Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
5A 551/2011

Arrêt du 9 novembre 2011
IIe Cour de droit civil

Composition
Mme et MM. les Juges Hohl, Présidente,
L. Meyer et Herrmann.
Greffier: M. Fellay.

Participants à la procédure
A.________ SA,
représentée par Yann P. Meyer, avocat,
recourante,

contre

B.________,
représenté par Patrice Le Houelleur, avocat,
intimé,

Office des poursuites de Genève,

Objet
réalisation de gage mobilier,

recours contre la décision de la Cour de justice, Autorité de surveillance des Offices des poursuites et faillites,
du canton de Genève du 21 juillet 2011.

Faits:

A.
Dans le cadre de la poursuite en réalisation de gage mobilier n° xxxx dirigée contre B.________ (ci-après: le débiteur), A.________ SA (ci-après: la créancière) a requis, en date du 20 avril 2001, la vente du gage, soit trois statues en bronze attribuées à C.________.

Chargé d'estimer celles-ci par l'Office des poursuites de Genève, l'expert D.________, se doutant qu'il s'agissait de contrefaçons, a fait savoir à l'office que, n'étant pas expert officiel de C.________, il n'était pas à même de certifier de manière définitive l'authenticité ou non des statues sans en référer à la maison X.________ à Paris, propriétaire des droits de succession et de reproduction de l'artiste précité. Avec l'accord de l'office, il a alors mandaté E.________ et F.X.________ qui, le 25 septembre 2002, ont répondu que:

- les trois statues étaient, à leur connaissance, des contrefaçons non autorisées par l'artiste et ses ayants droit;
- aucune fonte de cette contrefaçon de 126 cm n'avait fait l'objet, à leur connaissance, de ventes publiques ni d'exposition dans des musées;
- l'estimation de la valeur actuelle au coût de la fonte était d'environ 25'000 USD par pièce inclus la répartition du coût d'établissement d'un moule avec réduction, pour douze épreuves;
- ces statues ne pouvaient être mises sur le marché sans risque d'être saisies comme portant préjudice à l'?uvre de C.________ dont elles portaient la signature et un numéro EA sur la terrasse;
- authentique et originale, chacune de ces sculptures serait aujourd'hui estimée à une valeur de 250'000 à 300'000 USD.

Suite à une plainte du débiteur contre cette expertise, l'autorité cantonale de surveillance des offices des poursuites et faillites a ordonné à l'office d'en aménager une nouvelle. Contact fut alors pris avec la Fondation G.________, dont le directeur, H.________, s'est rendu à Genève pour examiner les trois statues et a fait savoir ensuite que:

- les statues en question, de 1,26 mètres et portant la marque de la Fonderie I.________, étaient des reproductions de la figure du modèle connu sous le nom de "..." ou plus communément appelé "...";

- interpellée par la Fondation G.________, ladite fonderie lui avait répondu avoir reçu, en 1988, une commande de la maison J.________ SA relative à six reproductions du modèle "..." de 1,26 mètres (...);
- le service juridique de la Fondation G.________ avait déclaré que l'accord signé entre J.________ SA et C.________ en 1985 n'autorisait pas la reproduction de la "sculpture ..." en 1,26 mètres, la seule autorisation relative à cette statue portant sur une série de douze copies de la sculpture en 4 mètres; il n'existait ni preuve ni confirmation que C.________ ou l'un de ses représentants ait autorisé la reproduction de cette sculpture en 1,26 mètres ou approuvé lesdites sculptures de la Fonderie I.________; en conséquence, toutes les sculptures en 1,26 mètres (y compris les trois statues se trouvant à Genève) de .../... exécutées par la Fonderie I.________ étaient considérées comme des copies non autorisées du travail de C.________.

Par courrier du 28 février 2011, l'office a demandé à E.________ et F.X.________, en se référant à leur expertise du 25 septembre 2002, notamment à leur affirmation selon laquelle "l'estimation de la valeur actuelle au coût de la fonte était d'environ 25'000 USD par pièce inclus la répartition du coût d'établissement d'un moule avec réduction, pour douze épreuves", s'ils pouvaient être plus précis sur les termes de cette phrase et de lui confirmer le coût de 25'000 USD. Les destinataires dudit courrier n'y ont pas répondu.

Le 2 mai 2011, l'office a communiqué aux parties le procès-verbal d'estimation et fixation des conditions de vente des trois statues en question, dans lequel il rappelait les éléments susmentionnés et prenait la décision:

"1. de considérer les trois statues "Hommage à ..." (...) comme étant des contrefaçons non autorisées de l'?uvre de l'artiste C.________,
2. d'estimer par conséquent ces 3 statues, en tant que contrefaçons, à un montant de CHF 1'500 fr. chacune,
3. de les exposer séparément aux enchères,
4. d'indiquer de manière très claire dans la publication de la vente aux enchères le caractère de contrefaçons non autorisées des trois statues précitées".

Sous la rubrique "Conditions de vente", il était notamment indiqué que les trois statues seraient adjugées individuellement, après trois criées au plus offrant, à condition que l'offre soit supérieure à 1'500 fr. - montant qui couvrirait partiellement les frais, émoluments et débours connus à ce jour - et que chaque offre devrait dépasser la précédente d'au moins 500 fr.

B.
Le 11 mai 2011, la créancière a porté plainte contre le procès-verbal précité, concluant à ce que l'office procède à une nouvelle expertise portant sur la valeur à la fonte des statues, ne tenant compte que du prix du métal, qu'il établisse un nouveau procès-verbal tenant compte du prix à la valeur du métal et, cumulativement, qu'il dise que cette mention valait "mise à prix indicative" et non "mise à prix", qu'il ordonne, dans cette mesure, de nouvelles conditions de vente aux enchères et, le cas échéant, qu'il autorise la vente de gré à gré des statues au prix du métal. En substance, la créancière soutenait que le bronze était une matière première et que les statues ne pouvaient par conséquent être adjugées à un prix inférieur à la valeur du métal, le prix du kilo de bronze étant de 814 euros.

Le débiteur a également porté plainte et requis une modification du procès-verbal d'estimation et fixation des conditions de vente, en ce sens que l'office pouvait indiquer qu'il n'était pas responsable ni garant de l'authenticité des statues attribuées à C.________ et que la question de leur authenticité se posait, mais sans faire référence à un prétendu caractère de contrefaçons non autorisées. Il demandait en outre que leur prix minimum de vente soit fixé à 20'000 fr. par statue.

Les deux plaintes ont été rejetées par décision de l'autorité cantonale de surveillance du 21 juillet 2011. Celle de la créancière l'a été au motif que l'art. 128 LP, relatif aux objets en métaux précieux, n'était pas applicable à la réalisation des statues en bronze litigieuses et que l'office pouvait fixer dans les conditions de vente une mise à prix, soit une somme à partir de laquelle les offres seraient recevables.

C.
Par acte du 23 août 2011, la créancière a interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral, assorti d'une demande d'effet suspensif, dans lequel elle reprend ses conclusions formulées en instance cantonale. Elle invoque la violation des art. 97, 126 et 128 LP, ainsi que celle de l'art. 9 Cst. (interdiction de l'arbitraire dans l'appréciation des preuves).

Le dépôt de réponses n'a pas été requis.

L'effet suspensif a été attribué au recours par ordonnance présidentielle du 7 septembre 2011.

Considérant en droit:

1.
1.1 Interjeté dans le délai (art. 46 al. 1 let. b et 100 al. 2 let. a LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi par une partie qui a succombé dans ses conclusions prises devant l'autorité précédente (art. 76 al. 1 LTF) et dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière de poursuite pour dettes et de faillite (art. 72 al. 2 let. a LTF) par une autorité cantonale de surveillance de dernière (unique) instance (art. 75 al. 1 LTF), le recours est en principe recevable, et ce indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. c LTF).

1.2 Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique ce droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être limité par les arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue dans la décision déférée; il peut donc admettre un recours pour d'autres motifs que ceux qui ont été articulés, ou à l'inverse, rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (ATF 135 III 397 consid. 1.4; 134 III 102 consid. 1.1). Cependant, compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 135 III 397 consid. 1.4; 134 III 102 consid. 1.1).

1.3 Par ailleurs, le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les constatations de l'autorité précédente ont été établies de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 135 III 127 consid. 1.5, 397 consid. 1.5; 135 II 145 consid. 8.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Le recourant qui entend s'écarter des constatations de fait de l'autorité précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées, étant rappelé que l'appréciation des preuves n'est arbitraire que si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2; 136 III 552 consid. 4.2; 134 V 53 consid. 4.3; 129 I 8
consid. 2.1). Pour le surplus, le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire portant sur l'état de fait ou sur l'appréciation des preuves (ATF 136 II 101 consid. 3 et les arrêts cités).

2.
Les dispositions dont la recourante invoque la violation, et qui s'appliquent à la poursuite en réalisation de gage en vertu des art. 155 al. 1 et 156 al. 1 LP, prescrivent à l'office des poursuites de faire l'estimation des biens qu'il saisit, faculté lui étant accordée de s'adjoindre des experts à cet effet (art. 97 al. 1 LP), d'adjuger l'objet à réaliser après trois criées au plus offrant, à condition que l'offre soit supérieure à la somme des créances garanties par gage préférables à celle du poursuivant (art. 126 al. 1 LP) et de ne pas adjuger les objets en métaux précieux à un prix inférieur à la valeur du métal (art. 128 LP).

2.1 La recourante ne conteste pas une mise à prix de 1'500 fr. par statue, soit le montant en deçà duquel les offres ne pourraient être acceptées. Elle soutient cependant que la valeur d'estimation à communiquer au tiers viole les art. 97 et 128 LP, car l'office aurait dû retenir une valeur d'estimation au prix du métal, le texte de l'art. 128 LP contenant une clause générique de "métaux précieux" qui n'autoriserait pas à limiter le champ d'application de la norme aux seules matières de l'or, de l'argent ou même du platine. L'autorité cantonale de surveillance n'aurait donc pas dû ratifier l'estimation de l'office à 1'500 fr. par statue, mais ordonner une nouvelle expertise afin de déterminer la valeur du métal des statues ou bien arrêter cette valeur en se fondant sur l'expertise qui faisait état de 25'000 USD par statue.

L'art. 128 LP s'applique à tous les métaux précieux, par quoi on entend, en droit fédéral, l'or, l'argent, le platine et le palladium (art. 1er al. 1 de la loi fédérale sur le contrôle du commerce des métaux précieux et des ouvrages en métaux précieux; RS 941.31). Il vise aussi bien des objets ouvrés (bijoux, montres, monnaies n'ayant plus cours, médailles) que des objets manufacturés (lingots, barres), mais non pas, en revanche, les métaux rares ayant une grande valeur ou les "autres objets de prix" (cf. art. 98 al. 1 LP), tels que oeuvres d'art ou antiquités (P.-R. GILLIÉRON, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, n. 9 s. ad art. 128 LP; SÉBASTIEN BETTSCHART, in Commentaire romand de la LP, n. 2 ad art. 128 LP; MAGDALENA RUTZ/JÜRG ROTH, in Basler Kommentar, Bundesgesetzt über Schuldbetreibung und Konkurs I, 2e éd., n. 2 ad art. 128 LP).

Les trois statues litigieuses étant en bronze, qui est un alliage de cuivre et d'étain ne constituant pas un métal précieux en l'état de la législation, c'est à bon droit que l'autorité cantonale a considéré que l'art. 128 LP n'était pas applicable.

2.2 Les autorités cantonales de surveillance tranchent en principe définitivement les litiges qui ont trait à l'estimation des biens saisis. Le Tribunal fédéral ne peut être requis d'intervenir en cette matière qu'en cas d'abus ou d'excès du pouvoir d'appréciation, à savoir notamment lorsque l'autorité cantonale a retenu des critères inappropriés ou n'a pas tenu compte de circonstances pertinentes (ATF 132 III 281 consid. 2.1; 120 III 79 consid. 1 et les références).

L'art. 126 LP pose le principe de l'offre suffisante ou de la couverture: l'adjudication ne peut intervenir que si l'offre la plus élevée est supérieure à la somme des créances garanties par gage, exigibles ou non, qui ont été revendiquées avec succès et qui sont préférables à celles du poursuivant (GILLIÉRON, op. cit., n. 29 ad art. 126 LP; BETTSCHART, op. cit., n. 2 ad art. 126 LP). Pour supprimer le risque de vente à vil prix, l'office des poursuites peut également fixer dans les conditions de vente une mise à prix indicative, soit une somme à partir de laquelle il espère recevoir des offres, voire une mise à prix, soit une somme à partir de laquelle les offres sont recevables (GILLIÉRON, op. cit., n. 10 ad art. 126 LP; BETTSCHART, op. cit., n. 4 ad art. 126 LP). En l'espèce, l'autorité cantonale de surveillance ne saurait avoir commis un abus ou un excès de son pouvoir d'appréciation en confirmant l'application d'un de ces modes de réalisation, soit la mise à prix, mode de réalisation qui peut, de cas en cas, être approprié et répondre au principe général selon lequel l'office des poursuites doit concilier - et sauvegarder - autant que possible les intérêts en cause (GILLIÉRON, op. cit., n. 10 ad art. 126 LP). Les trois
statues constituant, à dire d'experts, des contrefaçons non autorisées qui n'ont fait l'objet ni de ventes publiques ni d'exposition dans des musées, on ne voit pas en quoi l'autorité cantonale de surveillance aurait, dans le cas particulier, commis un tel abus ou excès en confirmant la décision de l'office de fixer une mise à prix de 1'500 fr., correspondant à la couverture partielle des frais, émoluments et débours connus jusqu'alors. En tous les cas, le montant de 25'000 USD articulé par les auteurs de l'expertise de 2002 ne s'imposait pas, faute par ces derniers d'avoir, comme demandé par l'office, explicité les termes de leur estimation.

3.
3.1 Une décision est arbitraire, donc contraire à l'art. 9 Cst., lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si sa décision apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision soient insoutenables; il faut encore que celle-ci soit arbitraire dans son résultat. Il ne suffit d'ailleurs pas non plus qu'une solution différente de celle retenue par l'autorité cantonale puisse être tenue pour également concevable ou apparaisse même préférable (ATF 137 I 1 consid. 2.4; 136 III 552 consid. 4.2; 135 V 2 consid. 1.3).

3.2 La recourante soutient qu'en retenant une mise à prix de 1'500 fr. par statue et en écartant, sans autre motivation, la valeur de 25'000 USD retenue dans l'expertise de 2002, "l'office des poursuites" aurait gravement méconnu l'interdiction de l'arbitraire. En tant qu'il est ainsi dirigé contre l'office uniquement, le grief est irrecevable au regard de l'art. 75 al. 1 LTF. Au demeurant, même censé adressé implicitement à l'autorité cantonale de surveillance, il ne pourrait qu'être rejeté pour le motif qu'il n'est pas arbitraire, au sens de la jurisprudence susmentionnée, d'écarter une expertise formulée en termes peu explicites que ses auteurs, bien qu'invités à le faire, n'ont pas daigné préciser (cf. consid. 2.2 ci-dessus in fine).

4.
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, aux frais de son auteur (art. 66 al. 1 LTF).

Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'500 fr., sont mis à la charge de la recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux participants à la procédure et à la Cour de justice, Autorité de surveillance des Offices des poursuites et faillites, du canton de Genève.

Lausanne, le 9 novembre 2011
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Hohl

Le Greffier: Fellay