Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

1C 425/2017

Arrêt du 24 octobre 2017

Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges fédéraux Merkli, Président,
Karlen et Chaix.
Greffière : Mme Tornay Schaller.

Participants à la procédure
1. A.________,
2. B.________,
3. C.________,
4. D.________,
5. E.________,
6. F.________,
7. G.________,
8. H.________,
9. I.I.________ et J.I.________,
10. L.L.________ et K.L.________,
11. M.M.________ et N.M.________,
tous représentés par Maîtres Thomas Barth et Serge Patek, avocats,
recourants,

contre

Blaise Pagan, Juge à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève,
intimé.

Objet
Récusation,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Délégation des
Juges de la Cour de justice en matière de récusation,
du 30 juin 2017 (ATA/1066/2017 A/1076/2017).

Faits :

A.
Depuis le 30 mai 2016, une procédure oppose devant la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève A.________ et consorts, d'une part, au Conseil d'Etat de la République et canton de Genève, d'autre part, qui a rendu deux arrêtés relatifs au projet immobilier dit des Grands-Esserts, sur la commune genevoise de Veyrier. Le Juge Blaise Pagan a été désigné en qualité de juge délégué de cette procédure.
Par courrier du 17 janvier 2017, A.________ et consorts ont sollicité divers actes d'instruction de la part du juge délégué. Par lettre du 31 janvier 2017, ils ont aussi requis la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé dans une cause pendante devant la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice qui revêtait à leur sens un caractère préjudiciel.
Par acte du 1 er mars 2017, le Juge Pagan a répondu à ces demandes de la manière suivante: "Pour des raisons qui seront indiquées dans l'arrêt à rendre, il ne sera pas procédé à des mesures d'instruction complémentaire, en particulier pas à celles requises par les recourants dans leur lettre du 17 janvier 2017, ni à la suspension de la présente procédure jusqu'à droit jugé dans la procédure portée devant la Chambre constitutionnelle telle que mentionnée dans leur lettre du 31 janvier 2017". Par courrier du 14 mars 2017, A.________ et consorts ont requis que soit rendue une décision motivée et sujette à recours, relative à la non-suspension de la cause. Le juge délégué a transmis ce courrier aux autres parties pour déposer leurs déterminations d'ici au 31 mars 2017.

B.
Par acte du 20 mars 2017, A.________ et consorts ont demandé la récusation du Juge Pagan, reprochant à ce dernier d'avoir donné l'apparence d'une prévention à leur égard, estimant qu'il avait décidé de manière univoque et unilatérale de la non-suspension de la procédure et s'étonnant du caractère informel de l'information qui leur avait été donnée. Le Juge Pagan a conclu au rejet de la demande de récusation et précisé que son courrier du 14 mars 2017 visait à garantir le respect du droit d'être entendu des parties et ne révélait aucune prévention en défaveur de A.________ et consorts.
Par décision du 30 juin 2017, la Délégation des Juges de la Cour de justice en matière de récusation a rejeté la requête de A.________ et consorts avec suite de frais judiciaires à charge des requérants.

C.
En temps utile, A.________ et consorts forment un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral contre cette décision, concluant à son annulation, à la récusation du Juge Pagan et à l'annulation des actes d'instruction accomplis par ce magistrat, le tout sous suite de frais et dépens.
La Délégation des Juges de la Cour de justice en matière de récusation s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Le Juge Pagan se réfère aux observations formulées dans le cadre de la procédure cantonale et renvoie aux considérants de la décision attaquée. A.________ et consorts ont répliqué.
Par ordonnance du 13 septembre 2017, le Président de la Ire Cour de droit public a rejeté la requête d'effet suspensif, présentée par les recourants.

Considérant en droit :

1.
Dirigé contre une décision rendue en matière de droit public (art. 82 let. a
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 82 Principe - Le Tribunal fédéral connaît des recours:
a  contre les décisions rendues dans des causes de droit public;
b  contre les actes normatifs cantonaux;
c  qui concernent le droit de vote des citoyens ainsi que les élections et votations populaires.
LTF) par une autorité de dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 86 Autorités précédentes en général - 1 Le recours est recevable contre les décisions:
1    Le recours est recevable contre les décisions:
a  du Tribunal administratif fédéral;
b  du Tribunal pénal fédéral;
c  de l'Autorité indépendante d'examen des plaintes en matière de radio-télévision;
d  des autorités cantonales de dernière instance, pour autant que le recours devant le Tribunal administratif fédéral ne soit pas ouvert.
2    Les cantons instituent des tribunaux supérieurs qui statuent comme autorités précédant immédiatement le Tribunal fédéral, sauf dans les cas où une autre loi fédérale prévoit qu'une décision d'une autre autorité judiciaire peut faire l'objet d'un recours devant le Tribunal fédéral.
3    Pour les décisions revêtant un caractère politique prépondérant, les cantons peuvent instituer une autorité autre qu'un tribunal.
LTF), le recours en matière de droit public a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 100 Recours contre une décision - 1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.
1    Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.
2    Le délai de recours est de dix jours contre:
a  les décisions d'une autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et de faillite;
b  les décisions en matière d'entraide pénale internationale et d'assistance administrative internationale en matière fiscale;
c  les décisions portant sur le retour d'un enfant fondées sur la Convention européenne du 20 mai 1980 sur la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière de garde des enfants et le rétablissement de la garde des enfants92 ou sur la Convention du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants93.
d  les décisions du Tribunal fédéral des brevets concernant l'octroi d'une licence visée à l'art. 40d de la loi du 25 juin 1954 sur les brevets95.
3    Le délai de recours est de cinq jours contre:
a  les décisions d'une autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour effets de change;
b  les décisions d'un gouvernement cantonal sur recours concernant des votations fédérales.
4    Le délai de recours est de trois jours contre les décisions d'un gouvernement cantonal sur recours touchant aux élections au Conseil national.
5    En matière de recours pour conflit de compétence entre deux cantons, le délai de recours commence à courir au plus tard le jour où chaque canton a pris une décision pouvant faire l'objet d'un recours devant le Tribunal fédéral.
6    ...96
7    Le recours pour déni de justice ou retard injustifié peut être formé en tout temps.
LTF), par les destinataires de la décision attaquée qui ont succombé devant l'autorité précédente et qui ont un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (art. 89 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 89 Qualité pour recourir - 1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque:
1    A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque:
a  a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire;
b  est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué, et
c  a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.
2    Ont aussi qualité pour recourir:
a  la Chancellerie fédérale, les départements fédéraux ou, pour autant que le droit fédéral le prévoie, les unités qui leur sont subordonnées, si l'acte attaqué est susceptible de violer la législation fédérale dans leur domaine d'attributions;
b  l'organe compétent de l'Assemblée fédérale en matière de rapports de travail du personnel de la Confédération;
c  les communes et les autres collectivités de droit public qui invoquent la violation de garanties qui leur sont reconnues par la constitution cantonale ou la Constitution fédérale;
d  les personnes, organisations et autorités auxquelles une autre loi fédérale accorde un droit de recours.
3    En matière de droits politiques (art. 82, let. c), quiconque a le droit de vote dans l'affaire en cause a qualité pour recourir.
LTF). La décision attaquée est une décision incidente, prise et notifiée séparément du fond, portant sur une demande de récusation d'un juge. Par conséquent, elle peut faire l'objet d'un recours immédiat devant le Tribunal de céans (art. 92 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 92 Décisions préjudicielles et incidentes concernant la compétence et les demandes de récusation - 1 Les décisions préjudicielles et incidentes qui sont notifiées séparément et qui portent sur la compétence ou sur une demande de récusation peuvent faire l'objet d'un recours.
1    Les décisions préjudicielles et incidentes qui sont notifiées séparément et qui portent sur la compétence ou sur une demande de récusation peuvent faire l'objet d'un recours.
2    Ces décisions ne peuvent plus être attaquées ultérieurement.
LTF). Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.

2.
Les recourants s'en prennent d'abord à l'établissement des faits, qu'ils qualifient de manifestement inexact au sens de l'art. 97 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 97 Établissement inexact des faits - 1 Le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause.
1    Le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause.
2    Si la décision qui fait l'objet d'un recours concerne l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents ou de l'assurance militaire, le recours peut porter sur toute constatation incomplète ou erronée des faits.89
LTF. Ils reprochent plus précisément à l'instance précédente d'avoir reformulé, dans ses considérants "En droit", le contenu de la décision du Juge du 1er mars 2017. Ils pointent en particulier la mention selon laquelle "de son point de vue", le Juge estimait que la cause était en état d'être jugée, alors que celui-ci avait annoncé de manière péremptoire dans cette décision que " (...) il ne sera pas procédé (...) à la suspension de la présente procédure".
Ce faisant, les recourants omettent d'indiquer que la décision entreprise retranscrit correctement et complètement les termes utilisés par le Juge dans son acte du 1 er mars 2017. Cette retranscription trouve logiquement sa place dans la partie "En fait" de la décision attaquée. On ne saurait dès lors relever de constatation manifestement inexacte des faits retenus par l'autorité précédente (cf. art. 105 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 105 Faits déterminants - 1 Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente.
1    Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente.
2    Il peut rectifier ou compléter d'office les constatations de l'autorité précédente si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95.
3    Lorsque la décision qui fait l'objet d'un recours concerne l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents ou de l'assurance militaire, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par l'autorité précédente.99
LTF). Autre est la question de l'interprétation qu'a tirée l'instance précédente des termes utilisés, question qui relève du droit et qui sera donc examinée avec les griefs de fond soulevés par les recourants.

3.
Sur le fond, les recourants considèrent que le Juge intimé est prévenu au sens des art. 30
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 30 Garanties de procédure judiciaire - 1 Toute personne dont la cause doit être jugée dans une procédure judiciaire a droit à ce que sa cause soit portée devant un tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et impartial. Les tribunaux d'exception sont interdits.
1    Toute personne dont la cause doit être jugée dans une procédure judiciaire a droit à ce que sa cause soit portée devant un tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et impartial. Les tribunaux d'exception sont interdits.
2    La personne qui fait l'objet d'une action civile a droit à ce que sa cause soit portée devant le tribunal de son domicile. La loi peut prévoir un autre for.
3    L'audience et le prononcé du jugement sont publics. La loi peut prévoir des exceptions.
Cst. et 15A al. 1 let. f de la loi cantonale sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA/GE; RSG E 5 10). A les suivre, le refus péremptoire de suspendre la procédure pouvait susciter l'impression que le Juge s'était déjà forgé une opinion sur les mérites de l'incident de suspension et que le sort de la demande de suspension était d'ores et déjà connu.

3.1. La garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 al. 1
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 30 Garanties de procédure judiciaire - 1 Toute personne dont la cause doit être jugée dans une procédure judiciaire a droit à ce que sa cause soit portée devant un tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et impartial. Les tribunaux d'exception sont interdits.
1    Toute personne dont la cause doit être jugée dans une procédure judiciaire a droit à ce que sa cause soit portée devant un tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et impartial. Les tribunaux d'exception sont interdits.
2    La personne qui fait l'objet d'une action civile a droit à ce que sa cause soit portée devant le tribunal de son domicile. La loi peut prévoir un autre for.
3    L'audience et le prononcé du jugement sont publics. La loi peut prévoir des exceptions.
Cst. et 6 par. 1 CEDH permet, indépendamment du droit de procédure cantonal, de demander la récusation d'un juge dont la situation ou le comportement est de nature à susciter des doutes quant à son impartialité; elle vise à éviter que des circonstances extérieures à l'affaire puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat, mais seules des circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération; les impressions purement individuelles du plaideur ne sont pas décisives (ATF 138 I 1 consid. 2.2 p. 3).
L'art. 15A al. 1 let. f LPA/GE a la portée d'une clause générale et prévoit que les juges doivent se récuser s'ils peuvent être prévenus de toute autre manière [que les motifs énumérés à l'art. 15A al. 1 let. a à e LPA/GE], notamment en raison d'un rapport d'amitié ou d'inimitié avec une partie ou son représentant.
Selon la jurisprudence, des décisions ou des actes de procédure qui se révèlent par la suite erronés ne fondent pas en soi une apparence objective de prévention; seules des erreurs particulièrement lourdes ou répétées, constitutives de violations graves des devoirs du magistrat, peuvent fonder une suspicion de partialité, pour autant que les circonstances dénotent que le juge est prévenu ou justifient à tout le moins objectivement l'apparence de prévention. Le magistrat appelé à statuer à nouveau après l'annulation d'une de ses décisions est en général à même de tenir compte de l'avis exprimé par l'instance supérieure et de s'adapter aux injonctions qui lui sont faites. Seules des circonstances exceptionnelles permettent dès lors de justifier une récusation dans de tels cas, lorsque, par son attitude et ses déclarations précédentes, le magistrat a clairement fait apparaître qu'il ne sera pas capable de revoir sa position et de reprendre la cause en faisant abstraction des opinions qu'il a précédemment émises (ATF 138 IV 142 consid. 2.3 p. 146 et les arrêts cités).

3.2. L'instance précédente a considéré que le Juge intimé, saisi d'une requête d'actes complémentaires et d'une requête de suspension, avait annoncé que, de son point de vue, la cause était en état d'être jugée, réservant les motifs de son appréciation à la décision à rendre sur le fond. Les juges cantonaux ont ajouté que ce procédé était conforme à la pratique et n'était pas prohibé par la loi. Comme les recourants n'avaient pas voulu attendre la décision sur le fond pour en connaître la motivation, le juge incriminé avait ouvert une instruction sur la question de la suspension de la procédure et donné l'occasion aux parties de se déterminer. De l'avis des juges cantonaux, rien n'indiquait à ce stade que le sort de la demande de suspension aurait déjà été connu.
Les recourants insistent sur le fait que le Juge, dans sa décision du 1er mars 2017, a écrit sans réserve que "il ne sera pas procédé" à la suspension de la procédure. Ils en infèrent une volonté affirmée et péremptoire de refuser toute suspension de procédure, sans rendre de décision formelle sujette à recours, et en déduisent que le sort de la demande de suspension était d'ores et déjà connu. Ils font aussi état de la volonté du Juge de poursuivre l'instruction et le jugement de l'incident de suspension, malgré l'existence de la présente procédure. Tout cela dénoterait une prévention manifeste du juge délégué.

3.3. La présente cause n'a pas pour objet d'examiner si la conduite du procès par le juge visé par la requête de récusation est conforme aux règles applicables de procédure: c'est en effet exclusivement aux juridictions de recours normalement compétentes de constater et de redresser les erreurs éventuellement commises (ATF 116 Ia 135 consid. 3a p. 138). En revanche, le juge de la récusation doit examiner si l'acte de procédure litigieux révèle une position du magistrat en défaveur d'une partie et sur laquelle il ne reviendra pas. Il y a alors prévention lorsque le magistrat donne l'apparence que l'issue du litige est d'ores et déjà scellée, sans possibilité de revoir sa position et de reprendre la cause en faisant abstraction de l'opinion précédemment exprimée.
La manière dont le juge visé par la récusation a décidé de mener la procédure sur incident de suspension n'est ici pas exempte de critique. Plutôt que de réserver son opinion sur l'incident et de fixer un délai aux parties pour s'exprimer sur ce point, il a adopté une attitude ferme et déterminée ne réservant, dans un premier temps, aucune place à une prise de position des parties. L'emploi du futur pour les verbes utilisés dans la décision incriminée ("qui seront indiqués", "il ne sera pas procédé") confirme si nécessaire une volonté résolue du magistrat. La poursuite de la procédure sur incident d'une manière aussi martiale aurait sans conteste conduit à conclure à l'apparence objective d'une prévention du magistrat. Tel n'a cependant pas été le cas : interpellé par les recourants, le magistrat a aussitôt ouvert une instruction sur incident de suspension, réservant alors à toutes les parties des délais pour s'exprimer; dans ce cadre, il n'a émis aucune opinion susceptible de laisser entendre que le sort de l'incident était d'ores et déjà scellé. Les recourants lui reprochent certes de continuer l'instruction de l'incident malgré les recours interjetés, ce qui dénoterait aussi un parti pris en leur défaveur. Cet argument est
cependant sans portée, puisque, devant la Cour de céans, l'effet suspensif au recours a précisément été refusé, autorisant la poursuite des actes d'instruction par le juge délégué; on ne saurait non plus voir dans la poursuite de l'instruction d'un incident de procédure, par le biais de la fixation de délais prévus par la loi, une prédisposition du juge concerné, ce d'autant moins que l'attitude de ce dernier ne laisse autrement entrevoir aucune partialité.
Dans ces conditions, le magistrat a démontré qu'il se trouvait en état de revoir la position qu'il avait peut-être hâtivement et maladroitement exprimée le 1er mars 2017. On ne se trouve ainsi pas dans la situation dans laquelle le juge a répété des erreurs graves de procédure ou dans celle où il a clairement fait apparaître qu'il ne serait pas capable de revoir sa position et de poursuivre la cause en faisant abstraction des opinions précédemment émises. A défaut d'apparence de prévention du magistrat dans l'instruction de l'incident de suspension, l'instance précédente pouvait rejeter la requête de récusation sans violer le droit.

4.
Il s'ensuit que le recours est rejeté aux frais des recourants qui succombent (art. 65
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 65 Frais judiciaires - 1 Les frais judiciaires comprennent l'émolument judiciaire, l'émolument pour la copie de mémoires, les frais de traduction, sauf d'une langue officielle à une autre, et les indemnités versées aux experts et aux témoins.
1    Les frais judiciaires comprennent l'émolument judiciaire, l'émolument pour la copie de mémoires, les frais de traduction, sauf d'une langue officielle à une autre, et les indemnités versées aux experts et aux témoins.
2    L'émolument judiciaire est calculé en fonction de la valeur litigieuse, de l'ampleur et de la difficulté de la cause, de la façon de procéder des parties et de leur situation financière.
3    Son montant est fixé en règle générale:
a  entre 200 et 5000 francs dans les contestations non pécuniaires;
b  entre 200 et 100 000 francs dans les autres contestations.
4    Il est fixé entre 200 et 1000 francs, indépendamment de la valeur litigieuse, dans les affaires qui concernent:
a  des prestations d'assurance sociale;
b  des discriminations à raison du sexe;
c  des litiges résultant de rapports de travail, pour autant que la valeur litigieuse ne dépasse pas 30 000 francs;
d  des litiges concernant les art. 7 et 8 de la loi du 13 décembre 2002 sur l'égalité pour les handicapés24.
5    Si des motifs particuliers le justifient, le Tribunal fédéral peut majorer ces montants jusqu'au double dans les cas visés à l'al. 3 et jusqu'à 10 000 francs dans les cas visés à l'al. 4.
et 66 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 66 Recouvrement des frais judiciaires - 1 En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties.
1    En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties.
2    Si une affaire est liquidée par un désistement ou une transaction, les frais judiciaires peuvent être réduits ou remis.
3    Les frais causés inutilement sont supportés par celui qui les a engendrés.
4    En règle générale, la Confédération, les cantons, les communes et les organisations chargées de tâches de droit public ne peuvent se voir imposer de frais judiciaires s'ils s'adressent au Tribunal fédéral dans l'exercice de leurs attributions officielles sans que leur intérêt patrimonial soit en cause ou si leurs décisions font l'objet d'un recours.
5    Sauf disposition contraire, les frais judiciaires mis conjointement à la charge de plusieurs personnes sont supportés par elles à parts égales et solidairement.
LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 francs, sont mis à la charge des recourants.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des recourants, au Juge Blaise Pagan, à la Délégation des Juges de la Cour de justice en matière de récusation, à la Caisse de prévoyance de l'Etat de Genève, ainsi qu'au Conseil d'Etat de la République et canton de Genève.

Lausanne, le 24 octobre 2017
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président : Merkli

La Greffière : Tornay Schaller