Urteilskopf

117 III 29

10. Extrait de l'arrêt de la Chambre des poursuites et des faillites du 1er février 1991 dans la cause The Hongkong & Shanghai Banking Corporation (recours LP)
Regeste (de):

Regeste (fr):

Regesto (it):


Sachverhalt ab Seite 29

BGE 117 III 29 S. 29

A.- Le 10 juillet 1989, The Hongkong & Shanghai Banking Corporation (ci-après: HSBC) requit la continuation de la poursuite No 89025.532 S contre Khalil J. Ghattas. Le 8 novembre 1989, l'office expédia au registre foncier une réquisition d'annotation d'une restriction du droit d'aliéner la parcelle 13142 de la commune de Meyrin, droit de superficie inscrit
BGE 117 III 29 S. 30

au nom de la société IBC S.A.
Le 9 février 1990, l'office adressa à HSBC et à d'autres créanciers de Ghattas le procès-verbal de saisie pour la série 89025.532 S. Sous No 46, ce procès-verbal mentionne la parcelle 13142 de Meyrin comme immeuble saisi, "inscrit au nom de IBC S.A., mais appartenant à M. Khalil Ghattas".
B.- Le 19 février 1990, IBC S.A. porta plainte contre la saisie de l'immeuble inscrit à son nom au registre foncier. Elle reprocha à l'office d'avoir fait porter la saisie sur un bien qui lui appartient alors que les poursuites visent Khalil Ghattas. Elle contesta former une unité économique avec celui-ci car, s'il détient la quasi-totalité du capital-actions de IBC S.A., cette société possède une activité propre et des engagements à l'égard de tiers. IBC S.A. conclut à l'annulation de la saisie portant sur son immeuble de Meyrin. Ultérieurement, elle compléta sa plainte et les créanciers, notamment HSBC, eurent l'occasion de déposer des déterminations sur la plainte et ses compléments. Par décision du 26 septembre 1990, l'autorité cantonale de surveillance admit la plainte, constata la nullité de la saisie de l'objet inventorié sous No 46 du procès-verbal de saisie dans la série No 89025.532, savoir la parcelle 13142 de Meyrin, et ordonna la levée immédiate de cette saisie. Elle considéra que l'office ne pouvait saisir que les biens appartenant au débiteur, sous réserve du cas où l'identité économique entre débiteur poursuivi et tiers propriétaire du bien saisi n'est ni contestable, ni sérieusement contestée, que l'identité économique entre IBC S.A. et Khalil Ghattas n'avait pas été rendue vraisemblable et qu'au surplus, il fallait s'en tenir strictement à l'identité juridique et faire abstraction de la réalité économique alléguée lorsque le tiers a son domicile en Suisse et y est soumis à la poursuite par voie de faillite, comme c'est le cas pour IBC S.A.
C.- HSBC recourt à la Chambre des poursuites et des faillites du Tribunal fédéral, conclut à l'annulation de la décision de l'autorité de surveillance et à ce qu'il soit constaté que la saisie intervenue est conforme au droit fédéral. L'effet suspensif a été accordé au recours.
Khalil Ghattas conclut au rejet du recours.
IBC S.A. le juge téméraire et conclut à son rejet dans la mesure où il est recevable.
BGE 117 III 29 S. 31

Erwägungen

Extrait des considérants:

3. La recourante soutient que la décision entreprise viole les art. 91 al. 1
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 91 - 1 Le débiteur est tenu, sous menace des peines prévues par la loi:
1    Le débiteur est tenu, sous menace des peines prévues par la loi:
1  d'assister à la saisie ou de s'y faire représenter (art. 323, ch. 1, CP182);
2  d'indiquer jusqu'à due concurrence tous les biens qui lui appartiennent, même ceux qui ne sont pas en sa possession, ainsi que ses créances et autres droits contre des tiers (art. 163, ch. 1, 323, ch. 2, CP)183.
2    Si le débiteur néglige sans excuse suffisante d'assister à la saisie ou de s'y faire représenter, l'office des poursuites peut le faire amener par la police.
3    À la réquisition du préposé, le débiteur est tenu d'ouvrir ses locaux et ses meubles. Au besoin, le préposé peut faire appel à la force publique.
4    Les tiers qui détiennent des biens du débiteur ou contre qui le débiteur a des créances ont, sous menace des peines prévues par la loi (art. 324, ch. 5, CP), la même obligation de renseigner que le débiteur.
5    Les autorités ont la même obligation de renseigner que le débiteur.
6    L'office des poursuites attire expressément l'attention des intéressés sur leurs obligations ainsi que sur les conséquences pénales de leur inobservation.
et 95
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 95 - 1 La saisie porte au premier chef sur les biens meubles, y compris les créances et les droits relativement saisissables (art. 93); les objets de valeur courante doivent être saisis les premiers, ceux dont le débiteur peut se passer plus aisément, de préférence à ceux dont il pourrait difficilement se priver.210
1    La saisie porte au premier chef sur les biens meubles, y compris les créances et les droits relativement saisissables (art. 93); les objets de valeur courante doivent être saisis les premiers, ceux dont le débiteur peut se passer plus aisément, de préférence à ceux dont il pourrait difficilement se priver.210
2    Les immeubles ne sont saisis qu'à défaut de biens meubles suffisants pour couvrir la créance.211
3    Sont saisis en dernier lieu les biens frappés de séquestre, ceux que le débiteur désigne comme appartenant à des tiers et ceux que des tiers revendiquent.
4    Le débiteur dont on saisit les fourrages peut exiger que l'on saisisse en même temps le nombre correspondant de pièces de bétail.
4bis    Le préposé peut s'écarter de cet ordre lorsque les circonstances le justifient ou que le créancier et le débiteur le demandent conjointement.212
5    En général, le fonctionnaire qui procède à la saisie doit concilier autant que possible les intérêts du créancier et ceux du débiteur.
LP ainsi que l'art. 10 ORI. Elle fait valoir que la loi a admis la saisie de biens se trouvant en mains de tiers et que la saisie peut être opérée même si le détenteur ou toute autre personne s'en prétend propriétaire, de façon à éviter que le débiteur récalcitrant empêche le créancier d'exercer la mainmise prévue par le droit de l'exécution forcée. C'est uniquement si les droits préférables du tiers détenteur du bien à saisir sont évidents et incontestables que la saisie devra être refusée. La recourante reproche surtout à l'autorité cantonale de surveillance d'avoir totalement méconnu les circonstances qui permettent de mettre en doute la réelle existence du droit de propriété de la société IBC S.A. sur l'immeuble saisi. Elle y voit un abus du pouvoir d'appréciation qui violerait l'art. 8
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 8 - Chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit.
CC. Si la loi n'en dispose pas autrement, le débiteur ne répond en principe de ses obligations que sur les biens qui lui appartiennent (art. 91
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 91 - 1 Le débiteur est tenu, sous menace des peines prévues par la loi:
1    Le débiteur est tenu, sous menace des peines prévues par la loi:
1  d'assister à la saisie ou de s'y faire représenter (art. 323, ch. 1, CP182);
2  d'indiquer jusqu'à due concurrence tous les biens qui lui appartiennent, même ceux qui ne sont pas en sa possession, ainsi que ses créances et autres droits contre des tiers (art. 163, ch. 1, 323, ch. 2, CP)183.
2    Si le débiteur néglige sans excuse suffisante d'assister à la saisie ou de s'y faire représenter, l'office des poursuites peut le faire amener par la police.
3    À la réquisition du préposé, le débiteur est tenu d'ouvrir ses locaux et ses meubles. Au besoin, le préposé peut faire appel à la force publique.
4    Les tiers qui détiennent des biens du débiteur ou contre qui le débiteur a des créances ont, sous menace des peines prévues par la loi (art. 324, ch. 5, CP), la même obligation de renseigner que le débiteur.
5    Les autorités ont la même obligation de renseigner que le débiteur.
6    L'office des poursuites attire expressément l'attention des intéressés sur leurs obligations ainsi que sur les conséquences pénales de leur inobservation.
, 197
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 197 - 1 Tous les biens saisissables du failli au moment de l'ouverture de la faillite forment une seule masse, quel que soit le lieu où ils se trouvent, et sont affectés au paiement des créanciers.
1    Tous les biens saisissables du failli au moment de l'ouverture de la faillite forment une seule masse, quel que soit le lieu où ils se trouvent, et sont affectés au paiement des créanciers.
2    Les biens qui échoient au failli jusqu'à la clôture de la faillite rentrent dans la masse.
LP). Cela n'exclut pas la saisie de biens se trouvant aux mains de tiers et la saisie peut être opérée même si le détenteur ou toute autre personne s'en prétend propriétaire (art. 95 al. 3
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 95 - 1 La saisie porte au premier chef sur les biens meubles, y compris les créances et les droits relativement saisissables (art. 93); les objets de valeur courante doivent être saisis les premiers, ceux dont le débiteur peut se passer plus aisément, de préférence à ceux dont il pourrait difficilement se priver.210
1    La saisie porte au premier chef sur les biens meubles, y compris les créances et les droits relativement saisissables (art. 93); les objets de valeur courante doivent être saisis les premiers, ceux dont le débiteur peut se passer plus aisément, de préférence à ceux dont il pourrait difficilement se priver.210
2    Les immeubles ne sont saisis qu'à défaut de biens meubles suffisants pour couvrir la créance.211
3    Sont saisis en dernier lieu les biens frappés de séquestre, ceux que le débiteur désigne comme appartenant à des tiers et ceux que des tiers revendiquent.
4    Le débiteur dont on saisit les fourrages peut exiger que l'on saisisse en même temps le nombre correspondant de pièces de bétail.
4bis    Le préposé peut s'écarter de cet ordre lorsque les circonstances le justifient ou que le créancier et le débiteur le demandent conjointement.212
5    En général, le fonctionnaire qui procède à la saisie doit concilier autant que possible les intérêts du créancier et ceux du débiteur.
et 109
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
LP Art. 109 - 1 Sont intentées au for de la poursuite:
1    Sont intentées au for de la poursuite:
1  les actions fondées sur l'art. 107, al. 5;
2  les actions fondées sur l'art. 108, al. 1, lorsque le défendeur est domicilié à l'étranger.
2    Lorsque l'action fondée sur l'art. 108, al. 1, est dirigée contre un défendeur domicilié en Suisse, elle est intentée au domicile de ce dernier.
3    Le for des actions relatives aux droits sur un immeuble est, dans tous les cas, au lieu de situation de l'immeuble ou de la partie de l'immeuble qui a la valeur la plus élevée.
4    Le juge avise l'office des poursuites de l'introduction de l'action et du jugement définitif. ...228
5    En tant qu'elle concerne les objets litigieux, la poursuite est suspendue jusqu'au jugement définitif et les délais pour requérir la réalisation (art. 116) ne courent pas.
LP). Lorsque, comme en l'espèce la saisie contestée porte sur un immeuble, on ne peut s'en tenir, comme en matière mobilière, à la présomption de propriété qui découle de la possession (art. 930
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 930 - 1 Le possesseur d'une chose mobilière en est présumé propriétaire.
1    Le possesseur d'une chose mobilière en est présumé propriétaire.
2    Les possesseurs antérieurs sont présumés avoir été propriétaires de la chose pendant la durée de leur possession.
CC). L'état des droits sur les immeubles est donné par le registre foncier (art. 942
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 942 - 1 Le registre foncier donne l'état des droits sur les immeubles.
1    Le registre foncier donne l'état des droits sur les immeubles.
2    Il comprend le grand livre, les documents complémentaires (plan, rôle, pièces justificatives, état descriptif) et le journal.
3    Le registre foncier peut être tenu sur papier ou au moyen de l'informatique.656
4    En cas de tenue informatisée du registre foncier, les données inscrites produisent des effets juridiques si elles sont correctement enregistrées dans le système et si les appareils de l'office du registre foncier en permettent la lecture sous forme de chiffres et de lettres par des procédés techniques ou sous forme de plans.657
CC) et une norme spéciale, l'art. 10 ORI, précise les hypothèses dans lesquelles les immeubles inscrits au registre foncier au nom d'un autre que le débiteur peuvent être saisis. Dans ce cas, la saisie est possible lorsque le créancier rend vraisemblable que, par occupation, succession, expropriation ou jugement, le débiteur a acquis la propriété sans inscription au registre foncier (art. 656 al. 2
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 656 - 1 L'inscription au registre foncier est nécessaire pour l'acquisition de la propriété foncière.
1    L'inscription au registre foncier est nécessaire pour l'acquisition de la propriété foncière.
2    Celui qui acquiert un immeuble par occupation, succession, expropriation, exécution forcée ou jugement en devient toutefois propriétaire avant l'inscription, mais il n'en peut disposer dans le registre foncier qu'après que cette formalité a été remplie.
CC) ou qu'en vertu du régime matrimonial, l'immeuble répond des dettes du débiteur poursuivi ou encore que l'inscription au registre foncier est inexacte. Selon la jurisprudence, cette dernière hypothèse doit être entendue dans un sens large, car l'art. 10 ORI tend à autoriser l'exécution forcée malgré l'inscription figurant au registre foncier (ATF 114 III 90 consid. 3a). Il suffit que l'inexactitude soit rendue vraisemblable (ATF 55 III 58). Selon la décision entreprise, la recourante "n'a pas apporté un commencement de preuve de nature à ébranler la présomption selon laquelle l'inscription au registre foncier serait contraire à la
BGE 117 III 29 S. 32

réalité". Cette affirmation paraît en contradiction avec celle de la société IBC S.A. elle-même qui, dans sa plainte du 19 février 1990 déjà, expose, sous chiffre 2, que le débiteur Ghattas détient la quasi-totalité du capital-actions d'IBC S.A. Ce point de fait a été souligné par la recourante dans ses déterminations adressées à l'autorité de surveillance les 12 mars et 25 avril 1990. Il est confirmé par IBC S.A. dans sa réponse au recours. Toutefois, le Tribunal fédéral fonde son arrêt sur les faits tels qu'ils ont été constatés par la dernière autorité cantonale, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées ou qu'il y ait lieu de rectifier d'office une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 656 - 1 L'inscription au registre foncier est nécessaire pour l'acquisition de la propriété foncière.
1    L'inscription au registre foncier est nécessaire pour l'acquisition de la propriété foncière.
2    Celui qui acquiert un immeuble par occupation, succession, expropriation, exécution forcée ou jugement en devient toutefois propriétaire avant l'inscription, mais il n'en peut disposer dans le registre foncier qu'après que cette formalité a été remplie.
OJ applicable par analogie en vertu du renvoi de l'art. 81
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 656 - 1 L'inscription au registre foncier est nécessaire pour l'acquisition de la propriété foncière.
1    L'inscription au registre foncier est nécessaire pour l'acquisition de la propriété foncière.
2    Celui qui acquiert un immeuble par occupation, succession, expropriation, exécution forcée ou jugement en devient toutefois propriétaire avant l'inscription, mais il n'en peut disposer dans le registre foncier qu'après que cette formalité a été remplie.
OJ). En l'espèce, on ne peut parler d'une inadvertance, car l'autorité de surveillance n'a pas ignoré, mal lu, transcrit inexactement ou incomplètement une pièce versée au dossier à titre de preuve (ATF 109 II 162 consid. 2b) et la recourante ne le soutient d'ailleurs pas. On doit aussi se demander s'il y a eu violation des dispositions fédérales en matière de preuve. La recourante invoque un abus du pouvoir d'appréciation qui constituerait une violation de l'art. 8
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 8 - Chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit.
CC. Certes, cette disposition s'applique par analogie à la procédure de plainte et elle garantit aux parties le droit à l'administration de moyens de preuve propres à établir des faits pertinents et contestés. Mais le droit à la preuve découlant de cette norme fédérale ne régit pas l'appréciation des preuves qui, elle, relève du droit cantonal de procédure (ATF 105 III 116 consid. 5b et les arrêts cités) dont l'éventuelle violation ne peut être invoquée que dans un recours de droit public fondé sur l'art. 4
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche.
Cst. (ATF 110 III 117 consid. 2; ATF 105 III 34). Et le présent recours ne remplit pas les conditions de recevabilité posées par la loi pour le recours de droit public.
En définitive, il faut donc s'en tenir aux faits tels qu'ils ont été appréciés par l'autorité cantonale de surveillance.
4. Si, conformément au jugement attaqué, il n'existe aucun indice d'identité économique entre le débiteur et IBC S.A., ni aucune circonstance de nature à renverser la présomption découlant de l'inscription au registre foncier, la saisie de l'immeuble inscrit au nom d'IBC S.A., en application de l'art. 10 al. 1 ch. 3 ORI et dans le cadre d'une poursuite contre Khalil J. Ghattas, est injustifiée (ATF 55 III 58). C'est à bon droit qu'elle a été annulée par la décision entreprise et le recours doit donc être rejeté.