Urteilskopf

93 I 708

89. Extrait de l'arrêt du 14 novembre 1967 dans la cause Société suisse des maîtres imprimeurs, section Genevoise, contre Grand Conseil du canton de Genève.
Regeste (de):

Regeste (fr):

Regesto (it):


Sachverhalt ab Seite 709

BGE 93 I 708 S. 709

A.- Le Grand Conseil du canton de Genève a adopté, le 19 mai 1967, une "loi instituant le dépôt légal", dont la teneur est la suivante: "Article 1. - Les imprimés de toute nature destinés au public, à l'exception de ceux qui sont visés à l'article 2, sont soumis à l'obligation du dépôt légal, qu'ils soient multipliés par l'impression proprement dite ou par tout autre procédé. Art. 2. - Sont exemptés du dépôt légal:
a) les travaux dits de ville, notamment lettres et cartes d'invitation, d'avis de visite, lettres et enveloppes à en-tête, faireparts, programmes de spectacles et de manifestations; b) les travaux dits administratifs, notamment les modèles, formules de reçus, factures ou actes, états, registres; c) les travaux dits de commerce, notamment les tarifs, instructions, modes d'emploi, étiquettes, cartes d'échantillon, avis publicitaires; d) les titres de valeurs financières et titres de propriété; e) les affiches non illustrées, sauf quand elles sont apposées en exemption du droit de timbre; f) les réimpressions pures et simples d'ouvrages déjà déposés; g) les imprimés que le Conseil d'Etat exempte du dépôt légal, par mesure générale, sur proposition de la bibliothèque publique et universitaire. Art. 3. - Tout éditeur établi dans le canton de Genève ou qui mentionne Genève comme l'un des lieux d'édition sur un livre ou sur une brochure, doit en déposer un exemplaire à la bibliothèque publique et universitaire, quel que soit le lieu d'impression. L'auteur qui est son propre éditeur est soumis à la même obligation.
BGE 93 I 708 S. 710

A défaut d'éditeur au sens de l'alinéa 1, la même obligation incombe à l'imprimeur établi dans le canton de Genève pour tout ouvrage sortant de ses presses. En ce qui concerne les ouvrages qui ne sont pas entièrement exécutés dans le canton de Genève, tout en étant soumis au dépôt légal hors de ce canton, le règlement d'exécution détermine les obligations des éditeurs ou imprimeurs. Art. 4. - En ce qui concerne les ouvrages de luxe ou tirés à moins de 250 exemplaires, l'éditeur a seulement l'obligation d'en déclarer l'impression à la bibliothèque publique et universitaire et, sur demande de cette dernière, de lui en remettre un exemplaire au prix coûtant. Art. 5. - Le Conseil d'Etat est chargé d'édicter le règlement d'exécution de la présente loi et de fixer l'entrée en vigueur de celle-ci." La loi faisait suite à un projet déposé par deux députés en 1949 et à l'échec de pourparlers en vue d'un projet de convention à passer entre les intéressés (la Société des maîtres imprimeurs et le Cercle des libraires et éditeurs) et la Bibliothèque publique et universitaire. Le dépôt légal était prévu déjà dans une loi genevoise du 2 mai 1827, dont l'art. 20 obligeait les imprimeurs à déposer à la chancellerie d'Etat, pour la Bibliothèque publique, deux exemplaires de tous les écrits imprimés dans le canton de Genève. Cet article resta inchangé après l'adoption de la constitution de 1847, dont l'art. 8, consacré à la liberté de la presse, disposait en son al. 4 qu'"aucune mesure fiscale ne peut grever les publications de la presse". Cependant, après un arrêt de la Cour de justice du 9 mars 1907, jugeant le dépôt légal incompatible avec l'art. 8 al. 4
SR 131.234 Verfassung der Republik und des Kantons Genf, vom 14. Oktober 2012 (KV-GE)
KV-GE Art. 8 Ziele - Die Republik und der Kanton Genf gewährleistet die Grundrechte und tritt für die gemeinsame Wohlfahrt, den gesellschaftlichen Zusammenhalt und den sozialen Frieden, die Sicherheit und die Bewahrung der natürlichen Ressourcen ein.
Cst. gen. l'art. 20 de la loi de 1827 tomba en désuétude et ne fut formellement abrogé qu'en 1941 par la loi pénale genevoise.
B.- Agissant par la voie du recours de droit public, la Section genevoise de la Société suisse des maîtres imprimeurs requiert le Tribunal fédéral de déclarer inconstitutionnelle et d'annuler la loi du 19 mai 1967; elle invoque les art. 4
SR 101 Bundesverfassung der Schweizerischen Eidgenossenschaft vom 18. April 1999
BV Art. 4 Landessprachen - Die Landessprachen sind Deutsch, Französisch, Italienisch und Rätoromanisch.
, 5
SR 101 Bundesverfassung der Schweizerischen Eidgenossenschaft vom 18. April 1999
BV Art. 5 Grundsätze rechtsstaatlichen Handelns - 1 Grundlage und Schranke staatlichen Handelns ist das Recht.
1    Grundlage und Schranke staatlichen Handelns ist das Recht.
2    Staatliches Handeln muss im öffentlichen Interesse liegen und verhältnismässig sein.
3    Staatliche Organe und Private handeln nach Treu und Glauben.
4    Bund und Kantone beachten das Völkerrecht.
et 31
SR 101 Bundesverfassung der Schweizerischen Eidgenossenschaft vom 18. April 1999
BV Art. 31 Freiheitsentzug - 1 Die Freiheit darf einer Person nur in den vom Gesetz selbst vorgesehenen Fällen und nur auf die im Gesetz vorgeschriebene Weise entzogen werden.
1    Die Freiheit darf einer Person nur in den vom Gesetz selbst vorgesehenen Fällen und nur auf die im Gesetz vorgeschriebene Weise entzogen werden.
2    Jede Person, der die Freiheit entzogen wird, hat Anspruch darauf, unverzüglich und in einer ihr verständlichen Sprache über die Gründe des Freiheitsentzugs und über ihre Rechte unterrichtet zu werden. Sie muss die Möglichkeit haben, ihre Rechte geltend zu machen. Sie hat insbesondere das Recht, ihre nächsten Angehörigen benachrichtigen zu lassen.
3    Jede Person, die in Untersuchungshaft genommen wird, hat Anspruch darauf, unverzüglich einer Richterin oder einem Richter vorgeführt zu werden; die Richterin oder der Richter entscheidet, ob die Person weiterhin in Haft gehalten oder freigelassen wird. Jede Person in Untersuchungshaft hat Anspruch auf ein Urteil innert angemessener Frist.
4    Jede Person, der die Freiheit nicht von einem Gericht entzogen wird, hat das Recht, jederzeit ein Gericht anzurufen. Dieses entscheidet so rasch wie möglich über die Rechtmässigkeit des Freiheitsentzugs.
Cst., la garantie constitutionnelle de la propriété et l'art. 8 al. 4
SR 131.234 Verfassung der Republik und des Kantons Genf, vom 14. Oktober 2012 (KV-GE)
KV-GE Art. 8 Ziele - Die Republik und der Kanton Genf gewährleistet die Grundrechte und tritt für die gemeinsame Wohlfahrt, den gesellschaftlichen Zusammenhalt und den sozialen Frieden, die Sicherheit und die Bewahrung der natürlichen Ressourcen ein.
Cst. gen. Le Grand Conseil conclut à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.
BGE 93 I 708 S. 711

Erwägungen

Considérant en droit:
1./2. - ...

3. La recourante invoque la garantie de la propriété, fondée sur l'art. 6
SR 131.234 Verfassung der Republik und des Kantons Genf, vom 14. Oktober 2012 (KV-GE)
KV-GE Art. 6 Bürgerrecht - Das Gesetz regelt Erwerb und Verlust des Genfer Bürgerrechts.
Cst. gen., mais qui est également une norme du droit constitutionnel fédéral non écrit (RO 89 I 98; 93 I 137). Plus précisément, elle prétend que le dépôt légal est une mesure d'expropriation subordonnée au versement d'une indemnité et qu'en conséquence, faute de prévoir le paiement des ouvrages déposés, la loi du 19 mai 1967 est inconstitutionnelle. Comme le constate la recourante elle-même, il n'est cependant pas question d'une expropriation formelle, laquelle ne peut viser, en droit genevois, que les droits réels immobiliers et les droits personnels sur les immeubles (art. 2 de la loi genevoise du 22 juillet 1933 sur l'expropriation pour cause d'utilité publique). En revanche, on peut se demander si l'on n'est pas en présence d'une atteinte analogue à l'expropriation, c'est-à-dire d'une expropriation matérielle. Il est vrai que la jurisprudence en la matière ne se rapporte en général qu'aux droits immobiliers; mais elle s'inspire de principes généraux qui valent pour les meubles comme pour les immeubles, les uns et les autres bénéficiant de la protection constitutionnelle (cf. RO 91 I 419 e; 74 I 470). Les particuliers ne peuvent pas prétendre avoir droit à une indemnité chaque fois qu'un acte étatique restreint leurs droits. Ce serait méconnaître les devoirs des citoyens envers la collectivité, aggraver les charges financières de celle-ci et entraver le fonctionnement des services publics que de faire dépendre d'une prestation de l'Etat toutes les mesures qu'il peut être appelé à prendre au préjudice de certains particuliers. La fidélité à la conception de l'Etat de droit n'en demande pas autant. En ce qui concerne les propriétaires, on peut au contraire poser le principe qu'ils doivent accepter sans compensation les limitations qui découlent de la réglementation des constructions, y compris des plans d'aménagements. Les dispositions sur l'emplacement, les dimensions, l'affectation ou le style des bâtiments leur imposent parfois un sacrifice important dans l'intérêt public, mais aucune indemnité ne leur est due de ce fait, en règle générale. Ils n'y ont droit que s'ils sont privés des facultés essentielles qu'implique le droit de propriété, ou s'ils subissent une atteinte notable qui engendre une inégalité de traitement (RO 91 I 338). En fait, ce n'est guère qu'en cas

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d'interdiction de bâtir sur un terrain qui se prête à la construction qu'ils recevront un dédommagement. Et encore, lorsqu'il leur est loisible d'exécuter leur projet sur un fonds qui n'est que partiellement grevé d'une interdiction de bâtir, ils n'obtiendront rien (RO 82 I 165; 89 I 385). D'ailleurs, ce n'est pas seulement dans le domaine des restrictions à la propriété que la jurisprudence tient compte de l'importance plus ou moins grande des intérêts en jeu: si, par exemple, elle exige en principe une base Iégale pour la perception des redevances, elle fait abstraction de cette exigence lorsqu'il ne s'agit que d'émoluments de chancellerie, en raison de leur montant modique (RO 82 I 28; 84 I 93). Il résulte de la jurisprudence exposée, applicable en l'espèce "mutatis mutandis", qu'un particulier ne saurait exiger de l'Etat une contre-prestation en échange des prestations qu'il est appelé à lui fournir, lorsque la valeur en est minime. Il en est ainsi du dépôt légal, du moins en principe. En règle générale, il porte beaucoup moins lourdement atteinte à la propriété que mainte limitation qui ne donne pas lieu à indemnisation. D'ordinaire, la charge sera nulle ou insignifiante pour l'imprimeur: dans la plupart des cas, l'exemplaire déposé appartiendra à l'éditeur ou à l'auteur, qui l'aura payé d'une manière ou d'une autre; et si, par extraordinaire, l'imprimeur doit remettre un imprimé dont il est propriétaire, il lui sera possible de le distraire de sa collection de "chaperons", c'est-à-dire des ouvrages qu'il retient selon l'usage, sans en verser la contrevaleur. D'ailleurs pour l'éditeur ou l'auteur, l'obligation est presque aussi légère: ou bien l'imprimé est sans importance, et son dépôt ne coûtera pratiquement rien; ou bien il s'agit d'une oeuvre qui mérite quelque publicité, et l'éditeur ou l'auteur prélèvera sans inconvénient sérieux, parmi les exemplaires réservés au service de presse, celui qu'il remettra à l'Etat; s'il peut y avoir un certain préjudice, il ne deviendra effectif que si le tirage est épuisé, ce qui est loin d'être le cas général. Dès lors, quelque soit le point de vue auquel on se place, la gratuité du dépôt légal ne viole pas en principe la garantie de la propriété. Cette conclusion ne se justifie cependant pas dans tous les cas. Lorsque la valeur d'un imprimé dépasse un certain montant, par exemple une cinquantaine de francs, on ne peut plus parler d'une prestation minime, et le devoir de déposer appelle
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une compensation. Mais l'art. 4 de la loi du 19 mai 1967 tient compte de cette considération en réglant spécialement le cas des ouvrages de luxe ou tirés à moins de 250 exemplaires: l'éditeur est alors simplement tenu d'annoncer l'impression et, sur demande, de remettre un exemplaire au prix coûtant. Sans doute, si l'expression "ouvrage de luxe" est prise dans un sens étroit et se rapporte uniquement aux oeuvres imprimées sur un papier rare ou munies de riches illustrations, à l'exception par exemple des textes scientifiques, la réserve de l'art. 4 paraît insuffisante; interprétées dans ce sens, les dispositions sur le dépôt légal ne s'accorderaient pas dans tous les cas avec la garantie de la propriété. Mais on peut entendre aussi, par "ouvrage de luxe", tous les livres d'une valeur particulière, ce qui suffit à rendre le dépôt légal compatible avec le principe constitutionnel. Or, entre deux interprétations admissibles, l'une contraire et l'autre conforme à la constitution, il s'impose d'adopter la seconde (RO 92 I 433; IMBODEN, Festschrift für Hans Huber, p. 138 ss.; SPANNER, Archiv für öffentl. Recht, vol. 91 p. 504 ss.). C'est dire qu'en l'espèce, il y a lieu d'attribuer à l'art. 4 une acception large, en admettant qu'il vise tous les imprimés dont le prix de revient atteint un montant déterminé. C'est d'ailleurs la solution qu'admet implicitement le Grand Conseil dans sa réponse, en déclarant que l'Etat procédera à l'achat des ouvrages dont le dépôt entraîne un sacrifice patrimonial calculable. Ainsi le système du dépôt légal peut être tenu, dans son ensemble, pour conciliable avec la garantie de la propriété, à condition d'appliquer l'art. 4 à toutes les publications d'un coût assez élevé. Il n'appartient pas à la cour de céans d'en fixer le montant, mais au Conseil d'Etat, chargé d'édicter les dispositions nécessaires à l'exécution de la loi. Cependant, dans les circonstances actuelles, il semblerait raisonnable de ne pas fixer au-delà de 50 fr. la valeur à partir de laquelle un imprimé, sans être un "ouvrage de luxe" au sens étroit, devrait néanmoins être considéré comme tel et tomber sous le coup de l'art. 4 de la loi. Sous cette conditon, le moyen fondé sur la garantie de la propriété doit être rejeté.
4. La recourante soutient que la loi attaquée viole également la liberté du commerce et de l'industrie: d'une part, en obligeant l'imprimeur à déposer tous les imprimés, dont certains sont secrets, elle l'expose à perdre des clients au profit de
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ses concurrents d'autres cantons; d'autre part, en tant que mesure de politique économique prohibée en principe par la constitution, le dépôt légal est aussi contraire au principe de proportionnalité, l'Etat pouvant atteindre son but par d'autres moyens, moins onéreux pour l'imprimeur, par exemple en achetant toutes les publications éditées ou imprimées à Genève, ou en exerçant sur elles un droit de préemption. Le premier argument est manifestement mal fondé. En ne soumettant au dépôt légal que les imprimés "destinés au public" (art. 1er), la loi exclut a contrario l'obligation de déposer des documents confidentiels. Les imprimeurs n'auront donc pas à se dessaisir de pièces secrètes et ne seront pas, sur ce pomt, désavantagés par rapport à leurs concurrents. En ce qui concerne le second argument, il faut constater que le dépôt légal n'est pas une mesure de politique économique: il n'est pas destiné à exercer une influence déterminée sur tel ou tel secteur de l'économie. Il ne constitue pas davantage une restriction de nature policière: la recourante elle-même ne le prétend d'ailleurs pas. Si l'on cherche à le ranger dans l'une des catégories dans lesquelles on classe habituellement les limitations de la liberté du commerce et de l'industrie, c'est avec l'impôt spécial frappant une branche économique qu'il montrerait le plus d'analogie. Mais on a vu ci-dessus (consid. 2 a) qu'il ne constitue pas un impôt, en tout cas pas au sens de l'art. 8 al. 4
SR 131.234 Verfassung der Republik und des Kantons Genf, vom 14. Oktober 2012 (KV-GE)
KV-GE Art. 8 Ziele - Die Republik und der Kanton Genf gewährleistet die Grundrechte und tritt für die gemeinsame Wohlfahrt, den gesellschaftlichen Zusammenhalt und den sozialen Frieden, die Sicherheit und die Bewahrung der natürlichen Ressourcen ein.
Cst. gen. A vrai dire, l'institution du dépôt légal constitue une charge administrative sui generis. Mais cela ne veut pas dire qu'elle soit soumise à l'arbitraire des pouvoirs publics. Elle doit au contraire, en tant que restriction à la liberté du commerce et de l'industrie, respecter l'égalité juridique à l'intérieur d'une même branche économique, ainsi que le principe dit de la proportionnalité (cf. MARTI, Die Handels- und Gewerbefreiheit nach den neuen Wirtschaftsartikeln, p. 84/85). La recourante n'a pas prétendu que le dépôt légal constituait une inégalité de traitement, sauf en ce qui concerne le dépôt des documents confidentiels; mais on a vu ci-dessus que, sur ce point, le grief soulevé se révélait mal fondé. Elle n'a pas non plus prétendu que le dépôt légal limitait sur d'autres points la capacité de concurrence des imprimeurs genevois par rapport à ceux des cantons où une telle obligation n'existe pas; c'est d'ailleurs en vain qu'elle l'aurait fait: la diversité des législations
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cantonales, en tant que conséquence de la structure fédérative de la Suisse et de la sphère d'autonomie dont jouissent les cantons, n'est pas contraire au principe de l'égalité de traitement (RO 93 I 311 consid. 2 c, 336 consid. 5 a; 91 I 491; 80 I 349 consid. 3). La recourante prétend en revanche que le dépôt légal est contraire au principe dit de la proportionnalité. Selon ce principe, la mesure restrictive doit être adaptée au but visé, en particulier elle ne doit pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ce but. La recourante ne conteste pas, dans son recours, l'utilité publique du dépôt légal comme moyen de conserver le patrimoine culturel cantonal; elle ne s'oppose pas à ce que tous les imprimés genevois destinés au public, hormis ceux qu'énumère l'art. 2 de la loi attaquée, soient déposés à la Bibliothèque publique. Elle demande seulement que le but recherché soit atteint par une mesure moins restrictive, à savoir le paiement par l'Etat des oeuvres déposées. Mais une mesure restrictive de la liberté du commerce et de l'industrie n'est pas contraire au principe de la proportionnalité simplement parce qu'elle ne donnerait pas lieu à indemnité. Tant qu'elle se justifie en elle-même par un intérêt public et qu'elle ne va pas au-delà du but recherché, une telle mesure doit être tenue pour conforme à ce principe; la question d'une éventuelle indemnisation doit être résolue à la lumière de la jurisprudence développée par le Tribunal fédéral, notamment en matière d'expropriation matérielle. Or - on l'a vu ci-dessus - le dépôt gratuit des imprimés, assorti de l'exception relative aux ouvrages de luxe au sens large, ne constitue qu'une charge minime pour les intéressés; cette charge n'est pas plus lourde que celle qui découle des restrictions apportées à la propriété foncière dans l'intérêt public; elle ne va pas au-delà des sacrifices demandés aux individus par l'Etat moderne, dans maints secteurs où l'intérêt de la collectivité l'exige. Si l'on voulait adopter une autre solution, notamment contraindre l'Etat à indemniser les intéressés pour tous les imprimés qu'ils doivent déposer, on se mettrait en contradiction avec les principes posés pour l'indemnisation en matière d'expropriation matérielle; cela reviendrait à accorder à la propriété, en l'espèce, une protection plus large que celle que lui reconnaît la jurisprudence, en d'autres termes à éluder cette jurisprudence: on ne peut s'engager dans cette voie.
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Ainsi le dépôt légal institué par la loi attaquée, assorti des modalités précisées ci-dessus, n'est pas contraire à la liberté du commerce et de l'industrie, ni au principe dit de proportionnalité qui lui sert de sauvegarde.
Dispositiv

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Rejette le recours dans le sens des considérants.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 93 I 708
Date : 14. November 1967
Publié : 31. Dezember 1967
Source : Bundesgericht
Statut : 93 I 708
Domaine : BGE - Verfassungsrecht
Objet : Eigentumsgarantie; Handels- und Gewerbefreiheit: Grundsatz der Verhältnismässigkeit. Pflicht zur unentgeltlichen Abgabe


Répertoire des lois
Cst: 4 
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche.
5 
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 5 Principes de l'activité de l'État régi par le droit - 1 Le droit est la base et la limite de l'activité de l'État.
1    Le droit est la base et la limite de l'activité de l'État.
2    L'activité de l'État doit répondre à un intérêt public et être proportionnée au but visé.
3    Les organes de l'État et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi.
4    La Confédération et les cantons respectent le droit international.
31
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 31 Privation de liberté - 1 Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit.
1    Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit.
2    Toute personne qui se voit privée de sa liberté a le droit d'être aussitôt informée, dans une langue qu'elle comprend, des raisons de cette privation et des droits qui sont les siens. Elle doit être mise en état de faire valoir ses droits. Elle a notamment le droit de faire informer ses proches.
3    Toute personne qui est mise en détention préventive a le droit d'être aussitôt traduite devant un ou une juge, qui prononce le maintien de la détention ou la libération. Elle a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable.
4    Toute personne qui se voit privée de sa liberté sans qu'un tribunal l'ait ordonné a le droit, en tout temps, de saisir le tribunal. Celui-ci statue dans les plus brefs délais sur la légalité de cette privation.
cst GE: 6 
SR 131.234 Constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012 (Cst.-GE)
Cst.-GE Art. 6 Droit de cité - La loi règle l'acquisition et la perte de la nationalité genevoise.
8
SR 131.234 Constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012 (Cst.-GE)
Cst.-GE Art. 8 Buts - La République et canton de Genève garantit les droits fondamentaux et s'engage en faveur de la prospérité commune, de la cohésion et de la paix sociales, de la sécurité et de la préservation des ressources naturelles.
Répertoire ATF
74-I-465 • 80-I-344 • 82-I-157 • 82-I-21 • 84-I-89 • 89-I-381 • 89-I-92 • 91-I-329 • 91-I-409 • 91-I-480 • 92-I-427 • 93-I-130 • 93-I-305 • 93-I-708
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
1847 • abstraction • affiche • analogie • autorité législative • avantage • brochure • calcul • carte géographique • communication • condition • conseil d'état • construction et installation • contre-prestation • copie • doute • droit constitutionnel • droit de préemption • droit personnel • droits de timbre • droits réels • décision • décompte • effet • entrée en vigueur • expropriation formelle • expropriation matérielle • frais • garantie de la propriété • imprimeur • imprimé • impôt spécial • incombance • indemnité • interdiction de bâtir • intérêt public • liberté de la presse • librairie • limitation • membre d'une communauté religieuse • mention • mesure de politique économique • mode d'emploi • montre • parlement • plan sectoriel • presse • principe constitutionnel • prix coûtant • proportionnalité • propriété foncière • publicité • recours de droit public • restriction à la propriété • suie • titre • tombe • tribunal fédéral • utilité publique • viol • vue • à l'intérieur • égalité de traitement