Urteilskopf

115 Ia 111

22. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 14 avril 1989, dans la cause W. contre Ministère public du canton de Vaud (recours de droit public)
Regeste (de):

Regeste (fr):

Regesto (it):


Sachverhalt ab Seite 111

BGE 115 Ia 111 S. 111

Le 9 avril 1988, W. a allumé, au moyen de journaux dont il s'était muni, deux foyers dans un pavillon faisant office de salle d'attente situé à la rue du Bugnon, à Lausanne.
BGE 115 Ia 111 S. 112

En cours d'enquête, il a été l'objet d'une expertise psychiatrique dont le rapport, daté du 24 mai 1988, fait ressortir qu'il souffre de schizophrénie évolutive à forme paranoïde, avec phases délirantes, que cette maladie mentale l'a entièrement privé de ses facultés d'appréciation et de détermination au moment où il a agi, et que son irresponsabilité totale est ainsi établie avec certitude. En conséquence, par décision du 5 septembre 1988 (date de la séance du tribunal), le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud a admis que W. n'était pas punissable (art. 10
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 10 - 1 Le présent code distingue les crimes des délits en fonction de la gravité de la peine dont l'infraction est passible.
1    Le présent code distingue les crimes des délits en fonction de la gravité de la peine dont l'infraction est passible.
2    Sont des crimes les infractions passibles d'une peine privative de liberté de plus de trois ans.
3    Sont des délits les infractions passibles d'une peine privative de liberté n'excédant pas trois ans ou d'une peine pécuniaire.
CP), qu'il convenait dès lors de mettre fin à l'action pénale, et que, par ailleurs, il n'y avait pas lieu d'envisager l'internement (art. 43 ch. 1er al. 2
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 43 - 1 Le juge peut suspendre partiellement l'exécution d'une peine privative de liberté d'un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l'auteur.36
1    Le juge peut suspendre partiellement l'exécution d'une peine privative de liberté d'un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l'auteur.36
2    La partie à exécuter ne peut excéder la moitié de la peine.
3    Tant la partie suspendue que la partie à exécuter doivent être de six mois au moins. Les règles d'octroi de la libération conditionnelle (art. 86) ne s'appliquent pas à la partie à exécuter.37
CP). Il a donc prononcé un non-lieu en faveur de l'accusé, ordonné la poursuite du traitement psychiatrique ambulatoire commencé et réservé l'hospitalisation sur décision du médecin. Il a enfin mis les frais d'enquête et d'arrêt, par 2'210 francs, à la charge de W.
Erwägungen

Considérant en droit:

2. En ce qui concerne la mise à la charge du recourant des frais de justice, l'autorité cantonale a constaté que le recourant avait adopté un comportement objectivement contraire au droit civil et avait ainsi donné lieu aux poursuites pénales, que la charge du montant de 2'010 francs à titre de frais d'enquête n'était pas de nature à grever excessivement la situation financière du recourant, que lors même qu'il n'était pas coupable, sa condamnation aux frais d'enquête et d'arrêt était justifiée au regard de l'art. 158 PP cant. et de l'art. 54 al. 1
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 54 - 1 Si l'équité l'exige, le juge peut condamner une personne même incapable de discernement à la réparation totale ou partielle du dommage qu'elle a causé.
1    Si l'équité l'exige, le juge peut condamner une personne même incapable de discernement à la réparation totale ou partielle du dommage qu'elle a causé.
2    Celui qui a été frappé d'une incapacité passagère de discernement est tenu de réparer le dommage qu'il a causé dans cet état, s'il ne prouve qu'il y a été mis sans sa faute.
CO, applicable par analogie. Le recourant reproche à l'autorité cantonale de ne pas avoir précisé quelle était sa situation financière et de s'être limitée à dire que la charge des frais de justice n'était pas de nature à la grever d'une manière excessive. Fondé sur un rapport de police du 28 avril 1988, selon lequel il est taxé fiscalement sur un revenu et une fortune nuls et ne touche qu'une rente AI de 864 francs par mois ainsi qu'une aide complémentaire de 672 francs, soit au total 1'536 francs, qui constituent ses seuls revenus, il se plaint de l'arbitraire de la décision attaquée et soutient qu'il est absolument hors d'état de payer 2'210 francs de frais de justice. Il se plaint de l'arbitraire manifesté dans l'application de l'art. 158 PP cant. selon lequel, lorsque le prévenu est libéré des fins de la poursuite pénale, il ne peut être condamné à tout ou partie des frais que si l'équité
BGE 115 Ia 111 S. 113

Il exige, notamment s'il a donné lieu à l'ouverture de l'action pénale ou s'il en a compliqué l'instruction. L'autorité cantonale, en déclarant qu'il avait adopté "un comportement objectivement contraire au droit civil", serait tombée dans l'arbitraire; car ses agissements n'ont causé aucun dommage, aucun lésé ne s'étant annoncé. En outre, au regard de la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 112 Ia 371 et, plus précisément, au sujet de l'art. 158 PP cant., l'ATF ATF 113 Ia 76), il eût convenu de procéder à une pesée des intérêts, car ce n'est que lorsque l'auteur irresponsable d'un acte illicite est dans l'aisance qu'une obligation de réparer fondée sur l'art. 54 al. 1
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 54 - 1 Si l'équité l'exige, le juge peut condamner une personne même incapable de discernement à la réparation totale ou partielle du dommage qu'elle a causé.
1    Si l'équité l'exige, le juge peut condamner une personne même incapable de discernement à la réparation totale ou partielle du dommage qu'elle a causé.
2    Celui qui a été frappé d'une incapacité passagère de discernement est tenu de réparer le dommage qu'il a causé dans cet état, s'il ne prouve qu'il y a été mis sans sa faute.
CO peut être envisagée. En l'espèce donc, l'autorité cantonale aurait dû mettre les frais à la charge de l'Etat ou au moins n'en mettre qu'une part restreinte à sa charge.
3. Il ressort de l'arrêt publié aux ATF 113 Ia 79, ainsi que de la doctrine et de la jurisprudence qui y sont citées, que l'art. 18 PP cant. institue, de même que l'art. 54
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 54 - 1 Si l'équité l'exige, le juge peut condamner une personne même incapable de discernement à la réparation totale ou partielle du dommage qu'elle a causé.
1    Si l'équité l'exige, le juge peut condamner une personne même incapable de discernement à la réparation totale ou partielle du dommage qu'elle a causé.
2    Celui qui a été frappé d'une incapacité passagère de discernement est tenu de réparer le dommage qu'il a causé dans cet état, s'il ne prouve qu'il y a été mis sans sa faute.
CO, une responsabilité exceptionnelle, pour les cas où, selon l'équité, la pesée des intérêts en présence justifie que l'accusé acquitté supporte tout ou partie des frais qu'il a provoqués. L'équité commande notamment de prendre en considération la situation de fortune de la personne en cause, la gène à laquelle elle ou sa famille serait exposée du fait du montant à payer. Dans ce précédent, le Tribunal fédéral a considéré que l'autorité cantonale, en ne procédant pas à la pesée des intérêts imposée par l'équité sur la base de l'art. 158 PP cant., avait rendu une décision arbitraire. Dans un arrêt antérieur (ATF 112 Ia 374), le Tribunal fédéral avait également précisé que l'on devait qualifier une attitude de fautive lorsqu'elle porte atteinte à des règles de droit civil ou d'ordre éthique. Dans un tel cas, la mise à la charge de frais judiciaires se justifie à condition toutefois qu'il existe un rapport de causalité entre l'attitude répréhensible et les frais en cause. En l'espèce, et comme cela s'est produit dans la première affaire rappelée plus haut, l'autorité cantonale n'a pas procédé à la pesée des intérêts imposée par l'équité sur la base de l'art. 158 PP cant. et elle a donc rendu une décision arbitraire. Par ailleurs, il ne ressort pas de sa décision qu'elle aurait tenu compte de la situation de fortune du recourant qui pourrait bien être nulle. Or il saute aux yeux qu'avec un revenu mensuel de 1'536 francs, le recourant, même s'il n'a pas de charge de famille et vit seul bien que marié, n'est pas à même de payer 2'210 francs de frais de justice.

BGE 115 Ia 111 S. 114

Indépendamment de l'insaisissabilité absolue ou relative de la rente AI et de la rente complémentaire qu'il touche, la totalité des deux montants ne semble pas atteindre le minimum vital en matière de poursuite. Dès lors, même s'il ne se justifie pas de faire une comparaison entre la situation de fortune de l'Etat de Vaud et celle du recourant, on doit constater que la mise à la charge des frais judiciaires constitue pour le recourant une charge impossible à assumer, en tout cas totalement. Le recours de droit public doit donc être admis sur ce point et il appartiendra à l'autorité cantonale de statuer à nouveau sur les frais de la procédure cantonale, après avoir déterminé la situation financière du recourant, y compris sa fortune éventuelle, et procédé à une pesée des intérêts en présence.