit interne découle de la nature même de la règle internationale, hiérarchiquement supérieure à toute règle interne, de sorte que l'argument tiré de la lex posterior est inapplicable (voir la jurisprudence déjà ancienne du Tribunal fédéral citée dans JAAC 53/1989 no 54, ad note 52, p. 409/410 et p. 452; cf. également ATF 122 II 234, consid. 4c, d et e). L'application de l'art. 1 al. 1
SR 351.1 Loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'entraide internationale en matière pénale (Loi sur l'entraide pénale internationale, EIMP) - Loi sur l'entraide pénale internationale
EIMP Art. 1 Objet - 1 À moins que d'autres lois ou des accords internationaux n'en disposent autrement, la présente loi règle toutes les procédures relatives à la coopération internationale en matière pénale, soit principalement:4
1    À moins que d'autres lois ou des accords internationaux n'en disposent autrement, la présente loi règle toutes les procédures relatives à la coopération internationale en matière pénale, soit principalement:4
a  l'extradition de personnes poursuivies ou condamnées pénalement (deuxième partie);
b  l'entraide en faveur d'une procédure pénale étrangère (troisième partie);
c  la délégation de la poursuite et de la répression d'une infraction (quatrième partie);
d  l'exécution de décisions pénales étrangères (cinquième partie).
2    ...5
3    La présente loi ne s'applique qu'aux affaires pénales dans lesquelles le droit de l'État requérant permet de faire appel au juge.
3bis    À moins que d'autres lois ou des accords internationaux n'en disposent autrement, la présente loi s'applique par analogie aux procédures relatives à la coopération en matière pénale avec des tribunaux internationaux ou d'autres institutions interétatiques ou supranationales exerçant des fonctions d'autorités pénales si ces procédures concernent:
a  des infractions relevant des titres 12bis, 12ter ou 12quater du code pénal6, ou
b  des infractions relevant d'autres domaines du droit pénal, lorsque le tribunal ou l'institution se fonde sur une résolution des Nations Unies contraignante pour la Suisse ou soutenue par la Suisse.7
3ter    Le Conseil fédéral peut arrêter dans une ordonnance que la présente loi s'applique par analogie aux procédures relatives à la coopération en matière pénale avec d'autres tribunaux internationaux ou d'autres institutions interétatiques ou supranationales exerçant des fonctions d'autorités pénales aux conditions suivantes:
a  la constitution du tribunal ou de l'institution se fonde sur une base juridique réglant expressément ses compétences en matière de droit pénal et de procédure pénale;
b  la procédure devant ce tribunal ou devant cette institution garantit le respect des principes de l'État de droit;
c  la coopération contribue à la sauvegarde des intérêts de la Suisse.8
4    La présente loi ne confère pas le droit d'exiger une coopération en matière pénale.9
EIMP, qui se borne à rappeler le principe de la réserve des traités internationaux, conduit d'ailleurs au même résultat. b) Certes, le Tribunal fédéral a récemment rappelé (ATF 122 II 140 consid. 2 p. 142) que dans le domaine de l'entraide internationale, l'existence d'un traité ne prive pas la Suisse de la faculté d'accorder l'entraide en vertu de règles éventuellement plus larges de son droit interne, car ces traités d'entraide sont destinés à favoriser la coopération internationale. Le cas d'espèce est toutefois différent: l'application de l'art. 37
SR 351.1 Loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'entraide internationale en matière pénale (Loi sur l'entraide pénale internationale, EIMP) - Loi sur l'entraide pénale internationale
EIMP Art. 37 Refus - 1 L'extradition peut être refusée si la Suisse est en mesure d'assumer la poursuite de l'infraction ou l'exécution du jugement rendu dans l'État requérant et que le reclassement social de la personne poursuivie le justifie.
1    L'extradition peut être refusée si la Suisse est en mesure d'assumer la poursuite de l'infraction ou l'exécution du jugement rendu dans l'État requérant et que le reclassement social de la personne poursuivie le justifie.
2    L'extradition est refusée si la demande se fonde sur une sanction prononcée par défaut et que la procédure de jugement n'a pas satisfait aux droits minimums de la défense reconnus à toute personne accusée d'une infraction, à moins que l'État requérant ne donne des assurances jugées suffisantes pour garantir à la personne poursuivie le droit à une nouvelle procédure de jugement qui sauvegarde les droits de la défense.86
3    L'extradition est également refusée si l'État requérant ne donne pas la garantie que la personne poursuivie ne sera pas condamnée à mort ou, si une telle condamnation a été prononcée, qu'elle ne sera pas exécutée, ou que la personne poursuivie ne sera pas soumise à un traitement portant atteinte à son intégrité corporelle.87
EIMP serait certes favorable au recourant, puisqu'elle lui permettrait de purger le solde de sa peine en Suisse; mais elle aurait en même temps pour effet de réduire les droits de l'Etat requérant, qui réclame l'extradition pour pouvoir faire exécuter lui-même, sur son territoire, le solde de la peine. L'art. 37
SR 351.1 Loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'entraide internationale en matière pénale (Loi sur l'entraide pénale internationale, EIMP) - Loi sur l'entraide pénale internationale
EIMP Art. 37 Refus - 1 L'extradition peut être refusée si la Suisse est en mesure d'assumer la poursuite de l'infraction ou l'exécution du jugement rendu dans l'État requérant et que le reclassement social de la personne poursuivie le justifie.
1    L'extradition peut être refusée si la Suisse est en mesure d'assumer la poursuite de l'infraction ou l'exécution du jugement rendu dans l'État requérant et que le reclassement social de la personne poursuivie le justifie.
2    L'extradition est refusée si la demande se fonde sur une sanction prononcée par défaut et que la procédure de jugement n'a pas satisfait aux droits minimums de la défense reconnus à toute personne accusée d'une infraction, à moins que l'État requérant ne donne des assurances jugées suffisantes pour garantir à la personne poursuivie le droit à une nouvelle procédure de jugement qui sauvegarde les droits de la défense.86
3    L'extradition est également refusée si l'État requérant ne donne pas la garantie que la personne poursuivie ne sera pas condamnée à mort ou, si une telle condamnation a été prononcée, qu'elle ne sera pas exécutée, ou que la personne poursuivie ne sera pas soumise à un traitement portant atteinte à son intégrité corporelle.87
EIMP, contraire au droit international pertinent, est donc inapplicable en l'espèce.
BGE 122 II 485 S. 488

c) Il découle de ce qui précède que seule une autre règle internationale liant tant l'Allemagne que la Suisse pourrait éventuellement, pour des motifs particulièrement importants, justifier un refus de l'extradition.