Urteilskopf

109 Ia 107

22. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 10 août 1983 dans la cause dame S. contre Président du tribunal de police de Genève (recours de droit public)
Regeste (de):

Regeste (fr):

Regesto (it):


Sachverhalt ab Seite 108

BGE 109 Ia 107 S. 108

S., avocate stagiaire à Genève, a été nommée défenseur d'office de F., inculpée d'infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants; sa cliente a été mise au bénéfice de l'assistance judiciaire. F. a été jugée en compagnie de cinq coaccusés et condamnée à 18 mois d'emprisonnement avec sursis à l'issue de débats qui s'étendirent sur deux jours. S. a remis au Président du Tribunal de police son état de frais, pour qu'il fixe la somme due par l'Etat au titre de l'assistance juridique. Elle a affirmé avoir consacré 45 heures de travail à cette affaire. Une indemnité de 250 francs lui a été attribuée. Ce chiffre représentait le sixième du montant total attribué aux défenseurs des six accusés impliqués dans la même affaire. Le Président du Tribunal de police a déclaré avoir considéré la nature de l'affaire, l'étendue du travail de la défense et les difficultés particulières de la cause. S. a formé un recours de droit public fondé sur l'art. 4
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Cst. Elle demandait l'annulation de cette décision. Le Tribunal fédéral a admis le recours.
Erwägungen

Extrait des considérants:

2. a) A titre préjudiciel, la recourante s'en prend aux art. 131
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et 143
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A OJ gen. ainsi qu'à l'art. 11 du règlement sur l'assistance juridique du 11 octobre 1978 (ci-après: RAJ) dans la mesure où ces dispositions, par leur caractère lacunaire, ne fixent pas les principes applicables à l'indemnisation du défenseur d'office dont le client est au bénéfice de l'assistance juridique. Ces lacunes ont également été relevées par l'autorité intimée qui a appelé de ses voeux l'établissement de critères satisfaisants en la matière. Ceux-ci seront développés plus loin dans la mesure utile; il n'y a dès lors pas nécessité d'examiner la constitutionnalité des règles genevoises incriminées qui peuvent d'ailleurs trouver sans doute une interprétation conforme aux constitutions genevoise et fédérale (ATF 106 Ia 136 ss; ATF 104 Ia 99 consid. 9). b) C'est avec raison que la recourante n'invoque pas une violation de l'art. 31
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BV Art. 31 Freiheitsentzug - 1 Die Freiheit darf einer Person nur in den vom Gesetz selbst vorgesehenen Fällen und nur auf die im Gesetz vorgeschriebene Weise entzogen werden.
1    Die Freiheit darf einer Person nur in den vom Gesetz selbst vorgesehenen Fällen und nur auf die im Gesetz vorgeschriebene Weise entzogen werden.
2    Jede Person, der die Freiheit entzogen wird, hat Anspruch darauf, unverzüglich und in einer ihr verständlichen Sprache über die Gründe des Freiheitsentzugs und über ihre Rechte unterrichtet zu werden. Sie muss die Möglichkeit haben, ihre Rechte geltend zu machen. Sie hat insbesondere das Recht, ihre nächsten Angehörigen benachrichtigen zu lassen.
3    Jede Person, die in Untersuchungshaft genommen wird, hat Anspruch darauf, unverzüglich einer Richterin oder einem Richter vorgeführt zu werden; die Richterin oder der Richter entscheidet, ob die Person weiterhin in Haft gehalten oder freigelassen wird. Jede Person in Untersuchungshaft hat Anspruch auf ein Urteil innert angemessener Frist.
4    Jede Person, der die Freiheit nicht von einem Gericht entzogen wird, hat das Recht, jederzeit ein Gericht anzurufen. Dieses entscheidet so rasch wie möglich über die Rechtmässigkeit des Freiheitsentzugs.
Cst. L'avocat qui assume la fonction de
BGE 109 Ia 107 S. 109

défenseur d'office accomplit en effet une tâche étatique régie par le droit public cantonal, laquelle, même si elle est exercée par une personne de profession libérale, n'entre pas dans le cadre constitutionnel de la liberté du commerce et de l'industrie (ATF 105 Ia 71 consid. 4a in fine; ATF 95 I 411, arrêt G. du 7 décembre 1982, consid. 3). c) En revanche, dès lors que la législation genevoise consacre l'obligation de rétribuer le défenseur d'office, conformément à un principe généralement admis en Suisse (arrêt C. du 8 octobre 1980, consid. 3b; FAESSLER, Le défenseur en matière pénale, thèse Neuchâtel 1969, p. 63), il convient d'examiner si les dispositions légales cantonales ont été appliquées en violation de l'art. 4
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Cst., ainsi que le soutient la recourante. Il ressort des dispositions applicables en l'espèce que l'autorité chargée de fixer l'indemnité jouit d'un très large pouvoir d'appréciation. En pareil cas, le Tribunal fédéral n'intervient que si ladite autorité a abusé du pouvoir d'appréciation qui lui est accordé, ou si elle l'a excédé; tel est le cas lorsque la décision repose sur une appréciation insoutenable des circonstances, qu'elle est inconciliable avec les règles du droit et de l'équité, qu'elle omet de tenir compte de tous les éléments de fait propres à fonder la décision ou encore, lorsqu'elle prend au contraire en considération des circonstances qui ne sont pas pertinentes (ATF 104 Ia 212; ATF 100 Ia 307 consid. 3b et les arrêts cités, arrêt C. déjà cité, consid. 3b).
3. Selon l'art. 131 al. 1
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lettre a OJ gen., les avocats et les avocats stagiaires inscrits sont tenus, lorsqu'ils en sont requis, d'accepter leur nomination dans le cadre de l'assistance juridique prévue à l'art. 143 A. En matière pénale, les stagiaires plaident en leur propre nom et sous leur responsabilité pour les inculpés et accusés qu'ils représentent (art. 9 al. 2
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du règlement du 16 juin 1956 sur l'exercice de la profession d'avocat). En vertu de l'art. 143 A al. 4 OJ gen., le Conseil d'Etat a édicté un règlement d'application qui fixe notamment les droits du défenseur à une indemnisation et au remboursement de ses frais. Aux termes de l'art. 11 al. 2 RAJ, "si dans un délai raisonnable les dépens ne sont pas recouvrés, ou si ceux-ci ont été compensés, l'Etat paie à l'avocat, en cas d'assistance totale, ses dépens taxés, sans la participation aux honoraires prévus à l'art. 129, lettre g, de la loi de procédure civile du 13 octobre 1920, ses frais, ainsi qu'une indemnité fixée par la dernière autorité judiciaire saisie ne dépassant pas, en règle générale, 3'000 francs.
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a) Le droit genevois a adopté la conception selon laquelle l'assistance judiciaire est une tâche de l'Etat, celui-ci ayant, par conséquent, l'obligation de rétribuer le défenseur d'office. Le législateur cantonal attendait du Conseil d'Etat qu'il édictât un tarif (Mémorial des séances du Grand Conseil, 1978, no 26, p. 2361). Or, le règlement sur l'assistance juridique se borne à fixer un montant maximum et ne fait que confirmer le droit du défenseur à une indemnisation et au remboursement des frais tel que le prévoit l'art. 143 A al. 4 in fine OJ gen. Le renvoi de l'art. 11 al. 2 RAJ à la loi de procédure civile permet de supposer que cette disposition vise avant tout les affaires civiles; mais le règlement concerne tout procès (cf. art. 9 al. 3 RAJ) et même les activités extrajudiciaires déployées par l'avocat (art. 12 RAJ). En l'absence de précisions, on ne peut guère envisager que l'application - à titre purement analogique - des critères retenus par l'art. 143 al. 2
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OJ gen. Cette disposition prévoit que les avocats fixeront leurs honoraires en tenant compte du travail effectué, du résultat obtenu et de la situation du client. Bien évidemment, le dernier critère ne peut être retenu en l'espèce. De son côté, le règlement sur l'exercice de la profession d'avocat tenait également compte, jusqu'en 1980, de la complexité de l'affaire; cet élément influe sur l'importance du travail effectué. En revanche, l'autorité ne saurait s'inspirer des règles du mandat puisque, comme on l'a relevé plus haut (consid. 2b), le défenseur d'office exerce une tâche étatique régie par le droit public cantonal. b) Le droit genevois prévoit tout d'abord le remboursement à l'avocat d'office des frais que lui a occasionnés la défense de la cause de son client: frais de transport, de téléphone, travaux de chancellerie, etc. L'indemnité à laquelle il a droit s'apparente aux honoraires perçus par le mandataire plaidant aux frais de son client. Pour la fixer, il faut donc tenir compte de la nature et de l'importance de la cause, des difficultés spéciales qu'elle peut présenter en fait et en droit, du temps que le défenseur y a consacré et de la qualité de son travail, du nombre de conférences, d'audiences et d'instances auxquelles il a pris part, du résultat obtenu, enfin de la responsabilité qu'il a assumée, au regard notamment de la gravité de la peine encourue et de la difficulté d'obtenir le sursis, le cas échéant, des démarches nécessaires pour libérer son client de la détention préventive. Comme celle d'un avocat choisi, l'activité du défenseur d'office
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ne doit être prise en considération que dans la mesure où elle s'inscrit raisonnablement dans le cadre de l'accomplissement de sa tâche, à l'exclusion des démarches inutiles ou superflues. L'intéressé doit cependant bénéficier d'une marge d'appréciation suffisante pour déterminer l'importance du travail qu'il doit consacrer à l'affaire (arrêt C. déjà cité, consid. 3c). Une règle uniforme n'est pas de mise car elle ne tient pas compte des particularités de chaque espèce (arrêt L. du 11 novembre 1981 consid. 2b). L'autorité chargée de fixer l'indemnité doit néanmoins exercer un certain contrôle. Certes, à Genève, le défenseur d'office est aussi rémunéré pour des activités extrajudiciaires, par exemple des conseils destinés à éviter l'ouverture d'un procès; il se peut aussi que l'évolution de l'état de santé d'un client - le cas échéant, pour des raisons inhérentes au déroulement de la procédure - entraîne des démarches supplémentaires tant auprès de l'accusé lui-même que de sa famille, voire auprès des médecins qui s'occupent de son cas (arrêt C. déjà cité consid. 4c). Cette assistance judiciaire au sens large, telle que la garantit le droit genevois, ne dispense toutefois pas l'autorité qui fixe l'indemnité de veiller à ce que les démarches entreprises ne dépassent pas ce qui est nécessaire à la défense de l'inculpé, ni ne mettent à la charge de l'Etat un simple soutien moral ou une aide sociale sans rapport avec la conduite du procès pénal. c) Bien qu'elle doive être équitable, on admet que la rémunération du défenseur d'office peut être inférieure aux honoraires qui seraient dus à un défenseur choisi (arrêt C. déjà cité consid. 3c). Cela n'empêchera toutefois pas l'avocat respectueux de l'honneur que lui vaut sa profession et conscient des obligations qu'elle lui impose de remplir sa tâche le plus correctement possible. Certaines lois (ainsi à Neuchâtel) ou pratiques cantonales (à Fribourg, par exemple) fixent, à titre indicatif, l'indemnité due au défenseur d'office à une certaine fraction des honoraires usuellement demandés à un client non assisté. Le tarif horaire du barreau constitue un point de départ - différent d'un canton à l'autre -, encore que l'usage ne constitue du droit objectif que lorsque la loi s'y réfère (ATF 94 II 159 consid. 4b). Plusieurs arrêts récents ont reconnu qu'une rémunération horaire de l'ordre de 100 francs ne devait en tout cas pas être considérée comme excessive pour un avocat défendant un client qui n'est pas au bénéfice de l'assistance judiciaire (arrêt G. du 7 décembre 1982 consid. 4c; T. du 9 juin 1982 consid. 4; B. du 7 juillet 1981 consid. 2).
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En 1980, le Tribunal fédéral trouvait normal à Genève un montant de 200 francs (arrêt X du 20 février 1980, SJ 1981, p. 312/313). d) Il se peut que l'autorité chargée de fixer l'indemnité apprécie de façon erronée un poste de l'état de frais ou se fonde sur un argument déraisonnable. Cela ne suffit toutefois pas pour conclure à une violation de l'art. 4
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Cst. Ce n'est en effet que si le montant global alloué au défenseur d'office à titre d'indemnisation apparaît comme ayant été fixé de façon arbitraire qu'il faut annuler la décision attaquée. Celle-ci n'est donc insoutenable, quant à son résultat (ATF 106 Ia 314 in fine; ATF 103 Ia 581 ss consid. 5; arrêt L. déjà cité, consid. 2b), que si l'activité professionnelle du recourant mérite une rémunération excédant la différence entre les débours - qui doivent être remboursés intégralement - et le montant total qui lui a été alloué (arrêt C. déjà cité, c. 4b). e) Dans ses observations, l'autorité intimée donne certains arguments qui ne sauraient justifier sa décision. Ainsi, elle s'écarte largement des limites tracées à son pouvoir d'appréciation lorsqu'elle affirme vouloir tenir compte d'éléments tels que la recrudescence des demandes d'assistance juridique depuis que l'art. 41 PPgen. prévoit que chaque inculpé doit être avisé de son droit d'y recourir, la nécessité d'économies budgétaires, les réactions de l'opinion publique face au coût de la défense dans le procès en question ou encore le nombre élevé de défenses d'office en matière pénale que les stagiaires peuvent assumer s'ils le désirent. Un autre argument, en revanche, n'est dénué ni de pertinence, ni d'importance. Dans l'arrêt C. précité (consid. 3c), le Tribunal fédéral a noté, sans que cela fût nécessaire à la solution, que la qualité d'avocat stagiaire du défenseur d'office ne saurait avoir une incidence déterminante sur le montant de l'indemnité. Il convient de pondérer cette affirmation, nonobstant l'absence d'une distinction dans les dispositions cantonales applicables en l'espèce. En effet, hormis le coût de la formation continue, qui concerne aussi le stagiaire, l'avocat breveté à la tête d'une étude supporte des frais généraux élevés - souvent estimés à la moitié environ du revenu professionnel brut - ainsi que les charges qui sont le corollaire d'une activité indépendante (absences dues à la maladie, au service militaire, aux vacances, risques d'insolvabilité de la clientèle, mesures de prévoyance en vue d'une retraite convenable; ATF 101 II 113 consid. 3b; arrêt X consid. 2a, SJ 1981 p. 308).
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Certes, le stagiaire commis d'office doit lui aussi consacrer tout le soin nécessaire à sa tâche, surtout en matière pénale où il agit sous sa propre responsabilité, comme on l'a relevé plus haut. Il ne supporte cependant pas les frais généraux évoqués ci-dessus, mais tout au plus certains débours tels que les frais de transport. De plus, il ne faut pas perdre de vue que le stagiaire poursuit une formation; de ce fait, il pourra arriver que, par inexpérience, il consacre un temps anormalement long à certaines affaires. Il se justifie dès lors de ne pas soumettre à un régime identique deux situations de fait - celle du stagiaire et celle de l'avocat breveté - qui présentent entre elles d'importantes différences. f) L'autorité intimée reconnaît elle-même que sa pratique en matière d'allocation d'indemnités connaît des variations parfois choquantes. La recourante mentionne elle aussi des cas d'inégalités de traitement flagrantes. En pareil cas le Tribunal fédéral opère lui aussi les comparaisons qui s'imposent en vue d'assurer une relative équité. Si des distinctions entre affaires pénales et civiles peuvent se justifier - toutes proportions gardées -, le juge taxateur doit donc s'efforcer de maintenir une relative égalité de traitement lorsqu'il s'agit de causes pénales relevant du même tribunal; s'il s'écarte de cette règle, sa décision devra exposer les motifs pour lesquels il traite une cause différemment d'autres cas apparemment semblables. g) Il peut arriver que l'état de frais présenté par un défenseur d'office soit trop peu détaillé, imprécis ou laisse planer certains doutes. Il incombe alors au juge compétent d'inviter le requérant à le compléter ou à s'expliquer.