Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}

8C 203/2013

Arrêt du 23 avril 2014

Ire Cour de droit social

Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Leuzinger, Présidente, Frésard et Heine.
Greffière: Mme von Zwehl.

Participants à la procédure
Caisse cantonale genevoise de chômage, rue de Montbrillant 40, 1201 Genève,
recourante,

contre

M.________,
représenté par ADC - Association de défense des chômeur-se-s,
intimé.

Objet
Assurance-chômage (indemnité de chômage; frontalier; garantie de la libre circulation des personnes),

recours contre le jugement de la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 6 février 2013.

Faits:

A.

A.a. M.________, d'origine italienne, naturalisé suisse en 2006, est arrivé en Suisse pour la première fois en 1987 à l'âge de 23 ans. Il a tout d'abord séjourné en Suisse en qualité de saisonnier, avant d'être annoncé comme résident sur le territoire genevois depuis le 12 mars 1991.
Après une scolarité et une formation achevées en Italie, il y a obtenu en 1985 un diplôme de mécanicien de précision. Il est également titulaire d'un certificat fédéral de capacité (CFC) de sommelier depuis 2004 ainsi qu'un certificat de moniteur de tennis délivré par Jeunesse & Sport en 2008.
Depuis son arrivée en Suisse, l'intéressé a travaillé dans un premier temps dans le domaine de la restauration et de l'hôtellerie, puis en qualité de moniteur de tennis, notamment auprès de X.________ SA du 1 er juin 2008 au 31 juillet 2010.
Après la fin de son engagement au service de X.________ SA, M.________ s'est annoncé à l'assurance-chômage. Dans sa demande d'indemnités, il a indiqué être domicilié à Y.________. Un délai-cadre d'indemnisation a été ouvert en sa faveur pour la période du 2 août 2010 au 1 er août 2012. La Caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après: la caisse) lui a alloué les indemnités prétendues.

A.b. Le 17 octobre 2011, l'Office cantonal de l'emploi a ouvert une enquête afin de déterminer si l'assuré était effectivement domicilié en Suisse. Le 21 novembre 2011, il a rapporté que le studio de l'intéressé, à Y.________, était occupé depuis le 1 er octobre 2009 par un couple de ressortissants étrangers et leur enfant âgé de 5 ans. Au plus tard depuis cette date, le domicile de l'intéressé se trouvait à Z.________ (F), localité dans laquelle il avait acquis un appartement en 2001.
Par décision du 20 décembre 2011, confirmée sur opposition le 14 mars 2012, la caisse a nié le droit de l'assuré à une indemnité de chômage depuis le 1 er octobre 2009 et lui a réclamé la restitution de la somme de 38'808 fr. 85 représentant les indemnités journalières perçues du 1 er août 2010 au 30 novembre 2011. Elle a nié le droit à l'indemnité pour la période subséquente durant laquelle l'intéressé n'avait pas encore touché des prestations. Elle a considéré que ce dernier n'avait plus de domicile effectif en Suisse, à tout le moins depuis le 1 er octobre 2009, attendu qu'il avait admis avoir sous-loué son studio à Genève. Il ne pouvait pas non plus être considéré comme un travailleur frontalier "atypique" pouvant bénéficier des indemnités journalières en vertu de la jurisprudence européenne en matière de sécurité sociale.

B.
M.________ a porté la décision sur opposition devant la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève.
Statuant le 6 février 2013, cette autorité a annulé les décisions de la caisse. Elle a renvoyé la cause à celle-ci. Elle a considéré que l'assuré avait en tout cas droit aux indemnités de chômage pour la période du 1 er août 2010 au 30 novembre 2011. S'agissant des indemnités prétendues à partir du 1 er décembre 2011 jusqu'à la fin du délai-cadre d'indemnisation, elle a invité la caisse à examiner si toutes les conditions du droit étaient réunies à partir de cette date. L'autorité cantonale a alloué à l'assuré une indemnité de dépens de 1'000 fr. (ch. 4 du dispositif).

C.
La caisse exerce un recours en matière de droit public dans lequel elle conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation du jugement attaqué et à la confirmation de sa décision sur opposition.
M.________ a conclu au rejet du recours. Le Secrétariat d'Etat à l'économie en a proposé pour sa part l'admission.

Considérant en droit:

1.
L'arrêt entrepris a été rendu par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 86 Autorités précédentes en général - 1 Le recours est recevable contre les décisions:
1    Le recours est recevable contre les décisions:
a  du Tribunal administratif fédéral;
b  du Tribunal pénal fédéral;
c  de l'Autorité indépendante d'examen des plaintes en matière de radio-télévision;
d  des autorités cantonales de dernière instance, pour autant que le recours devant le Tribunal administratif fédéral ne soit pas ouvert.
2    Les cantons instituent des tribunaux supérieurs qui statuent comme autorités précédant immédiatement le Tribunal fédéral, sauf dans les cas où une autre loi fédérale prévoit qu'une décision d'une autre autorité judiciaire peut faire l'objet d'un recours devant le Tribunal fédéral.
3    Pour les décisions revêtant un caractère politique prépondérant, les cantons peuvent instituer une autorité autre qu'un tribunal.
et al. 2 LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 82 Principe - Le Tribunal fédéral connaît des recours:
a  contre les décisions rendues dans des causes de droit public;
b  contre les actes normatifs cantonaux;
c  qui concernent le droit de vote des citoyens ainsi que les élections et votations populaires.
LTF) ne tombant pas sous le coup de l'une des exceptions prévues à l'art. 83
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 83 Exceptions - Le recours est irrecevable contre:
a  les décisions concernant la sûreté intérieure ou extérieure du pays, la neutralité, la protection diplomatique et les autres affaires relevant des relations extérieures, à moins que le droit international ne confère un droit à ce que la cause soit58 jugée par un tribunal;
b  les décisions relatives à la naturalisation ordinaire;
c  les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent:
c1  l'entrée en Suisse,
c2  une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,
c3  l'admission provisoire,
c4  l'expulsion fondée sur l'art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,
c5  les dérogations aux conditions d'admission,
c6  la prolongation d'une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d'emploi du titulaire d'une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation;
d  les décisions en matière d'asile qui ont été rendues:
d1  par le Tribunal administratif fédéral, sauf celles qui concernent des personnes visées par une demande d'extradition déposée par l'État dont ces personnes cherchent à se protéger,
d2  par une autorité cantonale précédente et dont l'objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit;
e  les décisions relatives au refus d'autoriser la poursuite pénale de membres d'autorités ou du personnel de la Confédération;
f  les décisions en matière de marchés publics:
fbis  les décisions du Tribunal administratif fédéral concernant les décisions visées à l'art. 32i de la loi fédérale du 20 mars 2009 sur le transport de voyageurs65;
f1  si elles ne soulèvent pas de question juridique de principe; sont réservés les recours concernant des marchés du Tribunal administratif fédéral, du Tribunal pénal fédéral, du Tribunal fédéral des brevets, du Ministère public de la Confédération et des autorités judiciaires supérieures des cantons, ou
f2  si la valeur estimée du marché à adjuger est inférieure à la valeur seuil déterminante visée à l'art. 52, al. 1, et fixée à l'annexe 4, ch. 2, de la loi fédérale du 21 juin 2019 sur les marchés publics63;
g  les décisions en matière de rapports de travail de droit public qui concernent une contestation non pécuniaire, sauf si elles touchent à la question de l'égalité des sexes;
h  les décisions en matière d'entraide administrative internationale, à l'exception de l'assistance administrative en matière fiscale;
i  les décisions en matière de service militaire, de service civil ou de service de protection civile;
j  les décisions en matière d'approvisionnement économique du pays qui sont prises en cas de pénurie grave;
k  les décisions en matière de subventions auxquelles la législation ne donne pas droit;
l  les décisions en matière de perception de droits de douane fondée sur le classement tarifaire ou le poids des marchandises;
m  les décisions sur l'octroi d'un sursis de paiement ou sur la remise de contributions; en dérogation à ce principe, le recours contre les décisions sur la remise de l'impôt fédéral direct ou de l'impôt cantonal ou communal sur le revenu et sur le bénéfice est recevable, lorsqu'une question juridique de principe se pose ou qu'il s'agit d'un cas particulièrement important pour d'autres motifs;
n  les décisions en matière d'énergie nucléaire qui concernent:
n1  l'exigence d'un permis d'exécution ou la modification d'une autorisation ou d'une décision,
n2  l'approbation d'un plan de provision pour les coûts d'évacuation encourus avant la désaffection d'une installation nucléaire,
n3  les permis d'exécution;
o  les décisions en matière de circulation routière qui concernent la réception par type de véhicules;
p  les décisions du Tribunal administratif fédéral en matière de télécommunications, de radio et de télévision et en matière postale qui concernent:70
p1  une concession ayant fait l'objet d'un appel d'offres public,
p2  un litige découlant de l'art. 11a de la loi du 30 avril 1997 sur les télécommunications71;
p3  un litige au sens de l'art. 8 de la loi du 17 décembre 2010 sur la poste73;
q  les décisions en matière de médecine de transplantation qui concernent:
q1  l'inscription sur la liste d'attente,
q2  l'attribution d'organes;
r  les décisions en matière d'assurance-maladie qui ont été rendues par le Tribunal administratif fédéral sur la base de l'art. 3474 de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF)75;
s  les décisions en matière d'agriculture qui concernent:
s1  ...
s2  la délimitation de zones dans le cadre du cadastre de production;
t  les décisions sur le résultat d'examens ou d'autres évaluations des capacités, notamment en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d'exercice d'une profession;
u  les décisions relatives aux offres publiques d'acquisition (art. 125 à 141 de la loi du 19 juin 2015 sur l'infrastructure des marchés financiers79);
v  les décisions du Tribunal administratif fédéral en cas de divergences d'opinion entre des autorités en matière d'entraide judiciaire ou d'assistance administrative au niveau national;
w  les décisions en matière de droit de l'électricité qui concernent l'approbation des plans des installations électriques à courant fort et à courant faible et l'expropriation de droits nécessaires à la construction ou à l'exploitation de telles installations, si elles ne soulèvent pas de question juridique de principe.
x  les décisions en matière d'octroi de contributions de solidarité au sens de la loi fédérale du 30 septembre 2016 sur les mesures de coercition à des fins d'assistance et les placements extrafamiliaux antérieurs à 198183, sauf si la contestation soulève une question juridique de principe ou qu'il s'agit d'un cas particulièrement important pour d'autres motifs;
y  les décisions prises par le Tribunal administratif fédéral dans des procédures amiables visant à éviter une imposition non conforme à une convention internationale applicable dans le domaine fiscal;
z  les décisions citées à l'art. 71c, al. 1, let. b, de la loi du 30 septembre 2016 sur l'énergie86 concernant les autorisations de construire et les autorisations relevant de la compétence des cantons destinées aux installations éoliennes d'intérêt national qui y sont nécessairement liées, sauf si la contestation soulève une question juridique de principe.
LTF. La voie du recours en matière de droit public est partant ouverte.

2.

2.1. Le droit à l'indemnité de chômage suppose, selon l'art. 8 al. 1 let. c
SR 837.0 Loi fédérale du 25 juin 1982 sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité (Loi sur l'assurance-chômage, LACI) - Loi sur l'assurance-chômage
LACI Art. 8 Droit à l'indemnité - 1 L'assuré a droit à l'indemnité de chômage:
1    L'assuré a droit à l'indemnité de chômage:
a  s'il est sans emploi ou partiellement sans emploi (art. 10);
b  s'il a subi une perte de travail à prendre en considération (art. 11);
c  s'il est domicilié en Suisse (art. 12);
d  s'il a achevé sa scolarité obligatoire et qu'il n'a pas encore atteint l'âge de référence fixé à l'art. 21, al. 1, LAVS36;
e  s'il remplit les conditions relatives à la période de cotisation ou en est libéré (art. 13 et 14);
f  s'il est apte au placement (art. 15), et
g  s'il satisfait aux exigences du contrôle (art. 17).
2    Le Conseil fédéral règle les conditions dont dépend le droit à l'indemnité des personnes qui, avant d'être au chômage, exerçaient une activité salariée à domicile. Il ne peut s'écarter de la réglementation générale prévue dans le présent chapitre que dans la mesure où les particularités du travail à domicile l'exigent.
LACI (RS 837.0), la résidence effective en Suisse, ainsi que l'intention de conserver cette résidence pendant un certain temps et d'en faire, durant cette période, le centre de ses relations personnelles (ATF 133 V 169 consid. 3 p. 172; 125 V 465 consid. 2a p. 466; 115 V 448 consid. 1b p. 449).

2.2. Il ressort des constatations du jugement attaqué que l'intimé avait sous-loué son studio à Genève pour la période du 1 er octobre 2009 à fin décembre 2011. Ce studio était occupé par une famille de trois personnes et l'intimé lui-même avait déclaré avoir vécu dans son appartement à Z.________ (F) avec son amie. On doit ainsi admettre, avec les premiers juges, que l'intimé, au degré de vraisemblance prépondérante, ne résidait pas en Suisse durant la période en cause, de sorte qu'il ne remplissait pas les conditions du droit à l'indemnité au regard du droit suisse.

3.
Il s'agit dès lors d'examiner si l'intimé, qui a travaillé en Suisse avant son chômage, pouvait déduire un droit aux prestations sur la base des règles de coordination européenne en matière d'assurance-chômage.

3.1. Jusqu'au 31 mars 2012, les Parties à l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP; RS 0.142.112.681), appliquaient entre elles le Règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté (ci-après: règlement n° 1408/71). Une décision n° 1/2012 du Comité mixte du 31 mars 2012 (RO 2012 2345) a actualisé le contenu de l'Annexe II à l'ALCP avec effet au 1 er avril 2012 en prévoyant, en particulier, que les Parties appliqueraient désormais entre elles le Règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des régimes de sécurité sociale, modifié par le Règlement CE n° 988/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009. Le règlement n° 883/2004 (RS 0.831.109.268.1) - qui a donc remplacé le règlement n° 1408/71 - n'ouvre toutefois aucun droit pour la période antérieure à la date de son application (ATF 138 V 392 consid. 4.1.3 p. 396) et l'examen du
juge se limite (au plus tard) à la période précédent la décision sur opposition (en l'espèce: 14 mars 2012; cf. ATF 128 V 315). Le litige doit donc être examiné à la lumière du règlement n° 1408/71 alors applicable.

3.2.

3.2.1. L'art. 71 du règlement n° 1408/71 contient des dispositions particulières applicables aux chômeurs qui, au cours de leur dernier emploi, résidaient dans un Etat membre autre que l'Etat compétent. Ces dispositions se distinguent de la règle générale prévue à l'art. 13 par. 2 de ce règlement, selon laquelle la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d'un Etat membre est soumise à la législation de cet Etat.

3.2.2. En vertu de l'art. 71 par. 1 let. a point ii dudit règlement, les travailleurs frontaliers qui sont en chômage complet sont soumis à la législation de l'Etat membre sur le territoire duquel ils résident. Cette disposition présume implicitement qu'un tel travailleur bénéficie, dans cet Etat, des conditions les plus favorables à la recherche d'un emploi (arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes [CJCE], devenue entre-temps la Cour de justice de l'Union européenne [CJUE], du 12 juin 1986 1/85 Miethe contre Bundesanstalt für Arbeit, Rec. 1986 1837 point 17). Selon l'art. 71 par. 1 let. b du règlement n° 1408/ 71, les travailleurs salariés autres que les travailleurs frontaliers, c'est-à-dire des personnes qui, contrairement aux frontaliers, ne rentrent pas quotidiennement ou au moins une fois par semaine dans leur Etat de résidence, ont le choix, lorsqu'ils se trouvent en chômage complet, soit de demeurer à la disposition des services de l'emploi sur le territoire de l'Etat membre compétent, soit de se mettre à la disposition des services de l'emploi sur le territoire de l'Etat membre où ils résident. Dans le premier cas, ils bénéficient des prestations de l'Etat membre du dernier emploi, dans le second, ils
bénéficient de celles de l'Etat membre de résidence. Les prestations en cause comportent non seulement des allocations en argent, mais également l'aide au reclassement professionnel ( arrêt Miethe, précité, point 16).

3.2.3. Exceptionnellement, le travailleur frontalier en chômage complet peut également faire valoir son droit à des indemnités de chômage dans l'Etat où il a exercé sa dernière activité professionnelle. Cette exception au principe de l'art. 71 par. 1 let. a point ii du règlement n° 1408/71 a été introduite par la CJCE. En effet, l'idée qui se trouve à la base de la règle générale qui s'applique aux travailleurs frontaliers au chômage complet, notamment que les conditions pour chercher du travail sont plus favorables dans l'Etat de résidence, perd son sens lorsque l'intéressé a des liens beaucoup plus étroits avec l'Etat où il a exercé son dernier emploi. Dans ce cas, le travailleur doit être regardé comme un travailleur "autre qu'un travailleur frontalier" ("frontalier atypique") au sens de l'art. 71 du règlement et relève en conséquence du champ d'application du paragraphe 1 let. b. Il en résulte que ce travailleur peut choisir de se mettre à la disposition des services de l'emploi du dernier Etat membre où il a travaillé et recevoir des prestations de cet Etat, ces dernières prenant la forme tant d'une aide au reclassement que d'allocations. Cette faculté de choix n'est toutefois reconnue au travailleur frontalier en chômage
complet que s'il remplit deux critères cumulatifs: il doit avoir conservé dans l'Etat du dernier emploi à la fois des liens personnels et des liens professionnels propres à lui donner les meilleures chances de réinsertion dans ce pays (arrêt Miethe, points 17 et 18). Il appartient, dans un tel cas, à la seule juridiction nationale de déterminer si un travailleur qui réside dans un autre Etat que l'Etat d'emploi a néanmoins conservé, dans ce dernier Etat, ses meilleures chances de réinsertion professionnelle (arrêt Miethe, point 19).

3.2.4. On signalera au passage que la jurisprudence Miethe n'est que partiellement prise en compte sous le régime du nouveau règlement n° 883/2004. La CJUE a en effet jugé que, par suite de l'entrée en vigueur dudit règlement, les dispositions applicables en matière d'assurance-chômage (art. 65) ne devaient pas être interprétées à la lumière de l'arrêt Miethe : s'agissant d'un travailleur frontalier se trouvant au chômage complet, qui a conservé avec l'Etat membre de son dernier emploi des liens personnels et professionnels tels qu'il dispose dans cet Etat des meilleures chances de réinsertion professionnelle, l'art. 65 doit être compris en ce sens qu'il permet à un tel travailleur de se mettre de manière complémentaire à la disposition des services de l'emploi dudit Etat non pas en vue d'obtenir dans ce dernier des allocations de chômage, mais uniquement aux fins d'y bénéficier des services de reclassement; demeurent réservées les dispositions transitoires de l'art. 87 par. 8 du règlement n o 883/2004 (arrêt du 11 avril 2013 C-443/11 Jeltes et autres contre Raad van bestuur van het Uitvoeringsinstituut werknemersverzekeringen destiné à la publication au Recueil). Cette jurisprudence, liée à l'application dudit règlement n'est
toutefois pas applicable en l'espèce ( supra consid. 3.1). Il s'agit ainsi d'examiner si la jurisprudence Miethe peut s'appliquer en l'espèce.

3.3.

3.3.1. Les premiers juges ont retenu que l'intimé, arrivé en Suisse à l'âge de 23 ans, avait acquis ses diplômes essentiellement en Suisse (CFC de sommelier, formation Jeunesse & Sport) où il avait accompli l'ensemble de son parcours professionnel, d'abord dans l'hôtellerie et la restauration, puis comme moniteur de tennis. Il avait ainsi d'étroites relations avec ce pays, même s'il possédait sans conteste quelques liens avec la France en tant que propriétaire d'un appartement. Dans ces conditions, il convenait d'admettre que l'intimé, alors âgé de 48 ans, disposait de plus grandes chances de réinsertion en Suisse (dernier pays d'emploi).

3.3.2. La caisse recourante soutient de son côté que les éléments relevés ci-dessus ne permettent pas de considérer que l'intimé se trouvait dans la situation d'un travailleur frontalier "atypique".

3.4.

3.4.1. Dans l'affaire Miethe, l'intéressé, ressortissant allemand, avait acquis une formation professionnelle en Allemagne où il avait constamment travaillé et résidé. Il avait déménagé en Belgique au seul motif que ses enfants, qui étaient élevés dans un établissement belge, pouvaient regagner quotidiennement le logement familial. Il possédait en outre un bureau en Allemagne, qui lui servait tant à exercer son activité salariée (représentant de commerce rémunéré à la commission) qu'à chercher un travail en période de chômage. C'est dans ce contexte que la CJCE a reconnu un droit à un travailleur frontalier de se mettre exceptionnellement à la disposition des services de l'emploi de l'Etat membre où il avait travaillé en dernier lieu et d'y recevoir les allocations de chômage. Dans l'ATF 133 V 169, qui est un exemple illustratif de la jurisprudence Miethe, le Tribunal fédéral a considéré que le statut de frontalier "atypique" pouvait être reconnu à une personne de nationalité suisse, qui était née et avait grandi en Suisse où elle avait obtenu un diplôme d'employé de commerce. Exceptée une période de trois ans, elle avait toujours habité et travaillé en Suisse. Elle y avait fait toute sa carrière professionnelle dans le domaine
bancaire. Ses compétences spécifiques dans cette branche pouvaient difficilement être mises à profit dans un autre pays que la Suisse, compte tenu également de l'âge de l'intéressé (59 ans). Sa décision de transférer sa résidence en Italie, dans un village à proximité de la frontière, avait été motivée par des considérations de sécurité (actes de vandalisme et d'intimidation commis à sa résidence au Tessin). Dans un arrêt plus récent, le Tribunal fédéral a en revanche jugé qu'une vendeuse, proche de la retraite, résidant en Italie, ayant travaillé pendant treize ans en Suisse ne pouvait pas se prévaloir de liens personnels et professionnels particulièrement étroits avec la Suisse, sa profession ne présentant pas de particularités telles que la reprise d'un emploi dans ce pays fût moins difficile qu'en Italie (arrêt 8C 723/2012 du 11 décembre 2012).

3.4.2. Le cas présent se distingue des deux premières affaires citées et présente en revanche des similitudes avec l'arrêt 8C 723/2012. Il convient tout d'abord de souligner que l'intimé a accompli toute sa scolarité en Italie. Il y a achevé une formation initiale. Il est venu en Suisse à l'âge adulte et y a résidé durablement à partir de 1991. Il a ensuite acheté, en 2001, un appartement en France, qu'il a vraisemblablement occupé dès le début. L'intimé est difficilement crédible lorsqu'il affirme qu'il s'agit d'une résidence secondaire. L'intimé ne paraît pas avoir de famille en Suisse. L'arrivée de son amie, de nationalité italienne, a été annoncée en Suisse à partir du 24 janvier 2011. Les professions qu'il a exercées depuis 1991 ne présentent pas de spécificités qui seraient propres au marché du travail en Suisse. Elle sont reconnues et peuvent être exercées de la même manière de part et d'autre de la frontière. Le contraire n'est en tout cas pas établi. Il n'y a pas d'obstacles liés à la langue. Le fait que l'Arc lémanique offre plus d'emplois que les départements français limitrophes, comme le fait valoir l'intimé, ne saurait être décisif. L'arrêt Miethe ne fait en effet pas mention d'un critère de cette nature mais fait
uniquement référence à la conservation de liens personnels et professionnels propres à donner de meilleures chances de réinsertion. Ces liens se rattachent à la personne du travailleur, indépendamment de la situation générale du marché du travail dans les deux Etats membres (arrêt 8C 777/ 2010 du 20 juin 2011 consid. 4.5). Aussi la situation de l'intimé, ne présente pas véritablement de caractéristiques nécessitant une dérogation à la règle du rattachement à l'Etat de résidence.

3.5. C'est donc à tort, en conclusion, que la juridiction cantonale a retenu que l'intimé pouvait prétendre des prestations de l'assurance-chômage pour la période du 1 er août 2010 au 30 novembre 2011 et que, pour ce motif, il n'était pas tenu de restituer les prestations déjà versées. Les prestations, au contraire, doivent être considérées comme ayant été versées indûment.

3.6.

3.6.1. Selon l'art. 25 al. 1
SR 830.1 Loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA)
LPGA Art. 25 Restitution - 1 Les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile.
1    Les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile.
2    Le droit de demander la restitution s'éteint trois ans après le moment où l'institution d'assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation.23 Si la créance naît d'un acte punissable pour lequel le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est déterminant.
3    Le remboursement de cotisations payées en trop peut être demandé. Le droit s'éteint une année après que le cotisant a eu connaissance de ses paiements trop élevés, mais au plus tard cinq ans après la fin de l'année civile au cours de laquelle les cotisations ont été payées.
LPGA, auquel renvoie l'art. 95 al. 1
SR 837.0 Loi fédérale du 25 juin 1982 sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité (Loi sur l'assurance-chômage, LACI) - Loi sur l'assurance-chômage
LACI Art. 95 Restitution de prestations - 1 La demande de restitution est régie par l'art. 25 LPGA391, à l'exception des cas relevant des art. 55 et 59cbis, al. 4.392
1    La demande de restitution est régie par l'art. 25 LPGA391, à l'exception des cas relevant des art. 55 et 59cbis, al. 4.392
1bis    L'assuré qui a touché des indemnités de chômage et perçoit ensuite, pour la même période, une rente ou des indemnités journalières au titre de l'assurance-invalidité, de la prévoyance professionnelle, de la loi du 25 septembre 1952 sur les allocations pour perte de gain393, de l'assurance militaire, de l'assurance-accidents obligatoire, de l'assurance-maladie ou des allocations familiales légales, est tenu de rembourser les indemnités journalières versées par l'assurance-chômage au cours de cette période.394 En dérogation à l'art. 25, al. 1, LPGA, la somme à restituer se limite à la somme des prestations versées pour la même période par ces institutions.395
1ter    Si une caisse a fourni des prestations financières pour des mesures de reconversion, de formation continue ou d'intégration qui auraient dû être versées par une autre assurance sociale, elle demande la restitution de ses prestations à cette assurance.396
2    La caisse exige de l'employeur la restitution de l'indemnité allouée en cas de réduction de l'horaire de travail ou d'intempéries quand cette indemnité a été versée à tort. Lorsque l'employeur est responsable de l'erreur, il ne peut exiger de ses travailleurs le remboursement de l'indemnité.
3    Le cas échéant, la caisse soumet sa demande de remise à l'autorité cantonale pour décision.
LACI, les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut pas être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile. L'obligation de restituer suppose que soient réunies les conditions d'une reconsidération (caractère sans nul doute erroné de la décision, importance notable de la rectification) ou d'une révision procédurale de la décision par laquelle les prestations en cause ont été allouées (ATF 130 V 318 consid. 5.2 p. 319 et les références). Ces restrictions s'appliquent aussi lorsqu'il y a lieu de restituer des prestations en espèces de l'assurance-chômage, même si celles-ci ont été allouées par des décisions non formelles (ATF 129 V 110).

3.6.2. Compte tenu de la solution à laquelle elle est parvenue, la juridiction cantonale n'a pas examiné le cas sous l'angle des conditions précitées. Il n'appartient pas au Tribunal fédéral de statuer en première et unique instance sur cette question à propos de laquelle, au demeurant, les parties n'ont pas eu l'occasion de s'exprimer. Il convient donc de renvoyer la cause à l'autorité précédente pour qu'elle examine si les limitations sus-mentionnées mises à la révocation des décisions (formelles ou non) sont ou non réalisées dans le cas particulier. Elle rendra ensuite une nouvelle décision.

3.7. S'agissant de la période postérieure au 30 novembre 2011, le droit aux prestations supposerait que l'intimé ait eu une résidence en Suisse postérieurement à cette date. Ce n'est en tout cas pas le cas pour le mois de décembre 2011, dès lors que, selon les constatations du jugement attaqué, il résidait encore en France. On ignore ce qu'il en est à partir du mois de janvier 2012. Le renvoi de la cause par la juridiction cantonale à la caisse était donc justifié. Celle-ci se prononcera toutefois sur la prétention du recourant à des indemnités à partir du mois de janvier 2012 (et non de décembre 2011 comme prescrit par le jugement attaqué).

4.
En résumé, la cause sera renvoyée à la juridiction cantonale en vue de l'examen des conditions mises à la restitution des prestations indûment versées. Le jugement attaqué est confirmé en tant qu'il renvoie la cause à la caisse pour nouvelle décision sur le droit de l'intimé aux prestations à partir du mois de janvier 2012.

5.
En définitive, le recours doit être partiellement admis.
Vu l'issue du litige, il se justifie de répartir les frais judiciaires à raison de 2/5 à la charge de la recourante et de 3/5 à la charge de l'intimé. La recourante n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 68 Dépens - 1 Le Tribunal fédéral décide, dans son arrêt, si et dans quelle mesure les frais de la partie qui obtient gain de cause sont supportés par celle qui succombe.
1    Le Tribunal fédéral décide, dans son arrêt, si et dans quelle mesure les frais de la partie qui obtient gain de cause sont supportés par celle qui succombe.
2    En règle générale, la partie qui succombe est tenue de rembourser à la partie qui a obtenu gain de cause, selon le tarif du Tribunal fédéral, tous les frais nécessaires causés par le litige.
3    En règle générale, aucuns dépens ne sont alloués à la Confédération, aux cantons, aux communes ou aux organisations chargées de tâches de droit public lorsqu'ils obtiennent gain de cause dans l'exercice de leurs attributions officielles.
4    L'art. 66, al. 3 et 5, est applicable par analogie.
5    Le Tribunal fédéral confirme, annule ou modifie, selon le sort de la cause, la décision de l'autorité précédente sur les dépens. Il peut fixer lui-même les dépens d'après le tarif fédéral ou cantonal applicable ou laisser à l'autorité précédente le soin de les fixer.
LTF). Elle sera condamnée de verser à l'intimé des dépens réduits.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis.

2.
L'arrêt attaqué est annulé dans la mesure où il prononce que l'assuré a droit aux indemnités de chômage pour la période du 1 er août 2010 au 30 novembre 2011. Pour cette période d'indemnisation, l'autorité cantonale est invitée à rendre une nouvelle décision au sens des motifs.

3.
Le jugement attaqué est réformé en ce sens que la cause est renvoyée à la caisse pour qu'elle se prononce sur le droit aux indemnités de chômage de l'intimé rétroactivement au 1 er janvier 2012.

4.
Le chiffre 4 du dispositif du jugement attaqué concernant les dépens est annulé.

5.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à raison de 200 fr. à la charge de la recourante et à raison de 300 fr. à la charge de l'intimé.

6.
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 500 fr. à titre de dépens réduits.

7.
L'autorité précédente est invitée à statuer à nouveau sur les dépens relatifs à la procédure cantonale.

8.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève et au Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO).

Lucerne, le 23 avril 2014
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Leuzinger

La Greffière: von Zwehl