Urteilskopf

116 II 184

33. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 22 mai 1990 dans la cause époux C. contre Fondation A. (recours en réforme)
Regeste (de):

Regeste (fr):

Regesto (it):


Sachverhalt ab Seite 184

BGE 116 II 184 S. 184

A.- Les époux C. sont locataires d'un appartement de 3 pièces, cuisine comprise, au 5e étage de l'immeuble 31, rue du Grand-Bureau, à Genève, propriété de la Fondation A. Le loyer annuel de ce logement a été fixé à 6'600 francs, plus charges, dès le 1er juillet 1984.
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Le 17 mars 1987, la Fondation a notifié aux époux C. un avis de majoration, visant à porter le loyer à 8'400 francs l'an, dès le 1er juillet 1987. A l'appui de cette hausse de 27%, la bailleresse invoquait l'"adaptation à la valeur objective des locaux, selon l'art. 15a AMSL (application du règlement de la Fondation HLM de la Ville de Genève)". La Fondation s'est en effet dotée d'un règlement, contenant notamment les clauses suivantes: "1. Le loyer sera fixé en tenant compte du salaire du locataire, auquel sera ajouté le salaire des personnes cohabitant avec lui. Il ne devra pas dépasser dans la règle de 15% du revenu ci-dessus défini.
2. L'évolution dudit revenu sera prise en considération, à concurrence de 15%.
3. Pour ce faire, chaque année, 4 mois avant l'échéance du bail, la situation financière du locataire sera revue par le bailleur, aux fins de réadapter les conditions du bail à son échéance.
4. Le comité de la Fondation se réserve le droit de déroger aux règles susmentionnées après examen de cas particuliers où l'application desdites règles serait problématique."
Conformément au point 3 du règlement précité, la Fondation s'est enquise, préalablement à l'envoi de l'avis de majoration, des revenus obtenus par les époux C. Ils ont déclaré un revenu global mensuel brut de 6'182 francs.
B.- Les époux C. se sont opposés à la majoration de loyer. Après échec de la conciliation, la Fondation a porté la cause devant le Tribunal des baux de Genève. Par jugement du 10 novembre 1988, il a admis la hausse de loyer, l'arrêtant à 8'400 francs, charges non comprises, dès le 1er juillet 1987. Par arrêt du 27 novembre 1989, la Chambre d'appel en matière de baux et loyers de Genève a déclaré infondé l'appel des locataires et a confirmé le jugement du Tribunal des baux.
C.- En temps utile, les époux C. interjettent un recours en réforme. Ils concluent à la réforme de l'arrêt cantonal en ce sens que, principalement, le loyer est maintenu à 6'600 francs. La Fondation conclut au rejet du recours.
Le Tribunal fédéral a admis partiellement le recours, annulé l'arrêt attaqué et renvoyé la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
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Erwägungen

Extrait des considérants:

1. Même si les logements présentent un caractère social, car vraisemblablement construits avec l'aide des pouvoirs publics, aucun élément ne fait ressortir qu'ils seraient soumis au contrôle des autorités au sens de l'art. 4 al. 2
SR 916.350.2 Verordnung vom 25. Juni 2008 über die Zulagen und die Datenerfassung im Milchbereich (Milchpreisstützungsverordnung, MSV) - Milchpreisstützungsverordnung
MSV Art. 4 Zulagenperiode - Zulagen werden für die Periode vom 1. November des Vorjahres bis zum 31. Oktober des laufenden Jahres ausgerichtet.
OSL. Dès lors, l'AMSL est applicable sans restriction (cf. BARBEY, L'AMSL, p. 21).
3. Selon les recourants, l'immeuble étant soumis à l'AMSL, la propriétaire ne peut pas, sous prétexte d'adaptation au revenu du locataire, pratiquer un loyer supérieur à celui autorisé par les art. 14 et 15
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AMSL. a) Un contrat de bail prévoyant la possibilité d'une réadaptation du loyer en fonction du revenu du locataire, dans des délais conventionnels acceptables, n'est pas contraire à l'AMSL. Mais, comme l'admettent à juste titre la cour cantonale et les parties, le loyer ainsi fixé ou réadapté doit être apprécié conformément à l'art. 14 AMSL, c'est-à-dire ne pas procurer au bailleur un rendement excessif du logement ou du local loué. N'est pas excessif, au sens de la disposition précitée, un loyer qui permet au bailleur de couvrir ses charges et d'obtenir un rendement convenable du capital propre investi. Un état locatif qui, outre la couverture des charges, sert à renter équitablement les fonds propres théoriques (40% de la valeur de l'immeuble), réévalués à un taux n'excédant pas de plus de 1/2% le taux de l'intérêt hypothécaire de premier rang pratiqué par les grandes banques, est admissible (cf. ATF 112 II 152, consid. 2b). Lors d'une contestation du loyer par un preneur, la fixation de l'état locatif admissible d'un immeuble ou d'un groupe d'immeubles n'est, sauf exception, qu'une étape dans l'appréciation particulière du cas. Selon le texte même de l'art. 14 al. 1
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AMSL, le caractère admissible ou excessif d'un loyer ne s'apprécie qu'au regard du local pris à bail par le preneur partie à la procédure; le fait que le rendement du reste de l'immeuble soit insuffisant ou abusif n'a aucune incidence sur l'issue du litige (BARBEY, op.cit., p. 24, § 6.3). La jurisprudence du Tribunal fédéral en a nettement posé le principe, en tout cas lorsque se dégage une disparité manifeste entre les loyers d'un même immeuble; doit être apprécié de cas en cas le rendement des logements en cause et non pas le rendement des autres appartements de l'immeuble considéré (ATF 103 II 51). L'application de ce principe impose alors une ventilation des
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comptes, soit du revenu locatif, entre les divers appartements et locaux, selon les clés de répartition usuelles pour les immeubles constitués en propriété d'étages (arrêt du Tribunal fédéral, du 17.2.1981 dans la cause SI Ciel-Bleu "B" c. dame Panissod, publié in SJ 1981 p. 504 ss, consid. 4 in fine). aa) En règle générale, la cour cantonale admet ces principes et leur application. Mais, "dans le cas des immeubles sociaux où les loyers sont fixés en fonction d'un pourcentage des revenus des locataires", elle a adopté une jurisprudence propre tout à fait différente, voire contraire. Dans ces cas, elle se réfère au rendement de l'immeuble entier "afin de corriger et de compenser les éventuelles pertes de rendement résultant de l'application des mêmes critères de fixation des loyers à d'autres locataires disposant de revenus plus modestes". Et elle justifie sa solution par un souci de solidarité entre divers preneurs, les uns devant s'acquitter d'un loyer dépassant le montant nécessaire à renter équitablement le montant des fonds propres, afin que les autres, compte tenu de leurs faibles moyens, puissent bénéficier de logements à des prix particulièrement bas (elle se réfère à cet égard à un de ses arrêts publié in MP - Mietrechtspraxis -, 1988, p. 149 ss, et à BARBEY, Vom Umsatz oder Einkommen des Mieters abhängige Mietzinse, in MP 1989, p. 93). Toutefois, elle limite l'application de sa solution aux cas où le pourcentage du revenu consacré au loyer reste dans les proportions usuelles (comme dans le cas de la Fondation qui applique généralement la règle du 15%); les "dérapages" seraient ainsi évités. bb) En dépit de son application exceptionnelle et bien particulière, la solution retenue par la cour cantonale ne peut pas être admise. Tout d'abord, elle est contraire au texte clair de l'art. 14 al. 1
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AMSL, ainsi qu'au sens et au but de cette disposition, qui implique une analyse de la quotité du bénéfice net que le bailleur tire du loyer au regard, non pas de l'entier de son investissement dans l'immeuble, mais de son investissement dans les locaux faisant l'objet du contrat (BARBEY, L'AMSL, p. 43, § 11, ch. 3). Contraire à la loi et à la jurisprudence précise du Tribunal fédéral, la solution cantonale n'est non seulement pas fondée de lege lata, mais elle est même difficilement concevable de lege ferenda. Elle introduit un système de fixation et de modification des loyers qui ne tient aucun compte de l'importance de chaque logement, puisqu'elle permet de fixer, en fonction des revenus du
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locataire, des loyers identiques pour des locaux loués aussi différents qu'un studio ou un 5 pièces. Certes, ce genre d'inconvénient pourrait être évité par l'adoption de clés de répartition différenciées et affinées, où le 15% des revenus - comme en l'espèce - ne serait qu'un plafond maximum. Mais cela nécessiterait à tout le moins une réglementation très détaillée et non les quelques principes sommairement élaborés par la cour cantonale. Le sens et le but de l'AMSL étant d'éviter la perception d'un loyer excessif pour un logement ou un local déterminé, aucun motif raisonnablement soutenable ne permet de traiter plus défavorablement le locataire d'un immeuble social par rapport à celui d'un autre immeuble. Cette différence de traitement ne saurait être justifiée par le fait que, dans le même immeuble social, d'autres locataires bénéficient de meilleures conditions. La notion de solidarité entre locataires, sur laquelle se fonde la jurisprudence cantonale, est totalement étrangère à l'AMSL. Aussi la perte que peut subir le bailleur qui accepte, pour des motifs sociaux, de fournir à bas prix des locaux aux personnes à bas revenus, doit-elle être couverte par des ressources ad hoc, émanant d'offices, de personnes ou d'autorités agissant précisément dans le but social ainsi recherché; elle ne peut l'être par le biais de l'augmentation, à la charge de locataires plus favorisés quant aux revenus, de loyers allant au-delà d'un rendement convenable du local loué. Ce que le Tribunal fédéral a clairement posé dans l'arrêt SI Ciel-Bleu "B" c. dame Panissod - déjà cité - à propos du locataire à bas loyer qui n'a pas été admis à se prévaloir de l'existence de hauts loyers dans l'immeuble, vaut également pour le locataire à haut loyer, qui ne doit pas pouvoir se voir opposer l'existence dans l'immeuble de loyers plus bas; en conséquence, un preneur ne peut être autorisé "à mettre à profit l'abus, voire l'usure, commis à l'endroit de ses colocataires, pour ne payer lui-même qu'un loyer objectivement insuffisant"; une telle solution doit être rejetée "tout comme son corollaire qui permettrait au bailleur d'exiger un loyer excessif d'un preneur lorsque ceux des autres locataires ne suffisent pas à rentabiliser l'immeuble" (consid. 4 in fine). Au surplus, le Tribunal fédéral ne peut revenir sur ces principes au moment où il vient de poser le principe de l'égalité de traitement entre locataire et propriétaire, et entre rendement abusif et
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rendement convenable, au sens de l'AMSL et en particulier de son art. 14 (ATF 116 II 74). b) Non conforme à la loi et à la jurisprudence du Tribunal fédéral, la conception adoptée par la jurisprudence genevoise pour les immeubles dits sociaux, dont les loyers sont fixés en fonction d'un pourcentage du revenu des locataires, doit ainsi être rejetée. En conséquence, pour déterminer le loyer convenable ou non excessif applicable aux recourants, l'état locatif admissible devra être ventilé appartement par appartement, soit au prorata du nombre de pièces par logement, soit en fonction de leur surface. Comme l'état de fait de l'arrêt attaqué ne contient aucune donnée quant au nombre d'appartements entrant en considération dans l'état locatif, ni quant aux surfaces - si elles devaient être éventuellement prises en considération -, l'arrêt ne peut qu'être annulé en application de l'art. 64 al. 1
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OJ. La cause doit être renvoyée à la cour cantonale pour qu'elle statue à nouveau après complètement des constatations de fait nécessaires.