Urteilskopf

110 IV 74

23. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 24 septembre 1984 dans la cause A. contre Ministère public du canton de Vaud (pourvoi en nullité)
Regeste (de):

Regeste (fr):

Regesto (it):


Sachverhalt ab Seite 75

BGE 110 IV 74 S. 75

A.- A. a été condamné à une peine de 4 ans de réclusion pour lésions corporelles graves ayant entraîné la mort (art. 122 ch. 2
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 122 - Est puni d'une peine privative de liberté d'un à dix ans quiconque, intentionnellement:
a  blesse une personne de façon à mettre sa vie en danger;
b  mutile le corps d'une personne, un de ses membres ou un de ses organes importants ou rend ce membre ou cet organe impropre à sa fonction, cause à une personne une incapacité de travail, une infirmité ou une maladie mentale permanentes, ou défigure une personne d'une façon grave et permanente;
c  fait subir à une personne toute autre atteinte grave à l'intégrité corporelle ou à la santé physique ou mentale.
, 11
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 122 - Est puni d'une peine privative de liberté d'un à dix ans quiconque, intentionnellement:
a  blesse une personne de façon à mettre sa vie en danger;
b  mutile le corps d'une personne, un de ses membres ou un de ses organes importants ou rend ce membre ou cet organe impropre à sa fonction, cause à une personne une incapacité de travail, une infirmité ou une maladie mentale permanentes, ou défigure une personne d'une façon grave et permanente;
c  fait subir à une personne toute autre atteinte grave à l'intégrité corporelle ou à la santé physique ou mentale.
et 66
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 66 - 1 S'il y a lieu de craindre que celui qui a menacé de commettre un crime ou un délit ne le commette effectivement ou si un condamné pour crime ou délit manifeste l'intention formelle de réitérer son acte, le juge peut, à la requête de la personne menacée, exiger de lui l'engagement de ne pas commettre l'infraction et l'astreindre à fournir des sûretés suffisantes.
1    S'il y a lieu de craindre que celui qui a menacé de commettre un crime ou un délit ne le commette effectivement ou si un condamné pour crime ou délit manifeste l'intention formelle de réitérer son acte, le juge peut, à la requête de la personne menacée, exiger de lui l'engagement de ne pas commettre l'infraction et l'astreindre à fournir des sûretés suffisantes.
2    S'il refuse de s'engager ou si, par mauvaise volonté, il ne fournit pas les sûretés dans le délai fixé, le juge peut l'y astreindre en ordonnant sa détention. Cette détention ne peut excéder deux mois. Elle est exécutée comme une courte peine privative de liberté (art. 7971).
3    S'il commet l'infraction dans les deux ans à partir du jour où il a fourni les sûretés, celles-ci sont acquises à l'État. En cas contraire, elles sont rendues à l'ayant droit.
CP). Les faits retenus à sa charge sont les suivants. Le 15 février 1983, A., sa maîtresse, P. et L. ont passé un début de soirée dans une atmosphère relativement sympathique au domicile de cette dernière, à la rue Beau-Séjour, à Lausanne. Vers 23 h, chacun est allé se coucher dans un état d'ébriété plus ou moins avancé. A 1 h 30 environ, A. a tiré L. de son sommeil et l'a mis à la porte. Il a voulu agir de même avec P. et une altercation s'ensuivit au cours de laquelle A eut l'arcade sourcilière fendue et resta même "groggy" sur le sol; ayant quelque peu récupéré, il renversa P., qui se trouvait à la cuisine assis sur un tabouret, le saisit par les cheveux et lui martela la tête contre le carrelage alors que P. était sur le dos; il a agi avec une telle énergie qu'il arracha quelques touffes de cheveux. A. a finalement lâché sa victime, qui s'est relevée péniblement puis s'est rendue chez une connaissance, à Ouchy, où elle a pu être hébergée vers 3 h du matin. Vers 5 h, P. parlait ou râlait encore faiblement; entre 9 h et 10 h, on a constaté son décès. Selon le rapport d'autopsie, la mort de P. est la conséquence directe d'un hématome sous-dural d'origine traumatique qui peut être dû au fait qu'on lui a tapé la tête contre le carrelage. Au moment du décès, P. présentait un taux d'alcoolémie de 2,37 à 2,65 g/%o. L'expertise psychiatrique à laquelle A. a été soumis révèle qu'il était certainement sous l'influence de l'alcool au moment d'agir, ce qui contribuait à diminuer sa faculté de se déterminer en fonction de l'appréciation du caractère illicite de son acte; des traits caractériels qui se manifestent par une difficulté à contrôler ses impulsions agressives ont aussi amené les experts à conclure à une responsabilité restreinte au sens de l'art. 11
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 11 - 1 Un crime ou un délit peut aussi être commis par le fait d'un comportement passif contraire à une obligation d'agir.
1    Un crime ou un délit peut aussi être commis par le fait d'un comportement passif contraire à une obligation d'agir.
2    Reste passif en violation d'une obligation d'agir quiconque14 n'empêche pas la mise en danger ou la lésion d'un bien juridique protégé par la loi pénale bien qu'il y soit tenu à raison de sa situation juridique, notamment en vertu:
a  de la loi;
b  d'un contrat;
c  d'une communauté de risques librement consentie;
d  de la création d'un risque.
3    Quiconque reste passif en violation d'une obligation d'agir n'est punissable à raison de l'infraction considérée que si, compte tenu des circonstances, il encourt le même reproche que s'il avait commis cette infraction par un comportement actif.
4    Le juge peut atténuer la peine.
CP. Le Tribunal correctionnel a tenu pour constant que les coups portés par A. à P. étaient en relation directe avec la mort de ce dernier et a acquis la conviction que, même pris de boisson, A. avait eu conscience de mettre la vie de sa victime en danger.
BGE 110 IV 74 S. 76

B.- Sur recours de A., la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a confirmé le jugement de première instance.
C.- A. se pourvoit en nullité contre l'arrêt cantonal. Avec suite de frais et dépens, il conclut à l'annulation de la décision attaquée et au renvoi de la cause aux instances cantonales pour qu'il soit condamné, en application de l'art. 122 al. 1
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 122 - Est puni d'une peine privative de liberté d'un à dix ans quiconque, intentionnellement:
a  blesse une personne de façon à mettre sa vie en danger;
b  mutile le corps d'une personne, un de ses membres ou un de ses organes importants ou rend ce membre ou cet organe impropre à sa fonction, cause à une personne une incapacité de travail, une infirmité ou une maladie mentale permanentes, ou défigure une personne d'une façon grave et permanente;
c  fait subir à une personne toute autre atteinte grave à l'intégrité corporelle ou à la santé physique ou mentale.
CP seulement, à une peine compatible avec l'octroi du sursis. Le pourvoi a été rejeté dans la mesure où il était recevable.
Erwägungen

Extrait des considérants:

1. a) Le recourant soutient que les circonstances dans lesquelles il a agi (ébriété, rage consécutive à une provocation, coups reçus) ne lui permettaient pas de prévoir la mort de P. En jugeant, au contraire, que l'auteur avait prévu l'issue fatale, les instances cantonales auraient résolu cette question - de droit, selon lui - de façon erronée; elles auraient ainsi mal appliqué l'art. 122 ch. 2
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 122 - Est puni d'une peine privative de liberté d'un à dix ans quiconque, intentionnellement:
a  blesse une personne de façon à mettre sa vie en danger;
b  mutile le corps d'une personne, un de ses membres ou un de ses organes importants ou rend ce membre ou cet organe impropre à sa fonction, cause à une personne une incapacité de travail, une infirmité ou une maladie mentale permanentes, ou défigure une personne d'une façon grave et permanente;
c  fait subir à une personne toute autre atteinte grave à l'intégrité corporelle ou à la santé physique ou mentale.
CP, tel que l'interprète la jurisprudence, en particulier l' ATF 108 IV 10.
b) L'art. 122 ch. 2
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 122 - Est puni d'une peine privative de liberté d'un à dix ans quiconque, intentionnellement:
a  blesse une personne de façon à mettre sa vie en danger;
b  mutile le corps d'une personne, un de ses membres ou un de ses organes importants ou rend ce membre ou cet organe impropre à sa fonction, cause à une personne une incapacité de travail, une infirmité ou une maladie mentale permanentes, ou défigure une personne d'une façon grave et permanente;
c  fait subir à une personne toute autre atteinte grave à l'intégrité corporelle ou à la santé physique ou mentale.
CP prévoit une peine aggravée si la victime est morte des suites de la lésion et si le délinquant avait pu le prévoir. D'après la jurisprudence, il s'agit d'un acte intentionnel principal - la lésion corporelle - compliqué d'une négligence (ATF 108 IV 12 et jurisprudence citée). Or on distingue la négligence inconsciente de la négligence consciente (art. 18 al. 3
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 18 - 1 Si l'auteur commet un acte punissable pour se préserver ou préserver autrui d'un danger imminent et impossible à détourner autrement menaçant la vie, l'intégrité corporelle, la liberté, l'honneur, le patrimoine ou d'autres biens essentiels, le juge atténue la peine si le sacrifice du bien menacé pouvait être raisonnablement exigé de lui.
1    Si l'auteur commet un acte punissable pour se préserver ou préserver autrui d'un danger imminent et impossible à détourner autrement menaçant la vie, l'intégrité corporelle, la liberté, l'honneur, le patrimoine ou d'autres biens essentiels, le juge atténue la peine si le sacrifice du bien menacé pouvait être raisonnablement exigé de lui.
2    L'auteur n'agit pas de manière coupable si le sacrifice du bien menacé ne pouvait être raisonnablement exigé de lui.
CP). Appliquée à la prévisibilité du décès dans le cadre de l'art. 122 ch. 2
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 122 - Est puni d'une peine privative de liberté d'un à dix ans quiconque, intentionnellement:
a  blesse une personne de façon à mettre sa vie en danger;
b  mutile le corps d'une personne, un de ses membres ou un de ses organes importants ou rend ce membre ou cet organe impropre à sa fonction, cause à une personne une incapacité de travail, une infirmité ou une maladie mentale permanentes, ou défigure une personne d'une façon grave et permanente;
c  fait subir à une personne toute autre atteinte grave à l'intégrité corporelle ou à la santé physique ou mentale.
CP, cette distinction conduit à admettre l'existence de cet élément dans les deux hypothèses suivantes: - lorsqu'il a provoqué la lésion, l'auteur a envisagé l'éventualité d'une issue fatale; il a donc agi, sur le plan de la cause du décès, par négligence consciente; savoir si le délinquant a effectivement envisagé l'éventualité de la mort est une question de fait; - la deuxième hypothèse suppose que l'auteur n'a pas envisagé l'éventualité du décès, mais qu'il aurait dû savoir, en usant des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle, que la mort pourrait résulter de ses actes; c'est là une question de droit. Même en l'absence de constatations concrètes au sujet de la prévisibilité de la mort, la négligence inconsciente peut être retenue eu égard au décès de la victime (ATF 108 IV 12 /13); dans un tel cas, si l'on admet que l'auteur aurait dû savoir
BGE 110 IV 74 S. 77

que ses actes pouvaient conduire à la mort de la victime, il est puni pour son imprévoyance coupable au sens de l'art. 18 al. 3
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 18 - 1 Si l'auteur commet un acte punissable pour se préserver ou préserver autrui d'un danger imminent et impossible à détourner autrement menaçant la vie, l'intégrité corporelle, la liberté, l'honneur, le patrimoine ou d'autres biens essentiels, le juge atténue la peine si le sacrifice du bien menacé pouvait être raisonnablement exigé de lui.
1    Si l'auteur commet un acte punissable pour se préserver ou préserver autrui d'un danger imminent et impossible à détourner autrement menaçant la vie, l'intégrité corporelle, la liberté, l'honneur, le patrimoine ou d'autres biens essentiels, le juge atténue la peine si le sacrifice du bien menacé pouvait être raisonnablement exigé de lui.
2    L'auteur n'agit pas de manière coupable si le sacrifice du bien menacé ne pouvait être raisonnablement exigé de lui.
CP. c) En l'espèce, l'arrêt attaqué constate que A. "avait conscience de mettre la vie de P. en danger alors qu'il frappait la tête de ce dernier à même le carrelage". Il s'agit d'une constatation de fait - on l'a vu - qui lie la cour de céans saisie d'un pourvoi en nullité (art. 273 al. 1
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 18 - 1 Si l'auteur commet un acte punissable pour se préserver ou préserver autrui d'un danger imminent et impossible à détourner autrement menaçant la vie, l'intégrité corporelle, la liberté, l'honneur, le patrimoine ou d'autres biens essentiels, le juge atténue la peine si le sacrifice du bien menacé pouvait être raisonnablement exigé de lui.
1    Si l'auteur commet un acte punissable pour se préserver ou préserver autrui d'un danger imminent et impossible à détourner autrement menaçant la vie, l'intégrité corporelle, la liberté, l'honneur, le patrimoine ou d'autres biens essentiels, le juge atténue la peine si le sacrifice du bien menacé pouvait être raisonnablement exigé de lui.
2    L'auteur n'agit pas de manière coupable si le sacrifice du bien menacé ne pouvait être raisonnablement exigé de lui.
lettre b et 277bis PPF; ATF 106 IV 114, ATF 105 IV 247 consid. 2c). Ce fait est constitutif d'une négligence consciente; dès lors que les autres éléments de l'infraction prévue à l'art. 122 ch. 2
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 122 - Est puni d'une peine privative de liberté d'un à dix ans quiconque, intentionnellement:
a  blesse une personne de façon à mettre sa vie en danger;
b  mutile le corps d'une personne, un de ses membres ou un de ses organes importants ou rend ce membre ou cet organe impropre à sa fonction, cause à une personne une incapacité de travail, une infirmité ou une maladie mentale permanentes, ou défigure une personne d'une façon grave et permanente;
c  fait subir à une personne toute autre atteinte grave à l'intégrité corporelle ou à la santé physique ou mentale.
CP sont réunis, l'autorité cantonale n'a pas violé le droit fédéral en condamnant de ce chef le recourant.