Bundesstrafgericht Tribunal pénal fédéral Tribunale penale federale Tribunal penal federal

Numéro de dossier: RR.2007.1

Arrêt du 29 janvier 2007 II. Cour des plaintes

Composition

Les juges pénaux fédéraux Bernard Bertossa, président, Giorgio Bomio et Roy Garré , Le greffier David Glassey

Parties

Elena Arnaud Bonar, actuellement détenue à titre extraditionnel,

représentée par Me Doris Leuenberger, avocate, recourante

contre

Office fédéral de la justice, partie adverse

Objet

Recours contre mandat d'arrêt en vue d'extradition (art. 47 ss EIMP)

Faits:

A. Elena Arnaud Bonar a été interpellée à Coire le 18 octobre 2006 suite à un signalement d’Interpol Washington, daté du 18 juillet 2003. Selon les informations figurant sur ledit signalement, Elena Arnaud Bonar, ressortissante russe, divorcée de A., lui aussi de nationalité russe, aurait emmené les enfants B., né le 29 janvier 1990, et C., né le 3 octobre 1994, hors des Etats-Unis le 20 juin 1997 en violation des dispositions sur le droit de garde et refusé de les rendre à leur père. Elle s’est depuis remariée avec un ressortissant français, D. Un fils, E., est né de cette union le 28 juin 2004. Le couple vit à Saint-Petersbourg avec les trois enfants. Elena Arnaud Bonar a été interpellée en Suisse alors qu’elle rentrait en voiture en Russie avec son mari.

B. L’Office fédéral de la justice (ci-après: OFJ) a immédiatement ordonné la détention provisoire à titre extraditionnel d’Elena Arnaud Bonar. Cette dernière a été entendue le lendemain par le juge d’instruction de Coire. Le 20 octobre 2006, l’OFJ a délivré un mandat d’arrêt aux fins d’extradition.

C. Par une note transmise le 29 novembre 2006 à l’OFJ par l’intermédiaire de l’Ambassade des Etats-Unis à Berne, les autorités américaines ont formellement demandé l’extradition d’Elena Arnaud Bonar. Entendue à ce sujet le 7 décembre 2006 par le juge d’instruction de Coire, à la demande de l’OFJ, Elena Arnaud Bonar a déclaré s’opposer à son extradition simplifiée.

D. Le même jour, Elena Arnaud Bonar a sollicité de l’OFJ qu’il ordonne sa mise en liberté, respectivement son élargissement, évoquant le lendemain, par l’intermédiaire de son avocate de choix, la possibilité de déposer son passeport et de loger chez cette dernière pour pouvoir s’occuper de son plus jeune fils qui lui serait alors amené par son mari. L’OFJ a rejeté cette requête le 19 décembre 2006.

E. Par acte du 22 décembre 2006, Elena Arnaud Bonar a recouru contre cette décision. Par arrêt du 11 janvier 2007, la I. Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (ci-après TPF) a admis le recours et ordonné la libération immédiate de la recourante (act. 1.8). Ce même 11 janvier, l’OFJ a ordonné une nouvelle détention provisoire à l’encontre d’Elena Arnaud Bonar (act. 1.17).

F. Le 18 janvier 2007, l’OFJ a formé recours contre l’arrêt du TPF du 11 janvier auprès du Tribunal fédéral, lequel a rejeté la requête préalable d’effet suspensif par ordonnance du 16 janvier 2007. Ce même 16 janvier, l’OFJ a établi un nouveau mandat d’arrêt signifié par télécopieur aux conseils d’Elena Arnaud Bonar et au Juge d’instruction de Coire (act. 1.21). Par arrêt du 22 janvier 2007, le Tribunal fédéral a déclaré le recours de l’OFJ irrecevable, car dépourvu d’objet eu égard au nouveau mandat d’arrêt émis par cet office.

G. Par acte du 17 janvier 2007, Elena Arnaud Bonar recourt contre ce nouveau mandat d’arrêt, concluant préalablement à l’octroi de l’effet suspensif et de l’assistance judiciaire, et principalement à l’annulation dudit mandat et à sa mise en liberté immédiate. En résumé, elle se plaint formellement de vices de notification du mandat querellé et sur le fond de graves défauts de la procédure d’extradition.

H. L’OFJ s’est déterminé le 24 janvier 2007. Il affirme que le mandat attaqué a été régulièrement notifié, se défend d’avoir enfreint la loi à l’occasion de ses communications avec les autorités américaines et s’efforce de démontrer que la décision américaine attributive de la garde des enfants B. et C. à leur père A. a bien été portée à la connaissance de la recourante.

Les arguments et moyens de preuve invoqués par les parties seront repris si nécessaire dans les considérants en droit.

La Cour considère en droit:

1. Compte tenu de l’ordonnance du 16 janvier 2007 par laquelle le Tribunal fédéral rejette la requête d’effet suspensif sollicitée par l’OFJ dans le cadre de son recours formé contre l’arrêt du 11 janvier 2007 de la I. Cour des plaintes du TPF, la recourante est actuellement détenue sur la seule base du mandat d’arrêt faisant l’objet du présent recours. Par arrêt du 22 janvier 2007, le Tribunal fédéral a par ailleurs déclaré le recours de l’OFJ irrecevable.

En vertu de l’art. 28 al. 1 let. e ch. 1 LTPF, mis en relation avec l’art. 48 al. 2 de la loi fédérale du 20 mars 1981 sur l’entraide internationale en matière pénale (loi sur l’entraide pénale internationale [EIMP]; RS 351.1), la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral est compétente pour connaître des recours dirigés contre le mandat d’arrêt à titre extraditionnel. Adressé dans les dix jours à compter de la notification écrite du mandat d’arrêt (art. 48 al. 2 EIMP), le recours est formellement recevable.

2. La procédure d’extradition sur sol suisse est conduite en allemand, langue qui est étrangère à la recourante. Il se justifie dès lors de rendre la présente décision dans une des trois langues que cette dernière déclare maîtriser, et dans laquelle le recours a été formé, en l’occurrence le français (art. 33a al. 2 PA, applicable par renvoi de l’art. 30 let. b LTPF).

3. Le Traité d’extradition entre la Confédération suisse et les Etats-Unis d’Amérique du 14 novembre 1990 (TEXUS; RS 0.353.933.6) régit les procédures d’extradition entre la Suisse et les Etats-Unis. Faute de dispositions fédérales d’application du traité, l’EIMP et son ordonnance d’application (OEIMP; RS 351.11) s’appliquent à ces procédures.

Saisie d’un recours fondé sur l’art. 48 ch. 2 EIMP, la Cour des plaintes n’a pas, à ce stade de la procédure, à se prononcer sur le bien-fondé de la demande d’extradition (ATF 130 II 306 consid. 2.3 p. 310). Elle se borne à examiner la légalité de l’arrestation et si la détention aux fins d’extradition se justifie (ATF 111 IV 108 consid. 3; Moreillon, Entraide internationale en matière pénale, Bâle 2004, n° 19, p. 284). Les griefs relatifs au bien-fondé de la demande d’extradition doivent en principe être soulevés dans le cadre de la procédure d’extradition proprement dite pour laquelle sont compétents, en première instance, l'OFJ et, sur recours, le TPF et le Tribunal fédéral en dernière instance. Selon une jurisprudence constante, la détention est la règle, tandis que la mise en liberté demeure l’exception (ATF 130 II 306 consid. 2.2 p. 309), la mise en liberté provisoire étant au demeurant soumise à des exigences plus strictes en matière de détention extraditionnelle que de détention préventive (ATF 130 II 306 consid. 2.2 p. 310; 111 IV 108 consid. 2; 109 Ib 223 consid. 2c p. 228; arrêt 1A.148/2004 du 21 juin 2004, consid. 2.2). Aux termes des art. 47ss EIMP, il peut notamment être renoncé à la détention s’il apparaît que la personne poursuivie ne se soustraira pas à l’extradition et n’entravera pas l’instruction (art. 47 al. 1 let. a), si elle a un alibi (art. 47 al. 1 let. b ), si elle ne peut pas subir l’incarcération, si la demande d’extradition et ses annexes ne sont pas fournies à temps (art. 50 al. 1 EIMP) ou encore si l’extradition est manifestement inadmissible (ATF 117 IV 359 consid. 2 p. 361). Ce dernier cas, expressément prévu par l’art. 51 al. 1 EIMP, constitue une exception à la règle qui veut que la Cour des plaintes n’a pas à revoir les motifs invoqués à l’appui d’une demande d’extradition, pas plus que les arguments par lesquels le recourant s’oppose à une telle mesure. Selon la jurisprudence, l’art. 51 al. 1 EIMP ne trouve application que si l’une des hypothèses réservées par le TEXUS, notamment aux art. 2 et 3 , ainsi qu’aux art. 2 à 5 EIMP est sans aucun doute réalisée (ATF 111 IV 108 consid. 3a).

3.1 En l’espèce, la totalité de la détention subie par Elena Arnaud Bonar en exécution du premier mandat d’arrêt – daté du 20 octobre 2006 – relève de la détention provisoire au sens de l’art. 13 TEXUS. La détention en vue d’extradition ne devient en effet définitive qu’au moment où les autorités compétentes de l’Etat requis reçoivent la demande formelle et complète d’extradition accompagnée des pièces à l’appui (art. 13 al. 4 TEXUS). En l’espèce, à réception de la note diplomatique du 29 novembre 2006, l’OFJ admet avoir contacté téléphoniquement les autorités américaines pour leur demander de compléter la demande (TPF BH.2006.33 du 11 janvier 2006, consid. 4.5). C’est du reste bien dans le sens d’un complément que cette requête a été comprise par les autorités américaines qui qualifient expressément de complémentaires (supplemental) les nouveaux docu-ments adressés par fax le 11 janvier 2007 à l’OFJ (act. 1.10, 1.13 et 1.16). Dans son acte de recours daté du 18 janvier 2007 dirigé contre l’arrêt du TPF du 11 janvier 2007, l’OFJ admet d’ailleurs expressément que ce sont bien des compléments d’information (« ergänzten Verhaftsersuchens », p. 4) au sens de l’art. 10 TEXUS qu’il a requis des autorités américaines.

3.2 A teneur de l’arrêt du 11 janvier 2007 de la I. Cour des plaintes du TPF (BH.2006.33) auquel il est intégralement renvoyé, l’Etat requérant a adressé une demande de prolongation de délai au sens de l’art. 13 al. 4 TEXUS en temps utile à l’OFJ, qui l’a acceptée. Le délai de 60 jours prévu par cette disposition a été respecté dans la mesure où la demande d’extradition est parvenue en mains de l’OFJ le 30 novembre 2006, soit 43 jours après l’interpellation d’Elena Arnaud Bonar. L’OFJ disposait donc encore de 17 jours pour obtenir une pièce essentielle à l’appui de la demande (soit un acte d’accusation faisant mention d’une soustraction d’enfant à l’autorité parentale du père), mais ce n’est finalement que le 16 janvier 2007, soit largement hors du délai de 60 jours, que l’OFJ a reçu les documents complémentaires des autorités américaines.

3.2.1 Dans son arrêt du 11 janvier précité, la I. Cour des plaintes du TPF se penche sur la question des conséquences de l’expiration du délai de 60 jours fixé à l’art. 13 al. 4 TEXUS. Elle y constate que contrairement à l’art. 16 al. 4 CEExtr qui prévoit expressément que l’arrestation provisoire ne devra en aucun cas excéder 40 jours après l’arrestation, l’art. 13 al. 4 TEXUS n’expose pas clairement les conséquences d’un dépassement du délai fixé par cette disposition. La lettre du 4e alinéa (« l’arrestation provisoire prend fin ») ne semble néanmoins pas laisser de place à une prolongation éventuelle et rejoint en cela le texte de l’art. 16 al. 4 CEExtr. Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral a d’ailleurs précisé que la détention extraditionnelle doit être levée lorsque l’Etat requérant ne présente pas sa demande dans le délai imparti (arrêt 1A.119/2003 du 30 mai 2003, consid. 2). La Haute Cour a également été appelée à se prononcer sur une question semblable dans le cas d’une demande d’extradition parvenue aux autorités suisses dans le délai de 60 jours, mais dont une pièce essentielle, réclamée au titre de complément d’information, est arrivée par fax seulement le dernier jour du délai, puis en original six jours plus tard, soit deux jours avant l’expiration d’un délai fixé à cet effet par l’OFJ. Le TF n’a pas retenu ce grief dans la mesure où, comme le détenu aurait pu être arrêté à nouveau, puis extradé sur la base de la pièce reçue en original quelques jours après l’échéance des 60 jours, mais parvenue par fax dans le délai, il n’aurait ainsi été privé que de quelques jours de liberté (arrêt 8G.10/2004 du 19 février 2004, consid. 5). Confirmant par ailleurs cet arrêt, le Tribunal fédéral a estimé, s’agissant de la demande d’extradition proprement dite, que, en l’espèce, cela aurait été du formalisme excessif que de ne pas l’accepter du fait qu’une pièce n’avait été produite en original que quelques jours après l’échéance du délai, alors qu’elle avait été transmise par fax dans le délai, cela d’autant plus que ce n’était que par inadvertance que l’Etat requérant avait tout d’abord produit une autre pièce (arrêt 1A.118/2004 du 3 août 2004, consid. 2.4). A contrario, la I. Cour des plaintes a considéré qu’il ressort de cette jurisprudence que la détention doit impérativement prendre fin
si une pièce essentielle à la demande d’extradition n’a pas été transmise à son appui dans les 60 jours, ce délai ne pouvant pas être prolongé (act. 1.8, consid. 4.6).

3.2.2 La systématique du TEXUS confirme cette manière de voir les choses. A teneur de l’art. 13 al. 5 en effet, la mise en liberté de la personne réclamée, en vertu du 4e alinéa, n’exclut pas qu’elle soit une nouvelle fois arrêtée, puis extradée, si la demande d’extradition et les pièces à l’appui sont envoyées ultérieurement. La référence à une deuxième arrestation consacre la nécessité impérative de procéder à l’élargissement si, à l’éché-ance du délai de l’alinéa 4, la demande formelle d’extradition complète accompagnée des pièces à l’appui n’est pas reçue. La lettre du 4e alinéa (« l’arrestation provisoire prend fin ») ne laisse aucune place à l’ambiguïté. La deuxième arrestation évoquée à l’al. 5 suppose donc l’élargissement au terme du délai fixé à l’al. 4.

3.2.3 Du point de vue de l’interprétation historique, il sied en premier lieu de relever que le TEXUS est un accord récent, entré en vigueur il y a moins de dix ans, le 10 septembre 1997. A teneur du Message du Conseil fédéral du 21 novembre 1990 concernant le traité d’extradition avec les Etats-Unis d’Amérique (FF 1991 I 79, p. 85), « La réglementation de l’art. 13 al. 4 résulte d'un compromis. Les Etats-Unis ont tout d'abord réclamé un délai unique de 60 jours pour la présentation des demandes formelles d'extradition. Ils faisaient valoir à cet égard que la traduction étant aux Etats-Unis du ressort du tribunal concerné, la procédure réclamait un certain temps. Il fallait, estimaient-ils, éviter à tout prix qu'une personne poursuivie soit relâchée parce que la demande formelle d'extradition n'avait pu être déposée à temps. La Suisse réclamait au contraire un délai aussi court que possible. On s'est entendu en définitive sur un délai ordinaire de 40 jours, pouvant sur demande être exceptionnellement prolongé de 20 jours. Cette solution apparaît admissible du point de vue de notre Etat de droit. Malgré l'insistance des négociateurs suisses, les Etats-Unis ont catégoriquement refusé de prévoir un délai plus court ». L’étude des travaux préparatoires démontre par conséquent que, du point de vue des Etats-Unis également, la détention doit impérativement prendre fin si une pièce essentielle à la demande d’extradition n’a pas été transmise à son appui dans les 60 jours, ce délai ne pouvant pas être prolongé.

A titre de comparaison avec d’autres Traités récents, on peut signaler que ce délai prend fin après 18, voire 40 jours selon la Convention européenne d’extradition (CEExtr; RS 0.353.1; [art. 16 al. 4]), après 40 jours selon le Traité d’extradition entre la Suisse et l’Australie du 29 juillet 1988 (TExAUS; RS 0.353.915.8 [art. 10 al. 3]), après 40, voire exceptionnellement 60 jours selon le Traité d’extradition entre la Suisse et le Canada du 7 octobre 1993 (TExCAN; RS 0.353.915.8; [art. 10 al. 4]) et après 40 jours selon le Traité d’extradition entre la Confédération suisse et la République des Philippines du 19 octobre 1989 (RS 0.353.964.15; [art. 7 al. 4]).

Il n’y a par conséquent pas lieu de s’écarter des conclusions de la I. Cour des plaintes du TPF relatives aux conséquences de l’expiration du délai de 60 jours fixé à l’art. 13 al. 4 TEXUS, lesquelles s’accordent également avec les conceptions doctrinales en la matière (Markees, FJS 422a, p. 13).

3.3 Par arrêt du 11 janvier 2007, la I. Cour des plaintes du TPF a jugé que le délai était venu à échéance le 17 décembre 2006 s’agissant de la détention d’Elena Arnaud Bonar. Elle en a déduit que la recourante était détenue illégalement à compter de cette date et elle a ordonné sa libération immé-diate.

Il existe par conséquent dans le cas d’espèce un lien de causalité entre l’illicéité de la détention de la recourante à compter de cette date d’une part et l’exécution du mandat d’arrêt querellé d’autre part. Il est en effet patent que si elle avait été libérée le 18 décembre 2006 comme la loi l’exigeait, Elena Arnaud Bonar aurait immédiatement quitté le territoire suisse pour rejoindre sa famille, comme elle projetait de le faire au moment de son interpellation. Dans la mesure où c’est un état de fait illicite – à savoir le maintien de la recourante en détention à Coire au-delà du 17 décembre 2006 – qui a permis le maintien de la détention d’Elena Arnaud Bonar sur la base du mandat d’arrêt faisant l’objet du présent recours, la Cour de céans se doit d’examiner, à la lumière des exigences découlant des principes de légalité et de bonne foi, la question de l’influence de l’illicéité des circonstances ayant permis l’exécution du mandat querellé sur la légalité de l’arrestation et de la détention effectuées sur la base de ce mandat.

3.3.1 En matière de détention, ces principes sont concrétisés par l’art. 5 CEDH. Cette disposition pose des garanties visant au respect des droits des individus, dans une démocratie, d’être à l’abri d’une détention arbitraire opérée par les autorités; toute privation de liberté doit observer les normes de fond comme de procédure de la législation nationale, mais doit également se conformer au but même de l’article 5, à savoir la protection de l’individu contre l’arbitraire; atteste de l’importance accordée à la protection de l’individu contre l’arbitraire le fait que l’art. 5 § 1 dresse la liste exhaustive des circonstances dans lesquelles les individus peuvent être légalement privés de leur liberté, étant bien entendu que ces circonstances appellent une interprétation étroite, puisqu’il s’agit d’exceptions à une garantie fondamentale de la liberté individuelle (CourEDH, arrêt Kurt c/ Turquie, du 25 mai 1998, Rec. 1998-III, § 122).

Dans la procédure d’extradition en particulier, les conditions auxquelles est subordonné l’octroi de la liberté provisoire sont plus rigoureuses qu’en matière de détention préventive ordinaire. Selon la Cour européenne des droits de l’homme, c’est le § 1, lettre f de l’art. 5 CEDH qui s’applique à l’arrestation aux fins d’extradition (JAAC 1983/47 n° 99). Il suffit donc que l’arrestation ait été régulière (ATF 111 Ib 147, JdT 1986 IV 24 consid. 5; Moreillon, op. cit., p. 285, n. 29 ad art. 47 EIMP).

3.3.2 En l’espèce, il s’est écoulé un mois entre le jour à compter duquel la recourante a commencé à être détenue illégalement en Suisse et celui de l’émission par l’OFJ du mandat d’arrêt querellé. Sous l’angle du principe de proportionnalité, cette durée excède de loin les six jours évoqués dans l’arrêt 8G.10/2004 déjà cité. Il en va de même de la nature de l’affaire puisqu’à teneur des premières pièces transmises, la présente procédure concerne un cas de violation du droit de visite, soit une infraction qui n’est passible en Suisse, selon la doctrine dominante, que d’une amende, si la violation du droit de visite est assortie des conséquences pénales de l’article 292 CP (Donatsch/Wohlers, Strafrecht IV, 3e éd., Zurich, Bâle Genève 2004, p. 25; Corboz, Les infractions en droit suisse, Vol. I, Berne 2006, n° 2 ad art. 220 CP, p. 867 et n° 3, p. 871). Certes, l’OFJ soutient dorénavant qu’un enlèvement d’enfant a été commis par la recourante. Le dossier ne contient toutefois aucun élément propre à démontrer que le jugement américain du 20 août 1999, retirant la garde des enfants à la mère pour l’attribuer au père, ait jamais été notifié ni porté à la connais-sance de la recourante. Le comportement de cette dernière relèverait donc tout au plus de l’enlèvement de mineur par négligence, qui n’est pas sanctionné par le droit pénal suisse (Eckert, Basler Kommentar, Strafgesetzbuch II, n° 29 ad. art. 220). Les arrêts 8G.10/2004 et 1A.118/2004 précités concernent en revanche des auteurs condamnés aux Etats-Unis pour homicides, lésions corporelles graves et agression. Dans la poursuite de cette comparaison, la recourante n’aurait pas pu être arrêtée à nouveau en l’espèce puisque, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience générale de la vie, il ne fait aucun doute qu’elle aurait gagné la Russie, dont elle est citoyenne, pour rejoindre ses trois enfants après deux mois de séparation, si elle avait été libérée au terme du délai de l’art. 13 al. 4 TEXUS. Par ailleurs, le retard dans la transmission des renseignements complémentaires requis par l’OFJ n’est dans le cas d’espèce manifestement pas dû à une inadvertance des autorités américaines, contrairement à l’état de fait de l’arrêt 1A.118/2004. Enfin, les pièces essentielles réclamées au titre de complément d’information par l’OFJ ne sont pas
parvenues en mains de cette autorité dans le délai de l’art. 13 al. 4 TEXUS, sous forme de fax ou de courrier électronique. L’e-mail que l’OFJ prétend avoir reçu le 20 décembre – qu’il a inexplicablement omis de mentionner au TPF, lequel n’a appris l’existence de ces pièces qu’à réception de la copie du recours formé contre l’arrêt du 11 janvier 2007 – ne modifie en rien cette situation.

Vu ce qui précède et à la lumière de la jurisprudence citée plus haut, il ne fait aucun doute en l’espèce que l’illégalité du mois de détention subi avant l’émission du mandat d’arrêt querellé affecte la légalité de l’arrestation exécutée sur la base dudit mandat. Compte tenu entre autre de la longue durée de la détention illicite, qui seule a permis l’exécution du mandat d’arrêt querellé, force est en effet d’admettre que la détention subie en exécution de ce mandat est elle-même illégale. Retenir une solution contraire dans le cas d’espèce, en présence d’une violation crasse de l’art. 13 al. 4 TEXUS, reviendrait à nier toute portée à cette disposition et au délai ordinaire de 40 jours, respectivement au délai extraordinaire de 60 jours qu’elle institue. Toute autre interprétation aboutirait en pratique à la réduction à l’état de lettre morte des al. 4 et 5 de l’art. 13 TEXUS, d’une manière inadmissible du point de vue de notre Etat de droit, pour reprendre les termes utilisés par le Conseil fédéral dans le Message cité plus haut (consid. 3.2.3). Le recours doit par conséquent être admis et la recourante libérée.

4. La recourante a requis l’octroi préalable de l’effet suspensif à sa démarche. Vu l’issue du recours, cette demande devient sans objet.

5. Il en va de même de la demande d’assistance judiciaire formulée par la recourante (TPF BH.2006.33 du 11 janvier 2007, consid. 6).

6

6.1 Il y a lieu de renoncer à percevoir des frais (art. 63 al. 1 et 2 PA applicable par renvoi de l’art. 30 let. b LTPF).

6.2.1 La compétence du Tribunal pénal fédéral d’établir un tarif relatif à la détermination des dépens, bien que n’étant pas explicitement réservée à l’art. 64 al. 5 PA, se fonde sur l’art. 15 al. 1 let. a LTPF. Dans son Message du 28 février 2001 concernant la révision totale de l’organisation judiciaire fédérale, le Conseil fédéral reconnaît en effet l’autonomie administrative de l’autorité judiciaire fédérale s’agissant du calcul des émoluments judiciaires, des dépens alloués aux parties ainsi que de la détermination de l’indemnité en cas d’assistance judiciaire (cf. FF 2001, p. 4208 sv). Il ne résulte par ailleurs aucunement des débats parlementaires que le législateur ait voulu s’écarter du principe de l’autonomie de l’autorité judiciaire au moment d’attribuer la compétence pour statuer dans le domaine de l’EIMP au Tribunal pénal fédéral plutôt qu’au Tribunal administratif fédéral comme initialement prévu par le Conseil fédéral (cf. BO 2004 CN p. 1570 ss; 2005 CE p. 117 ss; CN p. 643 ss). Il s’ensuit que la réserve figurant à l’art. 64 al. 5 PA doit être interprétée par analogie comme valant également en faveur de l’art. 15 al. 1 let. a LTPF.

6.2.2 L’OFJ qui succombe peut être tenu de rembourser les frais utiles à la recourante (art. 64 PA). Vu ce qui précède, l’indemnité doit être fixée selon l’appréciation de l’autorité de céans (art. 3 al. 2 du règlement du 26 septembre 2006 sur les dépens et indemnités alloués devant le Tribunal pénal fédéral [RS 173.711.31]). En l’espèce, une indemnité de Fr 2'000.-- (TVA comprise) paraît équitable.

Par ces motifs, la Cour prononce:

1. Le recours est admis.

2. La libération immédiate de la recourante est ordonnée.

3. La demande d’effet suspensif est sans objet.

4. La demande d’assistance judiciaire est sans objet.

5. L’arrêt est rendu sans frais.

6. Une indemnité de Fr. 2'000.-- (TVA comprise) est allouée à la recourante, à la charge de l’Office fédéral de la justice.

Bellinzone, le 29 janvier 2007

Au nom de la II. Cour des plaintes

du Tribunal pénal fédéral

Le président: Le greffier:

Distribution

- Me Doris Leuenberger, avocate

- Office fédéral de la justice

Indication des voies de recours

Le recours contre une décision en matière d’entraide pénale internationale doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 10 jours qui suivent la notification de l’expédition complète (art. 100 al. 2 let. b LTF).

Le recours n’est recevable contre une décision rendue en matière d’entraide pénale internationale que s’il a pour objet une extradition, une saisie, le transfert d’objets ou de valeurs ou la transmission de renseignements concernant le domaine secret et s’il concerne un cas particulièrement important. Un cas est particulièrement important notamment lorsqu’il y a des raisons de supposer que la procédure à l’étranger viole des principes fondamentaux ou comporte d’autres vices graves (art. 84 LTF).