Urteilskopf

102 V 83

20. Arrêt du 30 avril 1976 dans la cause Société d'assurance mutuelle en cas de maladie Le Progrès contre Guillod et Tribunal cantonal neuchâtelois des assurances
Regeste (de):

Regeste (fr):

Regesto (it):


BGE 102 V 83 S. 83

A.- A. Guillod, ouvrier horloger, marié et père de famille, est assuré depuis 1938 auprès d'une caisse reconnue, la Société d'assurance mutuelle en cas de maladie Le Progrès, coopérative qui a son siège au Locle. Souffrant d'une affection cardio-vasculaire et d'une diminution de l'acuité visuelle, le prénommé éprouva, dès 1973, une certaine difficulté à trouver un emploi convenable. Après avoir dû renoncer au bout de quelques mois à la fonction, trop pénible, d'aide-concierge au Gymnase cantonal, il entra au service de la Société des garde-temps S.A., dans un atelier dont il ne supporta pas l'atmosphère de tabagie, puis de la Manufacture d'horlogerie R. S.A., qu'il lui fallut quitter en cours d'essai, parce que sa vue ne lui permettait pas de traiter les pièces extrêmement petites qui lui étaient confiées. Ces différents employeurs lui ont décerné des certificats élogieux. A. Guillod donna connaissance le 27 janvier 1975 à R. S.A. de l'obligation où il se trouvait de mettre fin à son engagement à l'essai pour le 31 du même mois; ce congé fut accepté. Le 28 janvier, il tomba malade et subit de ce fait une incapacité de travail qui dura jusqu'au 2 mars 1975. Par l'intermédiaire de l'office communal de placement, il retrouva un emploi dès le 1er avril 1975 auprès de la Compagnie des montres S. S.A.
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Lorsqu'il quitta R. S.A. et qu'il tomba malade à la fin de janvier 1975, A. Guillod s'annonça régulièrement à sa caisse-maladie, d'une part, et à la Caisse cantonale neuchâteloise d'assurance contre le chômage, à laquelle il est affilié, d'autre part. Statuant selon la procédure applicable aux "cas douteux" (art. 13 al. 3 et 24 al. 3 LAC), l'Office cantonal du travail décida le 15 avril 1975 que le requérant serait indemnisé de son chômage pour la période du 3 au 31 mars 1975. Selon cette autorité, l'intéressé avait dû pour des motifs qui ne lui étaient pas imputables renoncer à être engagé par R. S.A., mais, du 1er février au 2 mars 1975, il avait été malade et, par conséquent, temporairement inapte à être placé. Guillod reçut une indemnité de 59 fr. 90 par jour. Quant à la caisse-maladie, elle accorda à son membre les prestations convenues concernant les frais médicaux et pharmaceutiques, ainsi que - pour les 29, 30 et 31 janvier 1975 - trois indemnités journalières de 40 fr., montant pour lequel A. Guillod s'était assuré. Pour la période du 1er février au 2 mars 1975, elle réduisit l'indemnité journalière au minimum statutaire de 4 fr., parce qu'à son avis, même si Guillod n'avait pas été malade durant ces 30 jours, il aurait été sans travail et n'aurait rien gagné. Elle exprima cette opinion dans des lettres des 17 avril et 5 mai 1975, mais ne prit pas de décision formelle.

B.- Le 18 août 1975, A. Guillod écrivit au Tribunal cantonal neuchâtelois des assurances pour lui exposer son cas et lui demander de lui faire verser par la caisse-maladie Le Progrès 40 fr. au lieu de 4 fr. par jour du 1er février au 2 mars 1975. L'intimée entra en matière sur le fond et conclut implicitement à libération. Le Tribunal des assurances considéra: qu'il se trouvait en présence d'un recours recevable; qu'il était inéquitable d'assimiler le travailleur tombé au chômage durant une maladie à une personne sans activité lucrative et de lui allouer pour ce motif une indemnité journalière dérisoire; qu'en cela la loi présentait une lacune; qu'il appartenait au juge de combler celle-ci en n'admettant pas qu'un tel chômage supprime tout droit à l'indemnité journalière conventionnelle. Le 13 octobre 1975, il admit donc le recours, annula la "décision" attaquée
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et invita l'intimée à statuer à nouveau dans le sens des considérants.
C.- Agissant au nom de la caisse-maladie, Me B. a formé en temps utile un recours de droit administratif contre le jugement cantonal. Il se prévaut des dispositions de la LAMA et des statuts de la caisse qui interdisent la surassurance, conteste que la loi présente une lacune véritable et conclut au rétablissement de la "décision" attaquée. L'intimé conclut au rejet du recours; il produit plusieurs pièces. Dans son préavis, l'Office fédéral des assurances sociales argue principalement de la jurisprudence selon laquelle n'est pas censé avoir renoncé à une activité lucrative tout assuré malade qui se trouve momentanément sans engagement déterminé. Il se rallie aussi au raisonnement que les premiers juges fondent sur l'équité. Il propose de rejeter le recours.
Erwägungen

Considérant en droit:

1. Aux termes de l'art. 26 al. 1 LAMA, l'assurance ne doit pas être une source de gain pour les assurés. Aussi l'indemnité journalière prévue par l'art. 12bis de la loi ne peut-elle excéder en principe la perte de gain effectivement subie du fait de la maladie: une personne sans activité lucrative ne recevra que l'indemnité minimale prévue par la loi (2 fr. par jour) ou les statuts, dans la mesure où ces derniers la limitent à une somme symbolique. Selon la jurisprudence, la résiliation du contrat de travail, pendant une période d'incapacité de travail due à la maladie, ne confère pas à l'assuré la qualité de personne sans activité lucrative (RJAM 1972 p. 132, ATFA 1968 p. 167). Le Tribunal fédéral des assurances a en outre précisé que la réduction de l'indemnité journalière au minimum légal n'est possible que s'il est vraisemblable que l'assuré ne reprendra plus aucune activité lucrative (ATFA 1969 p. 127). Selon les arrêts précités, n'est donc pas réputé sans activité lucrative l'assuré dont le contrat de travail prend fin durant la maladie et qui, dans le cours normal des choses, chercherait et trouverait du travail à brève échéance s'il était en bonne santé. Un tel assuré encourt dès lors une perte de salaire, qu'il
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incombe à l'assurance-maladie d'indemniser. Le principe demeure-t-il valable lorsque l'assuré malade ne serait pas en mesure de trouver dans de brefs délais une nouvelle activité, par exemple en raison de la conjoncture, et qu'il perdrait du fait de la maladie les prestations de l'assurance-chômage? Il paraît indiqué, dans de semblables circonstances, de considérer que les indemnités de l'assurance-chômage se substituent au salaire et, partant, que la maladie occasionne un préjudice qu'il appartient à l'assurance-maladie de réparer dans la mesure où l'assurance souscrite - dont les prestations ne sauraient être réduites - le permet. Cette solution est en accord avec la pratique administrative proposée par l'Office fédéral des assurances sociales dans RJAM 1975 p. 75 ch. 2.
2. L'intimé est tombé malade le 28 janvier 1975, son engagement s'est terminé le 31 du même mois, il a recouvré sa capacité de travail le 3 mars et obtenu un emploi dès le 1er avril. Il est fort probable, vu les difficultés de l'industrie horlogère que, s'il était demeuré apte au travail, il n'aurait pas trouvé une place avant le mois d'avril. Néanmoins, on l'a vu, cette période de chômage involontaire relativement courte n'a pas fait de l'assuré une personne sans activité lucrative. Le refus des indemnités de chômage pour la période du 28 janvier au 2 mars 1975 constitue donc une perte que la caisse-maladie doit indemniser en application de ce qui a été dit plus haut. Le jugement cantonal qui reconnaissait à l'intéressé le droit aux indemnités journalières de l'assurance-maladie jusqu'à concurrence des prestations d'assurance-chômage effectivement versées ou théoriquement possibles et qui invitait la caisse-maladie à rendre une nouvelle décision dans ce sens, ne prête par conséquent pas le flanc à la critique; aussi doit-il être confirmé...
Dispositiv

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: Le recours de droit administratif est rejeté.