S. 155 / Nr. 35 Schuldbetreibungs- und Konkursrecht (f)

BGE 79 III 155

35. Arrêt du 30 octobre 1953 dans la cause Viret.


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Regeste:
Les pourboires sont saisissables. Manière de procéder à la saisie des
pourboires.
Trinkgelder sind pfändbar. Wie ist die Pfändung vorzunehmen? Art. 93 SchKG.
Le mance sono pignorabili. Modo di procedere al pignoramento di mance.

A. - Dans la poursuite no 6295 dirigée par la Banque cantonale vaudoise contre
Dame Suzanne-Louise Viret, l'Office des poursuites de Genève a délivré, le 21
août 1953, un acte de défaut de biens remplaçant l'acte délivré le 7 du même
mois. Le procès-verbal de saisie constate que la débitrice, divorcée et ne
touchant pas de pension alimentaire, ne possède pas de biens mobiliers
saisissables et qu'une saisie de salaire est impossible, la débitrice
travaillant comme sommelière sans salaire, uniquement rétribuée par les
pourboires, et ses gains étant ainsi très variables et incontrôlables.
B. - Le 4 septembre 1953, la créancière a porté plainte en demandant à
l'autorité de surveillance de déterminer le salaire de la débitrice et d'en
saisir une partie en mains de son employeur.
Par décision du 23 septembre 1953, l'autorité de surveillance a statué dans
les termes suivants: "Admet la plainte en ce sens que la débitrice Madame
Suzanne-Louise Viret sera avisée qu'il est saisi en ses mains sur ses gains
comme sommelière 10 fr. 40 par semaine et qu'elle est tenue de verser cette
somme à l'office chaque semaine".
Cette décision est motivée de la manière suivante:
Il résulte de l'interrogatoire de la débitrice qu'elle travaille six jours par
semaine comme sommelière dans un café peu important. Elle est nourrie, mais
non logée; elle reçoit en moyenne 10 fr. de pourboires par jour. Ses gains
peuvent être évalués à 360 fr. par mois. Ses charges (entretien, loyer,
assurance-chômage) s'élèvent à 315 fr.

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par mois. La quotité saisissable par mois est de 360 fr. moins 315 fr., soit
45 fr. ou 10 fr. 40 par semaine. Cette somme ne peut être saisie en mains de
Mme de Torrenté, propriétaire du café, puisqu'elle ne verse aucune somme à sa
sommelière. Elle sera saisie en mains de la débitrice qui devra verser 10 fr.
40 par semaine à l'Office, son attention étant attirée sur les conséquences
pouvant résulter de la non-observation de la saisie faite en ses mains.
C. - Dame Viret a recouru à la Chambre des poursuites et des faillites du
Tribunal fédéral en exposant qu'ayant à verser chaque mois la somme de 100 fr.
à deux de ses créanciers, il lui est impossible de verser 10 fr. 40 chaque
semaine à l'Office pour la Banque cantonale vaudoise.
Considérant en droit
1.- Le fait que la recourante serait déjà tenue, comme elle le prétend, de
verser chaque mois la somme de 50 fr. à deux autres créanciers ne met pas
obstacle à la saisie. Opposer des engagements de ce genre à la créancière
poursuivante, alors que celle-ci est seule au bénéfice d'une saisie,
équivaudrait en effet à assurer aux deux autres créanciers un privilège
exorbitant du droit commun. Les seules dépenses dont la recourante pouvait
légitime ment faire état étaient celles qu'occasionne son entretien et dont il
y a lieu de supposer du reste que l'autorité cantonale a suffisamment tenu
compte en les évaluant à 315 fr. par mois, puisque la recourante ne discute
pas ce chiffre.
2.- La question se pose en revanche de savoir si la saisie ne doit pas être
annulée d'office, faute d'avoir porté sur un bien susceptible d'être saisi.
Tel serait le cas, il est vrai, si l'on devait se ranger à l'opinion exprimée
dans l'arrêt Bouchardy du 13 septembre 1912 (RO 38 I 659 et suiv.). La Chambre
des poursuites et des faillites du Tribunal fédéral a jugé en effet que si,
pour fixer la quotité saisissable de salaire d'un employé qui perçoit des

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pourboires des clients de son patron en sus de la rétribution due par ce
dernier, il importait de tenir compte non seulement du montant de cette
rétribution, mais aussi de ce qu'il pouvait percevoir en fait de pourboires,
ceux-ci représentant en définitive une part appréciable de son revenu, il ne
pouvait cependant être question de saisir les pourboires comme tels. A l'appui
de cette décision, on invoquait le caractère aléatoire des pourboires,
l'impossibilité d'en déterminer à l'avance la valeur et surtout le fait que
les rapports qui s'établissaient entre l'employé et les clients du patron ne
créaient aucune obligation d'ordre pécuniaire à la charge de ceux-ci.
Si l'on part du principe que la saisie ne peut porter que sur des corps
certains, des créances ou des droits susceptibles d'évaluation pécuniaire,
cette décision échappe sans doute à toute critique. Comme le pourboire n'est
pas une gratification qui est due à l'employé, une saisie ne pourrait en effet
se concevoir, dans ce système, que sous forme de saisie des espèces mêmes qui
sont remises à l'employé. Mais cette saisie-là est évidemment irréalisable.
Elle supposerait qu'un employé de l'office fût en permanence aux côtés du
débiteur, car il n'est pas possible de saisir une chose corporelle sans la
déterminer dans sa matérialité.
Il convient toutefois de reconnaître qu'en excluant la saisissabilité des
pourboires on aboutit à des résultats choquants. Non seulement on favorise
injustement une certaine catégorie d'employés, c'est-à-dire ceux qui sont
rétribués en tout ou en partie par des pourboires, mais on risque de créer un
privilège en faveur de certains d'entre eux. On sait en effet que parmi ces
employés les uns sont tenus de verser les pourboires dans un tronc commun,
alors que les autres n'ont pas à en rendre compte. Or, tandis que les premiers
pourraient voir saisir la créance qu'ils possèdent contre le gérant du tronc,
les seconds seraient en mesure de disposer de tout leur gain au mépris des
droits de leurs créanciers. Il est cependant certain

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qu'en matière de saisie la loi n'a pas entendu distinguer entre les débiteurs
selon le mode de leur rétribution, et du moment que le pourboire est pour
certains employés une source de revenu normale, il n'y a pas de raison pour ne
pas en permettre la saisie.
Certes, lorsque comme en l'espèce, l'employé est uniquement rétribué par les
pourboires et n'a pas l'obligation de les verser dans une caisse commune, ne
sera-t-il pas possible de procéder à la saisie autrement qu'en lui intimant
l'ordre de payer à l'office des poursuites une somme égale à la part de son
gain qui excède celle qui aura été jugée nécessaire pour son entretien et
celui de sa famille. Mais une telle sommation suffit pour valider la saisie.
En effet, s'il est possible de saisir un salaire futur et encore incertain en
intimant simplement an débiteur l'ordre de verser à l'office une part du gain
qu'il viendrait à réaliser à partir du jour où il trouverait une occupation
(RO 78 III 129), on ne voit pas pourquoi il ne serait pas également possible
de saisir une part de la valeur de ses pourboires en le sommant de verser à
l'office une somme déterminée. Pour éviter toutefois que cette sommation ne
demeure sans effet, il importera de l'aviser en même temps que, faute par lui
de s'exécuter, il encourra les sanctions prévues par l'art. 169 du code pénal.
C'est donc avec raison en l'espèce que l'autorité de surveillance a invité
l'office des poursuites à aviser la débitrice qu'elle aura à lui verser chaque
semaine la somme de 10 fr. 40. Il y aura lieu cependant de compléter cette
communication par la menace des sanctions de l'art. 169 CPS en cas
d'insoumission.
La Chambre des poursuites et des la faillites prononce: Le recours est rejeté.
Entscheidinformationen   •   DEFRITEN
Dokument : 79 III 155
Datum : 01. Januar 1953
Publiziert : 30. Oktober 1953
Quelle : Bundesgericht
Status : 79 III 155
Sachgebiet : BGE - Schuldbetreibungs- und Konkursrecht
Gegenstand : Les pourboires sont saisissables. Manière de procéder à la saisie des pourboires.Trinkgelder sind...


BGE Register
38-I-659 • 78-III-126 • 79-III-155
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