Urteilskopf

111 Ib 45

9. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 13 mars 1985 dans la cause Consortage de l'alpage de Tortin et World Wildlife Fund Suisse contre Conseil d'Etat du canton du Valais et Commune de Nendaz (recours de droit administratif)
Regeste (de):

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Regesto (it):


Sachverhalt ab Seite 46

BGE 111 Ib 45 S. 46

Le 17 mars 1981, le Conseil municipal de la commune de Nendaz a déposé auprès du Département de l'intérieur du canton du Valais, en vue de l'ouverture d'une procédure d'expropriation, le projet de route Siviez-Tortin-Cleuson. Le dernier secteur de cette route, soit celui qui va de Pra Mounet à la plaine de Tortin, devait être amélioré, en ce sens qu'un nouveau tracé était prévu afin de desservir le trafic touristique en direction des installations de remontée mécanique qui partent de la région de Tortin. Ce projet a suscité, lors de sa mise à l'enquête publique, plusieurs oppositions, dont celle du Consortage de l'alpage de Tortin, propriétaire de fonds à exproprier. Par décision du 20 octobre 1981, le Département de l'intérieur a rejeté les oppositions, déclaré d'utilité publique le projet litigieux et autorisé la commune de Nendaz à exproprier avec prise de possession immédiate les droits réels nécessaires à sa réalisation. Le 14 juillet 1982, le Conseil d'Etat a rejeté le recours formé par le Consortage de l'alpage de Tortin contre cette décision. Le Tribunal administratif cantonal a constaté, quant à lui, par décision du 3 janvier 1983, que l'exécution du projet nécessitait une autorisation préalable de défricher portant sur 450 arbres forestiers. Il a en conséquence suspendu l'instruction du recours jusqu'à droit connu sur l'autorisation de défricher à obtenir par la commune de Nendaz. Le 18 mai 1983, la commune de Nendaz a déposé auprès de l'Inspection cantonale des forêts une demande de défrichement pour une surface de 13'400 m2, soit 900 m2 pour le tronçon Pra Mounet-Tortin et 12'500 m2 pour le tronçon Tortin-Cleuson. Le premier tronçon était considéré comme une route forestière; la
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surface 900 m2 correspondait donc à celle mise à contribution pour la construction de la nouvelle route, dans la mesure où celle-ci dépassait le gabarit d'une route forestière. A la suite d'une inspection des lieux, la commune de Nendaz a cependant décidé de limiter sa demande de défrichement au tronçon Pra Mounet-Tortin, soit aux 900 m2 excédant l'emprise d'une route forestière. Par décision du 6 juin 1984, le Conseil d'Etat du canton du Valais, admettant sa compétence, a accordé l'autorisation de défricher cette surface. Le Consortage de l'alpage de Tortin et le World Wildlife Fund Suisse ont déposé un recours de droit administratif contre cette décision. Le Conseil d'Etat du canton du Valais s'est référé à sa décision. La commune de Nendaz a proposé le rejet des recours. Le Département fédéral de l'intérieur a mis en doute la compétence du Conseil d'Etat pour rendre la décision attaquée.
Erwägungen

Extrait des considérants:

3. c) Aux termes de l'art. 25 al. 2 OFor, les coupes effectuées pour les constructions forestières ne sont pas considérées comme défrichement. Aux termes de la décision attaquée, il en va ainsi des routes forestières dont le gabarit n'excède pas 3 m 50 de largeur. Les recourants ne contestent pas cette manière de voir et le Tribunal fédéral, saisi d'un recours de droit administratif, n'a pas à en vérifier d'office le bien-fondé. Ils contestent, en revanche, que l'ouvrage litigieux puisse être considéré comme une route forestière. De son côté, l'autorité intimée admet implicitement que si ce grief était admis, l'autorisation de défricher serait de la compétence des autorités administratives fédérales en vertu de l'art. 25bis al. 1 lettre a OFor. La notion de route forestière n'est pas définie dans le droit forestier fédéral. Il va cependant de soi qu'une route ne saurait être considérée comme une construction forestière au sens de l'art. 25 al. 2 OFor pour la seule raison qu'elle traverse des régions boisées et, en particulier, des forêts qui se prêtent à l'exploitation. Comme le souligne le Département fédéral de l'intérieur dans ses observations relatives aux recours, il faut en outre qu'elle soit nécessaire à l'exploitation de la forêt, serve dans une large mesure à la conservation de celle-ci et réponde aux exigences forestières du

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point de vue du tracé et de l'équipement. Les milieux spécialisés définissent d'ailleurs, comme route forestière, celle qui constitue la condition indispensable à l'entretien et à l'exploitation de la forêt, en y permettant l'accès de la main-d'oeuvre et des engins aussi bien que le transport du bois récolté (Rapport principal de la Commission d'experts sur une conception globale d'une politique suisse en matière d'économie des forêts et du bois, Berne 1975, p. 89). L'autorité intimée est arrivée à la conclusion que le tronçon discuté était une route forestière en se fondant sur son utilité pour la gestion de la forêt traversée, telle qu'elle avait été "reconnue par le Service forestier". La commune requérante reprend, mot pour mot, cette formule dans sa réponse au recours de droit administratif. En réalité, la reconnaissance du caractère forestier de l'ouvrage litigieux consiste en une simple affirmation de l'Inspecteur forestier d'arrondissement contenue dans la lettre, par laquelle il a transmis la demande communale à l'Inspection cantonale des forêts. Tout au long de la procédure d'expropriation, il n'a en revanche été question, au premier chef, pour définir l'utilité publique du projet, que du développement touristique de Super-Nendaz et de ses environs. Dans la procédure de défrichement, la commune requérante s'est également arrêtée, en vue de la pesée des intérêts en présence, à démontrer la prépondérance de ses besoins touristiques. C'est également sur ceux-ci que les services administratifs ayant donné à l'autorité intimée un préavis favorable sur la demande d'autorisation de défricher se sont appuyés. Enfin, et cela n'est pas indifférent, le Consortage de l'alpage de Tortin qui, en sa qualité de propriétaire des forêts concernées, a la maîtrise sur leur exploitation commerciale, conteste toute nécessité à l'aménagement routier litigieux. Au vu de ce qui précède, il faut admettre que le dernier tronçon de la route Siviez-Tortin constitue un changement durable de la vocation du sol forestier au sens de l'art. 25 al. 1 OFor; il n'est ainsi pas possible de suivre l'autorité intimée lorsqu'elle définit celui-ci comme une route forestière dans la mesure où il ne dépasse pas 3 m 50 de largeur. Une solution contraire équivaudrait à dispenser partiellement, en principe, de l'autorisation de défricher toutes les routes qui traversent des régions forestières, sous le prétexte qu'elles pourraient avoir, une fois, une certaine utilité pour l'exploitation des bois. Tel n'est manifestement pas le but qu'a poursuivi le Conseil fédéral en édictant l'art. 25 al. 2 OFor.
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Il en résulte que l'autorisation de défricher doit être requise non seulement pour la surface en cause de 900 m2, mais pour toute la surface de l'aire forestière mise à contribution par le projet litigieux. L'autorisation de défricher relève ainsi de la compétence des autorités fédérales; les recours de droit administratif doivent dès lors être admis au sens des considérants qui précèdent et l'affaire transmise au Département fédéral de l'intérieur.