Bundesverwaltungsgericht
Tribunal administratif fédéral
Tribunale amministrativo federale
Tribunal administrativ federal


Cour VI

F-3617/2016

Arrêt du 3 octobre 2017

Yannick Antoniazza-Hafner (président du collège),

Composition Antonio Imoberdorf, Andreas Trommer, juges,

Claudine Schenk, greffière.

1. A._______, né le [...],

2. B._______, née le [...],

Palestiniens de Syrie,
Parties
représentés par l'Association pour la Promotion des Droits Humains, route de Ferney 150, case postale 2100,

1218 Grand-Saconnex,

recourants,

contre

Secrétariat d'Etat aux migrations SEM,

Quellenweg 6, 3003 Berne,

autorité inférieure.

Objet Visa humanitaire à validité territoriale limitée (VTL); décision du SEM du 9 mai 2016 / SYMIC ... / N ....

Faits :

A.

A.a En date du 4 janvier 2016, les époux A._______ et B._______ ont déposé des demandes de visa auprès de l'Ambassade de Suisse à Beyrouth (Liban).

Afin d'établir leur identité, les intéressés ont versé en cause une traduction d'un extrait de registre d'état civil qui leur avait été délivré le 17 décembre 2015 par l'Organisation générale des réfugiés arabes d'origine palestinienne (General Organization of Palestinian Arabs Refugees), dont il ressort qu'ils sont nés à Damas (Syrie), d'origine palestinienne et de religion musulmane et qu'ils sont mariés. Le requérant a également produit, en copie, un document de voyage pour réfugiés palestiniens qui lui avait été délivré par les autorités syriennes.

A.b Le 28 janvier 2016, la Représentation suisse susmentionnée a rejeté ces demandes au moyen du formulaire-type Schengen, au motif que la volonté des requérants de quitter l'Espace Schengen avant l'expiration des visas ne pouvait être tenue pour établie.

A.c Par acte du 18 février 2016, les intéressés, agissant par l'entremise de leur mandataire, ont formé opposition contre cette décision auprès du Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM).

Se décrivant comme des Syriens d'origine palestinienne, ils ont expliqué que, suite à la destruction - à la fin de l'année 2012 - du logement qu'ils occupaient dans le camp de Yarmouk en Syrie, ils avaient intégré le camp d'Ein El-Helweh (également orthographié : Ain Al-Hilweh) au sud du Liban, où ils résidaient désormais depuis trois ans. Ils ont fait valoir qu'ils ne se sentaient pas en sécurité dans ce camp de réfugiés, car celui-ci avait déjà essuyé des bombardements, la dernière fois le 25 août 2015. Ils ont également invoqué qu'ils ne bénéficiaient au Liban que de permis de résidence temporaires, renouvelables tous les trois mois, et qu'ils risquaient ainsi d'être renvoyés en tout temps en Syrie par les autorités libanaises à l'échéance de leurs permis. Ils ont ajouté que, bien qu'ils soient enregistrés auprès de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East, ci-après : UNRWA) et que le requérant souffre de troubles auditifs, cette agence n'était actuellement plus en mesure de leur fournir une aide financière ou médicale quelconque. Ce dernier s'est par ailleurs prévalu de la présence en Suisse de ses parents et de ses frères.

Les intéressés se sont référés à une déclaration écrite du requérant du 19 janvier 2016, dans laquelle celui-ci avait fourni des précisions sur sa situation. L'intéressé avait notamment fait valoir que la vie dans le camp d'Ein El-Helweh - où il avait été contraint de louer une maison sans eau courante ni électricité et saturée d'humidité pour la somme de 200 USD par mois - était très difficile. Il avait expliqué que l'UNRWA, si elle avait certes mis à sa disposition une voiture, avait désormais suspendu ses aides financières et qu'en tant que réfugié palestinien, il n'était pas autorisé à travailler au Liban, ce qui le plaçait dans une situation financière précaire. Il avait précisé qu'il avait néanmoins décroché un emploi à temps partiel dans sa profession, mais seulement à raison d'un jour par semaine, de sorte qu'il demeurait tributaire de l'aide financière que son père lui apportait depuis la Suisse. Il avait invoqué enfin que, souffrant d'une déficience auditive, il avait besoin d'un appareil auditif.

B.

Par décision du 9 mai 2016, le SEM a rejeté l'opposition formée par les intéressés et confirmé le refus d'autorisations d'entrée prononcé par l'Ambassade de Suisse au Liban.

L'autorité inférieure a estimé que les requérants n'avaient pas à craindre d'être renvoyés en Syrie contre leur gré par les autorités libanaises, et ce bien que le Liban n'ait pas ratifié la Convention relative au statut des réfugiés conclue le 28 juillet 1951 (Convention sur les réfugiés, RS 0.142.30). Elle a également retenu que les intéressés n'étaient pas exposés au Liban à une menace concrète, grave et immédiate de leur vie ou de leur intégrité physique, dans la mesure où ils étaient inscrits à l'UNRWA et bénéficiaient ainsi d'un statut particulier et d'un soutien en matière d'emploi, d'éducation, de soins et de logement. Tout en admettant que les conditions de vie et de logement régnant dans les camps de réfugiés libanais étaient difficiles et que l'UNRWA rencontrait momentanément des difficultés à fournir une aide matérielle à tous les réfugiés palestiniens vivant au Liban, elle a considéré que ces circonstances ne permettaient pas, à elles seules, de conclure à une mise en danger générale et systématique de ces réfugiés. Elle a observé au demeurant qu'il n'était pas démontré que les requérants ne pourraient plus jamais obtenir un soutien financier et médical quelconque de l'UNRWA.

C.

Par acte daté du 7 juin 2016, les époux A._______ et B._______ (ci-après les recourants), par l'entremise de leur mandataire, ont recouru contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF ou Tribunal de céans), en concluant à l'annulation de cette décision et à l'octroi des visas sollicités. Ils ont également requis le bénéfice de l'assistance judiciaire partielle.

Les recourants ont repris la motivation qu'ils avaient précédemment développée, faisant valoir que les conditions de vie régnant le camp d'Ein El-Helweh en termes de salubrité et de sécurité étaient devenues insoutenables et qu'ils se trouvaient réellement dans une situation de détresse particulière nécessitant une intervention de la Suisse. Dans un courriel du 26 mai 2016 ayant été annexé au recours, le recourant a expliqué que des accrochages entre groupes islamistes rivaux se produisaient régulièrement dans ce camp (où vivaient des membres ou partisans de groupes extrémistes), que leur maison était donc constamment exposée à des bombardements ou à des balles perdues et qu'il avait même été menacé de mort par un groupe islamiste pour le cas où il ne rejoindrait pas ses rangs. Les intéressés ont invoqué que l'Etat libanais n'avait ni la possibilité, ni la volonté d'assumer son devoir de protection vis-à-vis de la population qui s'était réfugiée dans ce camp. Ils ont versé en cause une copie du courriel susmentionné et d'une partie des photographies ayant été annexées à celui-ci.

D.

Par décision incidente du 15 juin 2016, le Tribunal de céans a renoncé à percevoir une avance en garantie des frais de procédure présumés, indiquant qu'il statuerait ultérieurement sur la demande d'assistance judiciaire présentée par les recourants.

E.

Dans sa réponse succincte du 24 juin 2016, l'autorité inférieure a proposé le rejet du recours. Elle a estimé que, dans la mesure où les intéressés s'étaient bornés à alléguer qu'ils étaient menacés sans étayer leurs propos, leur situation personnelle ne se différenciait pas de celle de bon nombre de réfugiés vivant dans le même camp ou dans d'autres camps situés sur le territoire libanais.

F.

Par ordonnance du 1er septembre 2016 (notifiée le 5 septembre suivant), le Tribunal de céans a transmis la réponse de l'autorité inférieure aux recourants, en leur donnant la possibilité de déposer des observations.

Les intéressés n'ont pas répliqué dans le délai imparti, ni sollicité la prolongation de ce délai.

G.

Le 20 décembre 2016, les recourants ont produit, sans plus amples explications, la copie d'un avis de recherche daté du 4 août 2016 (muni d'une traduction) et censé démontrer que le recourant était recherché au Liban par le groupe islamiste Jound al-Cham (ou « soldats du Levant »).

Droit :

1.

1.1 Sous réserve des exceptions prévues à l'art. 32 LTAF, le Tribunal de céans, en vertu de l'art. 31 LTAF, connaît des recours contre les décisions au sens de l'art. 5 PA prises par les autorités mentionnées à l'art. 33 LTAF. En particulier, les décisions de refus d'autorisations d'entrée prononcées par le SEM peuvent être contestées devant le Tribunal de céans, qui statue de manière définitive (cf. art. 1 al. 2 LTAF en relation avec l'art. 83 let. c ch. 1 LTF).

1.2 A moins que la LTAF n'en dispose autrement, la procédure devant le Tribunal de céans est régie par la PA (cf. art. 37 LTAF).

1.3 A._______ et B._______ ont qualité pour recourir (cf. art. 48 al. 1 PA). Présenté dans la forme et les délais prescrits par la loi, le recours est recevable (cf. art. 50 al. 1 et art. 52 PA).

2.
Le recourant peut invoquer devant le Tribunal de céans la violation du droit fédéral, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation, la constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents et, à moins qu'une autorité cantonale n'ait statué comme autorité de recours, l'inopportunité de la décision entreprise (cf. art. 49 PA). Le Tribunal de céans examine la décision attaquée avec plein pouvoir de cognition. Conformément à la maxime inquisitoire, il constate les faits d'office (cf. art. 12 PA) ; appliquant d'office le droit fédéral, il n'est pas lié par les motifs invoqués à l'appui du recours (cf. art. 62 al. 4 PA), ni par l'argumentation développée dans la décision entreprise. Aussi peut-il admettre ou rejeter le pourvoi pour d'autres motifs que ceux invoqués. Dans son arrêt, il prend en considération l'état de fait tel qu'il se présente au moment où il statue (cf. ATAF 2014/1 consid. 2, et la jurisprudence citée).

3.

3.1 La législation suisse sur les étrangers ne garantit aucun droit quant à l'entrée en Suisse, ni quant à l'octroi d'un visa. Comme tous les autres Etats, la Suisse n'est donc en principe pas tenue d'autoriser l'entrée de ressortissants étrangers sur son territoire. Sous réserve des obligations découlant du droit international, il s'agit d'une décision autonome (cf. Message du Conseil fédéral du 8 mars 2002 concernant la loi sur les étrangers, FF 2002 3469, spéc. p. 3531 ad art. 3 ; ATF 135 II 1 consid. 1.1, et la jurisprudence citée; ATAF 2014/1 consid. 4.1.1, 2011/48 consid. 4.1 et 2009/27 consid. 3). La législation européenne - reprise par la Suisse dans le cadre des accords d'association à Schengen - limite toutefois les prérogatives des Etats membres parties à ces accords, en ce sens qu'elle prévoit des conditions uniformes pour l'entrée dans l'Espace Schengen et la délivrance des visas y relatifs, obligeant par ailleurs les Etats membres à refuser l'entrée et l'octroi du visa requis si les conditions prescrites ne sont pas remplies (cf. ATAF 2014/1 consid. 4.1.1 à 4.1.5, et 2011/48 consid. 4.1).

3.2 Selon la législation européenne, à laquelle se réfère l'art. 4 al. 1 de l'ordonnance sur l'entrée et l'octroi de visas (OEV, RS 142.204), les recourants, qui proviennent de la Syrie et son actuellement réfugiés au Liban, sont soumis à l'obligation du visa pour pénétrer dans l'Espace Schengen (cf. l'annexe I du règlement [CE] no 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa [JO L 81 du 21 mars 2001, p. 1 à 7]).

3.3 S'agissant des conditions d'octroi d'un visa uniforme pour un séjour dans l'Espace Schengen n'excédant pas 90 (nonante) jours, l'art. 2 al. 1 OEV renvoie à l'art. 6 du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen, texte codifié, JO L 77 du 23 mars 2016, p. 1 à 52), qui renvoie à son tour au règlement (CE) no 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas (code des visas, JO L 243 du 15 septembre 2009, p. 1 à 58).

Les règlements précités prévoient que, pour pouvoir bénéficier d'un visa uniforme pour l'Espace Schengen, le demandeur de visa doit notamment justifier l'objet et les conditions du séjour envisagé, disposer des moyens de subsistance suffisants tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays d'origine (cf. art. 6 par. 1 let. c du code frontières Schengen) et fournir des informations permettant d'apprécier sa volonté de quitter le territoire des Etats membres avant l'expiration du visa demandé (cf. art. 14 par. 1 let. d du code des visas). Lors de l'examen d'une demande tendant à l'octroi d'un visa uniforme, une attention particulière doit être accordée à la volonté du demandeur de quitter le territoire des Etats membres avant la date d'expiration du visa demandé et à l'évaluation du risque d'immigration illégale (cf. art. 21 par. 1 du code des visas), de sorte qu'un tel visa doit être refusé s'il existe des doutes raisonnables sur la volonté du demandeur de quitter le territoire des Etats membres avant l'expiration du visa demandé (cf. art. 32 par. 1 let. b du code des visas).

3.4 En l'espèce, les conditions d'octroi d'un visa uniforme pour l'Espace Schengen ne sont pas remplies, ainsi que l'Ambassade de Suisse au Liban l'a retenu à juste titre dans sa décision du 28 janvier 2016. En effet, au regard de la situation prévalant actuellement en Syrie et de l'argumentation développée par les recourants (selon laquelle leur situation au Liban, dans un camp de réfugiés, serait insoutenable), la volonté de ceux-ci de quitter ponctuellement l'Espace Schengen à l'échéance des visas ne peut assurément pas être tenue pour garantie. Les intéressés ne contestent d'ailleurs pas cette appréciation.

4.

4.1 Si les conditions d'octroi d'un visa uniforme pour l'Espace Schengen ne sont pas remplies, un Etat membre peut, à titre exceptionnel, autoriser l'entrée sur son territoire pour un séjour d'une durée n'excédant pas 90 (nonante) jours lorsqu'il l'estime nécessaire notamment pour des raisons humanitaires, pour des motifs d'intérêt national ou pour honorer des obligations internationales (cf. art. 2 al. 4 et art. 12 al. 4 OEV, art. 6 par. 5 let. c du code frontières Schengen, ainsi que l'art. 25 par. 1 let. a et par. 2 et l'art. 32 par. 1 du code des visas).

Dans ce contexte, la Suisse avait jusqu'à présent pour pratique de délivrer des visas humanitaires sous forme de visas à validité territoriale limitée (visas VTL) notamment pour honorer des obligations découlant de la protection de la vie privée et familiale garantie par l'art. 8 CEDH (cf. ATAF 2011/48 consid. 6.3) ou pour donner la possibilité à des requérants de déposer une demande d'asile en Suisse après leur arrivée sur le territoire helvétique (cf. ATAF 2015/5 consid. 4.1).

4.2 Suite à un arrêt rendu le 7 mars 2017 à titre préjudiciel par la Cour de justice de l'Union européenne, le Tribunal de céans, dans son arrêt F-7298/ 2016 du 19 juin 2017, a examiné de plus près la pratique en vigueur permettant de délivrer des visas à validité territoriale limitée en vue du dépôt d'une demande d'asile en Suisse.

4.2.1 Dans l'arrêt qu'elle a rendu le 7 mars 2017 (en la cause C-638/16 PPU, X. et X. contre Etat belge), la Cour de justice (grande chambre) avait en effet retenu, au chiffre 51 de cet arrêt, que l'article 1er du code des visas devait être interprété en ce sens « qu'une demande de visa à validité territoriale limitée introduite par un ressortissant d'un pays tiers pour raisons humanitaires, sur la base de l'art. 25 du Code des visas, auprès de la représentation de l'Etat membre de destination, située sur le territoire d'un pays tiers, dans l'intention d'introduire, dès son arrivée dans cet Etat membre, une demande de protection internationale et, par suite, de séjourner dans ledit Etat membre plus de 90 jours sur une période de 180 jours, ne rele[vait] pas de l'application dudit code, mais en l'état actuel du droit de l'Union, du seul droit national ».

4.2.2 Se référant à l'arrêt susmentionné, le Tribunal de céans, lorsqu'il a statué le 19 juin 2017 en la cause F-7298/2016, a considéré qu'il appartenait aux Etats membres de se prononcer, sur la base de leur propre droit national, sur la délivrance de visas humanitaires dans le but de permettre le dépôt de demandes d'asile (consid. 4.1) et expliqué les raisons pour lesquels il convenait de maintenir la pratique ayant été suivie jusque-là par les autorités helvétiques (consid. 4.2).

4.3 Il convient dès lors d'examiner si, en vertu de la pratique en vigueur en Suisse, des visas humanitaires à validité territoriale limitée peuvent être délivrés aux recourants en vue du dépôt d'une demande d'asile en Suisse.

5.

5.1 L'art. 2 al. 4 OEV permet, dans des cas déterminés, d'octroyer un visa d'entrée en Suisse pour raisons humanitaires, en dérogation aux conditions générales prévues dans le droit Schengen concernant la délivrance de visas. Une fois entré en Suisse, le détenteur d'un visa humanitaire doit déposer une demande d'asile dans les meilleurs délais. Sinon, il doit quitter le pays après trois mois (cf. Message du Conseil fédéral du 26 mai 2010 concernant la modification de la loi sur l'asile, FF 2010 4035, spéc. p. 4070s.).

5.2 Conformément à la directive du SEM no 322.126 (demandes de visa pour motifs humanitaires) du 25 février 2014 (état au 30 août 2016), un visa (national) pour des motifs humanitaires peut être délivré si, dans un cas d'espèce, la vie ou l'intégrité physique d'une personne sont directement, sérieusement et concrètement menacées dans son pays d'origine ou de provenance. L'intéressé doit se trouver dans une situation de détresse particulière qui rend indispensable l'intervention des autorités, d'où la nécessité de lui accorder un visa d'entrée en Suisse. Tel peut être le cas, par exemple, dans les situations de conflit armé particulièrement aiguës ou pour échapper à une menace personnelle bien réelle et imminente. Il est alors impératif d'examiner attentivement les spécificités de la demande de visa. Si l'intéressé se trouve déjà dans un Etat tiers, on peut considérer en règle générale qu'il n'est plus menacé.

Cette pratique a été instaurée par la directive éponyme du 28 septembre 2012, édictée par le SEM après consultation du Département fédéral des affaires étrangères [DFAE] dans le contexte de la modification urgente de la loi sur l'asile voulue par le législateur fédéral et entrée en vigueur le jour suivant (RO 2012 5359, 5363), qui visait à supprimer la possibilité de déposer une demande d'asile à l'étranger prévue par l'ancien art. 20 LAsi (sur la genèse de cette pratique, cf. ATAF 2015/5 consid. 4 ; Message du 26 mai 2010 précité, p. 4070s. ad art. 20 [abrogé]).

5.3 Conformément à la volonté du législateur fédéral, les conditions d'entrée en Suisse dans le cadre de la procédure d'octroi d'un visa humanitaire à validité territoriale limitée sont encore plus restrictives qu'elles ne l'étaient déjà en cas de dépôt d'une demande d'asile à l'étranger selon l'ancien art. 20 LAsi(cf. Message du 26 mai 2010 précité, p. 4070s. ad art. 20 [abrogé] ; ATAF 2015/5 consid. 4.1.3).

6.

6.1 En l'espèce, il ressort du dossier que les recourants sont des réfugiés palestiniens nés à Damas. A la fin de l'année 2012, ils ont été contraints de quitter la Syrie suite au bombardement du camp de Yarmouk (sis au sud de Damas) dans lequel ils résidaient et ont immédiatement trouvé refuge dans le camp d'Ein El-Helweh, situé près de Saïda dans le sud du Liban. Selon leurs déclarations, ils sont chacun au bénéfice d'un permis de résidence temporaire au Liban (renouvelable tous les trois mois) et sont enregistrés à l'UNRWA. Les recourants font valoir qu'en raison de leur situation personnelle, ils remplissent les conditions pour se voir délivrer un visa humanitaire - valable sur le seul territoire helvétique - leur permettant d'introduire une demande d'asile en Suisse. Ils se plaignent notamment des conditions de vie difficiles régnant dans le camp d'Ein El-Helweh (tant au niveau sanitaire qu'au plan sécuritaire) et des discriminations auxquelles ils sont soumis au Liban en matière d'accès au marché du travail.

6.2 Le Tribunal de céans, à l'instar de l'autorité inférieure, n'entend pas nier le fait que les conditions de vie dans les camps de réfugiés au Liban - qui ont été exacerbées par l'afflux massif de réfugiés palestiniens en provenance de la Syrie - sont très difficiles et que l'UNRWA se trouve momentanément dans l'incapacité de faire face à toutes les demandes d'aide financière ou médicale qui lui sont soumises. Il n'entend pas non plus mettre en doute le fait que les réfugiés palestiniens sont soumis au Liban à des discriminations, notamment en matière d'accès au marché du travail, et que l'afflux massif de réfugiés palestiniens dans ce pays est source de tensions (sur la situation des réfugiés palestiniens au Liban, cf. les arrêts du TAF F-7706/2015 du 27 mars 2017 consid. 6.4 et E-7891/2015 du 9 mars 2016 consid. 5.3.1). Ainsi le camp d'Ein El-Helweh - le plus grand camp de réfugiés palestiniens dans ce pays, qui accueillerait actuellement environ 60'000 ou 80'000 réfugiés, voire plus, suivant les sources - est sporadiquement le théâtre d'accrochages, parfois violents, entre des membres ou partisans de groupes islamistes rivaux vivant dans ce camp. Tel a notamment été le cas au mois d'août 2015, mais également plus récemment, ainsi que l'ont rapporté les médias.

6.3 Cela étant, le Tribunal de céans ne peut que confirmer l'analyse opérée par l'autorité inférieure, selon laquelle les intéressés, malgré les accrochages qui se produisent sporadiquement dans le camp dans lequel ils ont trouvé refuge, ne se trouvent pas, au Liban, dans une situation de conflit armé particulièrement aiguë, ni exposés personnellement à une menace réelle, grave et imminente, conditions prévues par le législateur fédéral pour la délivrance de visas humanitaires à validité territoriale limitée.

En effet, dans la mesure où les recourants sont enregistrés à l'UNRWA (un programme de l'Organisation des Nations unies ayant été mis en place précisément dans le but de soutenir les réfugiés palestiniens vivant au Proche-Orient en matière d'accès à l'emploi, à l'éducation, aux soins et au logement) et ont obtenu un permis de résidence temporaire (respectivement renouvelable) au Liban, il convient d'admettre qu'ils ont trouvé dans ce pays une protection suffisante. Bien que le Liban n'ait pas ratifié la Convention sur les réfugiés du 28 juillet 1951, rien ne permet de penser que cet Etat ne respecterait pas le principe de non-refoulement ancré dans cette convention, respectivement qu'il envisagerait d'expulser de force à destination de la Syrie des réfugiés palestiniens titulaires de permis de résidence temporaires sur son territoire, tels les recourants. Les intéressés n'avancent d'ailleurs aucun élément concret de nature à étayer leurs craintes.

En outre, comme l'observe l'autorité inférieure à juste titre, le fait que l'UNRWA, en raison de l'afflux massif au Liban de réfugiés palestiniens en provenance de la Syrie, ne soit pas toujours en mesure d'honorer toutes les demandes d'aides financières et médicales qui lui sont soumises ne permet pas, en soi, de conclure à une mise en danger générale et systématique de tous ces réfugiés. Le recourant a d'ailleurs reconnu, dans sa déclaration écrite du 19 janvier 2016, que l'UNRWA avait mis à sa disposition une voiture et a indiqué qu'il travaillait à temps partiel dans sa profession (à raison d'un jour par semaine). Force est dès lors de constater que l'intéressé a déjà pu bénéficier d'une aide matérielle conséquente de l'UNRWA - probablement dans le but de favoriser l'exercice de sa profession - et s'adonne effectivement à une activité professionnelle lui permettant de générer un revenu, même si celui-ci est très modeste. Il ne compte donc pas (ou plus) parmi les réfugiés palestiniens les plus vulnérables au Liban, d'autant moins qu'il peut au besoin bénéficier d'une aide financière des membres de sa famille installés en Suisse. Le fait que l'UNRWA ait momentanément suspendu ses aides financières à son endroit apparaît dès lors compréhensible et ne signifie pas qu'en cas de nécessité, lui et son épouse ne pourraient plus jamais obtenir un soutien financier quelconque de cette agence.

6.4 La situation médicale du recourant ne saurait remettre en cause cette appréciation.

Il ressort certes de l'audiogramme ayant été versé en cause que le test auditif auquel l'intéressé a été soumis le 18 juin 2014 au Liban a révélé que celui-ci souffrait d'une importante perte d'audition. Force est toutefois de constater que la déficience auditive dont est affecté le recourant (depuis plusieurs années) ne l'empêche pas d'exercer une activité professionnelle, et ce bien qu'il n'ait pas encore pu bénéficier d'un appareil auditif (selon ses dires). De plus, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé nécessiterait, en relation avec son problème d'audition, des soins permanents ou des mesures médicales d'urgence, indisponibles au Liban, sous peine d'entraîner rapidement une grave dégradation de son état, voire une mise en danger concrète de sa vie. Force est dès lors de constater que la déficience auditive dont souffre le recourant n'est pas de nature à l'exposer à une menace concrète, grave et immédiate de sa vie ou de son intégrité physique. Au demeurant, ainsi que l'observe l'autorité inférieure à juste titre, rien ne permet de penser que l'intéressé ne sera plus jamais en mesure d'obtenir une aide financière de l'UNRWA, qui lui permettrait par exemple d'acquérir un appareil auditif au Liban.

6.5 Il en va de même de l'avis de recherche produit par le recourant (cf. let. G supra), qui aurait été émis le 4 août 2016 par le groupe islamiste Jound al-Cham à son encontre et aux termes duquel il serait « recherché mort ou vif ».

Il est en effet notoire qu'à l'instar de l'intéressé, des membres et partisans de ce groupe islamiste vivent dans le camp d'Ein El-Helweh (cf. let. C et consid. 6.2 supra). Si ce groupe islamiste avait réellement activement recherché le recourant, il lui aurait dès lors été aisé de retrouver rapidement sa trace dans ce camp, ce d'autant plus que l'intéressé (qui est au bénéfice d'un permis de résidence temporaire) est enregistré au Liban, y compris auprès de l'UNRWA. Dans ce contexte, il est symptomatique de constater que les menaces de mort alléguées par le recourant n'ont jamais été étayées, ni au stade du recours (cf. le courriel du 26 mai 2016 ayant été annexé au recours, dans lequel l'intéressé s'était borné à indiquer : « une fraction [recte : une faction armée] m'a menacé de mort si je ne la rejoins pas »), ni au stade de la réplique, alors que l'autorité inférieure, dans sa réponse du 24 juin 2016, avait pourtant insisté sur le fait que ces menaces n'apparaissaient pas crédibles précisément parce qu'elles se résumaient à de simples allégations et n'étaient pas étayées. Dans ces circonstances, tout porte à penser que l'avis de recherche versé en cause en copie n'est qu'un simple document de complaisance établis pour les seuls besoins de la cause. Le contenu stéréotypé de ce document et le fait que celui-ci ait été produit sans la moindre explication postérieurement à l'échange d'écritures ne peut que corroborer cette appréciation.

6.6 En conséquence, tenant compte de la volonté du législateur fédéral de soumettre la délivrance de visas humanitaires à validité territoriale limitée à des conditions très restrictives (cf. consid. 5.3 supra), le Tribunal de céans estime que c'est à bon droit que l'autorité inférieure a considéré que les recourants ne se trouvaient pas concrètement dans une situation de danger grave et imminente ou dans une situation de conflit armé particulièrement aiguë justifiant l'octroi des visas sollicités.

7.

7.1 Le recourant se prévaut en outre de la présence de membres de sa famille en Suisse, sollicitant implicitement la délivrance d'un visa humanitaire à validité territoriale limitée fondé sur la protection de la vie privée et familiale garantie par l'art. 8 par. 1 CEDH.

7.2 On ne saurait toutefois perdre de vue que les relations familiales visées par cette norme conventionnelle sont avant tout celles qui existent entre époux ou entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun (cf. ATF 140 I 77 consid. 5.2, 137 I 113 consid. 6.1 et 135 I 143 consid. 1.3.2) et que, pour celles qui sortent du cadre de ce noyau familial (« Kernfamilie »), par exemple entre parents et enfants majeurs ou entre frères et soeurs, l'application de la norme susmentionnée suppose l'existence d'un rapport de dépendance particulier entre l'étranger et le proche parent établi en Suisse (cf. ATF 139 II 393 consid. 5.1, 137 I 154 consid. 3.4.2 et 135 I 143 consid. 3.1).

Tel est en particulier le cas si la personne dépendante souffre d'un handicap (physique ou mental) ou d'une maladie grave l'empêchant de vivre de manière autonome et de gagner sa vie et nécessitant une prise en charge permanente rendant irremplaçable l'assistance de proches parents dans sa vie quotidienne (cf. ATF 120 Ib 257 consid. 1/d-e ; arrêts du TF 2C_153/ 2017 du 27 juillet 2017 consid. 3.1.1, 2C_5/2017 du 23 juin 2017 consid. 2, 2C_1083/2016 du 24 avril 2017 consid. 4.2, 2C_614/2013 du 28 mars 2014 consid. 3.1, 2C_376/2013 du 22 mai 2013 consid. 2.2 et 2C_207/ 2012 du 31 mai 2012 consid. 3.4 ; ATAF 2007/45 consid. 5.3).

Des difficultés économiques ou la simple dépendance financière n'entrent pas dans les hypothèses visées par la jurisprudence, car une aide financière peut également être apportée depuis l'étranger (cf. les arrêts précités 2C_153/2017, 2C_1083/2016, 2C_614/2013 et 2C_376/2013, loc. cit., ainsi que les arrêts 2C_817/2010 du 24 mars 2011 consid. 4 et 2C_174/ 2007 du 12 juillet 2007 consid. 3.4).

Quant à l'art. 13 al. 1 Cst., il ne confère pas une protection plus étendue que la norme conventionnelle susmentionnée en matière de police des étrangers (cf. ATF 138 I 331 consid. 8.3.2, jurisprudence confirmée récemment par l'arrêt du TF 2C_153/2017 précité, loc. cit.).

7.3 En l'occurrence, le recourant est majeur et marié. En outre, comme on l'a vu, le handicap physique dont l'intéressé est affecté (audition déficiente) ne l'empêche pas d'exercer une activité professionnelle. Le recourant ne se trouve donc pas, vis-à-vis des membres de sa famille installés en Suisse, dans un état de dépendance particulier (tel que défini par la jurisprudence) susceptible de justifier la mise en oeuvre de l'art. 8 par. 1 CEDH.

8.

8.1 Dans ces conditions, le Tribunal de céans est amené à conclure que la décision sur opposition querellée est conforme au droit et opportune (cf. art. 49 PA).

8.2 Partant, le recours doit être rejeté.

8.3 Dès lors que les recourants sont indigents et que leurs conclusions n'étaient pas d'emblée vouées à l'échec au moment du dépôt du recours, la demande d'assistance judiciaire partielle (ou demande de dispense des frais de procédure) présentée par les intéressés est admise (cf. art. 65 al. 1 PA). Il est dès lors renoncé à percevoir des frais de procédure.

(dispositif page suivante)

Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :

1.
Le recours est rejeté.

2.
La demande d'assistance judiciaire partielle est admise.

3.
Il n'est pas perçu de frais de procédure.

4.
Le présent arrêt est adressé :

- aux recourants, par l'entremise de leur mandataire (Recommandé) ;

- à l'autorité inférieure, avec dossiers SYMIC ... et N ... en retour.

Le président du collège : La greffière :

Yannick Antoniazza-Hafner Claudine Schenk

Expédition :