Urteilskopf

111 V 229

45. Arrêt du 28 octobre 1985 dans la cause Société vaudoise et romande de secours mutuels contre P. et Tribunal des assurances du canton de Vaud
Regeste (de):

Regeste (fr):

Regesto (it):


Sachverhalt ab Seite 230

BGE 111 V 229 S. 230

A.- Dame P., née en 1938, mariée, est affiliée à la Société vaudoise et romande de secours mutuels et bénéficie notamment de l'assurance des soins médicaux et pharmaceutiques en cas de maladie et d'accident. Atteinte d'une affection tumorale, elle a subi en 1971 une mastectomie radicale du côté gauche. A la suite de cette opération, l'assurée, qui était soignée depuis plusieurs années pour des troubles psychiques - d'origines endogène et exogène - par le docteur Z., spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a présenté des "réactions dépressives surajoutées d'origine exogène". Dans le but de rééquilibrer le psychisme de la prénommée, l'implantation d'une prothèse mammaire a été envisagée. En septembre 1982, le professeur K., chef du service de chirurgie plastique et reconstructive du Centre hospitalier universitaire vaudois, a procédé à la reconstruction du sein amputé et à la mise en place d'une prothèse. Les frais de cette intervention, y compris les honoraires du chirurgien, se sont montés à Fr. 5'881.10. Par décision du 14 décembre 1982, la caisse a refusé de prendre en charge ces frais, en se fondant sur ses statuts et sur la jurisprudence du Tribunal fédéral des assurances en la matière.
B.- L'assurée a recouru contre cet acte administratif devant le Tribunal des assurances du canton de Vaud. Après avoir notamment recueilli les déclarations du professeur K. et du docteur Z., la juridiction cantonale a, par jugement du 12 octobre 1983, admis le recours et réformé la décision entreprise en ce sens que la caisse devait verser ses prestations pour les frais occasionnés par la reconstruction mammaire. Elle a considéré, en bref: que "l'intervention litigieuse (constituait) indéniablement la suite d'une maladie assurée, ayant nécessité une opération gravement mutilante d'une partie du corps sensible sur le plan esthétique"; qu'au vu des déclarations concordantes des médecins précités, l'indication de la reconstruction mammaire avait un caractère
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thérapeutique sur le plan psychologique, car elle était de nature à guérir l'assurée des réactions dépressives surajoutées d'origine exogène; que la jurisprudence du Tribunal fédéral des assurances n'excluait pas dans tous les cas la prise en charge par une caisse-maladie des frais relatifs à une reconstruction mammaire, et enfin qu'en l'espèce, le coût de l'intervention n'était pas contraire au principe du traitement économique.
C.- La Société vaudoise et romande de secours mutuels interjette recours de droit administratif contre ce jugement, en concluant à l'annulation de ce dernier et au rétablissement de sa décision. L'assurée conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances sociales renonce à formuler une proposition concrète, tout en considérant que la question de l'opportunité d'un revirement de jurisprudence se pose dans le cas particulier, étant donné l'avis exprimé, en date du 23 août 1984, par la Commission fédérale des prestations générales de l'assurance-maladie, selon lequel "l'intervention de plastique mammaire reconstructive ayant pour but de rétablir l'intégrité physique et psychique de la patiente suite à une amputation indiquée médicalement, devrait être considérée comme prestation obligatoire pour les caisses-maladie" (cf. RAMA 1984 p. 212 ch. 3).
Erwägungen

Considérant en droit:

1. a) Selon l'art. 14 al. 1 Ord. III sur l'assurance-maladie, les prestations obligatoirement à la charge des caisses-maladie en vertu de la loi ne sont dues que si l'assuré est atteint d'une maladie. Mais, vu la diversité des formes que peuvent revêtir des états et processus morbides, la notion de maladie se prête difficilement à une stricte définition juridique. Toutefois, on ne saurait parler de maladie, dans un cas concret, s'il n'existe aucun trouble dû à des phénomènes pathologiques (ATF 105 V 182 -183 consid. 1a et les références; RJAM 1981 No 440 p. 64 consid. 1). Aussi, un défaut uniquement esthétique, sans rapport avec un processus morbide, n'est-il pas un risque assuré selon la LAMA (GREBER, Droit suisse de la sécurité sociale, 1982, p. 385; PFLUGER, Juristische Kartothek der Krankenversicherung, carte Ia 6). b) Selon l'art. 17 ch. 1 let. d des conditions générales d'assurance de la caisse recourante, est exclu de l'assurance le risque constitué par les soins esthétiques.
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c) En vertu de l'art. 12 al. 2 LAMA, les prestations à la charge des caisses-maladie, au titre de l'assurance des soins médicaux et pharmaceutiques, sont dues en cas de traitement médical. Par traitement médical, il faut entendre notamment les soins donnés par un médecin. Ceux-ci comprennent, selon l'art. 21 al. 1 Ord. III sur l'assurance-maladie, toute mesure diagnostique ou thérapeutique, reconnue scientifiquement, qui est appliquée par un médecin. En particulier sont de telles mesures celles qui servent à éliminer des troubles physiques ou psychiques (ATF 110 V 315 consid. 3a, ATF 107 V 100 consid. 1b; RJAM 1982 No 517 p. 307 consid. 1a). Au sujet des traitements chirurgicaux, le Tribunal fédéral des assurances a déclaré, dans un arrêt de principe (ATF 102 V 71 consid. 3, qu'une opération servait non seulement à la guérison proprement dite de la maladie ou des suites immédiates d'un accident, mais aussi à l'élimination d'autres atteintes, secondaires, dues à la maladie ou à un accident, notamment en permettant de corriger les altérations externes de certaines parties du corps - en particulier le visage - visibles et spécialement sensibles sur le plan esthétique; et qu'aussi longtemps que subsistait une imperfection de ce genre, due à la maladie ou à un accident, ayant une certaine ampleur et à laquelle une opération de chirurgie esthétique pouvait remédier, l'assurance devait prendre en charge cette intervention, à condition qu'elle eût à répondre également des suites immédiates de l'accident ou de la maladie et pour autant que fussent respectés les limites usuelles ainsi que le caractère économique du traitement.
2. Est litigieux le point de savoir si l'implantation d'une prothèse mammaire, à la suite de l'ablation d'un sein touché par la maladie, est une prestation à la charge des caisses-maladie reconnues. Dans un arrêt de principe (ATF 104 V 96 consid. 1), la Cour de céans a jugé que l'implantation d'une prothèse mammaire avait pour but de supprimer le préjudice esthétique dû à l'amputation d'un sein; que, cependant, le même but pouvait aussi être atteint avec une prothèse mammaire démontable, laquelle était sensiblement moins coûteuse que l'opération de plastique mammaire reconstructive, et que, dans le cas d'espèce, l'implantation de seins artificiels ne satisfaisait pas à l'exigence du caractère économique du traitement, au sens de l'art. 23 LAMA et de la jurisprudence. Le Tribunal fédéral des assurances a, par la suite, confirmé à plusieurs reprises cette jurisprudence et nié, dans chaque cas, le
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caractère économique de l'implantation de prothèses mammaires, sans méconnaître les difficultés d'ordre psychique rencontrées par l'assurée à la suite d'une mastectomie. A cet égard, il a notamment relevé que, certes, l'implantation de seins artificiels était propre à rétablir le mieux possible l'apparence extérieure et contribuait ainsi à renforcer chez l'assurée la confiance en soi et le sentiment de sa propre valeur; mais que, pour autant, ce fait ne justifiait pas à lui seul une dérogation à la règle du caractère économique du traitement, attendu qu'il s'agissait en premier lieu de rétablir une image apparente extérieure; qu'en effet, l'intervention de plastique reconstructive ne mettait fin ni au sérieux ébranlement de la personnalité causé par la maladie, ni à la perte partielle de l'intégrité corporelle portant préjudice au sentiment que la femme a de sa propre valeur (RJAM 1980 No 429 p. 257 consid. 2; arrêts non publiés Brand, du 13 septembre 1982, et Hartmann, du 11 mai 1983).
3. Pour les raisons qui suivent, cette jurisprudence doit être modifiée: a) La comparaison entre l'implantation d'une prothèse mammaire et l'utilisation d'une prothèse démontable n'est pas pertinente. En effet, l'art. 23 LAMA est fondé sur la prémisse que le traitement assuré a un but et il exige seulement que ce but soit atteint par une méthode économique. Aussi, la relation entre le coût et l'utilité d'une mesure n'a-t-elle d'importance que par rapport aux différentes méthodes de traitement entrant en considération, mais non pas en ce qui concerne le point de savoir si les frais d'une méthode appropriée et scientifiquement reconnue se justifient encore eu égard au succès que l'on peut attendre du traitement (ATF 109 V 43 consid. 2b). Or, l'implantation d'une prothèse mammaire relève du traitement chirurgical, alors qu'une prothèse mammaire démontable est un moyen auxiliaire (ectoprothèse) qui peut être séparé du corps et remis en place sans intervention médicale (voir les directives de la Commission fédérale des prestations générales de l'assurance-maladie, publiées dans RJAM 1969 p. 130, et l'avis de l'Office fédéral des assurances sociales publié dans RJAM 1969 p. 133). Certes, l'emploi d'un tel moyen auxiliaire peut, dans diverses hypothèses, remplacer un traitement chirurgical et se révéler moins cher que le traitement lui-même. Toutefois, la question du caractère économique se pose uniquement dans la mesure ou le moyen auxiliaire a des fonctions thérapeutiques spécifiques et non pas collatérales, c'est-à-dire dans
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la mesure où il détermine directement la guérison d'un processus morbide, et ne fait pas que d'en atténuer les effets ou de servir à d'autres buts de réadaptation (ATF 108 V 32 consid. 2b; RAMA 1985 No K 633 p. 173 consid. 2a). Or, tel n'est précisément pas le cas d'une prothèse mammaire démontable. Celle-ci n'est, en effet, qu'un accessoire purement esthétique, destiné en premier lieu à rétablir une apparence extérieure et non pas à influer sur l'état physique de la personne mutilée à la suite de l'ablation chirurgicale d'un sein. b) Le but du traitement médical, dans les limites de l'assurance-maladie, est d'éliminer de la manière la plus complète possible les atteintes physiques ou psychiques à la santé (ATF 109 V 43 consid. 2b avec références). A cet égard, l'amputation d'un sein médicalement indiquée est une atteinte, secondaire, due à la maladie ou à un accident, dont l'élimination relève du traitement chirurgical. Or, comme le Tribunal l'a jugé dans l' ATF 102 V 71 consid. 3 déjà cité, les opérations ayant pour objet de corriger des altérations - d'une certaine ampleur - de parties du corps visibles et spécialement sensibles sur le plan esthétique doivent, si certaines conditions sont remplies, être prises en charge par les caisses-maladie comme prestations légales obligatoires. Néanmoins, le caractère thérapeutique de ces interventions est indépendant des conditions précitées. En ce qui concerne une mastectomie n'entrent en considération que des mesures servant en premier lieu à supprimer ce préjudice corporel. Certes, de telles mesures rétablissent en même temps une apparence extérieure et jouent, par conséquent, un rôle essentiel sur le plan esthétique. Mais pourtant, celles-ci sont thérapeutiques au sens de l'art. 21 al. 1 Ord. III sur l'assurance-maladie. Tel est du moins le cas si l'assurée est atteinte dans son intégrité, ce que la Commission fédérale des prestations générales de l'assurance-maladie semble considérer comme une règle générale (RAMA 1984 p. 212). Cela dépend toutefois des particularités du cas concret, notamment du point de savoir si l'amputation a eu des conséquences significatives sur l'état physique de l'assurée. Aussi, selon la ratio legis, l'assurée a-t-elle droit en principe, à la suite d'une amputation mammaire prise en charge par une caisse-maladie au titre des prestations légales obligatoires, aux mesures nécessaires au rétablissement de son état physique, sous réserve de contre-indications médicales.
4. En l'espèce, l'intimée a subi en 1971 l'ablation radicale du sein gauche selon la méthode d'Halstedt, laquelle a consisté à
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enlever tout le muscle grand pectoral. Puis, en septembre 1982, le professeur K. a procédé sur elle à la reconstruction du sein amputé par transfert d'un lambeau myocutané du grand dorsal dans la région thoracique afin de pouvoir y placer une prothèse mammaire en silastic, dans le but de redonner un volume et un galbe imitant un sein plus ou moins symétrique par rapport au sein contro-latéral. Par ailleurs, selon ce praticien, l'état de la science médicale dans ce domaine avait, en 1982, beaucoup évolué depuis 1971, époque à laquelle les techniques de reconstruction mammaire étaient périlleuses et les résultats obtenus souvent médiocres. L'assurée, pour sa part, était âgée de quarante-quatre ans à l'époque de l'implantation de la prothèse mammaire et il n'existait pas de contre-indications à l'intervention. Au vu de l'ensemble de ces circonstances, on doit admettre que la méthode de reconstruction du sein utilisée en l'espèce était une mesure thérapeutique propre à rétablir le mieux possible l'intégrité physique de l'intimée. Aussi n'est-il pas nécessaire d'examiner encore si, comme l'ont admis les premiers juges, l'implantation d'une prothèse mammaire était susceptible, en éliminant les réactions dépressives surajoutées d'origine exogène, d'influer de façon décisive sur les troubles d'ordre psychique de l'assurée. Dans le cas présent, la recourante a supporté les frais de la mastectomie. Il lui incombe également de prendre en charge, au titre des prestations légales obligatoires, l'opération de plastique mammaire reconstructive effectuée en septembre 1982.
Dispositiv

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: Le recours est rejeté.