Urteilskopf

120 Ia 61

8. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 8 février 1994 dans la cause S. contre dame S. et Vice-Présidente du Tribunal de première instance de Genève (recours de droit public)
Regeste (de):

Regeste (fr):

Regesto (it):


Erwägungen ab Seite 62

BGE 120 Ia 61 S. 62

Extrait des considérants:

1. Selon l'intimée, le recours est irrecevable, faute d'être dirigé contre une décision rendue en dernière instance cantonale. Il n'est pas contesté en l'espèce que l'ordonnance critiquée a été rendue en application de l'art. 387 LPC/GE, selon lequel, dès le dépôt de l'assignation et jusqu'à l'audience d'introduction, le président, sur requête écrite d'un des conjoints et s'il y a urgence, statue en chambre du conseil et sans délai sur les autres mesures provisoires permises par l'art. 145 CC (al. 1). Le jugement est immédiatement exécutoire et n'est susceptible d'aucun recours; si la cause est introduite, chaque époux peut agir selon l'art. 393 LPC/GE pour requérir un jugement qui se substitue au précédent (al. 3). Sur requête de l'une des parties, ce jugement peut être modifié par le président jusqu'à l'audience d'introduction de la cause devant le tribunal (al. 4). a) En vertu des art. 86 al. 1 et 87 OJ, le recours de droit public pour violation de l'art. 4
SR 101 Bundesverfassung der Schweizerischen Eidgenossenschaft vom 18. April 1999
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Cst. n'est recevable que contre des décisions prises en dernière instance cantonale. Selon la jurisprudence constante, la notion de moyen de droit cantonal est large; elle comprend non seulement les voies de recours ordinaires et extraordinaires, mais, d'une façon générale, "toutes les voies de droit qui sont ouvertes au recourant lui-même afin de faire disparaître le préjudice juridique allégué et qui sont de nature à obliger l'autorité saisie à statuer" (ATF 94 I 459 consid. 2 p. 461 in fine; cf. ATF 110 Ia 136 consid. 2a, ATF 90 I 201 consid. 1 p. 204 et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de se prononcer sur le moyen soulevé par l'intimée. Dans un arrêt non publié en la cause D. c. dame D. du 1er juin 1989, il a jugé que la possibilité - courante en matière provisionnelle - de demander la modification de l'ordonnance de mesures préprovisoires, selon l'art. 387 al. 4 LPC/GE, n'a pas pour effet, comme le ferait une voie de droit, de faire contrôler la première décision, mais bien d'adapter celle-ci aux circonstances nouvelles; partant, les nouvelles mesures ainsi requises ne sauraient corriger celles qui ont été rendues précédemment et constituer une voie qui permet d'éliminer le préjudice allégué dans le recours de droit public (consid. 1c; cf. KÄLIN, Das Verfahren der staatsrechtlichen Beschwerde, p. 283 in fine et les références). Cet arrêt a toutefois laissé indécise la question de savoir si les mesures provisoires prévues par l'art. 393 LPC/GE constituent un moyen de droit cantonal à l'encontre de l'ordonnance de mesures préprovisoires.
BGE 120 Ia 61 S. 63

Il n'en serait ainsi "que dans l'éventualité où le prononcé rendu en application de l'art. 393 LPC/GE annulerait la première décision avec effet ex tunc"; or, le seul fait que le législateur ait utilisé les termes de "se substituer à" ne signifie pas qu'il ait voulu conférer un effet rétroactif aux mesures provisoires en cause (consid. 1d; cf. ATF non publiés C. B. c. dame C. B. du 22 septembre 1992, consid. 3; L. c. dame L. du 5 février 1990, consid. 1, dans lesquels la question fut également réservée). b) L'art. 387 LPC/GE est le résultat d'une évolution législative, qu'il convient de retracer. Lors de la révision des dispositions de la loi de procédure civile relatives au divorce et à la séparation de corps, le législateur genevois a procédé par étapes et réglé en premier lieu les mesures provisoires (Mémorial des séances du Grand Conseil 1967 p. 116). La réforme devait permettre au juge de prendre en cas d'urgence, dès le dépôt de la citation en conciliation, sans enquêtes ni instruction préalable, mais après avoir entendu les parties et examiné les pièces produites, des mesures provisoires immédiatement exécutoires, sans être susceptibles d'opposition ou d'appel (ibid. p. 117/118). Ces mesures, qualifiées de "préprovisoires", ne privaient cependant pas les parties d'apporter, dans la procédure sur mesures provisoires, "les éléments probatoires dont elle disposent, pour permettre à leur juge de rendre une décision équitable et correspondant à la situation réelle" (ibid. p. 118). Un nouvel art. 434A a dès lors été adopté, en vertu duquel, s'il accorde l'autorisation de citer, le président, à la demande d'un des conjoints et s'il y a urgence, ordonne les mesures provisoires prévues à l'art. 145 CC, ou transmet la demande au juge délégué, qui statuera également en chambre du conseil dans le plus bref délai et en dernier ressort, après avoir entendu les parties préalablement invitées à présenter toutes pièces utiles. Ce jugement déploiera ses effets sous réserve de l'introduction de la demande au fond et d'un nouveau jugement exécutoire éventuellement rendu en application de l'art. 441 al. 1
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LPC (ibid. p. 120/121 et 127). La jurisprudence a toutefois précisé que le renvoi visait en réalité, non l'al. 1er, mais bien l'al. 2, de la disposition précitée, selon lequel, si des mesures d'urgence ont été ordonnées, le Tribunal, à la demande d'une des parties, doit ordonner une instruction sur mesures provisoires (SJ 1972 p. 123). L'art. 434A a ensuite été modifié par l'art. 436, qui a profondément remanié, "dans sa présentation", la norme abrogée. La portée de la décision sur mesures préprovisoires a été "précisée", en ce sens
BGE 120 Ia 61 S. 64

que, si la cause est introduite, cette décision "peut être remplacée par un jugement sur mesures provisoires" (Mémorial 1975 p. 2255). Le nouveau texte a dès lors prévu, à l'al. 2, que "chaque époux peut agir selon l'art. 441, al. 1, pour requérir un jugement qui se substitue au précédent" (ibid. p. 2264). Cette formulation est reprise telle quelle dans les versions successives de la loi, c'est-à-dire l'art. 424 al. 3 (Mémorial 1981 p. 2491/2492), puis l'actuel art. 387 al. 3 (Mémorial 1987 p. 1686/1687), lequel correspond textuellement au précédent. c) L'expression de "se substituer à", qui figure à l'art. 387 al. 3 LPC/GE, a été clairement définie dans une décision rendue, certes, en application des art. 434A et 441 aLPC/GE (cf. supra, let. b), mais qui n'en dicte pas moins en l'espèce l'interprétation du texte actuel. La Cour de justice y avait affirmé que, "le Tribunal, saisi à la première audience utile après l'introduction du procès au fond de la demande (...) d'ouverture d'une instruction sur mesures provisoires, avait le droit et l'obligation d'examiner entièrement à nouveau la situation des parties, sans qu'il ait été lié par les modalités de la décision présidentielle, pouvant ainsi augmenter la pension fixée par le Président ou au contraire la diminuer, ce qui impliquait nécessairement que le nouveau jugement rétroagissait et remplaçait la décision présidentielle sur mesures préprovisoires". Des faits nouveaux ne sont, a fortiori, pas indispensables pour le nouveau jugement sur mesures provisoires (SJ 1972 p. 121 ss, spéc. 123 et note BARDE). Selon cette jurisprudence, le juge appelé à statuer sur mesures provisoires (art. 145 CC), peut dès lors modifier les mesures préprovisoires ordonnées par le Président, même en l'absence de faits nouveaux; le jugement sur mesures provisoires remplace, avec effet rétroactif, l'ordonnance de mesures préprovisoires. Les termes consacrés par le législateur dès l'adoption de l'art. 436 aLPC/GE sont idoines, et manifestent sa volonté de concrétiser un principe que la jurisprudence avait déjà déduit d'un texte moins explicite (cf. supra, let. b). En conclusion, la voie des mesures provisoires de l'art. 393 LPC/GE ouvre au recourant la possibilité d'obtenir une décision de l'autorité saisie, propre à supprimer le préjudice qui découle de l'ordonnance d'urgence prise en vertu de l'art. 387 LPC/GE. Cette voie, l'intéressé l'a du reste suivie, selon les déterminations de l'autorité cantonale. La décision attaquée n'a donc pas été rendue en dernière instance cantonale; le recours est dès lors irrecevable.