Bundesverwaltungsgericht
Tribunal administratif fédéral
Tribunale amministrativo federale
Tribunal administrativ federal


Cour III

C-3319/2015

Arrêt du 11 décembre 2015

Jenny de Coulon Scuntaro (présidente du collège),

Composition Marianne Teuscher, Ruth Beutler, juges,

Georges Fugner, greffier.

A._______,

représentée par Maître Jean-Pierre Bloch,
Parties
Avocat, Place de la Gare 10, Case postale 246, 1001 Lausanne,

recourante,

contre

Secrétariat d'Etat aux migrations SEM,

Quellenweg 6, 3003 Bern,

autorité inférieure.

Objet Interdiction d'entrée.

Faits :

A.
A._______ (ci-après : A._______), ressortissante paraguayenne née en 1981, a été contrôlée le 16 février 2015 par le Poste de gardes-frontière à Genève-Aéroport, alors s'apprêtait à quitter la Suisse pour retourner dans son pays.

L'examen de son passeport a permis d'établir qu'elle était entrée dans l'Espace Schengen le 18 janvier 2011 à Paris-Roissy et y totalisait depuis lors 1'491 jours de séjour, dont 1'401 jours de séjour sans autorisation.

B.
Invitée à se déterminer à ce sujet, l'intéressée a déclaré avoir séjourné durant toute cette période chez un ami en Espagne, n'y avoir pas travaillé et n'avoir fait aucune démarche pour y régulariser son séjour.

Informée qu'une interdiction d'entrée pourrait être rendue à son endroit au regard des faits précités, l'intéressée a renoncé à se déterminer.

C.
Par décision du 26 février 2015, le Secrétariat d'Etat aux migrations (ci-après: SEM) a prononcé à l'endroit de A._______ une interdiction d'entrée valable jusqu'au 25 février 2018 et motivée comme suit:

"Lors du contrôle du départ, le 16 février 2015, à l'aéroport de Genève-Cointrin, il a été constaté que la personne susmentionnée avait séjourné illégalement dans l'Espace Schengen durant plusieurs années sans être au bénéfice d'une autorisation en bonne et due forme des autorités compétentes."

"Selon la pratique et la jurisprudence constantes, elle a attenté, de ce fait, sérieusement à la sécurité et à l'ordre publics au sens de l'art. 67 LEtr de sorte qu'une mesure d'éloignement se justifie pleinement. Aucun intérêt privé susceptible de l'emporter sur l'intérêt public à ce que les entrées en Suisse de la personne susmentionnées soient dorénavant contrôlées ne ressort d'ailleurs du dossier ou du droit d'être entendu qui lui a été octroyé (l'intéressée n'a pas souhaité s'exprimer)."

Le SEM a par ailleurs retiré l'effet suspensif à un éventuel recours contre son prononcé.

D.
Agissant par l'entremise de son mandataire, A._______ a recouru contre cette décision le 21 mai 2015 auprès du Tribunal administratif fédéral (ci-après: le Tribunal ou le TAF). La recourante n'a pas contesté les faits qui lui étaient reprochés et conclu exclusivement à l'annulation de la publication de cette interdiction d'entrée dans le Système d'information Schengen (ci-après : SIS), en se prévalant de son mariage du 11 avril 2015 avec un ressortissant espagnol et de son intention de rejoindre son époux en Espagne.

La recourante a par ailleurs sollicité l'assistance judiciaire partielle, en arguant qu'elle se trouvait sans emploi au Paraguay.

E.
Par décision du 2 juin 2015, le Tribunal a renoncé à percevoir une avance en garantie des frais de procédure.

F.
Appelé à se prononcer sur le recours, le SEM en a proposé le rejet. Dans sa réponse du 30 juin 2015, l'autorité intimée a relevé, s'agissant du signalement de la recourante au SIS, qu'il appartenait à celle-ci de solliciter l'octroi d'une autorisation de séjour auprès des autorités espagnoles et que la question du retrait de son signalement au SIS serait examiné dans le cadre de cette procédure d'autorisation de séjour.

G.
Invitée par le Tribunal, le 6 juillet 2015, à fournir toutes informations utiles sur les démarches qu'elle avait entreprises en vue de l'octroi d'une autorisation de séjour en Espagne, la recourante ne s'est pas manifestée dans le délai, prolongé à deux reprises, qui lui avait été accordé à cet effet.

Droit :

1.

1.1 Sous réserve des exceptions prévues à l'art. 32 LTAF, le Tribunal, en vertu de l'art. 31 LTAF, connaît des recours contre les décisions au sens de l'art. 5 PA prises par les autorités mentionnées à l'art. 33 LTAF.

En particulier, les décisions en matière d'interdiction d'entrée prononcées par le SEM - lequel constitue une unité de l'administration fédérale telle que définie à l'art. 33 let. d LTAF - sont susceptibles de recours au Tribunal, qui statue définitivement (art. 1 al. 2 LTAF en relation avec l'art. 83 let. c ch. 1 LTF).

1.2 A moins que la LTAF n'en dispose autrement, la procédure devant le Tribunal est régie par la PA (art. 37 LTAF).

1.3 A._______ a qualité pour recourir (art. 48 al. 1 PA). Son recours, présenté dans la forme et dans les délais prescrits par la loi, est recevable (art. 50 et 52 PA).

2.
La recourante peut invoquer devant le Tribunal la violation du droit fédéral, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation, la constatation inexacte et incomplète des faits pertinents ainsi que l'inopportunité de la décision entreprise, sauf lorsqu'une autorité cantonale a statué comme autorité de recours (art. 49 PA). Le Tribunal, qui applique d'office le droit fédéral, n'est pas lié par les motifs invoqués à l'appui du recours (art. 62 al. 4 PA), ni par les considérants de la décision attaquée (cf. Moser / Beusch / Kneubühler, Prozessieren vor dem Bundesverwaltungsgericht, 2ème éd. 2013, n° 3.197). Aussi peut-il admettre ou rejeter le pourvoi pour d'autres motifs que ceux invoqués. Dans son arrêt, le Tribunal prend en considération l'état de fait existant au moment où il statue (cf. ATAF 2014/1 consid. 2).

3.

3.1 L'interdiction d'entrée permet d'empêcher l'entrée ou le retour d'un étranger dont le séjour en Suisse est indésirable. Elle n'est pas considérée comme une peine sanctionnant un comportement déterminé, mais comme une mesure ayant pour but de prévenir une atteinte à la sécurité et à l'ordre publics (cf. Message du Conseil fédéral du 8 mars 2002 concernant la loi sur les étrangers, FF 2002 3469, 3568).

3.2

3.2.1 Aux termes de l'art. 67 al. 2 LEtr, le SEM peut interdire l'entrée en Suisse à un étranger s'il a attenté à la sécurité et l'ordre publics en Suisse ou à l'étranger ou les a mis en danger (let. a), s'il a occasionné des coûts en matière d'aide sociale (let. b) ou s'il a été placé en détention en phase préparatoire, en détention en vue de l'exécution du renvoi ou de l'expulsion ou en détention pour insoumission (let. c). Ces conditions sont alternatives.

3.2.2 Concernant plus spécifiquement les notions de sécurité et d'ordre publics, il convient de préciser que l'ordre public comprend l'ensemble des représentations non écrites de l'ordre, dont le respect doit être considéré comme une condition inéluctable d'une cohabitation humaine ordonnée. La notion de sécurité publique, quant à elle, signifie l'inviolabilité de l'ordre juridique objectif, des biens juridiques des individus, notamment la vie, la santé, la liberté et la propriété, ainsi que les institutions de l'Etat (cf. FF 2002 3469, 3564).

L'ordonnance du 24 octobre 2007 relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative (OASA, RS 142.201) précise, en son art. 80 al. 1, qu'il y a notamment atteinte à la sécurité et à l'ordre publics en cas de violation de prescriptions légales ou de décisions d'autorités (let. a), en cas de non-accomplissement volontaire d'obligations de droit public ou privé (let. b) ou en cas d'apologie publique d'un crime contre la paix, d'un crime de guerre, d'un crime contre l'humanité ou d'acte de terrorisme, ou en cas d'incitation à de tels crimes ou d'appel à la haine contre certaines catégories de population (let. c). Pour pouvoir affirmer que la sécurité et l'ordre publics sont menacés, il faut des éléments concrets indiquant que le séjour en Suisse de la personne concernée conduit selon toute vraisemblance à une atteinte à la sécurité et à l'ordre publics (art. 80 al. 2
SR 142.201 Ordinanza del 24 ottobre 2007 sull'ammissione, il soggiorno e l'attività lucrativa (OASA)
OASA Art. 80
OASA).

3.3 Lorsqu'une décision d'interdiction d'entrée est prononcée - comme en l'espèce - à l'endroit d'une personne qui n'est ni un citoyen de l'Union européenne (UE), ni un ressortissant d'un pays tiers jouissant de droits de libre circulation équivalents en vertu d'accords conclus par ce pays avec la Communauté européenne (CE) et ses États membres (cf. art. 3 let. d du règlement [CE] n° 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération [SIS II, JO L 381/4 du 28 décembre 2006], en vigueur depuis le 9 avril 2013 [JO L 87/10 du 27 mars 2013]), cette personne est inscrite aux fins de non-admission dans le SIS si le cas est suffisamment important pour justifier l'introduction du signalement dans ce système (cf. art. 21 et 24 SIS II, qui ont remplacé les anciens art. 94 par. 1 et 96 de la Convention d'application de l'accord de Schengen [CAAS, JO L 239 du 22 septembre 2000], ainsi qu'il ressort de l'art. 52 par. 1 SIS II; cf. également l'art. 16 al. 2 let. b
SR 142.201 Ordinanza del 24 ottobre 2007 sull'ammissione, il soggiorno e l'attività lucrativa (OASA)
OASA Art. 80
et al. 4 let. g LSIP [RS 361], en relation avec l'art. 6 let. a de l'Ordonnance N-SIS [RS 362.0]).

3.4 Il ressort en particulier de l'art. 24 par. 3 SIS II qu'un signalement peut être introduit lorsque la décision visée à l'art. 24 par. 1 SIS II est fondée sur le fait que le ressortissant d'un pays tiers a fait l'objet d'une mesure d'éloignement, de renvoi ou d'expulsion qui n'a pas été abrogée ni suspendue et qui comporte ou est assortie d'une interdiction d'entrée, ou, le cas échéant, de séjour, fondée sur le non respect des réglementations nationales relatives à l'entrée ou au séjour des ressortissants de pays tiers.

3.5 Le signalement dans le SIS a pour conséquence que la personne concernée se verra refuser l'entrée dans l'Espace Schengen (cf. art. 13 par. 1, en relation avec l'art. 5 par. 1 let. d du Règlement [CE] n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes [code frontière Schengen, JO L 105 du 13 avril 2006]).

Demeure réservée la compétence des Etats membres d'autoriser cette personne à entrer sur leur territoire (respectivement à lui délivrer un titre de séjour) pour des motifs sérieux, d'ordre humanitaire, d'intérêt national ou résultant d'obligations internationales (cf. art. 25 par. 1 CAAS, qui demeure applicable en vertu de l'art. 52 par. 1 SIS II a contrario; cf. aussi l'art. 13 par. 1, en relation avec l'art. 5 par. 4 let. c du code frontière Schengen), voire de lui délivrer pour ces motifs un visa à validité territoriale limitée (cf. art. 25 par. 1 let. a [ii] du règlement [CE] n 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas [code des visas, JO L 243/1 du 15 septembre 2009]; cf. notamment ATAF 2014/20 consid. 4 et arrêt du TAF C 2178/2013 du 9 avril 2014 consid. 3.2, et la jurisprudence citée).

4.

4.1 Dans le cas d'espèce, le Tribunal constate que A._______ n'est pas une ressortissante de l'un des Etats parties aux accords d'association à Schengen et qu'elle a commis des infractions aux prescriptions régissant la durée du séjour dans l'Espace Schengen, motif pour lequel elle a fait l'objet d'une mesure d'éloignement en application de l'art. 67 LEtr. L'inscription de son signalement au SIS est à cet égard expressément prévue dans ce cas de figure à l'art. 21, en relation avec l'art. 24 al. 3 du règlement SIS II, et est apte et nécessaire pour atteindre les buts visés, à savoir protéger l'ordre et la sécurité publics et ce dans l'intérêt de tous les Etats parties aux accords d'association Schengen.

4.2 Concernant l'intérêt privé de la recourante, celui-ci réside dans le fait que son signalement dans le SIS lui interdit, en l'état, de pénétrer dans l'Espace Schengen, alors qu'elle a épousé un ressortissant espagnol le 11 avril 2015 au Paraguay.

4.3 A l'intérêt privé de la recourante à pouvoir entrer dans l'Espace Schengen, il y a lieu d'opposer l'intérêt public à son éloignement. Or, à ce sujet, il appartient à la Suisse de respecter la législation Schengen et dans le champ d'application des règles de Schengen, la Suisse se doit de préserver les intérêts de tous les Etats parties aux accords d'association à Schengen (cf. ATAF 2011/48 consid. 6.1).

4.4 Dans ce contexte, il demeure toutefois de la compétence des Etats membres d'autoriser la personne concernée à entrer sur leur territoire (respectivement à lui délivrer un titre de séjour) pour des motifs sérieux, d'ordre humanitaire, d'intérêt national ou résultant d'obligations internationales (cf. art. 25 par. 1 CAAS). Selon cette disposition, si le titre de séjour est délivré, la partie contractante signalante procède alors au retrait du signalement, mais peut cependant inscrire cet étranger sur sa liste nationale de signalement.

En conséquence, il appartient à la recourante, si elle entend s'établir en Espagne auprès de son époux, de solliciter une autorisation de séjour auprès des autorités espagnoles, démarches dont elle n'a toutefois pas informé le Tribunal à ce jour, malgré l'invitation expresse qui lui en a été faite le 6 juillet 2015.

4.5 Le Tribunal est dès lors amené à la conclusion, au regard des faits retenus à la charge de la recourante, que son signalement au SIS satisfait au principe de proportionnalité (cf. art. 21 du règlement SIS II) et que c'est donc de manière fondée que le SEM a procédé à son inscription au SIS dans la décision d'interdiction d'entrée qu'il a prononcée à son endroit.

5.
Il ressort de ce qui précède que la décision du SEM du 26 février 2015 est conforme au droit.

Le recours est en conséquence rejeté.

Vu l'issue de la cause, les frais de procédure sont mis à la charge de la recourante (art. 63 al. 1
SR 142.201 Ordinanza del 24 ottobre 2007 sull'ammissione, il soggiorno e l'attività lucrativa (OASA)
OASA Art. 80
PA, en relation avec les art. 1 à 3 du règlement du Tribunal administratif fédéral du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral [FITAF, RS 173.320.2]).

Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais de procédure, s'élevant à 600 francs, sont mis à la charge de la recourante. Ce montant doit être versé sur le compte du Tribunal dans les 30 jours dès l'expédition du présent arrêt.

3.
Le présent arrêt est adressé :

- à la recourante (recommandé ; annexe : un bulletin de versement)

- à l'autorité inférieure, dossier Symic 19137211.2 en retour

La présidente du collège : Le greffier :

Jenny de Coulon Scuntaro Georges Fugner

Expédition :